La réunion

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Photo de Jean-Pierre Sueur

Je suis heureux d'accueillir en notre nom à tous Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, venue nous présenter un projet de loi important, qui a donné lieu à un processus préparatoire novateur et de grande qualité, puisque tous les acteurs de la justice se sont retrouvés dans une conférence de consensus.

Les débats sur la loi pénitentiaire nous restent en mémoire. Dans la situation de surpopulation carcérale que nous connaissons, il est d'autres solutions que le statu quo.

Photo de Jean-Pierre Sueur

Nous examinons ce matin les amendements au texte de la commission pour la proposition de loi de M. Jean-Claude Carle, que nous avons adoptée en commission la semaine dernière, autorisant les candidats aux élections municipales à se présenter avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants. Je suppléerai son rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois, qui préside en ce moment la séance publique.

Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vous remercie de votre accueil et connais l'ardeur au travail de votre commission, qui a, sur ce texte, largement entamé ses travaux. Je vous remercie d'avoir rappelé la méthode que j'ai choisie en rassemblant une conférence de consensus, pour rechercher des positions communes entre des personnes dont les parcours, les engagements, les appartenances partisanes diffèrent. Cette conférence s'est déroulée en deux étapes : un comité d'organisation a d'abord dressé un état des savoirs en matière de prévention de la récidive, puis des auditions publiques se sont déroulées sur deux jours, rassemblant 2300 personnes. Douze préconisations ont été votées à l'unanimité, sur lesquelles j'ai organisé trois cycles de consultations, avant de passer à la phase interministérielle qui a précédé les arbitrages.

L'Assemblée nationale a apporté, à l'initiative de son rapporteur, quelques modifications à ce texte, sans remettre en cause ses principes directeurs. Quels sont-ils ? Les études, les expérimentations conduites en France et ailleurs, notamment au Canada, depuis plusieurs années, montrent que les peines les plus individualisées sont les plus efficaces. Ces peines tiennent compte de la gravité des faits, de leur retentissement sur la victime, ainsi que de la personnalité et du parcours de l'auteur des faits. Les magistrats doivent disposer de la totalité de leur pouvoir d'appréciation et disposer de tous les éléments qui leur permettront de prendre la décision la plus juste. La peine doit être individualisée à toutes les étapes, depuis le prononcé jusqu'à l'exécution.

Ce texte renforce, dans le même temps, les droits des victimes et des associations qui les accompagnent, et rassemble des dispositions éparses dans le code pénal. La loi pénitentiaire l'a montré : il est essentiel d'assurer la meilleure coordination possible entre les services de l'État, les collectivités territoriales et les associations.

Ces principes trouvent leur expression dans deux articles principaux. L'article premier prolonge ce que contenait partiellement la loi pénitentiaire en précisant ce que sont les finalités et les fonctions de la peine : sanctionner l'auteur des faits, protéger la société, réparer le préjudice subi par la victime et travailler à la réinsertion de l'auteur des faits. L'article 11, structurant, rappelle les principes sur lesquels repose l'exécution de la peine. Rassemblant des dispositions éparses dans le code de procédure pénale, il renforce les droits des victimes et leur assure tranquillité et sûreté y compris dans la période d'exécution de la peine. L'insertion, la réinsertion, et au-delà même, la désistance - soit l'effort pour sortir de la délinquance - font pleinement partie des fonctions de la peine : c'est ce que ce texte entend rappeler.

Nous introduisons des mécanismes contribuant à l'efficacité de la sanction. Nous généralisons, ainsi, les bureaux d'exécution des peines, pour éviter les latences entre le prononcé et le suivi de l'exécution.

Sachant que le magistrat a besoin, pour prononcer une peine individualisée, de disposer de toutes les informations pertinentes, nous introduisons une césure dans le procès pénal. La juridiction se prononcera, dans un premier temps, sur la culpabilité et les mesures de réparation à l'égard de la victime, et disposera ensuite de temps pour rassembler les éléments relatifs à la personnalité de l'auteur avant le prononcé de la peine.

Les études conduites en Europe et ailleurs montrent que lorsque la peine est exécutée en milieu ouvert, la récidive est beaucoup moins fréquente. Telle est la logique qui préside à la création de la contrainte pénale, applicable aux délits dont la peine maximale encourue est de cinq ans. Connaissant la sévérité de notre code pénal, et l'accumulation possible des circonstances aggravantes, il faudra sans doute y revenir, avec quelques exemples, pour savoir exactement ce que cela représente. Parmi les dispositions complémentaires introduites par l'Assemblée nationale, figure une extension différée de la contrainte pénale à l'ensemble des délits. Ce sera sans doute un point de discussion lors de vos débats.

