Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux avec l'audition de M. Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) depuis huit ans.
Notre commission d'enquête a entrepris d'évaluer l'ampleur du recours par les personnes publiques à des prestations de conseil et d'en comprendre les ressorts ainsi que les modalités.
Dans le secteur de la santé, le recours à plusieurs cabinets de conseil, dont McKinsey, dans l'organisation de la campagne de vaccination a particulièrement retenu l'attention de l'opinion publique, mais les cabinets de conseil interviennent depuis plus longtemps à l'hôpital, avec une accélération au début des années 2000, dans le cadre de la réorganisation hospitalière. Certains sociologues évoquent même une « consultocratie » hospitalière.
Nous serons intéressés, Monsieur le directeur général, par votre point de vue opérationnel sur l'ensemble de ces questions et, plus spécifiquement, sur les modalités de recours, par l'AP-HP, à des prestations de conseil.
Cette audition est ouverte au public et à la presse. Elle est retransmise en direct sur le site Internet du Sénat. En raison du contexte sanitaire, les collègues peuvent également intervenir par visioconférence.
Comme pour toutes les personnes auditionnées, je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible de sanctions pénales, qui peuvent aller, selon les circonstances, de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 à 100 000 euros d'amende.
Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites : « Je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Martin Hirsch prête serment.
Je vous laisse la parole pour une intervention liminaire, sur la base des éléments du questionnaire que nous vous avons déjà transmis.
Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les sénateurs, les hôpitaux sont en effet très sollicités par les cabinets de conseil et les cabinets de consultants.
Vous avez rappelé que je suis depuis plus de huit ans directeur général de l'AP-HP. Une des premières décisions que j'ai prise a été de mettre fin à des prestations et à ne pas utiliser des marchés « ouverts » avec de grands cabinets de consultants pour des prestations stratégiques pour l'AP-HP, qui représentaient des montants significatifs.
Le rapport de la chambre régionale des comptes qui a couvert les années 2010 à 2015 a constaté un net ralentissement : « À partir du 13 novembre 2013 » - date à laquelle j'ai été nommé - « le recours aux conseils en gestion et/ou en stratégie a été plus limité et a recouvré des montants plus modestes. La plupart des contrats ayant été passés à l'initiative des groupes hospitaliers, il n'y a plus eu notamment aucune prestation de conseil auprès du directeur général ».
Pourquoi cela ? Je rappelle le paysage de l'AP-HP : un budget de 8,3 milliards d'euros par an, 100 000 personnes qui y travaillent, environ 800 services médicaux répartis dans six grands groupes hospitaliers, le premier CHU européen, 10 % de l'ensemble des lits d'hospitalisation de France et un peu plus de 40 % de l'ensemble de la recherche clinique de notre pays, avec un système d'information développé et complexe, la gestion d'un grand parc immobilier, l'une des plus grandes blanchisseries de France, etc.
C'est donc un grand ensemble, sur lequel nous avons beaucoup de décisions stratégiques à prendre et beaucoup d'expertises à mener.
Il m'a donc semblé qu'il valait mieux internaliser l'expertise plutôt que de se reposer sur des cabinets extérieurs. Je ne citerai pas le nom des grands cabinets qui détenaient des marchés assez récurrents avec l'AP-HP. Nous avons développé une expertise interne en créant la direction de la stratégie et de la transformation, dans laquelle nous trouvons des profils d'experts, dont certains ont pu commencer leur carrière dans le conseil, sur le terrain, ou alterner entre les différents postes. Peut-être certains rejoindront-ils ensuite un cabinet de conseil compte tenu de leurs compétences, mais cela permet de disposer d'une équipe interne qui connaît les établissements, entre dans le cadre de nos choix stratégiques et techniques et nous éclaire.
Leur intervention porte sur le travail que l'on réalise sur le fonctionnement des blocs opératoires, les durées de séjour des patients, la fluidité des parcours dans les différents domaines - courts séjours, soins de suite, longs séjours -, le fonctionnement du circuit du médicament, etc., qui sont des domaines majeurs. Nous avons là des équipes dont la compétence est reconnue par les acteurs hospitaliers.
Je n'ai pas fait le point sur ce que cela change en termes de dépenses, mais pouvoir compter sur des interlocuteurs qui ont fait le choix de travailler dans l'hôpital et d'endosser un statut public est, me semble-t-il, plus opérationnel pour nous, plus cohérent avec les valeurs hospitalières, et probablement aussi plus économique à l'heure que de recourir à des cabinets de conseil.
Il n'empêche que, pour des sujets circonscrits et techniques, nous faisons appel à des dépenses de conseil dont l'ordre de grandeur est de 2,5 millions d'euros par an sur 2019, 2020 et 2021, soit 7 751 890 euros sur un budget de 8,3 milliards d'euros.
Sur cette somme, 1,5 million d'euros représente les prestataires qui nous aident au codage des actes. Pour que l'hôpital se fasse payer, il faut qu'il transforme l'intervention d'une opération de la vésicule biliaire, par exemple, en un code qui, transmis à la sécurité sociale, déclenche le financement. Ce sont des opérations techniques que nous sous-traitons en partie à des cabinets spécialisés, tout en travaillant à des outils permettant d'automatiser ce travail, le souhait étant de faire en sorte que les médecins ne passent pas trop de temps - ils détestent cela et se sont même mis en grève à ce sujet - à exécuter une tâche assez rébarbative.
Les outils innovants représentent quant à eux 1,1 million d'euros de dépenses. Nous avons étudié comment transformer notre organisation logistique en recourant à des plateformes plutôt qu'à un fonctionnement interne.
Une somme d'un million d'euros sur trois ans a été consacrée aux prestations de communication. Nous sous-traitons aussi une partie de l'organisation des élections professionnelles. Nous avons fait appel à du conseil sur la gestion de notre parc de logements. Je fais également entrer là-dedans les expertises du CHSCT pendant cette période, pour 260 000 euros.
Durant les deux dernières années, marquées par la crise du covid-19, nous avons dépensé 143 000 euros en conseil. Ce sont des montants assez modestes dans le total des dépenses de l'AP-HP.
À ces dépenses s'ajoutent celles qui ont trait au système d'information, que je n'ai pas intégré dans ce décompte. En matière de conseil et de conseil stratégique, elles s'élèvent sur trois ans à 5,2 millions d'euros, avec différentes prestations d'assistance aux évolutions. Nous avons ainsi bénéficié, pour un peu plus de 200 000 euros, d'une prestation destinée à accompagner la réalisation de notre schéma directeur.
Certains rapports réalisés par des cabinets d'expertise tout à fait compétents, qui livrent des tonnes de documents, sont rangés dans un coin. S'agissant du système d'information, nous disposions de deux personnes à plein temps pour définir le schéma directeur, aidées d'un cabinet de conseil, mais ce n'est pas lui qui s'est substitué à nos personnels.
Je précise qu'en matière de système d'information, nous avons, au-delà des prestations de conseil stratégique, beaucoup de prestataires, ce qui est à mon sens un autre sujet, que nous partageons avec beaucoup d'établissements publics.
Les conditions dans lesquelles nous pouvons embaucher et rémunérer des spécialistes font que nous ne pouvons pas toujours nous doter des bonnes compétences. Une partie de l'aide à la maîtrise d'ouvrage et de l'assistance technique est donc confiée à des prestataires extérieurs, qui coûtent plus cher à la puissance publique.
Nous avons par exemple, pour la hotline des systèmes d'information, un dispositif mixte avec du personnel de l'AP-HP et des prestataires extérieurs, de telle sorte qu'on puisse à un moment donné réinternaliser les choses. Nous devons réaliser un gros travail pour faire en sorte que les grilles de rémunération puissent s'adapter à ces problématiques.
Pendant la crise du covid-19, nous avons été approchés par un certain nombre de cabinets de conseil pour une assistance gratuite. Nous n'y avons pas eu recours. En revanche, des membres de sociétés de conseil, au chômage technique durant cette période, sont venus, avec quelques milliers d'autres renforts, durant la première vague, travailler bénévolement et avec l'accord de leur employeur. Nous avons ainsi bénéficié d'une solidarité extraordinaire de la part des personnels navigants des avions cloués au sol.
Je crois qu'ils étaient en chômage partiel durant cette période, mais cela a été extrêmement utile. Certains de ces professionnels ont contribué à nous aider à monter le système de suivi à domicile des patients atteints de covid-19, dit Covidom, qui a concerné 500 000 malades, et pour lequel nous avons organisé de grandes plateformes. Ces compétences ont été très utiles dans ce domaine.
Je suis prêt à mettre à votre disposition les fichiers et les documents permettant de voir les différentes prestations auxquelles nous avons eu recours mais il me semble qu'il est possible de définir et d'appliquer la stratégie d'un grand établissement comme le nôtre en ayant une expertise stratégique interne, sans avoir besoin de grands cabinets anglo-saxons ou français.
En revanche, je pense qu'il est impossible, en l'état actuel, de se priver, sur des points ponctuels, de l'éclairage des experts. J'y recours sans que cela me pose de problèmes. Je citais le patrimoine immobilier : nous n'avons pas d'équipe spécialisée dans ce domaine, où les cabinets de conseil qui ont travaillé avec d'autres bailleurs peuvent nous aider, dans le cadre de prestations limitées, techniques et suivies.
