Notre ordre du jour ayant été considérablement modifié ces derniers jours, plusieurs membres de notre délégation m'ont fait part de leur regret de ne pouvoir assister à la réunion de ce matin et m'ont prié de les excuser auprès de notre invité.
Nous avons le plaisir de recevoir M. Philippe Coulangeon, pour une audition consacrée à la conscience écologique de nos compatriotes. Ceux qui ne peuvent pas être présents dans notre salle de réunion peuvent suivre à distance l'audition, qui est captée et diffusée en direct sur le site du Sénat et différents réseaux sociaux et pourra être revue en vidéo à la demande.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, rappelons que notre délégation à la prospective, créée en 2009, est une institution originale dans le paysage parlementaire, sans équivalent à l'Assemblée nationale ni dans la plupart des parlements étrangers. Notre mission est d'examiner des problématiques complexes sur le temps long, de décrypter les grandes tendances dans les domaines économiques, sociaux, environnementaux.
Au travers des auditions que nous menons, nous abordons des enjeux fondamentaux. Aujourd'hui, c'est celui du regard de la société sur la transition écologique, thème de votre ouvrage récent, monsieur Coulangeon : La Conversion écologique des Français. Contradictions et clivages.
Vous êtes agrégé de sciences sociales, docteur en sociologie, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et au Centre de recherche sur les inégalités sociales de SciencesPo. Vous travaillez notamment sur la sociologie des pratiques culturelles, les liens entre stratification sociale et modes de vie, ainsi que sur les ressorts sociaux de la conversion écologique.
Ce matin, vous allez nous éclairer sur les contradictions et clivages, comme l'indique le sous-titre de votre livre, de la société française face au problème majeur de la transition écologique. Les événements de ce week-end à Sainte-Soline en sont une illustration, sans doute assez extrême, mais néanmoins emblématique de conflits qui pourraient s'accroître dans les années à venir autour des divers aspects de la transition écologique.
Tous les secteurs de l'économie sont désormais touchés : agriculture, énergie, industrie, tourisme. La population sait aussi qu'elle devra subir et s'adapter à des épisodes climatiques de plus en plus nombreux et violents : sécheresses, canicules, inondations, tempêtes... Comment tout cela est perçu par nos concitoyens ? Comment adapter nos pratiques et nos modes de vie ? Quels sont les secteurs de la société sur lesquels s'appuyer ? Quels sont les leviers que l'on pourra activer pour que cette transition soit acceptable par l'ensemble de nos concitoyens ? Mesurez-vous des différences selon les territoires - un critère qui nous intéresse particulièrement au Sénat ?
Merci beaucoup de me donner l'occasion de présenter ce travail collectif réalisé en collaboration avec Yoann Demoli, Maël Ginsburger et Ivaylo Petev.
Je n'étais pas un spécialiste des questions environnementales avant de me plonger dans ce travail. Ce qui nous a motivés, moi et mes collègues, a été l'impression - confirmée par la suite - que la question environnementale était de plus en plus au coeur de la conflictualité sociale. Les conflits, les clivages, les rapports de force politiques sont peut-être en train de se reconfigurer autour de ces questions.
Pendant très longtemps, le conflit social en France a été noué autour du partage de la valeur, de la production. Un ouvrage célèbre de sociologues et d'économistes français de la fin des années 1960 s'intitulait ainsi Le Partage des bénéfices. Ne serions-nous pas en train de basculer dans une autre ère, où l'une des questions centrales ne serait plus le partage des fruits du développement économique, mais serait celui du fardeau de ses externalités négatives ? Ces questions éminemment politiques impliquent des choix qui mettent en conflit des intérêts contradictoires.
Notre étude s'appuie sur une enquête de 2017 - et je pense de plus en plus que nous devrions la renouveler, car beaucoup de choses se sont passées depuis. L'enquête a été réalisée sur Internet avec SciencesPo et l'Institut national d'études démographiques (Ined) notamment, sur un panel de 3 000 personnes, à qui sont posées mensuellement des questions sur un certain nombre de sujets. Cela permet d'aborder en population générale des questions rarement abordées par l'Insee et d'interroger, par exemple, à la fois les représentations, les opinions, les attitudes et les pratiques de consommation et de déplacement. Car il n'y a pas nécessairement de convergence automatique entre le degré de conscience des enjeux et la mise en pratique.