Nous avons sécurisé ce dispositif de contrainte pénale, en autorisant la présence de l'auteur des faits ou de son avocat lors de la définition des obligations et en veillant que ce soit bien la juridiction qui décide de la durée d'emprisonnement encourue en cas de non respect de ces obligations. Je sais que votre rapporteur a prévu d'autres dispositions, sur lesquelles je me permettrai d'émettre quelques réserves.

Plusieurs questions sont donc en débat : champ de la contrainte pénale, échelle des peines, mais aussi architecture des peines et exécution, sujet sur lequel j'ai mis en place une commission, présidée par Bruno Cotte, ancien président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, et actuellement président de chambre à la Cour pénale internationale.

Nous avons également prévu des garanties à l'étape de l'exécution : l'article 15 permet aux forces de sécurité, police et gendarmerie, de contrôler le respect des obligations et interdiction imposées à l'auteur des faits - retenues, visites domiciliaires, inscription des obligations et interdictions au fichier des personnes recherchées.

Je sais que certaines des dispositions introduites par l'Assemblée nationale font ici débat. J'indique d'emblée que celles relatives à la géolocalisation et à l'écoute des personnes sortant de prison nous paraissent disproportionnées : elles doivent rester réservées à la grande délinquance. Mêmes réserves sur les dispositions de l'article 15 ter, qui transmet aux forces de police des compétences qui doivent rester des prérogatives de l'action publique. Connaissant tout l'attachement du Sénat aux garanties de droit, je ne doute pas que ces dispositions soulèvent les mêmes réserves que les nôtres.

Nous voulons couvrir tout le champ pénal, et avons donc mis en place un mécanisme de libération sous contrainte, rendez-vous judiciaire qui se prépare en amont et permet, aux deux tiers d'exécution de la peine, à la commission d'application des peines de prononcer, au vu du projet du condamné, une mesure de libération sous contrainte ou de décider du maintien en détention. C'est un mécanisme qui vise à lutter contre les sorties sèches, dont il est prouvé qu'elles favorisent la récidive.

Tel est l'essentiel des dispositions de ce texte. Outre la méthode qui a été la nôtre en amont, nous avons également d'ores et déjà pris des dispositions pour que cette nouvelle peine qu'est la contrainte pénale s'accompagne d'une prise en charge adaptée. C'est ainsi que nous avons prévu de renforcer le corps des conseillers d'insertion et de probation en recrutant 1 000 fonctionnaires sur trois ans. Nous avons également entrepris de mieux coordonner les interventions des services de l'État, des collectivités territoriales et des associations, et renforcé le rôle de ces dernières en augmentant, dès mon entrée en fonctions, le budget de l'aide aux victimes de 25,8 %, et en ouvrant un bureau d'aide aux victimes dans tous les tribunaux de grande instance - une centaine ont été ouverts en 2013, et consolidés. Le texte voté à l'Assemblée nationale inscrit dans la loi l'existence de ces bureaux. Afin de disposer d'éléments statistiques fiables, nous avons conduit une réforme de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), qui est en passe d'aboutir ; et nous créons, sur le fondement de l'article 7 de la loi pénitentiaire, l'Observatoire de la récidive et de la désistance. L'ONDRP mènera un travail transversal - alimenté et par le ministère de la Justice, qui dispose depuis 1973 d'un système statistique, et par le ministère de l'Intérieur, qui vient de créer le sien en janvier 2014 - et procèdera à l'évaluation, prévue à deux ans, de ce texte.

Ce projet de loi est charpenté par des principes clairs et des mécanismes qui ont fait leur preuve dans d'autres pays. Il fera l'objet d'une évaluation transparente et sera accompagné de moyens. Notre ambition est non seulement de lutter contre la récidive, mais de la prévenir et c'est pourquoi il importait de se pencher sur les facteurs qui la favorisent.

Photo de Jean-Pierre Michel

Je salue le courage de Christiane Taubira, qui tient son cap en dépit des attaques. Je salue aussi sa méthode, inédite dans le domaine de la justice, qui a fait précéder l'élaboration de ce texte d'un travail scientifique, sociologique, ouvert sur les expériences étrangères et, loin de l'émotion du fait divers, d'une utile confrontation des points de vue qui a su faire émerger le consensus.