Il est ainsi extrêmement compliqué de tout internaliser dans les systèmes d'information, à tel point que nous nous sommes posé la question, il y a quelques années, avant la crise du covid-19, de savoir si nous n'avions pas intérêt à créer une filiale informatique de l'AP-HP. Nous n'avons pas réactivé cette réflexion, car il est extrêmement compliqué, dans un établissement public à caractère administratif, de se passer de sous-traitants.
Monsieur le directeur général, je vous remercie pour les propos que vous avez pu tenir. Vous avez déclaré que, dès votre arrivée, vous aviez mis fin à la collaboration de l'AP-HP avec certains cabinets de consultants, jugeant les prestations trop onéreuses. Je profite de ce moment pour dire qu'on peut s'accorder sur le fait qu'il existe beaucoup de compétences dans le domaine hospitalier. Nous avons pu le vérifier pendant la crise sanitaire, qui n'est malheureusement pas terminée.
Comment les prestations des cabinets de conseil ont-elles été perçues par les personnels de l'AP-HP ?
Plutôt mal... Autant le fait de travailler, y compris dans le corps médical, sur un projet donné avec un regard extérieur ne pose aucun problème, autant le fait d'avoir une sorte d'abonnement auprès de grands cabinets de consultants et de personnes pour lesquelles l'hôpital n'est qu'un client n'était pas perçu positivement.
Je n'ai donc rencontré aucune récrimination quand nous avons mis fin à ces prestations.
Plus généralement, nous avons auditionné Santé publique France sur le sujet de la crise sanitaire. De votre point de vue, la multiplication des agences ne conduit-elle pas à une dispersion des compétences et, in fine, à un recours plus important aux cabinets de conseil ?
Je ne le crois pas.
J'ai connu l'époque où les agences sanitaires n'existaient pas et où l'expertise résidait dans les seules directions de l'administration centrale, ce qu'on a reproché lors de l'affaire du sang contaminé.
C'est à l'initiative du Sénat, dans le cadre de la loi du 4 janvier 1993, puis dans celle du 1er juillet 1998, qu'ont été créées les agences sanitaires pour permettre à l'État de disposer d'une expertise publique.
Le ministère avait proposé de créer une seule agence pour la sécurité alimentaire et la sécurité du médicament, ce qui a été refusé par le Sénat en 1998 par crainte que les aliments soient assimilés à des médicaments.
Il a été décidé, comme dans d'autres pays, de recourir à des agences spécialisées : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, Santé publique France, Agence de la biomédecine. Cette spécialisation est plutôt cohérente avec des expertises assez différentes d'un domaine à l'autre. L'objectif était précisément celui-là.
Dans les années 1990, on s'est rendu compte que le décideur public était dépendant d'experts externes qui travaillaient en même temps pour l'ensemble des industriels, avec un problème de conflit d'intérêts. On a donc construit une expertise interne avec des personnels à plein temps pouvant travailler avec des experts externes, sans que ces derniers aient un monopole.
J'étais directeur de cabinet du ministre de la santé au moment où ces agences ont été créées. La coordination était assurée par le ministre, qui réunissait, tous les mercredis matins, avant le conseil des ministres, l'ensemble des responsables des agences de sécurité sanitaire pour leur donner leur feuille de route, être informé, etc.
Cette coordination est aujourd'hui assurée par le ministère, qui s'est d'ailleurs étoffé depuis. Je ne pense pas que cela puisse être le prétexte ou la cause de l'utilisation d'expertises ou de cabinets de conseil.
Le cabinet McKinsey aurait perçu 13,5 millions d'euros pendant la crise sanitaire, principalement à partir de décembre 2020 pour l'organisation de la campagne vaccinale.
Quelle est selon vous la plus-value d'un cabinet de conseil généraliste comme McKinsey dans la mise en oeuvre d'une politique de santé publique ?
Je ne sais pas précisément. Nous n'avons pas eu à travailler avec eux et je n'ai pas d'élément d'appréciation autorisé ou direct à ce sujet.
Le sentiment que j'ai, vu depuis un grand hôpital, c'est que, in fine, l'organisation de la vaccination a été performante. Je ne connais pas la part des uns et des autres mais je me souviens du début de l'année 2021, où on tombait à bras raccourcis sur l'organisation logistique. Je pense que les choses se sont faites dans de bonnes conditions, bien que les défis aient été incommensurables.
Parlant sous serment, je ne vais pas inventer ce que je ne connais pas. Je ne sais pas quel a été l'apport des différents cabinets à ce sujet, mais en tant qu'acteur de la vaccination - l'AP-HP a dû réaliser 600 000 injections -, nous avons pu constater que l'ensemble des défis logistiques et organisationnels ont été relevés.
Je crois que nous pouvons être d'accord sur ce point. Ma question est plus précise : pensez-vous que nous ayons besoin d'avoir recours à ce type de cabinets pour la mise en oeuvre d'une politique publique ?
J'ai bien compris votre question.
Face à un enjeu majeur, je comprends que l'expertise puisse ne pas être disponible en interne. Est-il possible de recruter des dizaines de personnes, ou vaut-il mieux faire appel à des expertises constituées ? Je m'arrête là...
Nous espérons tous que nous n'allons pas traverser une crise aussi grave que celle que nous connaissons encore aujourd'hui, mais nous avons déjà pu tirer une certaine expérience de ce moment dramatique.
Si, malheureusement, nous devions revivre une telle crise, pensez-vous que nous devrions avoir à nouveau recours à des cabinets de conseil pour nous accompagner dans des stratégies de politique publique ?
Je pense que celles et ceux qui ont pu connaître la valeur ajoutée de ces cabinets pourraient vous répondre.
Une remarque d'ordre psychologique : peut-être la puissance publique considère-t-elle que les fonctionnaires et les administrations ne seront pas capables de faire face et qu'une société anglo-saxonne, avec des clients prestigieux et des track records remarquables, saura mieux s'en sortir.
Toute suspicion d'incompétence à l'égard des pouvoirs publics pousse à recourir à de grands cabinets dont on considère qu'ils inspirent confiance. Cet aspect n'est probablement pas à minimiser - mais ce n'est pas une expertise très poussée. J'en suis néanmoins certain. Toute la confiance qui peut être mise dans les acteurs publics aide donc à ce que ceux-ci déploient leurs forces.
Je voudrais revenir sur le début de votre propos liminaire. Vous avez dit qu'en arrivant à l'AP-HP, vous aviez découvert que l'administration était très sollicitée par les cabinets de conseil.
Si je me fais plus naïf que je ne le suis, il me semble qu'on devrait plutôt s'attendre au mouvement inverse, qu'on pourrait éventuellement critiquer ou essayer d'évaluer.
Pouvez-vous revenir rapidement sur le sujet, car c'est un peu perturbant ?
C'est perturbant mais c'est la réalité ! Ces cabinets demandent rendez-vous, font des offres, viennent se présenter. Ils sont par ailleurs organisateurs ou sponsors de beaucoup de séminaires et de conférences. Je respecte tout à fait leur travail et il y a des gens tout à fait compétents mais cela se transforme en sollicitations et c'est très fréquent.
La réponse est parfaitement claire. Elle répond entièrement à ma question.
Vous avez évoqué la possibilité d'évaluer au moins grossièrement l'équilibre économique de cette réinternalisation des compétences. Je ne vous demanderais pas une étude indiscutable sur le sujet, mais pouvez-vous en établir une approche ? Elle sera considérée comme telle et nous permettra d'avoir un ordre de grandeur. Si cela vous est possible, ceci nous serait très utile.
Tout à fait.
La Cour des comptes, que la commission des finances auditionnait ce matin à propos de la transformation numérique du ministère de la justice, évoquait une donnée, déjà explicitée il y a deux ans dans un autre rapport, concernant les grands projets informatiques de l'État : lorsque l'on a à faire à des cabinets de conseil, il faut qu'au moins 30 % de l'équipe projet soit constituée de fonctionnaires de la maison.
Cet ordre de grandeur vous parle-t-il et en avez-vous l'expérience ?
C'est ce à quoi je faisais allusion lorsque je parlais du schéma directeur informatique sur lequel nous avons travaillé.
Faire appel à des prestations de conseil sans avoir, en face, des gens pouvant les diriger et les commander, c'est de l'argent jeté par les fenêtres !
Absolument, et le cabinet de conseil ne peut pas être un substitut en termes de manière de penser. Cela me paraît évident.
Enfin, vous avez indiqué qu'il n'existait à l'AP-HP de prestations pro bono mais des interventions bénévoles pendant la crise sanitaire, ce dont on ne peut que se louer. Quel a été le statut de ces personnes ? Y avait-il un lien contractuel avec elles ?
Je trouve que le pro bono des cabinets de conseil pour des associations ou à des organismes à but non lucratif est extraordinairement utile. J'ai déjà bénéficié, dans des associations que j'ai présidées, de l'aide de cabinets qui, au titre du mécénat, aidaient des organismes qui n'avaient pas les moyens d'avoir une direction de la stratégie et de la transformation, sans chercher en échange à placer un contrat à 2 millions d'euros, sachant bien qu'on n'aurait pas pu y prétendre. Ceci me paraît légitime, utile, productif et presque vertueux.
En revanche, dans des organismes comme l'AP-HP, qui ne roulent pas sur l'or mais qui disposent de budgets de 8 milliards d'euros et qui sont habitués à passer des commandes publiques, je trouve que le pro bono n'a pas de sens.
