Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 12 octobre 2022 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui pour une audition budgétaire sur les moyens de votre ministère pour 2023.

Nous allons bien entendu parler chiffres et pourcentages, mais notre échange sera aussi l'occasion d'évoquer votre vision de l'état du monde, qui ne se porte pas très bien en ce moment, et les principales positions prises par la France.

Les autorisations d'engagement de votre ministère progressent de 16 %, et les crédits de paiement de 9 %. Les moyens de l'aide publique au développement (APD) augmentent de 13 %, et ceux de l'action extérieure de l'État de 5 %. Nous saluons ces efforts, même si ce dernier chiffre nous semble encore insuffisant au regard du niveau atteint par l'inflation.

Les crédits de paiement du coeur de l'APD, à savoir les dons-projets, augmentent de 9 %, mais l'on note surtout une hausse de 146 % des crédits de « gestion et sortie de crise », qui passent à 730 millions d'euros, ce qui en dit long du reste sur l'état du monde. Quelle sera l'affectation de ces crédits de gestion de crise ? Cette hausse ne reflète-t-elle pas, malheureusement, une sorte de retour en arrière vers l'aide humanitaire, au détriment de l'aide au développement, qui correspond aussi à une forte dégradation de l'état de nombreux pays, notamment au Sahel ?

Par ailleurs, nous aimerions avoir quelques nouvelles de la commission d'évaluation de l'APD, dont la création était prévue par la loi du 4 août 2021. Plus d'un an après, nous attendons toujours son installation.

Pour les moyens du réseau diplomatique, nous nous réjouissons vivement de l'augmentation des effectifs de 106 équivalents temps plein travaillés (ETP) en 2023. Notre commission souligne depuis des années que nous avons été imprudents de fragiliser par tant d'attritions répétées notre réseau. Je renouvelle notre reconnaissance aux personnels, dont l'engagement sans faille a permis de faire face aux défis du coronavirus, mais Il est vraiment nécessaire de redonner des moyens humains au Quai d'Orsay dans ces temps de compétition internationale exacerbée. Des pays voisins comme l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la Turquie intensifient fortement leur présence diplomatique. Nous ne devons pas laisser l'écart se creuser.

Nous attendons aussi beaucoup de vos explications sur l'application de la réforme de l'encadrement de la haute fonction publique au Quai d'Orsay. Les États généraux de la diplomatie doivent être l'occasion de revenir sur les conséquences de cette réforme. Je rappelle que notre commission a adopté des recommandations constructives dans ce domaine, à l'issue d'un important travail mené par nos rapporteurs Jean-Pierre Grand et André Vallini. Il me semble, madame la ministre, que vous auriez tout à gagner à prendre en compte certaines de leurs propositions. La qualité de notre personnel diplomatique est reconnue dans le monde entier ; nous devons préserver cet outil fort précieux.

Autre sujet de préoccupation de notre commission : la sécurité de nos concitoyens et de nos implantations à l'étranger. Nous avons tous en tête les images de l'attaque de notre ambassade à Ouagadougou. Vous nous direz si vos moyens sont à la hauteur des enjeux d'un monde où l'affrontement n'est plus un risque, mais trop souvent une réalité, et qui rend plus que jamais nécessaire la protection de nos emprises et des diplomates professionnels.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs des sénateurs, je suis très heureuse de vous retrouver aujourd'hui dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023.

Le 2 septembre dernier, lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, j'avais réaffirmé qu'accroître notre ambition diplomatique, en cohérence avec le renforcement de l'ensemble des fonctions régaliennes de l'État, impliquait aussi d'augmenter les moyens du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, dans le prolongement de ce qui avait été amorcé lors des deux derniers exercices.

Le projet de budget que nous soumettons aujourd'hui à l'examen de votre commission renforce cette tendance, avec une hausse des moyens du ministère qui bénéficie tant à la mission « Action extérieure de l'État » qu'à la mission « Aide publique au développement ». Le budget prévoit aussi une hausse de nos moyens humains inédite depuis trente ans, une évolution qui prend tout son sens à la lumière de l'environnement international dans lequel nous vivons.

Vous le savez, nos intérêts sont partout contestés, qu'ils soient politiques ou économiques. Nos ressortissants et nos emprises sont menacés, et des actions hostiles se déploient également dans les champs numérique et informationnel. Nous devons y faire face avec d'autant plus de détermination que ces actions s'inscrivent, comme le Président de la République l'a rappelé devant le corps diplomatique, dans un monde en voie de fracturation, plus brutal, dans lequel il est essentiel que la diplomatie intervienne plus activement.

Cette tendance ne date pas d'hier, évidemment, mais elle a pris une ampleur nouvelle et inédite lorsque la Russie a fait, voilà sept mois, le choix de ramener la guerre sur le continent européen en agressant militairement l'Ukraine. La Russie a porté atteinte aux principes fondamentaux de la Charte des Nations-unies, qui seuls peuvent garantir la paix entre les nations, la portée de cette guerre dépasse largement le continent européen. Nous nous efforçons de le faire comprendre partout à travers le monde. Dans ce contexte, des mécanismes comme ceux de la Cour pénale internationale sur le plan multilatéral ou de la Facilité européenne de paix sur le plan européen ont aujourd'hui plus d'importance que jamais.

Du fait de cette agression, des situations de tension se transforment en situations de crise, énergétiques ou alimentaires notamment. Les divisions sont exacerbées, au risque d'une fragmentation durable de la scène internationale entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, dont on peut se demander bien évidemment si ce n'est pas l'un des objectifs de la Russie.

Cette fragmentation intervient paradoxalement au moment où nous avons plus que jamais besoin de bâtir des coopérations pour apporter des solutions durables aux enjeux globaux qui se sont multipliés ces dernières années, en même temps qu'ils gagnaient en complexité et en technicité. Climat, environnement, biodiversité, océans, alimentation, santé : autant de domaines où la France a pris la tête des efforts mondiaux pour protéger les biens communs, ce qui suppose des compétences ainsi que des moyens financiers et humains.

Les moyens supplémentaires que je m'apprête à vous présenter ont vocation à répondre à ces enjeux. Ils nous permettront de déployer une diplomatie combative, agile et innovante, une diplomatie de résultats au service de nos compatriotes. Il est essentiel pour cela de maintenir un outil diplomatique universel, capable de se déployer partout dans le monde et d'agir dans la totalité ou presque des organisations régionales et internationales.