Je suis globalement favorable à ce projet de loi et me suis inspiré, dans les amendements que je présenterai, de deux principes. J'ai voulu aller plus loin, tout d'abord vers ce que proposait la conférence de consensus, notamment sur la contrainte pénale, pour en faire, dans certains cas, une peine non adossée à la peine d'emprisonnement. Il s'agit de faire comprendre à l'opinion publique et aux magistrats qu'en matière délictuelle, il existe bien trois sanctions : la prison, la contrainte pénale, l'amende. J'ai voulu me situer, ensuite, dans la continuité de la réforme pénitentiaire de 2009, en y revenant, à l'article 7, et en distinguant, selon une logique qui devrait agréer au Gouvernement, les primo-délinquants des récidivistes.

J'aimerais que vous nous en disiez plus, au cours des débats, madame la ministre, sur l'observatoire de la récidive et de la désistance. Comment envisagez-vous sa mise en place ?

Ce texte s'inscrit dans un double mouvement. Philosophiquement, il rejoint le courant, né après-guerre, de la nouvelle défense sociale, qui a donné lieu à nos lois pénales et de procédure pénale, et les théories plus récentes de resocialisation chères à Paul Ricoeur et à d'autres. La sanction doit punir, mais surtout réinsérer, éviter la récidive, éviter le pourrissement en prison, école du crime. Je pense que sur cette philosophie, nous pouvons nous retrouver nombreux, quelles que soient nos formations politiques.

Un mot, pour finir, de l'article premier. Je ne propose pas de l'amender, mais cela viendra peut-être. Il y est écrit que la peine a pour fonction de sanctionner le condamné, et de favoriser « son amendement », son insertion ou sa réinsertion. J'avoue que ce terme d'amendement, empreint d'une connotation morale, voire religieuse, me laisse sceptique. Mieux vaudrait viser l'insertion ou la réinsertion du condamné « en vue de sa resocialisation ».

Quant aux quatre amendements, techniques, déposés par le Gouvernement, nous les avons examinés attentivement et je leur donnerai un avis favorable.

Photo de Jean-Pierre Sueur

L'amendement n° 1 interdirait, pour l'ensemble des élections, le travail de nuançage effectué par le ministère de l'Intérieur. Or celui-ci est utile pour la science politique, comme l'a souligné M. Alain Richard. Avis défavorable.

Photo de Jean-Pierre Sueur

Je veux souligner que ce texte est une loi d'efficacité. Récuser l'impunité - car toute infraction doit donner lieu à sanction - suppose une diversité de peines : prison, contrainte pénale, amende. L'individualisation évite la récidive. Le message est clair, et je m'offusque de voir ce que parfois on lui impute à charge.

Photo de Pierre-Yves Collombat

Je partage votre façon de poser le problème. Dès lors que quelqu'un qui entre en prison doit en sortir, mieux vaut qu'il en sorte le moins mal possible. Comment y parvenir ? Tel est le problème central qui se pose à nous. J'ai peine, cependant, à saisir comment il faut envisager la contrainte pénale telle que vous l'inscrivez dans ce texte. Est-elle, dès lors que c'est le juge de l'application des peines qui en décide, une modalité d'application de la peine, ou bien une peine à part entière, ainsi qu'en juge le rapporteur, que je suis tenté de suivre ? Qu'apporte cette nouvelle modalité de la peine à l'arsenal existant ?

Autre question, qu'entendez-vous, madame la ministre, par « justice restaurative ? » Il est vrai que l'on attend aujourd'hui de la justice qu'elle aide, dans une sorte de psychothérapie collective, les victimes à faire leur deuil, mais je ne crois pas que ce soit là ce que vous visez sous ces termes.

Photo de Jean-Pierre Sueur

En rendant obligatoire la création d'une rubrique « non inscrit ou sans étiquette » pour toutes les élections, l'amendement n° 2 nuirait également à ce travail de nuançage. Notre commission a approuvé cette règle pour les seules élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants ; elle n'aurait pas de sens dans les autres élections où les débats sont politisés. Avis défavorable à nouveau.

Photo de Yves Détraigne

Ce texte opère, au regard de la manière dont a été considérée ces dernières années la question, un changement de philosophie. Il faudra beaucoup de savoir-faire dans sa mise en oeuvre pour que cette réorientation ne passe pas, auprès de la population, pour du laxisme et que les bonnes intentions affichées ne restent pas lettre morte.