Le pro bono poserait un problème aux cabinets de conseil. Je ne vois pas quel serait leur intérêt. Nous n'allons pas faire le tour de nos fournisseurs pour demander un pro bono. Les marchés et la concurrence existent et nous essayons d'obtenir les prix les plus bas possible. Il existe aussi un risque qu'un engagement pro bono puisse être une manière de se rendre indispensable.
Nous n'avons pas eu recours au pro bono pendant la crise sanitaire, mais les circonstances étaient si exceptionnelles que cela aurait pu arriver. Nous n'avons pas émis de refus catégorique.
Par ailleurs, les bénévoles qui ont officié à l'AP-HP sont intervenus dans un cadre conventionnel. J'avoue ne pas savoir comment il s'est formalisé.
Oui, je vous le préciserai.
Monsieur le directeur général, je vous remercie pour les propos que vous avez tenus.
Le Boston Consulting Group (BCG) vous a aidés à affiner votre prévision en besoin de renforts, sur la base d'un modèle épidémiologique. Quelles étaient les spécificités de ce besoin de renforts vis-à-vis des autres missions de santé confiées à des cabinets de conseil ?
De quelle façon le Boston Consulting Group a-t-il défini les critères de son modèle épidémiologique ?
À ma connaissance, l'AP-HP n'a pas eu recours au Boston Consulting Group. D'autres organismes y ont peut-être fait appel.
Il nous est indiqué que le Boston Consulting Group serait intervenu sur un modèle de prévision des appels concernant le SAMU. Quelles précautions ont pu être prises à cette occasion ?
À ma connaissance, les prévisions concernant les appels relatifs au SAMU ont été travaillées entre l'AP-HP et l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INIRIA).
C'est une communication du Boston Consulting Group à la commission d'enquête, qui mentionne cette mission pour l'AP-HP. Peut-être n'est-ce pas vous qui l'avez commandée directement...
Le SAMU relevant de l'AP-HP, j'en suis responsable. Je vais vérifier s'ils sont ou non intervenus.
C'est l'INRIA, grand organisme public, qui a développé un algorithme que nous utilisons encore aujourd'hui. Il s'agit d'un modèle prédictif qui nous permet de dire, lorsque les appels au SAMU augmentent, ce qui risque de se passer dix ou quinze jours après.
Je ne sais pas si le Boston Consulting Group les a aidés.
Le Boston Consulting Group a indiqué qu'il s'agissait d'une prestation pro bono...
Je vais vérifier.
Vous nous apporterez vos réponses par écrit, en précisant les précautions prises autour de cette prestation.
Les cabinets de conseil répondent-ils seulement à des commandes publiques précises de la part des organismes de santé ou exercent-ils un rôle stratégique d'appui à la décision ?
À l'AP-HP, ils exercent un rôle précis. Je ne connais pas la politique des autres organismes.
Cette audition à quelque chose d'extrêmement éthique. Apparemment, plutôt que d'attendre le poisson, vous avez décidé d'apprendre à pêcher, ce qui me semble une très bonne dynamique.
Premièrement, pensez-vous qu'il faut réglementer ou interdire le démarchage de la part des cabinets de conseil ? C'est ce qu'on a fait auprès des médecins avec les laboratoires. Nous avons voté un certain nombre de textes sur la déontologie, en particulier après des scandales sanitaires.
Deuxièmement, vous expliquez qu'il existe à l'AP-HP deux types d'actions, le recours aux cabinets de conseil et la sous-traitance. Je ne sais pas comment vous avez établi la réponse au questionnaire qui vous a été transmis mais je pense qu'il existe une très grande différence dans votre démarche entre une sous-traitance qu'on peut parfaitement comprendre en matière de cotation d'actes, par exemple, et le conseil, qui n'entre pas selon moi dans la même catégorie.
Je pense qu'il est compliqué d'interdire le démarchage. On ne va pas empêcher les gens de se rencontrer. Cela aboutirait à des situations moins contrôlables.
Vous allez recevoir Didier Migaud dans un instant. Il était président de la Cour des comptes lorsque nous avons été contrôlés. Pouvoir rendre des comptes sur nos dépenses, les conditions d'analyse des marchés, comment ceux-ci ont été conclus, voire donner des directives me paraît plus opérant, tout comme le fait de rappeler un certain nombre de règles sur les liens d'intérêts et les conflits d'intérêts.
Je pense aussi plus utile de faire en sorte, notamment lors des congrès, même si cela paraît une dépense parfois critiquable, de payer les déplacements de nos personnels plutôt que de voir ceux-ci accepter une invitation de quelqu'un qui peut devenir ensuite notre fournisseur.
Il me paraît donc nécessaire de cadrer les règles et les relations plutôt qu'interdire le démarchage. Il est souvent très intéressant d'avoir une discussion avec des consultants qui ont par exemple vu des hôpitaux hors de France. Ces échanges peuvent être très utiles pour les décideurs.
Le démarchage des visiteurs médicaux dans les hôpitaux n'est pas aujourd'hui organisé par la loi. Nous l'avons, quant à nous, prévu dans notre règlement intérieur.
Merci pour votre franchise sur vos relations avec les cabinets de conseil privés.
Avez-vous reçu des recommandations de personnes extérieures, et notamment d'instances de tutelle, pour recevoir certains cabinets de conseil ?
Par ailleurs, nous savons que certains salariés de ces cabinets peuvent intégrer l'AP-HP ou vice-versa. Avez-vous mis en place une charte à ce sujet ?
Effectivement, le samedi 14 mars, j'ai reçu un appel du cabinet du Premier ministre pour me dire que plusieurs grands cabinets de conseil s'étaient manifestés pour aider : « voilà un tel et un tel. Si tu veux, tu peux les appeler, ils sont à disposition pour faire du pro bono ». Je suis sous serment : je vous dis donc les choses.
À part cela, je crois ne jamais avoir reçu d'injonctions de mes tutelles pour faire appel à un consultant. En revanche, j'ai vu quelques consultants m'expliquer qu'ils étaient bien en cours avec les ministres, le Premier ministre, le Président de la République, etc., - je me souviens en particulier d'un consultant - et qu'il m'arriverait des tas d'ennuis si je ne faisais plus appel à lui. Ce sont les petits cabinets qui agissent ainsi. Je n'y ai pas eu recours et, comme vous l'avez souligné, je suis toujours là !
Je n'ai jamais reçu d'injonctions pour faire appel à eux.
D'autre part, des « passages » existent vers les cabinets de conseil. Je n'en ai pas eu connaissance entre 2018 et 2021 mais, entre 2016 ou 2017, un des directeurs de l'AP-HP est parti dans un grand cabinet de conseil, dont il doit être vice-président. Il l'a fait après être passé par la commission dite « de pantouflage » : il avait l'impossibilité de nous avoir comme client - en tout cas de s'en mêler - pendant trois ans. Ce cas de figure s'est donc produit.
Nous avons des règles. Un collège de déontologie peut être saisi à propos des questions qui poseraient des problèmes non résolus par la loi ou par les commissions existantes. Il doit y avoir une vingtaine de saisines par an.
Quand on internalise des compétences, il est assez logique de recruter des personnes qui se trouvaient auparavant dans des cabinets de conseil, qui connaissent d'autres acteurs et utilisent d'autres méthodes. Une des conditions pour que le conseil interne fonctionne est que les personnes n'y restent pas trente ans.
Les personnes qui arrivent dans notre direction de la stratégie ont trois débouchés possibles.
Le premier, assez utilisé, consiste à passer du siège de l'AP-HP au plus près du terrain, pour travailler dans les blocs opératoires, pour lesquels nous avons créé des fonctions de directeur des opérations (DOP). Le deuxième débouché consiste à aller dans d'autres secteurs publics, le troisième étant d'aller dans des entreprises de conseil.
Je préfère que ces débouchés existent, plutôt que d'avoir des gens qui finiraient par s'émousser. Je pense que ces équipes doivent tourner pour garder leur efficacité. Les règles fixées il y a quelques années pour le passage en comité de déontologie me semblent satisfaisantes.
Vous avez évoqué les réserves prononcées sur le pantouflage. Avez-vous moyen de vérifier que ces réserves sont bien prises en compte dans votre institution ?
Oui, nous avons le moyen de le vérifier. Ce sont de petits nombres de gens identifiés et de règles connues. Par ailleurs, ces règles sont partagées.
Ces questions d'éthique font partie des points que nous évoquons dans les comités de direction. Ce ne sont pas un sujet tabou, au contraire : c'est la meilleure manière de les faire connaître. C'est un état d'esprit.
L'AP-HP est une immense maison dans laquelle il se passe parfois des choses que je découvre a posteriori. Cela m'est encore arrivé ce week-end, vous l'avez peut-être vu...
C'est pourquoi je vous demande s'il existe un processus pour surveiller le respect de ces réserves .
Les consignes sont partagées avec l'ensemble des directeurs, notamment les directions sensibles que sont la direction des systèmes d'information et la direction de la stratégie.
Monsieur le directeur général, je crois savoir que les agences régionales de santé (ARS) utilisent les cabinets de conseil. Quelles relations entretenez-vous avec les ARS et les cabinets de conseil qui travaillent pour leur compte ?
Si vous n'avez pas utilisé directement de cabinets de conseil, ceux-ci peuvent avoir indirectement une voix à l'AP-HP ou venir en support. Si tel est le cas, pouvez-vous nous en dire plus ?