La France, je le rappelle, dispose du troisième réseau diplomatique mondial, fort de 163 ambassades, 16 représentations permanentes et 90 consulats généraux. Cette universalité de notre réseau nous permet d'être présents partout et de parler à tout le monde, ce qui constitue un atout majeur pour bâtir les coalitions d'action dont nous avons besoin pour agir dans les organisations internationales et peser sur un certain nombre de situations.

Vous l'avez rappelé, monsieur le président, c'est aussi un outil universel puissant au service de nos ressortissants, qui s'est illustré notamment durant la pandémie de covid-19.

Pour répondre à ce contexte international inédit, le projet de budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) est ambitieux.

Comme vous le savez, la mission « Action extérieure de l'État » comprend les programmes 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », 151, « Français à l'étranger et affaires consulaires » et 185, « Diplomatie culturelle et d'influence ».

Quant à la mission « Aide publique au développement », elle se compose du programme 110, « Aide économique et financière au développement », porté par le ministère de l'économie et des finances, et du programme 209, « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui relève du Quai d'Orsay. C'est le MEAE qui est responsable du pilotage de la mission dans son ensemble.

La trajectoire à la hausse de notre budget se confirme et s'amplifie. En 2023, les crédits de paiement devraient atteindre 6,65 milliards d'euros pour l'ensemble des missions, en augmentation de 543 millions d'euros, soit 9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » atteindront 3,218 milliards d'euros, en hausse de 160 millions d'euros, et ceux de la mission « Aide publique au développement » relevant du MEAE 3,436 milliards d'euros, en hausse de 383,1 millions d'euros. La mission APD devient donc prépondérante dans le budget du ministère.

J'ajoute que les crédits cumulés des programmes 209 et 110 atteindront au total 5,77 milliards d'euros, ce qui correspond à 17 % d'augmentation par rapport à 2022 et à un doublement par rapport à 2017. C'est un effort considérable consenti par notre pays, sous l'impulsion notamment de la représentation nationale, que je tiens à remercier.

Par ailleurs, nos effectifs vont croître pour la première fois depuis 1993, avec 106 ETP supplémentaires si l'on intègre les transferts opérés par la Délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese).

Nos effectifs avaient considérablement diminué au fil des ans, accusant une baisse de 30 % sur les deux dernières décennies et de 17 % depuis 2006, sans modification substantielle du périmètre, à l'exception des experts techniques internationaux (ETI).

Le budget 2023 marque donc une rupture avec une tendance qui n'était plus soutenable - Jean-Yves Le Drian avait parlé d'hémorragie - à l'heure où nos principaux partenaires voyaient croître leurs moyens. Le plafond d'emplois du ministère est ainsi porté dans le PLF 2023 à 13 634 ETP, ce qui représente une augmentation substantielle pour un ministère comme le nôtre.

Afin de financer à la fois la hausse de notre plafond d'emplois et la poursuite des réformes en cours au sein du ministère, notre masse salariale connaîtra une hausse raisonnable de 6 % par rapport à la LFI 2022.

Ces moyens nouveaux nous permettront d'accélérer notre réforme des ressources humaines, au bénéfice de toutes les catégories d'agents, titulaires, contractuels et agents de droit local.

S'agissant des rémunérations, nous avons veillé à ce que les mesures bénéficient également à tout le monde. Après le plan RH 2022, qui a permis notamment une augmentation des rémunérations des titulaires et des contractuels en administration centrale, nous poursuivrons en 2023 la mise en oeuvre du plan de convergence des rémunérations entre titulaires et contractuels, en y consacrant 6,4 millions d'euros. Nous consacrerons également 1,6 million d'euros à la revalorisation des volontaires internationaux, ces jeunes collègues qui font un travail très utile, et même souvent remarquable au sein de nos ambassades. Enfin, 3 millions d'euros seront dévolus à l'harmonisation des conditions salariales des recrutés locaux.

Mon ministère poursuivra enfin la mise en oeuvre de la réforme de la haute fonction publique, en faisant évoluer son organisation et son fonctionnement pour jouer pleinement, si nous le pouvons, le rôle de chef de file interministériel de l'action extérieure de l'État que le Président de la République et la Première ministre ont rappelé à l'occasion de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs. C'est une condition de l'efficacité de l'État dans son action internationale.

J'ai annoncé lundi le lancement des États généraux de la diplomatie, dont le Président de la République avait bien voulu accepter l'idée dans son discours. Ils débuteront à compter de la semaine prochaine. Jérôme Bonnafont, représentant permanent de la France auprès des Nations unies à Genève, qui avait déjà accompli un travail très apprécié sur l'adaptation des ressources humaines du ministère aux nouveaux enjeux, sera le rapporteur général de cette mission.

Nous voulons tracer les contours de la diplomatie professionnelle de demain. J'insiste sur l'importance de la professionnalisation et de l'expérience acquise au fil des années, mais nous voulons essayer de répondre le plus efficacement possible aux enjeux d'aujourd'hui et de demain, si besoin en faisant évoluer nos méthodes de travail.

L'aide humanitaire constitue l'une des grandes priorités de ce projet de budget. Notre capacité à répondre aux crises humanitaires, aggravées par la guerre en Ukraine, est aujourd'hui un enjeu majeur. Ce projet de budget en prend pleinement la mesure. Notre aide humanitaire programmée atteint ainsi 642 millions d'euros - 200 millions d'euros mis en oeuvre à travers le Fonds d'urgence et de stabilisation, en augmentation de 30 millions d'euros-, 160 millions d'euros dédiés à l'aide alimentaire programmée, en augmentation de près de 42 millions d'euros, et 200 millions d'euros dédiés aux contributions humanitaires volontaires aux Nations-unies, en augmentation de 19,5 millions d'euros. S'y ajoute l'initiative Food & Agriculture Resilience Mission (Farm), qui sera financée par la France à hauteur de 75 millions d'euros afin de répondre à l'aggravation de l'insécurité alimentaire mondiale provoquée par les conséquences de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Pour plus de réactivité, cette programmation à la hausse se double d'une augmentation substantielle de la provision pour crise majeure, qui sera plus que décuplée, passant de 23 millions d'euros à 270 millions dans le PLF 2023. Ce saut quantitatif et qualitatif doit nous permettre de répondre plus efficacement et plus rapidement à des situations d'urgence dans le domaine humanitaire.

Au total, 912 millions d'euros pourront donc potentiellement être consacrés à l'aide humanitaire en 2023 par mon ministère.