S'agissant des attitudes, nous nous sommes risqués à utiliser un outil certes critiqué, mais validé à l'échelle internationale, issu de la psychologie sociale : la New Ecological Paradigm (NEP) Scale. Cet outil psychométrique classique mesure l'attitude environnementale de l'individu à partir d'une batterie de questions.
Dans le cas de la population française, l'échelle de conscience environnementale n'est pas unique ; selon les degrés d'acquiescement aux différentes propositions et en utilisant des outils statistiques d'analyse factorielle, nous avons pu distinguer deux dimensions différentes sous-jacentes, deux variables latentes, comme disent les psychologues : l'échelle de l'inquiétude environnementale et l'échelle de la défiance à l'égard de la capacité du progrès technique à surmonter les enjeux environnementaux.
On peut répartir la population par rapport à ces deux échelles. Au fond, la question de l'inquiétude est socialement consensuelle : elle varie assez peu selon les caractéristiques d'âge, de diplôme ou de revenu. Mais ce n'est pas du tout le cas de l'autre échelle, très liée au niveau d'études : plus les gens sont diplômés, plus ils sont sceptiques sur la capacité du progrès technique à surmonter les enjeux environnementaux.
Le panel Elipss que nous avons interrogé étant mensuellement soumis à des enquêtes sur les attitudes politiques, nous avons pu croiser les données. L'inquiétude environnementale est peu liée au positionnement politique, ce qui n'est pas le cas de la défiance vis-à-vis du progrès : plus on va vers la gauche, plus la défiance progresse ; à noter cependant une forte spécificité des personnes qui s'autopositionnent à l'extrême droite, celle de se situer assez haut concernant les deux variables.
Deuxième opération de notre enquête, nous avons posé des questions aux enquêtés sur leurs habitudes de consommation alimentaire - s'ils consomment du bio ou non, s'ils prêtent attention à la provenance des produits, à quelle fréquence ils consomment de la viande, notamment de la viande rouge -, mais aussi sur l'équipement du ménage, leurs dépenses d'habillement, de chauffage, d'énergie et leurs pratiques dans le traitement des déchets ; enfin, et c'est un poste qui engage beaucoup de variance dans la population, nous les avons interrogés sur leurs modes de déplacement et leur équipement automobile.
Nous avons réalisé des opérations statistiques routinières, mais assez complexes, relevant de l'analyse factorielle de correspondance : face à une population décrite par un très grand nombre de variables - ici, plus d'une vingtaine -, on essaie algébriquement de repérer des facteurs synthétiques qui créent le plus de différenciation entre les individus, et les variables qui vont le plus souvent de pair : par exemple, faire beaucoup de kilomètres en voiture et avoir une voiture à grosse cylindrée.
Cette analyse révèle trois différents axes : la frugalité, qui différencie les individus selon leur volume de consommation, notamment énergétique ; le degré de pratiques éco-orientées telles que le tri des déchets ou l'attention à l'origine et à la nature des produits alimentaires ; l'ancrage local de la consommation et du style de vie, qui différencie les « ancrés » des « cosmopolites ».
Des représentations graphiques permettent de visualiser ces associations : on remarque ainsi, concernant la frugalité, que certains ont des voitures plus récentes, possèdent plus de véhicules et beaucoup d'électroménager, tandis que d'autres ont peu d'équipements... Cet axe n'a pas forcément de rapport avec le tri des déchets : paradoxalement, plus on consomme, plus on produit des déchets et plus on est amené à trier.
Le deuxième axe, l'orientation environnementale des pratiques, oppose des individus qui manifestent une certaine conscience dans leurs pratiques - ils consomment peu de viande, sont attentifs à l'origine des aliments, consomment du bio, ont plutôt des voitures anciennes et modulent leur chauffage - à d'autres qui ne font pas particulièrement attention.
Le troisième axe est très important dans un pays comme la France, où l'opposition entre les urbains et les ruraux est peut-être plus forte qu'ailleurs en Europe : l'axe local-global, qui oppose des styles de vie très ancrés dans le territoire, une dépendance à l'automobile et un équipement électroménager qui peut être lié à l'autoconsommation, à des styles de vie marqués par les voyages à longue distance. Un critère très différenciateur est le fait de voyager en avion : contrairement à ce que l'on pourrait croire, une très grande part de la société française ne prend jamais l'avion.