Je voudrais également savoir si les prestations que vous avez pu utiliser étaient des prestations pro bono ou payantes, après passation d'un marché.
Par ailleurs, quels sont les liens entre les cabinets conseil et la direction de la sécurité sociale (DSS), avec qui vous êtes forcément en relation étroite ? Si un établissement comme le vôtre n'utilise pas ces cabinets de conseil, toutes les administrations avec lesquelles vous travaillez y ont eu recours. Nous sommes donc dans le même écosystème, où cette intrication avec les cabinets de conseil est importante.
Enfin, quelle est à votre avis, dans le cadre de la relation entre l'AP-HP, l'ARS Île-de-France et l'administration d'État, la part de l'aide à la prise des décisions ? Il peut paraître surprenant que, dans le monde de la santé, très administré, avec des personnes de grande qualité, dont les parcours sont extrêmement variés, qui connaissent en profondeur toutes les arcanes de l'hôpital ou de la médecine de ville, on utilise des cabinets de conseil à des hauteurs très importantes.
Lorsqu'on connaît la qualité des personnes qui travaillent dans ces administrations, on peut être surpris de constater que des cabinets de conseil connaissent mieux le monde de la santé que les directeurs de la sécurité sociale, de l'assurance maladie ou des ARS.
Je répondrai de deux manières à la question que vous posez à propos de l'ARS.
L'ARS Île-de-France, jusqu'à il y a quatre ans, nous permettait d'avoir un « droit de tirage » sur des cabinets de conseil, ce qui pouvait être utile. On ne les payait donc pas et on tirait sur des prestations de cabinets. Nous nous sommes dit que cela n'était pas sain.
Depuis 2018, nous avons signé deux nouvelles conventions avec l'ARS, dont la dernière pour la période 2021-2023. Nous avons utilisé ces sommes soit pour recruter des compétences en CDD en matière de développement durable, enjeu majeur pour les établissements, soit pour financer un travail avec des étudiants et des professeurs d'écoles de design, par exemple, pour transformer l'organisation hospitalière.
Oui, absolument.
Vous n'utilisez pas le marché de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) ?
Il nous est arrivé de l'utiliser concernant la logistique et le logement, marchés auxquels j'ai fait allusion.
Il existe, conjointement avec l'ARS, une convention avec le département d'appui à la transformation des organisations en santé (DATOS), que nous avons fait évoluer vers l'internalisation et les écoles. C'est particulièrement intéressant.
Il existe par ailleurs des tableaux de bord quotidiens réalisés dans le cadre du covid-19. Celui de l'ARS a été développé avec un cabinet de conseil, entre les deux vagues ou à la fin de la première. Nous tableau de suivi a été quant à lui totalement réalisé en interne. Ce sont 50 pages d'indicateurs qui nous servent de boussole. Les deux sont bien faits, même si nous avons plus d'expertises médicales et techniques pour cela.
Nous avons très peu de relations directes avec la DSS, qui intervient surtout pour vérifier notre budget. Nous avons davantage avec l'ARS, ainsi qu'avec la CNAM et la direction générale de l'offre de soins (DGOS).
Comment des consultants extérieurs peuvent-ils paraître plus compétents que des personnes qui évoluent depuis quinze ans dans le milieu hospitalier ? Se doter de capacités de conseils internes reste majeur. Les profils ne sont pas les mêmes que ceux qui gèrent depuis quelques années le même dispositif, ne se remettront pas en cause ou n'ont pas les moyens de voir ce qui se passe ailleurs. Disposer de gens qui peuvent avoir un regard distancié, extérieur, nourri d'autres expériences et qui passent quelques années avec nous est très utile.
Nous essayons de disposer dans les directions ou les grands établissements publics d'une petite équipe avec un fort turnover et des compétences jumelles de celles des consultants. Ce sont des personnes qui ont d'ailleurs souvent fait les mêmes écoles.
Le fait d'avoir besoin de faire appel à un regard extérieur n'a rien à voir avec une supposée incompétence des responsables de l'administration ou des ministères.
J'ajoute que les systèmes d'information sont d'une telle technicité et d'une telle complexité que seuls des spécialistes en nombre relativement limité peuvent apporter une expertise pointue qu'il est parfois difficile d'internaliser.
Une petite digression : si on se préoccupait davantage de la rémunération des personnels de la fonction publique hospitalière comme de l'ensemble de la fonction publique, peut-être aurait-on moins de problèmes comme ceux que vous avez évoqués !
À la mi-2021, un de vos services sécurisés de partage de fichiers a subi une cyberattaque. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a été informée de cette fuite de données concernant 1,4 million de personnes testées contre le covid-19, alors même qu'Accenture a été missionnée pour l'élaboration de la vision et de la pérennisation du système d'information-vaccination sur le fondement des données SIDEP.
Quelles précautions mettez-vous en oeuvre vis-à-vis de ces prestataires ?
Nous sommes maîtres d'oeuvre du système d'information SIDEP pour le ministère de la santé, qui est maître d'ouvrage.
Si vous le permettez, je veux rendre ici hommage aux équipes. L'hôpital, à la demande du ministère de la santé, a dû faire remonter chaque jour 500 00 résultats positifs et bien plus de résultats négatifs de toutes les pharmacies, laboratoires d'analyse, laboratoires vétérinaires, etc. C'est un exploit extraordinaire que nous avons réalisé grâce à la sous-traitance.
Ce système, qui a été monté dans un temps record et qui a été conduit à voir ses spécifications changer environ tous les deux mois - PCR, tests antigéniques, autotests -, est un chantier absolument dantesque, qui a de temps en temps connu de petits bugs, comme lorsque 2 millions de personnes se testent le même jour alors qu'on n'en avait prévu que 1,5 million. C'est pour moi une réussite qui, si vous l'analysez, relève du partenariat public-privé.
S'agissait-il de prestations informatiques ou de conseils pour ce qui est des intervenants privés ?
C'est majoritairement de la prestation, sans aucun doute. Si vous auditionnez les maîtres d'oeuvre, vous verrez qu'ils savent expliquer leur dispositif de A à Z.
Vous comprenez pourquoi nous souhaitons obtenir cette précision : c'est très important.
Absolument. Pour être transparent, je peux vous dire que le montant des prestations s'élevait à 30 millions d'euros. Pour ce faire, nous avons recruté des expertises externes de polytechniciens et embauché des CDD en interne. C'est à ce moment qu'a eu lieu le piratage auquel vous faites référence.
Nous devions transmettre tous les jours l'ensemble des données des dépistages de France, à la fois à Santé publique France et à l'assurance maladie. Durant une période, le système de réception par l'assurance maladie n'a pas permis d'intégrer les données. On s'est demandé si on prenait le risque de ne pas communiquer chaque jour le nombre de cas positifs au ministre.
On a, avec l'accord de tous, opté pour un dispositif de secours consistant à utiliser un logiciel du marché pour envoyer l'ensemble du fichier. Il se trouve que ce logiciel avait un défaut dont personne ne s'était rendu compte, sauf le hacker qui cherchait à pirater l'AP-HP pour pouvoir vendre des QR codes qu'il pensait pouvoir trouver dans nos données.
Nous avons fait l'erreur de ne pas détruire les fichiers une fois que nous n'en avions plus eu besoin. Ce sont ceux-là que le hacker a utilisés après avoir pénétré dans le logiciel, qui avait été acheté. Tous les logiciels possédaient ce défaut, qui a depuis été corrigé.
Il n'y a eu aucun intermédiaire extérieur dans cette affaire. Une erreur a été commise en ne détruisant pas les fichiers. La CNIL est bien évidemment venue tout contrôler, l'incident, dès qu'il a été connu, lui ayant été déclaré.
Je considère que nous n'avons pas assez de crédits pour sécuriser suffisamment nos systèmes d'information au rythme auquel nous voudrions le faire car il s'agit d'une vulnérabilité importante.
Je ne sais pas vous répondre.
Ce cabinet a cependant été missionné pour l'élaboration de la vision et de la pérennisation du système d'information-vaccination sur le fondement des données SIDEP...
Pas par nous. Je ne sais pas vous répondre, mais je vous enverrai bien évidemment la réponse.
Nous avons parlé de sécurité. Il faudrait également parler de souveraineté et d'utilisation des données, sujets qui reviennent régulièrement dans cette commission d'enquête.
Vous vous êtes inquiété, en 2019, du fait que les données de santé centralisées dans le Health Data Hub étaient stockées dans des clouds hébergés aux États-Unis. Deux ans plus tard, que pensez-vous de la sécurité du stockage des données de santé des Français ?
D'autre part, la majorité des conseils intervenant dans le domaine de la santé sont étrangers. Cela vous inspire-t-il des craintes quant à l'utilisation des données recueillies par ces opérateurs ? Y a-t-il dans votre pratique des procédures mises en oeuvre pour s'assurer de la confidentialité des données fournies aux cabinets de conseil - même si nous avons bien compris que votre pratique était limitée ?
À l'époque où on nous demandait d'aller déverser nos propres données dans le Health Data Hub, nous nous étions posé la question de passer sur le cloud. On ne l'avait pas fait, notre prestataire n'étant pas capable, au regard de la loi américaine, de garantir qu'il ne livrerait pas nos données à d'autres.