L'autre grande priorité, c'est la sécurité, dans un contexte de persistance, et souvent d'aggravation des difficultés en Afrique, mais aussi en Europe. Les moyens nouveaux du programme 105 seront notamment orientés vers la sécurisation de nos emprises, avec une enveloppe de 5 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et de 3 millions d'euros en crédits de paiement. Nous renforcerons notamment la sécurité des postes diplomatiques d'Islamabad, de Bagdad et d'Addis-Abeba.

Quant à Ouagadougou, monsieur le président, l'une des premières décisions que j'ai prises en prenant mon poste fut l'envoi de quelques unités de gendarmes supplémentaires pour renforcer la sécurité de notre ambassade.

Le numérique constitue une autre priorité. Nous menons depuis quelques années une politique d'investissements soutenus, mais nous devons encore améliorer l'efficacité de nos outils et pallier quelques inégalités de déploiement qui demeurent selon les pays. Nous devons aussi renforcer la cybersécurité de notre réseau, le deuxième le plus attaqué de France après celui de la Présidence de la République. Les moyens de la direction du numérique du ministère s'établiront à 52,2 millions d'euros, en augmentation de 4,4 millions d'euros.

La communication stratégique sera également prioritaire. Nous sommes confrontés à des manipulations de l'information et à de la propagande, souvent d'origine russe, qui vise par exemple à attiser des discours antifrançais sur les réseaux sociaux, notamment en Afrique et dans quelques pays européens. Nous avons pu le constater lors du coup d'État au Burkina Faso. Afin de mieux lutter contre ces pratiques, nous augmenterons de 2,5 millions d'euros les moyens de la direction de la communication et de la presse, sachant que d'autres entités sont aussi chargées de cette mission au sein de l'État.

Notre dernière priorité sera l'éducation en français et à la française. Nous disposons de 566 établissements, implantés dans 138 pays à travers le monde, qui scolarisent 390 000 élèves. Nous poursuivrons le plan de développement à l'horizon 2030 et renforcerons les moyens de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) à hauteur de 30 millions d'euros.

Ces priorités thématiques s'accompagneront d'une préoccupation constante : aider et protéger les Français à l'étranger. Le Quai d'Orsay, c'est aussi le service public des Français à l'étranger. En 2023, notre action consulaire, à travers le programme 151, sera dotée de 141,1 millions d'euros hors dépenses de personnel. La baisse apparente des crédits de paiement par rapport à 2022 s'explique par l'absence de report cette année du coût d'organisation des élections présidentielles et législatives, qui s'est élevé à 13,5 millions d'euros, somme inutile en 2023. Aucun autre pays au monde n'offre pareil service consulaire à ses concitoyens.

Les bourses scolaires destinées aux enfants français de nos établissements scolaires retrouveront leur niveau de 2021, avec un budget de 105,8 millions d'euros, qui englobe aussi dorénavant des bourses spécifiques pour les enfants en situation de handicap.

Afin de répondre aux besoins accrus de la communauté française à l'étranger, dans un contexte souvent plus difficile, des crédits supplémentaires seront également alloués au titre de l'aide sociale : 16,2 millions d'euros en 2023, soit un million d'augmentation par rapport à 2022. L'allocation SOS covid, dotée de 12 millions d'euros en 2021 et de 4,3 millions d'euros en 2022, sera remplacée, pour ceux de nos compatriotes qui en auraient besoin, par une aide sociale classique. Ils pourront aussi compter sur le soutien des organismes locaux d'entraide et de solidarité, que nous aiderons à hauteur de 1,4 million d'euros en 2023, et sur celui des associations porteuses de projets bénéficiant aux Français de l'étranger - le dispositif Stafe (soutien au tissu associatif des Français à l'étranger) sera doté de 2 millions d'euros en 2023.

Toutes ces aides seront distribuées en lien avec les élus consulaires, qui constituent un précieux relais des besoins de nos compatriotes.

Être aux côtés des Français de l'étranger, c'est aussi faciliter leurs démarches. La modernisation de l'action consulaire se poursuit : je pense à la numérisation du registre de l'état civil, à l'amélioration continue du dispositif de vote par internet et à l'extension de l'expérimentation du service France Consulaire, déployé dans 13 pays pour le moment. Nous développerons également une expérimentation visant à favoriser le renouvellement des passeports sans comparution.

Le projet de loi de finances pour 2023 consacre donc une hausse modeste de nos effectifs, une augmentation sensible de nos moyens budgétaires, la poursuite du renforcement de l'aide publique au développement et du service public offert à nos concitoyens établis - ou de passage - à l'étranger. Ce budget reflète les fortes attentes envers notre diplomatie et témoigne de la confiance accordée à notre appareil diplomatique. Il rend hommage au sens de l'intérêt général de nos diplomates.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Je souhaite tout d'abord saluer tous les personnels du ministère, qui incarnent le service public, et dont le dévouement est exemplaire.

Depuis 2007, le ministère a perdu 3 000 postes. Je me réjouis de la création de 106 postes l'an prochain pour répondre aux besoins prioritaires de notre diplomatie : le renforcement de notre présence dans la zone indopacifique, notre capacité d'analyse politique dans certains pays, l'amélioration de notre cybersécurité ou encore la sécurisation de nos emprises. Les ressources humaines sont la richesse de votre ministère. Les nouveaux recrutements soulageront les postes pour lesquels la charge de travail était devenue trop pesante, particulièrement pour les secrétaires généraux d'ambassade. Le PLF prévoit-il les mesures nécessaires pour faire face à l'inflation et accompagner l'évolution induite des contrats de droits locaux ?

Dès 2015, notre commission recommandait deux axes essentiels en matière de politique immobilière. Premièrement, l'établissement d'un schéma stratégique pluriannuel pour l'ensemble du patrimoine immobilier du ministère -il a été présenté au mois de novembre 2021- ; deuxièmement, l'inscription des crédits nécessaires à l'entretien de ce patrimoine en loi de finances initiale. Pour l'année 2023, je crois pouvoir délivrer un satisfecit, au nom de notre commission. Le programme 105 est enfin doté de crédits à la hauteur des besoins du ministère, soit 90 millions d'euros pour les autorisations d'engagement et 80 millions d'euros pour les crédits de paiement.

J'assure de notre soutien sans faille les personnels ayant subi les attaques de notre ambassade au Burkina Faso. L'enjeu de sécurité ne peut être ignoré, et les travaux doivent être réalisés. La sécurisation de nos emprises à l'étranger devait être financée par 29 ventes permettant de rembourser l'avance du compte d'affectation spéciale (CAS), d'un montant de 100 millions d'euros. Est-ce bien raisonnable ? Pouvez-vous nous assurer que les personnels ne rencontreront plus de problèmes de logement ou qu'ils ne seront pas contraints de recourir à la location, ce qui dilapiderait en dix ans le produit d'une cession ?