Nous avons ensuite cherché à voir dans quelle mesure les critères se combinent. Nous aboutissons à une typologie empirique issue de notre travail d'analyse factorielle, qui rapproche des individus qui se ressemblent. La solution optimale comporte quatre classes : un cluster très cohérent, celui des consuméristes assumés, qui regroupe des ménages joignant une très faible sobriété et une très faible conscience environnementale, possédant plusieurs véhicules et présentant beaucoup de dépenses de consommation et d'énergie, plutôt aisés, urbains ou périurbains, habitant dans du pavillonnaire ; un deuxième assez contradictoire, celui des éco-consuméristes, alliant une assez forte conscience environnementale, une attention non négligeable à la provenance des produits, une pratique du tri des déchets, à une forte consommation ; un troisième cluster - dans lequel, mes collègues et moi nous sommes reconnus - celui des éco-cosmopolites, urbains diplômés assez préoccupés par les enjeux environnementaux, mais qui ruinent tous leurs efforts en prenant l'avion assez souvent ; un dernier cluster politiquement très important, celui des frugaux sans intention, frugaux sous la contrainte de leur budget, mais n'ayant pas particulièrement de conscience environnementale.
Ce dernier groupe doit nous amener à réfléchir à la manière dont on oriente les campagnes de sensibilisation. Pour ces ménages qui pratiquent déjà la sobriété, le discours de sensibilisation aux enjeux n'a pas beaucoup d'intérêt, mais ils sont directement concernés par les infrastructures de transports, car ils font souvent partie des plus piégés par l'usage de l'automobile dans le périurbain.
Nous avons regardé comment se distribuaient ces quatre profils en termes d'autopositionnement politique, ce qui nous a menés à des constats assez triviaux. Le gradient droite-gauche joue, mais il n'est pas si évident que cela. Le consumérisme assumé se trouve moins à gauche qu'ailleurs, mais la frugalité sans intention est difficile à caractériser, sans doute car elle touche des populations marquées par l'abstention. Les éco-cosmopolites s'autopositionnent pour 47 % d'entre eux à gauche ou à l'extrême gauche. L'éco-consumérisme est marqué par une assez forte présence à gauche, mais aussi à l'extrême droite, à hauteur de 21 %.
L'écologie politique existe et existera sans doute à l'avenir, mais nous entrons dans une période où cette préoccupation, présente dans l'ensemble du spectre politique, appellera toutefois des réponses politiques différentes, selon les leviers privilégiés : progrès technique, efficacité des mécanismes de signal-prix, planification... La différenciation sociale et politique reflète le fait que nous entrons peut-être dans cette période où une partie du débat social et politique sur l'écologie est amenée à se structurer autour de la diversité et de la conflictualité des réponses à ce défi.
Entre ceux qui voudraient, mais n'arrivent pas, à être sobres et ceux qui sont sobres sans le vouloir, vos typologies ne sont pas très encourageantes !
Pour beaucoup de nos concitoyens, la réalité s'impose, notamment à travers deux crises : la crise de l'énergie qui réinterroge nos certitudes - on n'imaginait pas parler de délestage il y a cinq ans - et la crise de l'eau, avec l'épisode de sécheresse que nous venons de connaître. Ces crises nous renvoient à des besoins primaires, tels que boire et s'alimenter via l'agriculture. Des conflits se profilent, notamment autour du stockage de l'eau, consubstantiel à certaines formes d'agriculture. Certaines communes ont été privées d'eau au robinet. Dans l'Ardèche, le préfet a interdit la délivrance de permis de construire dans vingt-six communes, tant qu'elles n'avaient pas réalisé de travaux pour capter l'eau de la nappe du Rhône.
Conscients ou pas, nous sommes au pied du mur. Pensez-vous que ces événements récents sont de nature à faire évoluer la typologie et la répartition de la population entre les classes ?
Il est difficile d'anticiper le résultat d'une enquête qui n'a pas été menée et que nous devons effectivement lancer - il suffit pour cela de trouver 20 000 euros pour la financer. Entre 2017 et aujourd'hui, il s'est passé beaucoup de choses, surtout ces derniers mois, mettant en évidence deux éléments sous-jacents dans vos propos.