Quand on nous a demandé de les déverser dans un système qui s'apprêtait lui-même à le faire, nous nous en sommes émus, et j'ai écrit à la ministre en disant que cela me paraissait poser un problème. Il est possible que cette initiative ait contribué à stopper le processus et à changer d'hébergement.
Disposer de clouds nationaux - ou européens, ce qui, pour moi, est quasiment équivalent -, constitue un élément de souveraineté majeur. Je sors peut-être de ma condition mais nous aurons du mal à définir cette souveraineté à l'échelon national.
La médecine va de plus en plus recourir à des algorithmes qui permettront, à partir d'analyses de 25 paramètres, de déduire quel traitement proposer à un patient - avec un médecin qui jouera son rôle au milieu.
Si ces algorithmes ne sont définis que par de grands conglomérats, à mi-chemin entre les GAFAM et l'industrie pharmaceutique, on ne saura plus jamais si un médicalement est prescrit parce que le médecin l'a estimé nécessaire ou si c'est parce que l'algorithme l'a jugé utile. C'est un danger majeur.
La souveraineté algorithmique est aujourd'hui à mes yeux aussi importante et même plus importante que la souveraineté du paracétamol.
Ces éléments seront performants et indispensables, mais personne ne saura ce qu'il y a « sous le capot ». On ne pourra pas dire si on met d'un seul coup la moitié des Français sous traitement préventif grâce à telle ou telle molécule parce qu'un algorithme conçu par des gens remarquablement intelligents, mais baignant dans le conflit d'intérêts jusqu'à la racine des cheveux, en aura décidé ainsi. Cela nous pend au nez !
C'est un risque très important d'évolution de la médecine. Il est nécessaire de le souligner.
Tout l'intérêt des cabinets de conseil réside dans leur vision internationale. Peu d'entités peuvent avoir une bonne expertise de la comparaison des hôpitaux ou des systèmes d'assurance maladie des différents pays.
Pour parler clair, je crois qu'il en existe deux, les grands fonds d'investissement -et je trouve très intéressant de discuter avec eux pour savoir ce qu'ils pensent des autres établissements -, et les cabinets de conseil, qui peuvent avoir d'autres clients à travers le monde.
Penser qu'un cabinet de conseil ne peut être que national revient à lui retirer toute une partie de son intérêt.
Quant aux règles de confidentialité, il est tout à fait possible et très fréquent de faire signer à tous les prestataires des engagements de confidentialité assortis de poursuites réelles. Il faut simplement être vigilant.
Nous avons appris que McKinsey était intervenu pour renforcer la coordination entre le ministère de la santé et Santé publique France. Des cabinets de conseil sont-ils intervenus dans vos relations avec Santé publique France ?
Absolument pas !
Plusieurs chercheurs ont pointé le paradoxe du serpent : les cabinets de conseil encouragent les hôpitaux à se dessaisir de ressources, qu'ils doivent ensuite aller chercher auprès de ces mêmes cabinets.
Reprendriez-vous cette affirmation à votre compte ?
Vous nous avez expliqué comment vous avez réinternalisé certaines fonctions. Un hôpital ou un groupement hospitalier de territoire (GHT) n'a pas du tout la même surface ni les mêmes budgets que vous. Comment vont-ils s'y prendre ?
Pour ce qui est de la deuxième question, c'est peut-être tout l'intérêt du dispositif que j'évoquais avec l'ARS, qui est à la disposition de l'ensemble des acteurs publics. L'exemple que je citais tout à l'heure concernait l'AP-HP et les GHT d'Île-de-France. Nous sommes là à une échelle importante.
S'agissant du paradoxe du serpent, ces vingt dernières années, les cabinets de conseil ont plus recommandé d'externaliser les systèmes que de les internaliser. Bien évidemment, la mode de l'externalisation est forte.
Ma réponse ne va peut-être pas vous satisfaire, mais j'aimerais par exemple réinternaliser le bio-nettoyage. C'est ma marotte. Je n'y arrive pas ! Pourquoi ? Je pense que le bio-nettoyage est un élément majeur de la sécurité et de la prévention des maladies nosocomiales. Il est important que les équipes soient formées. Or, au regard des prix pratiqués par les prestataires extérieurs, le coût internalisé est trop élevé pour pouvoir le faire à l'heure actuelle.
Nous rencontrons deux cas de figure. Le premier concerne plutôt l'informatique où, paradoxalement, nous avons affaire à des prestataires qui coûtent plus cher que nos agents parce que nous n'avons pas le droit de les payer assez cher.
L'autre cas de figure concerne le bio-nettoyage et beaucoup d'autres fonctions, comme la surveillance par exemple, où le statut de la fonction publique, notamment hospitalière, rend l'internalisation difficile pour des questions de coût et de rigidité, la différence n'étant pas supportable.
Je suis assez partisan de formules qui peuvent consister soit à autoriser les établissements publics à avoir des filiales à caractère public, mais avec des emplois de droit commun, soit à accepter que le recrutement public s'applique aux soins et à ces fonctions, mais non à des fonctions logistiques et autres. Ces deux formules sont intéressantes pour éviter ce dilemme.
Trois fois sur quatre, les cabinets conseillent d'externaliser. La pression existe bel et bien. Nous devons pouvoir inverser cette tendance.
Nous pourrions parler de bien d'autres fonctions, comme l'alimentation par exemple, où il reste à inventer quelque chose d'intermédiaire entre le marché de la prestation et le statut de droit commun.
Je vous rappelle que nous attendons des précisions de votre part sur les prestations pro bono pendant la crise sanitaire ; une approche économique sur l'internalisation des services ; la liste des prestations de conseil de l'AP-HP depuis 2019 et quelques précisions sur le rôle d'Accenture concernant le SIDEP.
Je vous remercie, au nom de tous mes collègues, pour la qualité de cet échange, qui nous a beaucoup intéressés.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Mes chers collègues, nous recevons M. Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) depuis janvier 2020. Je vous remercie, Monsieur le président, pour votre présence.
La question de la déontologie occupe une place centrale dans nos investigations. Nous souhaitons savoir si les précautions mises en oeuvre sont suffisantes pour prévenir les conflits d'intérêts entre l'administration et les cabinets de conseil ou au sein de ces derniers, au moyen d'instruments comme les déclarations d'intérêts, les chartes de déontologie ou les déports.
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique exerce trois missions qui présentent un lien direct avec notre sujet : le contrôle des mobilités des anciens ministres et des fonctionnaires dans le secteur privé - aussi appelées « pantouflages », voire « rétropantouflages », lorsqu'un salarié des cabinets de conseil intègre l'administration, ou « allers-retours » lorsque plusieurs mouvements se produisent - ; la prévention des conflits d'intérêts dans l'administration de l'État, en appui des référents déontologues ; la gestion du registre des représentants d'intérêts, sur lequel des cabinets de conseil peuvent être inscrits.
Cette audition est ouverte au public et à la presse. Elle est retransmise en direct sur le site Internet du Sénat. En raison du contexte sanitaire, certains de nos collègues peuvent également intervenir par visioconférence.
Comme pour toutes les personnes auditionnées, je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible de sanctions pénales, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 à 100 000 euros d'amende.
Je vous invite, Monsieur le président, à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites : « je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Didier Migaud prête serment.
Je vous remercie de m'avoir invité pour échanger avec vous sur la question de l'influence des cabinets de conseil sur la mise en oeuvre des politiques publiques.
Je suis accompagné de Sébastien Ellie, secrétaire général adjoint de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, et de Ted Marx, directeur des publics, de l'information et de la communication.
Le sujet de votre commission d'enquête revêt des enjeux démocratiques importants, auxquels je suis sensible. Je m'exprimerai devant vous en ma qualité de président de la HATVP, sans oublier que j'ai occupé les fonctions de Premier président de la Cour des comptes, cette dernière ayant eu l'occasion de diligenter des travaux à ce sujet en 2014, à la demande de la commission des finances du Sénat. Ces travaux de la Cour ont fait l'objet d'un rapport en 2015, assorti de recommandations.
Le recours par l'État à des prestataires externes et plus particulièrement à des cabinets de conseil n'est pas nouveau. En 2014, la Cour des comptes avait estimé les dépenses au titre de ce recours à 150 millions d'euros par an en moyenne entre 2011 et 2013.
Le recours à des cabinets de conseil n'est pas interdit. Il peut même être utile lorsque l'administration ne dispose pas en son sein des compétences nécessaires. Cependant, pour préserver la décision publique, prévenir de potentiels conflits d'intérêts et assurer la transparence des relations entre responsables publics et cabinets de conseil, ces pratiques doivent être encadrées.
L'intervention de cabinets de conseil peut, en effet, légitimement susciter des inquiétudes en matière de déontologie. Plusieurs risques sont ainsi identifiés. Ce recours accroît la perméabilité entre le secteur public et le secteur privé, et expose les agents publics qui rejoignent des sociétés de conseil ou des cabinets d'avocats au risque d'une condamnation pénale pour prise illégale d'intérêts s'ils ont entretenu des relations d'ordre professionnel avec ces cabinets dans le cadre de leurs fonctions publiques.
Le fait que l'État ait recours à tels cabinets de conseil, qui ont pour clients aussi bien des personnes privées que des institutions publiques, est également de nature à accroître le risque de conflit d'intérêts. Si, parmi les clients privés du cabinet, certains ont un intérêt à une décision de l'État dans un sens déterminé, la question peut se poser de savoir comment l'intérêt général peut être défendu de façon objective. Dans son rapport de 2014, la Cour des comptes mettait déjà en garde contre ces potentiels conflits d'intérêts.