André Gattolin, qui ne peut pas être présent, me charge de vous féliciter pour l'effort réalisé cette année encore en matière de contributions volontaires : en 2023, la France prévoit une somme de 58,3 millions d'euros sur le programme 105. Pouvez-vous nous en donner le détail ? Le décrochage de la parité euro-dollar et l'envolée de l'inflation ont-ils été pris en compte dans la fixation de ce montant ? Êtes-vous en mesure de nous présenter les retombées de cette politique volontariste ? La France est-elle parvenue à peser sur les orientations et les décisions de certains des fonds qu'elle abonde ainsi de façon volontaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Le Gleut

Le projet de loi de finances prévoit une augmentation de la subvention versée à l'AEFE à hauteur de 30 millions d'euros en 2023. Celle-ci vise - entre autres - à financer la moitié des surcoûts liés à la réforme des statuts des personnels détachés. L'autre moitié de ce surcoût, estimée à 7 millions d'euros, sera-t-elle financée sur la trésorerie de l'Agence, déjà mise à contribution à hauteur de 20 millions d'euros l'an dernier pour le financement des aides à la scolarité et de l'aide en faveur du Liban ? Pouvez-vous également nous indiquer l'état d'avancement des discussions concernant la hausse de la cotisation retraite des fonctionnaires détachés à l'étranger prévue par un décret du 26 avril 2022 et abrogée par un autre décret dès le 2 juin ?

Lors de son discours du 20 mars 2018 sur l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme, le Président de la République a fixé l'objectif de doubler les effectifs de l'enseignement français à l'étranger, ce qui reviendrait à accueillir 700 000 élèves à l'horizon 2030. Or, au rythme actuel de croissance des effectifs - une augmentation de plus de 2 % a été constatée en 2021 -, le doublement n'interviendrait qu'à l'horizon 2050. Madame la ministre, pensez-vous sincèrement être en mesure d'atteindre ce but dans les délais fixés par le Président de la République ?

Ma dernière question dépasse le champ du programme 185 stricto sensu et porte sur l'accès des lycéens français de l'étranger aux formations de l'enseignement supérieur en France. Selon un article du journal Le Monde de septembre 2021, ceux-ci sont souvent évincés par Parcoursup. Les statistiques mentionnées dans cet article sont révélatrices : le 27 mai 2021, seuls 20 % des 25 000 lycéens français à l'étranger avaient reçu une proposition d'admission, contre 54 % des autres lycéens. Le 16 juillet 2021, au moment de la fin de la phase principale d'admission, 48 % des lycéens français à l'étranger avaient reçu une réponse positive, contre 89 % des lycéens français scolarisés sur le territoire national. Pourriez-vous nous indiquer si des actions ont été prises par votre ministère, en lien avec les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, pour remédier à cette situation ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Je souhaite en préambule évoquer le processus visant à encadrer l'usage d'armes explosives à large rayon d'impact en zones peuplées. La signature définitive du protocole aura lieu le 18 novembre prochain à Dublin. Pendant longtemps, la France n'était pas très allante sur ce sujet. Or la position française a évolué depuis quelques semaines : je tenais à vous en donner acte.

En décembre dernier, votre prédécesseur, Jean-Yves Le Drian, a présenté une feuille de route de l'influence de la diplomatie française, dont les résultats devaient figurer dans un tableau de bord. Ce dernier a-t-il été créé ? Dans l'affirmative, quels enseignements peut-on en tirer ? Dans le cas contraire, pourriez-vous nous en expliquer les raisons ?

De même que le doublement des effectifs d'élèves des établissements français à l'étranger d'ici à 2030 nous semble difficilement atteignable, nous nous interrogeons sur l'objectif d'accueillir 500 000 étudiants étrangers à l'horizon 2027. Pour mémoire, la France comptait 365 000 étudiants étrangers durant l'année universitaire 2020-2021. Pourriez-vous nous indiquer si cet objectif est toujours d'actualité et préciser le nombre d'étudiants étrangers attendus en 2023 ?

Quel bilan tirez-vous du plan « Bienvenue en France », lancé en 2019 et destiné à attirer davantage d'étudiants étrangers dans notre pays ? Un fonds d'amorçage de 10 millions d'euros a été instauré lors de son lancement afin de soutenir les initiatives des établissements. Or il n'est pas prévu que celui-ci soit pérennisé. Certains établissements ont-ils été contraints d'abandonner les actions engagées ou d'autres ont-ils été dissuadés d'intégrer ce dispositif, faute de financements ?

La compétence en matière de tourisme a été rattachée à votre ministère en 2012. À titre personnel, j'ai toujours considéré que cette décision était saugrenue. Depuis le mois de juin, elle relève du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Sur le plan budgétaire, cela se traduit notamment par un transfert des crédits consacrés à Atout France du programme 185 vers le programme 134, pour un montant de 29 millions d'euros. Pourriez-vous, d'une part, nous préciser les raisons ayant conduit à opérer un tel transfert et, d'autre part, nous indiquer quel sera le rôle de votre ministère en matière de promotion du tourisme et les moyens prévus à cet effet dans le projet de loi de finances ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Depuis le mois d'octobre 2021, certains de nos compatriotes résidant à l'étranger ont accès au service France Consulaire, qui leur permet d'obtenir des informations d'ordre général ou d'engager une démarche administrative sur internet ou par téléphone.

Alors que ce service est désormais accessible dans treize pays européens, le déploiement de cette plateforme dématérialisée ne doit pas servir de prétexte pour abandonner les points d'accueil physiques dans nos ambassades et consulats. Il est essentiel que la possibilité d'être accueilli physiquement soit maintenue, en particulier pour nos compatriotes les plus fragiles.

Nous saluons les services rendus par cette nouvelle solution dématérialisée. Toutefois, pouvez-vous nous confirmer que le déploiement de ce service externalisé n'aura pas pour conséquence une réduction du personnel dans nos services consulaires ? Ces derniers doivent rester les interlocuteurs privilégiés de nos compatriotes à l'étranger, dont ils connaissent la situation et les besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Le 31 août dernier, votre ministère a supprimé le dispositif du secours occasionnel de solidarité. Le fonds SOS covid avait permis de financer une aide sociale pour environ 10 000 Français de l'étranger depuis 2020.