D'abord, la conflictualité. Longtemps, pour caricaturer, on pourrait dire que les questions environnementales étaient traitées de façon un peu fleur bleue et consensuelle : tout le monde était d'accord pour protéger la nature. Maintenant, on le voit bien, l'eau, par exemple, est devenue l'objet de conflits très importants. Les questions environnementales faisaient l'objet d'une conflictualité qui pouvait être structurante dans certains territoires - je pense à la chasse -, mais elles restaient anecdotiques pour la France entière. Ce n'est plus le cas.
Ensuite, la différence des pratiques et des consciences selon les territoires et le cadre de vie - malheureusement, notre échantillon France entière n'est pas adapté à ce dernier élément. Dans les zones montagneuses, les gens vivent concrètement le réchauffement climatique : toute l'économie des sports d'hiver va disparaître dans certains territoires ; ce sera la même chose là où l'agriculture est très consommatrice d'eau. À l'inverse, une certaine forme d'insouciance peut régner ailleurs.
Ma typologie est-elle optimiste ou pessimiste ? Je préfère rester agnostique en ce domaine... (Sourires)
L'intérêt de cette typologie est de montrer qu'il faut différencier les leviers. Tout ce qui peut relever de la contrainte risque de plus toucher les consuméristes assumés, par exemple. Certaines catégories de ménages vont devoir restreindre des éléments de leur train de vie. Ce qui paraît aujourd'hui liberticide pourrait apparaître demain comme indispensable. Cela appelle des choix politiques qui ne seront pas faciles.
Merci pour votre étude, qui reflète des contradictions inhérentes à l'humanité, mais qui nous pousse à agir pour les dépasser. Le clivage politique est-il encore révélateur au regard de vos quatre clusters ?
Votre étude a-t-elle permis d'affiner la répartition de ces classes par catégorie sociale ou par catégorie territoriale : entre les habitants des coeurs de grandes villes, du périurbain ou de territoires ruraux ?
Aux deux crises récentes citées par Mathieu Darnaud, j'ajouterai la pandémie. Le dernier ouvrage de Jean Viard interroge ainsi les effets du confinement simultané de milliards d'individus. Un autre moteur d'évolutions est le retour de la guerre sur le sol européen.
Vous avez parlé d'inquiétude écologique. Les gens l'expriment-ils ou sont-ils conditionnés à la ressentir ? Cette inquiétude devient-elle un facteur d'immobilisme en incitant au repli face à un avenir encore plus incertain ? L'enjeu du politique n'est-il pas justement de transformer une inquiétude légitime en force positive, pour inciter chacune et chacun à l'action sans être facteur d'exclusion ?
Ainsi, l'adaptation à la fin du diesel sera beaucoup plus facile dans les milieux aisés, qui ont les moyens de passer à l'électrique sans faire évoluer leur vie quotidienne, qu'au sein de catégories sociales qui devront repenser leur budget mobilité. Au-delà de l'approche traditionnelle par les classes sociales, comment faire en sorte que la gestion d'un bien aussi indispensable que l'eau nous rassemble ? Il me semble qu'une société où l'on s'affronte n'est pas propice à la préservation de l'environnement et à la réponse aux défis climatiques et écologiques.
Notre typologie des caractéristiques sociales des clusters est empirique : elle ressort des associations entre les variables renseignées dans l'enquête. Il serait au demeurant possible de l'affiner. Les différents profils sont très caractérisés socialement : le cluster du consumérisme assumé regroupe surtout des catégories à rémunérations élevées - cadres supérieurs, mais aussi indépendants -, tandis que la frugalité sans intention est caractéristique des classes populaires, avec une forte sur-représentation des chômeurs.
L'éco-consumérisme caractérise les ménages retraités, qui ont beaucoup de temps à consacrer aux pratiques vertueuses : comparer les produits, prendre le temps de faire la cuisine, etc. Nous nous attendions au contraire à ce que les comportements éco-orientés caractérisent les plus jeunes. Les champions du tri sont plutôt les générations du baby-boom...
Les éco-cosmopolites sont les cadres supérieurs plutôt diplômés, ceux que l'on appelle vulgairement les bobos : moi et mes co-auteurs, disons-nous en plaisantant...