Sur un sujet aussi sensible, ne pas accompagner ces dispositions des moyens nécessaires serait courir à l'échec. La surpopulation carcérale est incontestable, peut-être parce que l'on a tendance à prononcer trop facilement des peines privatives de liberté, mais aussi parce que les moyens financiers manquent pour moderniser nos prisons et offrir le nombre de places suffisant. Pouvez-vous nous garantir, madame la ministre, que les services d'insertion et de probation seront suffisamment dotés, et que la peine alternative que vous entendez mettre en place ne laissera pas le condamné livré à lui-même, au risque de donner à l'opinion publique un dangereux sentiment de laxisme ? Vos prédécesseurs se sont cassé les dents sur cette question des moyens. Quelles assurances pouvez-vous nous donner que nous ne passons pas, en changeant ainsi de philosophie, un marché de dupes ?

Photo de Virginie Klès

Je suis une scientifique et crois par dessus tout à l'évaluation par la preuve. Or, nous manquons, en France, d'une culture de l'évaluation. On peut toujours sortir des chiffres d'un chapeau et leur faire dire tout et n'importe quoi. Autre chose est de préparer l'évaluation en amont, avec des critères objectifs. Ce n'est pas au terme de deux années, cependant, que l'on mesurera l'efficacité de cette loi, mais sur le long terme. Les taux de récidive, qui varient selon les instituts dont ils proviennent, sont sujets à contestation. Nous avons besoin de vrais outils comparés d'évaluation, à l'instar de ce que Martin Hirsh avait entrepris d'importer, en s'inspirant d'expériences étrangères, dans l'évaluation du RSA. Où en êtes-vous sur ce point, madame la ministre ?

Photo de Cécile Cukierman

Nous partageons les grandes orientations de ce texte important pour une justice du XXIème siècle. Nous nous félicitons de la suppression des peines plancher, en faveur de l'individualisation de la peine, et de la restitution au juge de son pouvoir d'appréciation. Les conseillers d'insertion et de probation seront des acteurs indispensables à la réussite de ce texte. Vous avez annoncé des créations de postes, et nous espérons que des redéploiements au sein du ministère viendront les compléter. Car ces conseillers seront les chevilles ouvrières de l'insertion. La notion de parcours de peine est importante. Il s'agit d'ouvrir le débat dans l'opinion publique : une peine peut être accomplie en milieu ouvert ou fermé, et ce n'est pas dans ce dernier cas qu'elle est vécue le plus activement. Les conseillers de probation le disent eux-mêmes, il est parfois plus difficile d'effectuer une peine en milieu ouvert, parce qu'elle comporte plus de contraintes qu'en prison, où le condamné reste plus passif, livré à lui-même, quand ce n'est pas pire, au risque d'obérer ses chances de réinsertion. On n'a d'ailleurs pas vu, grâce à la prison, les délits reculer dans notre pays.

Ce texte me laisse cependant trois regrets. Le maintien, tout d'abord, de la rétention et de la surveillance de sûreté, qui va à l'encontre de l'idée de la peine comme parcours et vient rendre difficile la sortie de peine, en mettant en cause le pacte passé entre la justice et le condamné en vue de sa réinsertion. Je regrette, ensuite, que l'Assemblée nationale ait donné au préfet et aux autorités administratives le moyen d'interférer dans les missions du juge, en lui demandant de réincarcérer le condamné en probation, et confié aux instances locales et à la police des prérogatives réservées à l'autorité judiciaire. On a un peu le sentiment d'un mélange des genres. Dernier regret, enfin, la modification de l'intitulé de la loi, qui lui confère un caractère plus sécuritaire. C'est à mon sens une maladresse, qui ne change rien quant au fond mais en dit long sur un état d'esprit... Nous proposerons des amendements sur tous ces points.

Photo de Jean-Pierre Sueur

L'amendement n° 5 du Gouvernement est contraire à la position de notre commission, qui a opté pour le seuil de 3 500 habitants lors de sa précédente réunion. Ce choix n'est pas arbitraire : les candidatures présentées dans les communes de moins de 3 500 habitants ne reflètent pas nécessairement le jeu politique national. J'ajoute que ministère de l'Intérieur n'y perdrait pas en efficacité : son travail de « nuançage » s'arrêtait déjà aux communes de 3 500 habitants avant les élections municipales de 2014.

La solution proposée par le Gouvernement n'est pas satisfaisante, car elle fait fi des élus municipaux qui se verraient toujours appliquer une nuance politique contre leur gré dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants. Cela n'est pas sans conséquence lorsque ces élus se présentent de nouveau aux élections dans les organismes locaux : syndicats mixtes, EPCI, associations locales d'élus. Surtout si cette nuance est fausse.

Pour toutes ces raisons, je vous propose un avis défavorable.