Alors qu'en France les campagnes successives de vaccination se sont traduites par un recul de l'épidémie - qui reste à confirmer -, la crise sanitaire continue à se faire ressentir dans de nombreuses régions du monde. Sur le continent africain, le taux de vaccination reste par exemple inférieur à 30 % de la population.

À l'heure où nous assistons à une reprise historique de l'inflation dans le monde, le financement des aides sociales à destination des Français de l'étranger décroît.

La suppression du fonds SOS covid représente une réduction annuelle de plus de 10 millions d'euros d'aides sociales par rapport à 2021. Envisagez-vous la création de nouveaux dispositifs afin de répondre à la fragilisation de nos compatriotes exposés aux crises économiques et sanitaires dans de nombreux pays du monde ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Saury

Je me réjouis de la hausse continue des crédits en faveur de l'aide publique au développement depuis 2017. Pourtant, le contexte national exige de faire des économies : l'effort n'en est que plus louable.

Le Burkina Faso a connu un deuxième coup d'État en moins d'un an, suivant ainsi le même chemin que son voisin malien. Or la direction régionale Grand Sahel de l'Agence française de développement (AFD) se trouve précisément à Ouagadougou. Peut-elle continuer à travailler ? Par ailleurs, la France venait d'annoncer, le 26 septembre, une aide budgétaire de 15 millions d'euros au Burkina Faso : qu'en sera-t-il désormais ?

En application de la loi du 4 août 2021, le Gouvernement a remis un rapport sur la comptabilisation de l'aide publique au développement. Selon les critères de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les frais d'écolage, qui représente une partie significative de notre aide publique au développement, ne devraient être comptabilisés que si « la présence des étudiants résulte de la mise en oeuvre d'une politique de coopération au développement par le pays hôte ». Les autorités responsables des programmes d'aide publique au développement doivent être impliquées dans la spécification des secteurs et des niveaux d'éducation concernés : je pense au nombre et à la sélection des catégories d'étudiants invités ou à l'adaptation des frais de scolarité aux besoins des étudiants. Existe-t-il une telle coordination entre votre ministère et celui de l'enseignement supérieur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Ma première question porte sur la taxe sur les transactions financières. Ce sujet avait fait l'objet de longues discussions avec votre prédécesseur. Un délai de huit mois a été nécessaire pour avoir accès au rapport, pourtant prévu par la loi. Celui-ci ne contient aucune piste sérieuse à ce sujet. Comptez-vous faire évoluer la part de la taxe sur les transactions financières abondant l'aide publique au développement ?

Ma deuxième question porte sur la gouvernance de la politique française de solidarité internationale. Les deux premières instances de pilotage sont en principe le Conseil du développement et le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid). L'ensemble des acteurs de la politique de solidarité internationale que nous auditionnons citent toujours le Cicid comme la source principale des orientations qu'ils appliquent. La loi du 4 août 2021 précise que celui-ci doit se réunir annuellement. Or la dernière réunion date de 2018 : quand sera-t-il de nouveau convoqué ?

J'en viens à ma troisième question. La programmation financière prévue par la loi de 2021 doit être révisée avant la fin de l'année 2022 pour les années 2023 à 2025. Une discussion portant sur cette clause de revoyure sera-t-elle organisée ? Pourrons-nous prochainement examiner le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD pour la même période ?

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre

Le décret d'application relatif à la création de la Commission d'évaluation de l'aide publique au développement a été publié le 6 mai 2022. Mon ministère et la direction générale du Trésor travaillent avec la Cour des comptes afin que ses travaux puissent débuter l'année prochaine. Un préfigurateur sera nommé par la Cour des comptes et une liste de personnalités a été établie. Il reviendra aux membres du Parlement de nommer les deux membres du Sénat et de l'Assemblée nationale. Nous approchons du terme des travaux préparatoires avant la mise en place effective de la commission.

Monsieur Grand, le projet de loi de finances inclut une provision pour inflation de 24 millions d'euros - sur l'ensemble des programmes - pour les agents titulaires et contractuels, dont une somme de 3 millions d'euros pour les agents de droit local.

En 2017 et 2018, les ressources du CAS n'ont pas été sollicitées intégralement en vue de la remise à niveau des ambassades : durant ces deux années, les investissements ont été réalisés à partir du programme 105. En 2019 et 2020, un droit d'accès aux crédits du CAS a été ouvert pour un montant 67 millions d'euros, dont 64 millions d'euros pour la sécurité diplomatique du ministère et 3 millions d'euros pour celle des agences de l'AEFE. Ce plan de sécurisation s'est poursuivi.

Par ailleurs, le ministère s'est engagé depuis 2021 dans une rebudgétisation des crédits d'investissement liés à la sécurité sur le programme 105 : les crédits sont passés de 13 millions d'euros en 2020 à 21 millions d'euros dans le PLF pour 2023. Une partie des 106 ETP supplémentaires ira à l'accroissement des effectifs de la sécurité de quelques postes diplomatiques.

Une programmation détaillée des contributions volontaires ne sera disponible qu'au début de l'année prochaine. Les secteurs à privilégier ont été identifiés : le renforcement des outils de maintien de la paix, le soutien à des organisations actives dans le champ de la sécurité internationale et le renforcement de l'attractivité du territoire français pour les organisations internationales. Le décrochage de la parité euro-dollar et l'envolée de l'inflation ont été pris en compte.

Monsieur Le Gleut, deux années de pandémie ont affecté le rythme de progression du nombre d'élèves scolarisés dans les établissements français à l'étranger. Néanmoins, nous recensons 10 000 élèves supplémentaires et 17 nouveaux établissements en 2022, soit 71 établissements créés depuis l'instauration du plan en 2018. Nous espérons pouvoir rattraper notre retard et respecter l'objectif.

Les élèves du réseau de l'AEFE ont vocation à rejoindre l'enseignement supérieur français. C'est également le cas pour les élèves français qui ne sont pas scolarisés dans le réseau AEFE. Parcoursup est le point d'entrée pour l'ensemble des élèves, indépendamment des difficultés techniques que nous devons résoudre. Il convient également de valoriser les établissements de l'AEFE auprès des établissements du supérieur qui souvent les méconnaissent et ne donnent pas la priorité à ces candidatures.