Ces cabinets de conseil recrutent d'anciens hauts responsables administratifs ou politiques, qui peuvent ensuite intervenir directement ou indirectement dans des missions au profit de leurs anciennes administrations. Un encadrement déontologique de ces pratiques dans de telles situations est particulièrement nécessaire, comme le relevait la Cour des comptes. C'est d'ailleurs l'une des missions de la HATVP.
Au vu de ces éléments, il paraît indispensable, lorsque l'État a recours à un cabinet de conseil, de déterminer précisément ses besoins, d'envisager l'ensemble des risques qui se présentent - liés notamment à l'objet de la prestation et aux personnes chargées de la mener, du côté de l'État comme du cabinet ou encore de la clientèle privée de ce dernier -, d'encadrer la prestation sur le plan déontologique - via la signature d'une charte de déontologie par les deux parties - et de trouver les moyens de garantir, dans tous les cas de figure, la poursuite de l'intérêt général.
Divers types de contrôle peuvent être mobilisés pour identifier et prévenir ces risques. Outre les règles applicables à la commande publique, qui permettent d'encadrer les contrats de prestation conclus par l'administration, les missions confiées par le législateur à la Haute Autorité depuis 2013 visent à instaurer des mécanismes de prévention des conflits d'intérêts dans un certain nombre de cas - lui conférant, de fait, un rôle de régulateur.
La HATVP intervient aujourd'hui à différents moments clés de la carrière des agents publics : en amont de la nomination d'un haut fonctionnaire, durant ses fonctions et à l'issue de celles-ci lorsqu'il envisage une reconversion dans le secteur privé. À chacune de ces étapes, la Haute Autorité procède à une appréciation in concreto du risque que la décision apparaisse comme prise au regard d'intérêts personnels ou de circonstances qui compromettraient l'indépendance ou l'impartialité de l'État.
Ainsi, depuis la réforme de 2019, tout projet de nomination d'un conseiller ministériel, d'un collaborateur du Président de la République, d'un directeur d'administration centrale ou d'un directeur général des services ayant exercé une activité privée lucrative au cours des trois dernières années doit être soumis à l'approbation préalable de la Haute Autorité. Nous avons examiné 573 situations de ce type depuis le 1er février 2020.
Une fois nommés, les agents publics exerçant les fonctions stratégiques énumérées dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique doivent nous adresser une déclaration d'intérêts ainsi qu'une déclaration de situation patrimoniale. De nombreux agents publics n'entrant pas dans le champ de contrôle de la Haute Autorité doivent adresser une déclaration d'intérêts à leur supérieur hiérarchique. Pour ceux-ci, c'est donc à l'administration qu'il revient d'opérer l'analyse du risque de conflit d'intérêts, en s'appuyant sur la doctrine de la HATVP.
Pour ce qui concerne la Haute Autorité, l'aspect patrimonial permettra de s'assurer, à la fin des fonctions de l'agent public, qu'aucun enrichissement indu n'est intervenu. La déclaration d'intérêts, qui doit être régulièrement actualisée, fournit une photographie approfondie des intérêts actuels ou passés d'un agent - qu'ils lui soient personnels ou qu'ils soient liés à la situation de son conjoint. La HATVP vérifie, tout d'abord, que l'agent n'a pas omis d'intérêt et apprécie ensuite le risque de conflit d'intérêts au regard des missions qui lui sont confiées. Si ce risque est avéré, nous recommandons des mesures adéquates pour faire cesser le conflit, qui peuvent être des mesures de déport, la publicité de l'intérêt ou la présence d'un tiers lors des rencontres transversales auxquelles l'ancien employeur pourrait participer.
Pour faire respecter ces obligations, la Haute Autorité dispose d'un pouvoir d'injonction auprès des agents concernés. Cette injonction peut être rendue publique. Le fait de ne pas y déférer est puni d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. Je précise que nous n'avons pas eu jusqu'à présent à faire application de ce pouvoir d'injonction. Ce peut être le signe que les responsables publics se sont bien approprié leurs obligations déontologiques.
Pour illustrer ce contrôle, je peux vous donner l'exemple d'une personne membre d'un cabinet ministériel qui était auparavant directrice du domaine « secteur public » d'un grand cabinet de conseil. Elle doit se déporter de toute discussion ou de toute décision portant sur les différentes entités du cabinet. Elle doit également s'abstenir d'intervenir de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, dans toute décision relative à une mission ou à une prestation au profit de l'État pour laquelle l'une de ces entités serait candidate. Elle doit enfin se déporter des rendez-vous et échanges organisés avec les entités du cabinet et se faire systématiquement accompagner par un autre membre du cabinet lors de rencontres plus larges auxquelles participerait l'une de ces entités.
Ces mêmes agents ont la possibilité de se faire accompagner sur le plan déontologique par la Haute Autorité, qui peut leur apporter alors un conseil confidentiel. Nous avons ainsi été saisis de projets de l'administration de nommer des personnes qui avaient exercé une activité de conseil susceptible de présenter des difficultés dans le cadre de leurs nouvelles missions au service de l'intérêt général et avons, bien sûr, déconseillé à l'administration de procéder à ces nominations au regard des risques majeurs de conflits d'intérêts et du risque pénal de prise illégale d'intérêts.
Toutefois, ces situations ne concernaient pas les principaux cabinets en stratégie qui sont évoqués lors de vos auditions.
Enfin - vous prêtez, je le sais, une grande attention à cet aspect -, la Haute Autorité contrôle la reconversion de nos hauts fonctionnaires. La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique lui a confié ce contrôle, grâce à une volonté forte des assemblées.
Depuis le 1er février 2020, la HATVP a ainsi examiné la situation de 264 agents publics - pour moitié, des collaborateurs du Président de la République et des conseillers ministériels -, dont 65 % ont fait l'objet d'un avis de compatibilité, avec ou sans réserve. Plus de 50 agents ont été contrôlés alors qu'ils avaient oublié de saisir leur ancienne autorité hiérarchique pour qu'elle saisisse la Haute Autorité. Au total, 27 agents n'ont pas pu réaliser leur projet, essentiellement pour des motifs liés à des risques réels de prise illégale d'intérêts. C'est notamment le cas lorsqu'ils souhaitaient rejoindre une entité privée avec laquelle ils étaient en relation professionnelle étroite au cours de leurs missions publiques.
Une incompatibilité peut aussi être prononcée en raison d'un risque déontologique majeur de nature à remettre en cause le fonctionnement normal de l'administration.
Nous examinons toujours le risque pénal. Le raisonnement est alors plutôt binaire : soit le risque pénal est avéré, auquel cas l'incompatibilité s'impose, soit il n'existe pas, auquel cas nous examinons le risque déontologique.
Mes services ont procédé à un examen minutieux de nos décisions dans la perspective de cette audition : sept cas de reconversion de hauts fonctionnaires dans des cabinets de conseil en stratégie ont eu lieu sur cette période de près de deux années. Même si aucun système de veille ne peut être totalement fiable et si certains cas ne nous ont pas été transmis, je pense sincèrement qu'ils sont très rares. Les services ont mis en place un dispositif qui, nous l'espérons, permet de limiter les risques.
La situation est encore plus nette s'agissant de la reconversion professionnelle des anciens membres du Gouvernement, élus ou membres des autorités administratives indépendantes (AAI) placés sous notre contrôle depuis 2013. Sur les 66 avis correspondants rendus depuis 2018, seuls deux concernent des départs vers de grands cabinets de conseil. Une ancienne ministre est partie chez Roland Berger et un ancien membre d'une autorité administrative indépendante chez BearingPoint.
Un élément de compréhension tient à la particularité de ces très grands cabinets internationaux de conseil en stratégie, qui se distinguent assez nettement d'autres cabinets de conseil comme ceux qui sont spécialisés en affaires publiques. Ces derniers recrutent fréquemment d'anciens hauts fonctionnaires pour des activités de représentation d'intérêts ou de lobbying, dont l'encadrement est l'une des missions de la Haute Autorité.
En revanche, il est important de souligner que, si la Haute Autorité est bien compétente pour contrôler la déontologie des responsables publics et des agents de l'État, les prestataires de l'État n'entrent pas dans son champ de contrôle.
Si quelques mécanismes de contrôle existent déjà, de nouvelles pratiques, voire de nouvelles règles sont certainement à définir pour garantir la transparence de ces prestations et s'assurer qu'elles se font dans un cadre déontologique strict, comme l'illustre la récente circulaire du Premier ministre sur l'encadrement du recours par les administrations et les établissements publics de l'État aux prestations intellectuelles, qui prévoit notamment une révision rapide des chartes de déontologie des ministères mais aussi des mécanismes de déport formalisés pour les personnes décisionnaires.
Je suis convaincu que les travaux de votre commission contribueront aussi à enrichir les dispositions qui pourront être prises pour éviter au maximum les conflits d'intérêts potentiels.
Mme Amélie de Montchalin, que nous avons auditionnée la semaine dernière, nous a fait savoir que certaines règles seraient modifiées. Dans le même temps, nous avons eu connaissance d'une circulaire du Premier ministre encadrant le recours aux cabinets de conseil. Avez-vous été consulté en amont sur cette circulaire ?