Cela nous prépare-t-il des conflits ou du consensus ? Sans parler d'émeutes ou de guerres civiles, je pense que nous allons plutôt vers le conflit. Il appartient justement au politique d'inventer des formes de régulation de ce conflit. Les questions que nous avons devant nous ne sont pas consensuelles, car elles imposeront des contraintes sur le mode de vie des plus aisés, ou des choix de financement d'infrastructures qui auront des incidences en matière de fiscalité et de redistribution. Nous sommes là au coeur du politique. L'un des enseignements de notre ouvrage est qu'il faut en finir avec une vision consensuelle et naïve des questions environnementales ; mais c'est la vie de la Cité.
C'est l'évolution qui sera intéressante, notamment avec le vieillissement de la population qui touche tous les pays européens.
Quelle est la part respective dans la population des quatre classes que vous avez identifiées ?
Le cluster du consumérisme assumé représente 28 % de la population, l'éco-consumérisme 28,5 %, l'éco-cosmopolitisme 16,5 % et la frugalité sans intention 27 %. L'éco-consumérisme est donc plus minoritaire, parce qu'il correspond à une élite urbaine culturellement et socialement privilégiée.
Cela correspond aux classifications des géographes. En matière de mobilité électrique, ne serait-il pas raisonnable d'éviter de mettre tous nos oeufs dans le même panier, avec les biocarburants pour accompagner la sortie du diesel par exemple ?
Les consommateurs de l'électricité produite par les éoliennes sont les urbains, ceux qui les subiront sont les ruraux : on risque de se mettre à dos ces derniers, au lieu de les associer à la transition. Ne faut-il pas le prendre en compte pour faire en sorte que chacun participe à l'effort collectif, ce qui est toujours difficile à faire admettre ?
La diversité des profils qui ressort de cette enquête résonne comme un appel à la diversification des outils et leviers d'action. Un exemple : le mécanisme du signal prix, défendu par beaucoup d'économistes avec des arguments solides, ne joue pas sur une partie de la population qui est à la marge de la société de consommation. En revanche, il est efficace pour les catégories les moins contraintes financièrement. Nous avons vu cette réalité à l'oeuvre lorsque l'introduction d'une taxe carbone a été tentée - avec le risque qu'elle soit enterrée pour longtemps !
La solution n'est-elle pas générationnelle ? Avez-vous, dans votre étude, pris en compte les segments d'âge ? On voit bien que, pour des raisons évidentes, chaque génération a sa propre approche des questions environnementales. L'adaptation n'est-elle pas beaucoup plus facile chez les plus jeunes, qui grandissent déjà confrontés à la nouvelle réalité ?
Il faudrait, pour bien mesurer cela, disposer de séries d'enquêtes dans le temps pour isoler l'effet d'âge de l'effet de génération. Néanmoins, il semble bien que la génération de l'après-guerre, qui a grandi dans la consommation de masse, ait plus de difficultés à effectuer la conversion. Cette génération est marquée par une fascination pour le progrès technique, la consommation, l'électroménager, toutes les facilités de la vie moderne. Mais les générations montantes, très représentées dans le cluster de l'éco-cosmopolitisme, se distinguent aussi par la consommation numérique dont l'impact environnemental n'est pas négligeable : je songe en particulier au renouvellement accéléré des équipements, en particulier les smartphones.
La question de l'obsolescence des équipements appelle ainsi une conversion massive. À titre anecdotique, le monde de la recherche consomme les ordinateurs avec beaucoup de légèreté. Peut-être faudra-t-il former du personnel à la maintenance, plutôt que de renouveler systématiquement les équipements.
Il y a aussi des réflexions à mener sur notre rapport à l'espace et au voyage de longue distance. Les jeunes générations ont été plus habituées à la facilité de déplacement. En revanche, dans le milieu de la recherche, cela ne passe plus. Ceux de nos collègues qui ont décidé de se rendre à Melbourne pour le congrès de l'Association internationale de sociologie sont assez mal considérés par les autres, qui estiment que la visioconférence se prête très bien à une communication de vingt minutes !
Nous vous remercions de cet éclairage. Nous ne manquerons pas de nous nourrir de vos travaux pour les sujets qui sont des fils rouges de nos réflexions, comme en ce moment l'eau.
La réunion est close à 9h35.