La trésorerie de l'AEFE a été abondée de nouveaux de crédits en 2020. Les 50 millions d'euros prévus dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 au titre des bourses scolaires n'ont pas été totalement consommés. Sur les 30 millions d'euros restants, 20 millions d'euros ont été consommés en 2022. Le solde, 10 millions d'euros, permettra d'absorber le coût lié à l'évolution du statut de résident pour 7 millions d'euros. Nous restons très vigilants quant à la trésorerie de l'AEFE et ne souhaitons pas mettre cet opérateur en danger.

Le tableau de bord de la feuille de route de l'influence a fait l'objet d'une première ébauche début 2020. Des projets ont été déployés dès 2022, comme la promotion de la langue française et le développement de l'enseignement du français à l'étranger, celle de l'influence culturelle et intellectuelle, avec notamment un accent sur l'exportation des industries culturelles et créatives et le développement des projet de résidences d'artistes, le premier d'entre eux, en visibilité, étant la Villa Albertine, qui permettait d'attirer des donateurs ou bien encore le renforcement de la politique d'attractivité universitaire et scientifique ainsi que la transformation du réseau diplomatique.

Vous vous interrogez sur l'objectif de 500 000 étudiants étrangers en 2027, inscrit dans la stratégie Bienvenue en France. Or notre pays accueille déjà 400 000 étudiants internationaux. Pour atteindre l'objectif fixé à l'horizon de 2027, nous mettons en oeuvre une série de mesures comme l'amélioration de la chaîne d'accueil, dont le renforcement de la formation en français, langue étrangère et celui des filières d'enseignement en anglais, la mise en place de frais d'inscription différenciés pour les étudiants arrivant d'États extraeuropéens, l'augmentation du montant des bourses en 2023, après la baisse enregistrée en 2021, ou bien encore l'amélioration de la communication sur l'offre de formation.

Le plan Bienvenue en France, lancé en 2019, a pour ambition d'être un facteur d'attractivité et de diversifier la mobilité étudiante. Des efforts importants ont été fournis depuis 2021 comme la mise en place de la plateforme Études en France et l'augmentation du nombre d'établissements labellisés Bienvenue en France - on en compte 138 à ce jour. Ces efforts seront poursuivis en 2023 notamment en matière de communication et de simplification. Une augmentation de 20 % des candidatures a été constatée dès la première campagne, de 13 % l'année suivante et de 17 % cette année. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a mis en place un financement fléché de 10 millions d'euros pour soutenir le développement de la stratégie Bienvenue en France, sous la forme d'un fonds d'amorçage aux établissements.

En ce qui concerne le transfert de la compétence tourisme, je ne commenterai pas les décrets d'attribution qui s'imposent à nous. La partie du plan de reconquête et de transformation du tourisme qui porte sur l'attractivité reste confiée à notre ministère. Elle bénéficie d'un montant de près de 6 millions d'euros sur les 12,5 millions d'euros que représenteraient l'action tourisme.

Le service France Consulaire n'aura pas à subir de baisse d'effectifs liée à la numérisation. Celle-ci garantira, au contraire, une meilleure disponibilité de nos agents au ùservice des usagers.

Nous maintiendrons notre capacité d'aide sociale pour nos compatriotes à l'étranger, et nous multiplierons les volets sur lesquels nous pourrons intervenir.

Quant à l'aide publique au développement et à la taxe sur les transactions financières, notre raisonnement prend en considération les crédits disponibles, et non leur origine. Le plafonnement à 700 millions d'euros des crédits issus des deux taxes ne pose pas de problème.

La Première ministre a donné son accord pour que le Cicid se réunisse dans les semaines à venir et le Président de la République a aussi prévu de réunir un comité de développement à son niveau.

Pour ce qui est de la trajectoire financière de l'APD, nous avons atteint l'objectif fixé par la loi de programmation pour 2022, soit 5 % du PIB, ce qui est inédit. Compte tenu de la reprise économique en 2022 et de l'augmentation importante du PIB, l'aide au développement a considérablement augmenté en volume.

Au Burkina Faso, l'aide budgétaire fait partie des instruments ponctuels d'appui à un État en difficulté. Aucune décision n'a encore été prise, à la suite du nouveau coup d'État, quant au maintien de cette aide. Les droits d'écolage sont comptabilisés dans l'APD et valorisés selon la règle du comité de développement de l'OCDE.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

En tant que rapporteur sur le budget de l'audiovisuel public extérieur, qui ne fait partie ni de la mission « Action extérieure de l'État » ni de la mission « Aide publique au développement », je me réjouis de l'augmentation du budget de France Médias Monde, qui passe à 284,7 millions d'euros. Toutefois, les taxes sur les salaires et la fin de la déductibilité de la TVA liée à la suppression de la redevance audiovisuelle ont pour conséquence que l'on en reste en réalité au statu quo.

Nous sommes pourtant au coeur d'une guerre informationnelle qui nécessiterait un renforcement budgétaire pour garantir une information libre et indépendante. Les autres États ont des moyens très supérieurs aux nôtres. Ainsi, la BBC émet en 45 langues étrangères, contre 20 pour nous. Au Mali et en Russie, la chaîne France 24 subit un blocage extérieur, de sorte qu'il nous faut adopter des stratégies de contournement qui ont un certain coût.

Les instituts et les alliances françaises doivent être des vecteurs de promotion de notre audiovisuel public. Nos réseaux sont remarquables, mais le personnel craint une fragilisation du système, liée à la suppression de la redevance. Des fermetures ont déjà eu lieu.

Nous devons renforcer le système en le pérennisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

La coalition politique au Pakistan a changé. Cet État manifeste désormais une volonté de se rapprocher de l'Occident, notamment de la France. Il a pris des positions intéressantes sur le conflit en Ukraine. Le grand voisin indien a davantage de difficultés à choisir son camp. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

M. Le Drian avait mis un terme à la réduction des moyens du Quai d'Orsay ; la création de 106 ETP est une première depuis 1993. Vous semblez vouloir relever les défis liés à la lutte informationnelle et à la propagande hostile, avec une augmentation de 2,5 millions d'euros des moyens de la direction de la communication et de la presse. Quels sont les autres services du Quai d'Orsay affectés à cette lutte informationnelle ?

Aider les Français de l'étranger, c'est également créer de nouveaux services, comme l'expérimentation du renouvellement des passeports sans comparution, prévue l'an prochain au Canada et au Portugal. J'en suis ravi ; les Britanniques le font depuis longtemps.