Non. Compte tenu du rôle de la Haute Autorité, on peut effectivement penser qu'un avis serait utile.
Je partage votre point de vue.
Avez-vous été consulté sur les chartes de déontologie des administrations ?
La Haute Autorité peut être saisie sur les chartes de déontologie, mais ne l'est pas systématiquement.
Nous avons toutefois de plus en plus de sollicitations pour des avis ou des conseils, qui proviennent essentiellement des collectivités territoriales. Nous avons été très peu saisis pour l'instant de projets de chartes de déontologie émanant de l'administration proprement dite.
Quelles sont les procédures mises en oeuvre pour s'assurer du respect des réserves exprimées, pour une durée de trois ans, par la Haute Autorité en prévision de l'intégration d'un fonctionnaire ou d'un ministre au sein d'un cabinet de conseil ?
C'est un vrai défi pour la Haute Autorité. Cela n'aurait pas beaucoup de sens d'exprimer des réserves sans en assurer le suivi, ce qui pose le problème de la capacité de la Haute Autorité à le faire.
Nous essayons d'assurer ce suivi des réserves. Régulièrement, à partir d'un tableau d'analyse de risques, nous sollicitons les personnes concernées et essayons de recouper les informations qu'elles nous donnent avec plusieurs sources ouvertes, que nous pouvons consulter. Je leur envoie régulièrement des courriers pour faire le point. Nous précisons d'ailleurs toujours dans nos avis que ces réserves feront l'objet d'un suivi régulier de la part de la Haute Autorité.
Combien cette mission mobilise-t-elle d'équivalents temps plein (ETP) au sein de la HATVP ?
C'est difficile à dire, car ce sont à peu près les mêmes personnes, au sein de la direction du contrôle et de la direction juridique et déontologie, qui s'occupent de l'instruction des avis que nous rendons et de leur suivi.
Nous avons 65 personnes en tout. La direction du contrôle emploie 14 personnes et la direction juridique 13 à 14 personnes.
Je ne vous dirai pas que nous avons des moyens abondants pour remplir nos missions. Cela pose d'ailleurs un autre problème pour les pouvoirs publics : il me paraîtrait utile de clarifier le rôle et les missions de tous les acteurs qui interviennent sur tout ce qui concerne les atteintes à la probité. Il existe, en effet, des « doublons », des chevauchements entre la Cour des comptes, les chambres régionales des comptes (CRC), l'Agence française anticorruption (AFA) et la Haute Autorité, qui correspondent à un gâchis des moyens publics alors même que toutes ces institutions manquent de moyens pour remplir leurs missions.
C'est peut-être une déformation liée à mes responsabilités anciennes : lorsque je vois que des moyens publics sont mal utilisés, cela me révolte.
Les moyens dont vous disposez pour assumer cette mission vous paraissent-ils suffisants ?
Nous assurons depuis février 2020 la mission de contrôle des mobilités entre le privé et le public et la fonction de référent déontologue des acteurs publics qui relèvent de notre autorité.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises devant l'Assemblée nationale et le Sénat, six ETP nous ont été transférés pour cette mission, ce qui correspond au nombre d'emplois qui étaient à la disposition de l'ancienne Commission de déontologie de la fonction publique. En réalité, cette tâche réclame beaucoup plus de disponibilités et de moyens, au détriment de nos autres missions.
Cette mission inclut-elle l'instruction des demandes de départ vers un cabinet de conseil, qui nécessite la réunion des informations relatives aux fonctions passées et futures de l'agent ?
Oui, cette instruction est conduite par nos services, qui ont pris le sujet très à coeur. Cela représente la moitié de nos ordres du jour, sinon davantage.
Nous les demandons.
Nous pouvons demander un certain nombre d'informations aux autorités hiérarchiques et aux entreprises. J'ai toujours plaidé pour que le droit de communication reconnu à la HATVP soit élargi - y compris pour le contrôle des déclarations de patrimoine ou d'intérêts.
Ainsi, pour accéder à des banques ou à des assurances, nous sommes contraints de passer par le ministère. Des relations directes nous feraient gagner du temps, ainsi qu'à Bercy.
J'ai un cas concret à vous soumettre : la presse vient de révéler le recrutement d'un sous-préfet, M. Cédric Bonamigo, ancien de Capgemini, au service des correspondances de l'Élysée. La HATVP a-t-elle été saisie ?
Non. Cet emploi n'entre pas dans le champ du contrôle de la HATVP des prénominations, ni à titre obligatoire ni à titre subsidiaire.
En revanche, une mobilité de ce type appelle normalement un contrôle par l'autorité de nomination, qui pourrait, en cas de doute, nous solliciter pour un avis.
En effet, nous n'avons pas été saisis.
Boston Consulting Group (BCG) a fait savoir qu'il avait recruté un ancien sous-directeur des assurances à la direction générale du Trésor, polytechnicien, qui y exerçait des fonctions depuis 2017 après être passé par le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI).
Avez-vous été saisi de ce cas ? Si oui, quelle a été votre décision ?
Nous en avons bien été saisis. Il s'agit d'un ingénieur général des Mines, sous-directeur des assurances au sein du service du financement de l'économie de la direction générale du Trésor. Il a rejoint le cabinet BCG au poste de partner, rattaché au centre d'expertise « Services financiers et restructurations » de la société.
Nous avons émis les réserves suivantes, qui feront naturellement l'objet d'un suivi.
Cette personne doit se déporter de toute décision et de toute discussion portant sur les différentes entités du cabinet ; elle doit s'abstenir d'intervenir de quelque manière que ce soit, directe ou indirecte, dans toute décision relative à une mission ou à une prestation au profit de l'État pour laquelle l'une de ces entités serait candidate ; elle doit enfin se déporter des rendez-vous et échanges organisés avec les entités du cabinet et se faire systématiquement accompagner par un autre membre du cabinet lors de rencontres plus larges auxquelles participerait l'une de ces entités.
Nous serons vigilants, et nous nous adresserons régulièrement à cette personne pour vérifier le respect de ces réserves.
Vous venez de nous donner un exemple d'avis favorable à une mobilité, assorti de réserves. Sur les sept avis que vous avez mentionnés portant sur la reconversion de hauts fonctionnaires vers les cabinets de conseil, avez-vous systématiquement conclu à une compatibilité assortie de réserves importantes, ou avez-vous rendu des avis d'incompatibilité ?
Même question pour les deux avis portant sur la reconversion de membres du Gouvernement et d'AAI vers des cabinets de conseil.
Depuis le 1er février 2020, nous avons rendu 264 avis de reconversion professionnelle des agents publics et 573 avis de prénomination.
Dans ce total, sept dossiers de reconversion et huit dossiers de prénomination concernaient des mobilités vers ou depuis les grands cabinets de conseil susceptibles de délivrer des prestations à l'État : Deloitte, BCG - que l'on retrouve souvent - Capgemini et Accenture.
Ces dossiers ont donné lieu à des avis de compatibilité avec réserves, à l'exception d'un dossier de reconversion et d'un dossier de prénomination, qui ont fait l'objet d'un avis de compatibilité simple.
La reconversion professionnelle de ministres, membres d'AAI ou élus locaux a fait l'objet de 66 avis entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2021. Seuls deux départs vers des grands cabinets de conseil susceptibles d'intéresser votre commission d'enquête ont été relevés : une ancienne ministre qui a rejoint Roland Berger voici plus de trois ans - ses fonctions sont d'ailleurs susceptibles d'évoluer - et un membre d'AAI qui a rejoint Bearing Point en 2019. Ces dossiers ont fait l'objet de deux avis de compatibilité avec réserves.
La Haute Autorité a aussi eu connaissance de trois départs vers des cabinets d'avocats susceptibles de délivrer des prestations de conseil à l'État : en 2019, un ancien ministre est devenu senior advisor chez Franklin et un ancien membre d'AAI est devenu consultant of counsel chez Fidal ; en 2021, un ancien membre d'AAI est devenu counsel chez Dentons.
Nous identifions une situation plus courante que les quelques cas que je viens de citer : la création d'une activité de conseil personnelle, sous la forme d'une société ou d'une entreprise individuelle. Les cas sont plus nombreux : nous avons eu à connaître de 19 cas en quatre ans, qui ont tous fait l'objet d'un avis de compatibilité avec certaines réserves.
Notez que, eu égard à la jurisprudence du Conseil d'État, une décision d'incompatibilité est extrêmement difficile à prendre : nous ne pouvons pas interdire à une personne de travailler. En revanche, nous pouvons exprimer des réserves pour encadrer des projets de reconversion professionnelle.
Je retiens de vos propos que vous rendez en général des avis de compatibilité, souvent assortis de réserves.
En effet.
Vous nous avez déclaré que les ministères et administrations pouvaient tout à fait avoir recours aux services de cabinets de conseil après avoir vérifié qu'ils ne disposaient pas des capacités et des compétences en interne.
La semaine dernière, Mme de Montchalin nous a annoncé la mise en place d'une cartographie des compétences, d'une « tour de contrôle » et d'une série d'autres mesures, mais il semble que cette capacité à s'assurer des compétences disponibles avant de faire appel à un cabinet de conseil soit absente.
En faites-vous un élément d'appréciation ? Le cas échéant, comment l'évaluez-vous ?
Ce n'est pas dans le domaine d'intervention de la HATVP. La Cour des comptes a, en son temps, formulé des observations à ce sujet. Il est bon de savoir, avant de commander des prestations de conseil, si l'on dispose des compétences nécessaires en interne.