En revanche, la mise en place de la plateforme téléphonique centralisée de France Consulaire a été repoussée, alors qu'on nous avait promis l'an dernier qu'elle serait étendue à toute l'Union européenne à la fin de 2022, et au monde entier en 2023. Vous semblez nous dire que ce ne sera pas le cas. Comment expliquer ce nouveau report ? Pouvons-nous envisager une loi de programmation consulaire qui nous permettrait d'appréhender l'évolution du réseau dans le temps ?

Enfin, nous souhaiterions que notre présence soit plus affirmée en Amérique latine. La France est le troisième investisseur au Brésil. Alors que le niveau de notre balance extérieure inquiète, pourquoi ne pas nous saisir des nombreuses opportunités offertes par ce voisin avec lequel nous partageons la plus grande frontière terrestre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

La taxe sur les transactions financières française a pour objet de faire participer le secteur financier au redressement des finances publiques de la France. Or, compte tenu du compromis de la Commission européenne et du faible taux de la taxe et de l'assiette, 99 % des transactions risquent d'échapper à cette taxe. Vous laissez entendre qu'il n'est pas besoin d'activer ce levier pour augmenter les crédits. Où récupérerez-vous les recettes nécessaires pour répondre à l'urgence sociale, environnementale et énergétique ? Pourquoi ne pas rehausser le taux de la taxe de 0,3 % à 0,7 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

Notre aide publique au développement se concentre sur l'Afrique. La dégradation de nos relations avec les pays de ce continent a-t-elle des conséquences sur la réalisation des projets financiers ? Devons-nous concevoir notre aide publique comme un levier d'influence à part entière ?

Lors des crises internationales, les demandes de visa pour la France se multiplient auprès des consulats. Pourrait-on renforcer temporairement les équipes consulaires pour mieux y répondre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Raimond-Pavero

La Russie a renforcé ses liens diplomatiques avec la Turquie. Sur le plan militaire, la coopération turque s'est traduite par l'acquisition en 2019 d'un système de défense antiaérien russe, malgré l'opposition américaine. Sur le plan civil, les deux pays ont également accru leur coopération en matière énergétique, avec l'inauguration en 2020 du gazoduc TurkStream et la construction de la première centrale nucléaire turque, à Akkuyu, par l'énergéticien russe Rosatom.

Vous avez mentionné le principe d'une diplomatie innovante. Quels seraient ses moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La semaine dernière, nous avons débattu brièvement, en séance publique, au sujet de la politique des visas. Nous sommes en train d'abîmer durablement nos relations bilatérales avec les pays du continent africain. Notre diplomatie doit être non seulement vivante, mais aussi humaine et agile, de manière à ce que nous puissions apporter des solutions en cas de crise. Nombreux sont les déçus de notre politique des visas. Cela nourrit un sentiment antifrançais.

Des créations de postes et des crédits supplémentaires sont prévus pour le réseau consulaire. Les forces d'appoint destinées à accélérer le traitement des demandes de visa ne suffiront pas, d'autant que le nouveau personnel, fraîchement arrivé de Paris, risque de faire des erreurs, faute de bien connaître la situation des demandeurs. Pouvez-vous préciser les modalités de déploiement des nouveaux agents et le calendrier des rendez-vous consulaires ?

Lors de la 37e session de l'Assemblée des Français de l'étranger, nous avons évoqué leur volonté d'être associés aux États généraux de la diplomatie. Y êtes-vous favorable et que pensez-vous de l'idée que les parlementaires y participent également ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Depuis dix-huit jours, cinquante prisonniers palestiniens sont en grève de la faim, dont l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri, détenu depuis le 7 mars 2022, sans jugement, ni procès, ni incrimination. Quelle initiative nouvelle comptez-vous prendre pour éviter le pire ?

Je me félicite comme mon collègue André Vallini de ce qu'un nouvel accord international contre l'utilisation des armes explosives en zones peuplées voie le jour. La France sera-t-elle représentée au plus haut niveau lors de sa signature à Dublin, le 18 novembre prochain ? Nous serons plusieurs parlementaires sur place. Comptez-vous être présente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Les femmes iraniennes subissent une répression terrible. La Grande-Bretagne, le Canada et les États-Unis ont commencé à prendre des mesures de rétorsion à l'encontre des responsables iraniens, comme le gel d'avoirs ou l'interdiction de séjour sur leur territoire. Les ministres des affaires étrangères des 27 pays de l'Union européenne se réuniront le 17 octobre prochain. Prévoira-t-on une réaction européenne globale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

J'attire votre attention sur la dégradation de nos relations avec le Maroc. La politique des visas imposée dans les conditions que nous savons n'est pas favorable. Quelles évolutions pouvons-nous escompter ? Les relations se sont améliorées avec l'Algérie, pays voisin.

Enfin, deux pays souffrent particulièrement du conflit en Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie. La Biélorussie est entraînée dans la guerre de manière incertaine du fait de son chef d'État. La semaine dernière, le président du Sénat a reçu Mme Svetlana Tikhanovskaïa, qui a réussi le tour de force de réunir les oppositions et dont le mari est prisonnier dans les geôles de M. Loukachenko. Peut-on envisager que l'opposition au régime biélorusse soit accueillie comme observateur au Conseil de l'Europe, de manière à faire entendre sa voix ?

Quant à la Moldavie, c'est un pays très exposé qui connaît d'importantes difficultés, notamment pour la fourniture de gaz, qui devait être assurée à 100 % par la Russie. Quelles mesures le Gouvernement français compte-t-il prendre pour aider cet État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous avons entendu lors d'une audition Mme Fawzia Koofi, députée afghane qui vit en exil. D'autres ont fui comme elle, en Iran ou au Pakistan, et certaines sont sans nouvelles de leur demande de visa. Elles craignent d'être renvoyées en Afghanistan, où leur sort serait terrible. Que comptez-vous faire ?

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre

Madame Garriaud-Maylam, la question de l'audiovisuel public extérieur ne relève pas directement de la compétence de mon ministère. Certes, il faut que l'information soit libre et indépendante - le Président de la République l'a rappelé lors de l'ouverture de la conférence des ambassadrices et ambassadeurs. L'audiovisuel public extérieur est aussi un instrument de rayonnement de la langue française.

Dans le plan de résilience démocratique que j'ai annoncé à l'été dernier, nous renforcerons notre soutien aux médias locaux indépendants, dans les pays où cela est nécessaire. Nos instituts sont également à l'oeuvre.

Quant aux crédits, la question ne dépend pas de nous, mais il me semble que le montant de l'enveloppe compte plus que son origine.