Il peut aussi être utile de disposer d'un regard extérieur ; dans ce cas, il faut s'assurer que les marchés sont passés dans le respect des procédures.
Ainsi, la Haute Autorité ne fait jamais appel à des cabinets de conseil pour s'acquitter de ses missions - le contraire serait surprenant. En revanche, elle peut avoir besoin de conseil, notamment en informatique : nous sommes une petite structure qui n'a pas toutes les compétences nécessaires pour émettre un avis autorisé sur ses propres besoins. En 2021, nous avons ainsi procédé à un appel d'offres pour un audit de notre service informatique, tout en demandant à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) de nous accompagner. L'informatique et les systèmes d'information représentent pour nous un défi permanent. C'est un outil de travail qui doit être entièrement sécurisé car une partie de nos données ne sont pas publiques.
Peut-on imaginer que des consultants privés remplissent une déclaration d'intérêts avant d'intervenir pour l'administration, comme dans le secteur sanitaire par exemple ? Dans cette hypothèse, faut-il prévoir une intervention de la HATVP ?
En matière de déontologie, les conseils de la Haute Autorité, éclairés par son expérience, peuvent toujours être sollicités. Son collège est composé de magistrats, de membres du Conseil d'État et de personnalités aux profils très divers, représentant l'ensemble de la société.
La consultation de la HATVP peut effectivement avoir du sens.
Notre commission a eu connaissance du recours à des cabinets pour l'élaboration de projets de loi, qui est un « ripage » assez perturbant de la fonction régalienne. Quel est votre avis sur cette pratique ?
Là aussi, je sors de mon rôle de président de la Haute Autorité en vous répondant...
Il semble que le fait ne se soit produit qu'une seule fois, d'après les propos, tenus sous serment, de la Secrétaire générale du Gouvernement. Il est très important que le ministère tienne la plume en dernier ressort. La rédaction d'un exposé des motifs relève de l'exécutif.
S'agissant du registre des représentants d'intérêts que nous tenons, 116 cabinets de conseil y figurent. Ils représentent 5 % des inscrits, mais déclarent 16 % des fiches d'activité et les dépenses les plus importantes : la fourchette moyenne est de 100 000 à 200 000 euros en 2020, contre 50 000 à 75 000 euros en 2019.
Trois types de cabinets de conseil peuvent être distingués.
D'abord, ceux qui proposent une large gamme de services, comme le conseil en prospective, en influence ou lobbying, en transformation digitale et numérique, en management, en relations publiques, en veille, etc. Ce sont les grands cabinets comme Alios, Accenture, Omnicom, Edelman.
Deuxième catégorie, les cabinets spécialisés en influence comme Boury Tallon, M&M Conseil, Lysios, Affaires Publiques consultants, Com'Publics ou Anthenor Public Affairs. C'est la part la plus importante des cabinets inscrits sur notre répertoire.
La dernière catégorie est constituée par les cabinets de conseil qui ne pratiquent que le lobbying. Ce sont de petits cabinets de conseil en affaires publiques concentrant leur activité sur des actions de lobbying traditionnel, dirigés par d'anciens responsables publics qui ont créé leur propre structure en qualité de consultants indépendants. On peut citer Charbus Conseil, LT Conseil ou encore Pietra Consulting.
Ce constat repose sur les données de notre répertoire, avec toutes les lacunes qu'il comporte... En effet, les critères d'identification des représentants d'intérêts, précisés par un décret postérieur à la loi, permettent bien souvent de la contourner.
Il est possible de ne pas faire apparaître ceux qui exercent une activité soutenue de représentants d'intérêts car seules les initiatives de ces représentants doivent être déclarées. Avec la règle des dix actions, il suffit que plusieurs personnes dans une même entreprise s'arrêtent à neuf actions pour que cette entreprise échappe au cadre prévu par le législateur, ou plus exactement par le décret postérieur à la loi.
Par conséquent, si la création du répertoire est un progrès, le bilan est en demi-teinte, eu égard aux lacunes de ce répertoire.
Ni les grands cabinets d'audit et de conseil en stratégie ni les grands cabinets d'avocats, pour la plupart anglais ou américains, n'y figurent. La raison est simple : le conseil en stratégie doit être distingué du lobbying. Ces grands cabinets ne font pas de représentation d'intérêts, sauf, bien entendu, s'ils possèdent un département affaires publiques. Dans ce cas, ils sont identifiés comme prestataires de l'État, indépendamment de leurs autres activités de conseil purement privées, et non comme représentants d'intérêts directs ou au profit d'une autre entreprise privée. En revanche, ces cabinets sont souvent inscrits au répertoire européen, mais pour une autre raison : il faut y être inscrit pour entrer en relation avec des responsables de la Commission européenne ou du Parlement européen.
De manière générale, pensez-vous que l'intervention des cabinets de conseil pour le secteur public est suffisamment transparente ou faudrait-il accroître la publicité autour de ce type de prestations ?
L'existence de votre commission d'enquête laisse penser que vous identifiez des marges de progrès...
Si je me réfère au rapport que j'ai signé en tant que Premier président de la Cour des comptes, il y a en effet nécessité d'encadrer davantage le recours à des activités de conseil. La circulaire récemment prise par le Premier ministre a bien pour objet de répondre à un manque.
Oui. Si la transparence n'est pas un objectif en soi, c'est un moyen d'établir la confiance. Nous avons toujours intérêt à la transparence.
Nous assistons, notamment à l'étranger, à des prises de participation d'anciens hauts fonctionnaires ou élus européens ou nationaux dans des sociétés étrangères qui ont, indubitablement, une activité de conseil.
La HATVP peut-elle être jugée compétente sur ce sujet ? Y a-t-il des délais de prescription ? La presse nationale s'est récemment fait l'écho de plusieurs situations de ce type.
J'ai eu un échange récent sur le sujet avec la médiatrice européenne, qui se saisit de ces situations, et est amenée à formuler des recommandations pour les anciens commissaires et fonctionnaires européens.
Nous pouvons suivre les responsables publics qui relèvent de notre autorité pendant les trois ans qui suivent la fin de leur mandat. Après cela, il n'y a plus de contrôle possible : le terme a été fixé par le législateur.
Au cours de ces trois ans, nous pouvons déconseiller à un ancien ministre de reprendre certaines activités, formuler des réserves à l'égard d'une structure de conseil qu'il met en place, mais, ensuite, les réserves « tombent ».
Dans ce cadre, nous avons déjà été saisis au sujet d'anciens ministres. Nous avons alors émis des avis de compatibilité, avec un encadrement, sur des activités professionnelles ou autres, y compris la présence dans un conseil d'administration.
Dans votre propos liminaire, vous avez proposé la signature d'une charte de déontologie commune entre l'administration et les cabinets de conseil.
Pourriez-vous développer cette idée intéressante ?
Il serait pertinent que, lorsque ces contrats sont passés, des règles soient établies, en toute transparence, entre l'administration qui passe le contrat et la société sollicitée. Il faut des dispositions pour éviter les conflits d'intérêts, éviter que, dans l'équipe qui travaille pour le compte de l'État, ne se trouvent des personnes travaillant parallèlement pour un client dont les intérêts seraient divergents.
Dans l'ensemble, les sociétés de conseil ont elles aussi des règles de déontologie strictes. L'enjeu, comme le président l'a rappelé, c'est le suivi de ces règles... Généralement, ces sociétés y prêtent attention, dès lors qu'elles se savent exposées à un contrôle ou à des signalements.
Au-delà de ces chartes, vous paraîtrait-il souhaitable de disposer d'autres outils d'encadrement ?
Une fois les règles définies, l'enjeu réside dans le suivi. Cela incombe à la personne elle-même, aux responsables hiérarchiques et à la société, qui doit se montrer exemplaire. Si les règles sont bien établies et transparentes, les choses sont claires.
Il y a des exemples de cabinets de conseil qui conseillent l'État et d'autres clients dont les intérêts divergent de ceux de l'État, comme des grands laboratoires pharmaceutiques. Quelle est la procédure dans ce cas ?
Les déclarations d'intérêts sont extrêmement utiles à cet égard.
L'application de la charte de déontologie permettrait de ne pas retenir le cabinet de conseil en question...
Bien sûr.
Je n'ai pas échangé sur ces thèmes avec mon successeur à la Cour des comptes, mais je suis convaincu qu'il veillera au contrôle de ces marchés publics. Il appartient à cette institution de s'assurer que la passation de ce type de marchés s'est effectuée selon la procédure et que les règles déontologiques ont été respectées.
Je terminerai par une question que je pose rituellement lors de nos auditions : celle des prestations pro bono. Quel est votre sentiment sur cette pratique ? Seriez-vous favorable à son interdiction ?
Une interdiction aurait le mérite de la simplicité !
Il faut toujours être prudent à l'égard de ce type de prestations, surtout lorsqu'elles sont proposées par des sociétés dont l'objet est de dégager des marges. J'appelle à la plus grande vigilance, afin d'éviter qu'elles ne fassent l'objet de suites positives pour les sociétés en question.
Bien évidemment. Il faut être particulièrement vigilant sur ce plan, sans exclure que le pro bono soit proposé pour de bonnes raisons. Cela appelle en tout cas des vérifications scrupuleuses.
La réunion est close à 19 heures.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.