Monsieur Allizard, nos relations avec le Pakistan tendent à se normaliser, grâce à l'arrivée d'un nouveau gouvernement pakistanais. La France souhaite des relations apaisées avec cet État. Le Président de la République s'est entretenu en marge de l'Assemblée générale des Nations-unies avec le nouveau Premier ministre pakistanais. Nous serons exigeants dans le dialogue qui s'instaurera, notamment sur les questions des droits de l'homme, de la liberté d'expression et de la lutte contre toute forme de radicalisme.

Nous sommes aux côtés du Pakistan, qui a subi de graves inondations. Nous participons à l'aide humanitaire et avons envoyé du matériel.

Cette amélioration de nos relations n'emporte aucune conséquence négative sur notre partenariat stratégique avec l'Inde, qui n'a cessé de s'approfondir. Au cours de mon dernier déplacement en Inde, nous avons pu noter une évolution positive dans les relations avec cet État, notamment à l'occasion des prises de position publiques exprimées par l'Inde, à Samarcande ou au Conseil de sécurité des Nations-unies, sur la situation en Ukraine.

Monsieur Cadic, nous avons l'intention de faire le meilleur usage de nos moyens supplémentaires, qui ne sont pas non plus illimités. Nous avons décidé d'affecter entre dix et vingt personnes au nouveau dispositif de veille, qui permettra aussi de renforcer notre capacité d'action sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, d'autres directions du Quai d'Orsay, notamment la direction politique et les directions géographiques, sont appelées à apporter leurs compétences à la lutte contre la désinformation.

Le déploiement du nouveau service consulaire se poursuit au rythme des moyens. L'Union européenne est presque intégralement couverte à ce jour, et nous nous réjouissons d'ores et déjà du taux de satisfaction de près de 90 % enregistré parmi nos compatriotes utilisateurs, qui sont volontiers exigeants.

La France doit en effet s'investir davantage en Amérique latine, pour nos entreprises, mais aussi pour accroître son influence. J'ai plusieurs projets à cet égard, pour moi-même, mon ministère et mes secrétaires d'État.

Les questions concernant la taxe sur les transactions financières me semblent devoir relever davantage de mes collègues des finances et du budget.

En matière de politique des visas, vous avez rappelé la décision prise en conseil de défense fin 2021 en faveur d'une politique de visas plus stricte à l'égard des pays qui ne coopéraient pas suffisamment sur le volet retour de leurs ressortissants en situation irrégulière. Je rappelle que la politique des visas est placée sous la responsabilité conjointe du MEAE et du ministère de l'intérieur.

J'ai cru comprendre que les conversations avaient bien avancé avec la Tunisie.

Elles semblent avoir bien avancé également avec l'Algérie, même si nous attendons encore les réponses des autorités algériennes aux questions soulevées par le Président de la République lors de son entretien avec son homologue à la fin du mois d'août, notamment sur l'allègement de l'obligation de réalisation d'un test PCR, qui est un moyen assez fréquent pour les pays de se soustraire aux obligations de retour. Nous attendons les réponses du nouveau ministre algérien de l'intérieur.

Nous sommes également en discussion avec le Maroc dans le même but d'obtenir un retour plus fluide des personnes en situation irrégulière.

Mme Conway-Mouret, le nombre de visas émis est reparti à la hausse, tout en restant inférieur au nombre de titres délivrés en 2019. On constate en effet des retards, mais ils sont localisés dans certains pays. Nous allons créer un centre de soutien pour aider les consulats concernés par ces difficultés, et nous allons bien entendu lutter contre les officines qui accaparent les rendez-vous au moyen de robots informatiques.

Nous continuons à délivrer des visas au titre de l'asile aux Afghanes et aux Afghans depuis Islamabad ou Téhéran. Dans la capitale iranienne, la situation, volatile, perturbe le bon fonctionnement du service des visas.

Les États généraux de la diplomatie associeront des personnalités extérieures et des élus, et j'espère que certains sénateurs répondront présents. J'ai fait le choix d'une consultation large et transparente.

Monsieur Laurent, notre mobilisation est totale pour que les droits de Salah Hamouri soient pleinement respectés. Le Président de la République souhaite que sa libération intervienne le plus tôt possible. Nos consuls à Tel-Aviv et à Jérusalem lui ont rendu visite à cinq reprises. Sa famille a été elle aussi reçue plusieurs fois. Nous demandons également que son épouse et ses enfants puissent le voir régulièrement.

Nous n'avons pas encore défini le niveau de participation pour la signature du protocole encadrant l'usage d'armes explosives à large rayon d'impact en zones peuplées, qui aura lieu le 18 novembre à Dublin. Je vous en rendrai compte dès qu'une décision aura été prise.

Une réunion des ministres des affaires étrangères se réunira prochainement en vue d'adopter des sanctions contre les responsables de la répression en Iran. Contrairement à ce que soutient ce pays, nous ne pratiquons aucune ingérence : nous nous bornons à rappeler que l'Iran est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 : à ce titre, il doit respecter ses obligations.

Je suis consciente des troubles pouvant naître de la politique des visas. Le ministre de l'intérieur échange avec ses homologues européens en vue de revenir au dispositif en vigueur avant 2021.

Nous avons appelé la Biélorussie à ne pas soutenir davantage l'agression russe contre l'Ukraine. Dans le cas contraire, de nouvelles sanctions seraient instaurées. Nous soutenons l'opposition biélorusse ; j'ai moi-même reçu Svetlana Tikhanovskaïa, qui souhaite que l'opposition démocratique biélorusse puisse être reçue comme observateur au Conseil de l'Europe. Je soutiendrai cette demande.

La Moldavie bénéficie du service France Consulaire. Ce pays mérite toute l'attention de la France. La candidature de la Moldavie à la Communauté politique européenne (CPE) sera examinée lors d'une prochaine réunion de cette instance. Une conférence de soutien sera organisée au mois de novembre afin d'aider la Moldavie à faire face à son voisin russe.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Un ancien militaire français, Philippe François, est actuellement emprisonné à Madagascar dans des conditions terribles. L'ancien ambassadeur Jean-Christophe Rufin a pris la présidence de son comité de soutien. Le Quai d'Orsay est pour le moment resté discret à ce sujet.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre

Monsieur le sénateur, soyez assuré de notre entière mobilisation pour venir en aide à notre compatriote. Les interventions du Quai d'Orsay sont plus contraintes que celles des anciens ambassadeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je me réjouis de la hausse du budget de votre ministère. Je vous remercie pour la qualité de nos échanges. La commission des affaires étrangères du Sénat agira à vos côtés.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 30.