Photo de Christophe-André Frassa

J'ai le sentiment que dans les dispositions de ce texte, madame la ministre, la sociologie se substitue bien souvent au droit. On se demande ce qu'est pour vous la loi pénitentiaire, votée consensuellement, car votre texte, purement et simplement, la détruit.

Photo de Henri Tandonnet

J'adhère au principe d'individualisation de la peine et de restauration du pouvoir d'appréciation des magistrats, mais me pose une question sur la césure prévue dans le procès. Sera-t-elle obligatoire, au risque de réduire le pouvoir d'appréciation du magistrat, qui doit, à mon sens, pouvoir combiner, par souci d'individualisation, les trois modalités de la sanction ? La contrainte pénale le lui interdit-il ? Et si le juge estime que la sanction la mieux adaptée est une faible peine, sans besoin d'une évaluation de la personnalité de l'auteur, aura-t-il les mains libres ?

Ce texte exigera, tant pour l'accompagnement que pour l'évaluation, des moyens. Or, il me semble que le ministère de la Justice se décharge, en matière de suivi et de contrôle, sur les collectivités territoriales et les associations, qui devront apporter des moyens supplémentaires.

Photo de Jean-Jacques Hyest

Le ministère veut imposer une nuance politique malgré l'opposition du candidat, et s'abstient de publier toute rectification lorsqu'elle a été demandée... Souriez, vous êtes fichés !

Photo de Catherine Tasca

Ce projet de loi a plusieurs vertus. Alors que des années durant, le débat public s'est polarisé sur les crimes, il s'attache à la délinquance, qui peut être un premier faux pas et dont il faut tout faire pour qu'elle ne se transforme pas en apprentissage du crime. Or, on sort plus souvent de prison abîmé qu'amendé. Tel est le constat incontestable dont part votre projet de loi.

Après le prononcé de la peine, il s'agit de se préoccuper de son application. Ce projet ouvre des pistes nouvelles, qui respectent la liberté du juge et permettent, cela est fondamental, d'individualiser la peine. Confortant les avancées de la loi pénitentiaire de 2009, il sort du débat caricatural par lequel on oppose trop souvent souci sécuritaire et laxisme. Car à la différence de M. Frassa, loin de juger que ce texte détruit la loi de 2009, j'estime qu'il en renforce l'esprit, en donnant effectivité aux riches débats de la conférence de consensus.

Le texte tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale n'a pas levé, cependant, toutes les contradictions. Le texte initial du Gouvernement restreignait drastiquement l'accès à un aménagement de peine. L'Assemblée nationale a, heureusement, rétabli un seuil d'un an, en supprimant la distinction entre primo-délinquant et récidiviste. J'aimerais connaître là-dessus, madame la ministre, votre sentiment. Ne s'agit-il pas d'arrêter le processus de la délinquance et de faire barrage à la récidive ? Autant il est logique que la sanction attachée à la récidive soit plus lourde, autant il ne me semble pas cohérent de maintenir la distinction pour l'accès aux aménagements de peine.

Photo de Jean-Pierre Sueur

Le ministère fait en effet preuve d'une certaine obstination. Tout le monde sait que dans les petites communes, il y a souvent deux listes, qui mêlent chacune des sympathisants de droite et de gauche.

Christiane Taubira, garde des sceaux

M. Jean-Pierre Michel m'interroge sur l'Observatoire de la récidive et de la désistance. Je lui répondrai, en même temps qu'à Mme Virginie Klès, en indiquant que nous travaillons depuis plusieurs mois sur les statistiques, objet, depuis des années, de contestations, fondées ou infondées, quant à leur crédibilité. Nous avons voulu un dispositif incontestable, qui ne soit entre les mains ni du ministère de l'Intérieur, ni de celui de la Justice, en engageant la réforme de l'ONDRP. Nos ministères doivent être en capacité de produire des données. Je le répète, le ministère de la Justice dispose, depuis 1973, d'un service statistique et j'ai veillé, depuis mon arrivée, que soient mises à disposition certaines statistiques jusqu'à présent très difficiles à obtenir sur l'incarcération, dans un souci de transparence et d'appropriation collective par l'opinion publique. Le ministère de l'Intérieur s'est doté, pour sa part, depuis janvier 2014, d'un outil statistique. L'ONDRP pourra ainsi travailler sur la délinquance, et mener des analyses transversales. Quant à l'Observatoire de la récidive et de la désistance, il relève, je l'ai dit, de la loi pénitentiaire, n'en déplaise à M. Frassa. Et si M. Détraigne a raison de parler de changement de philosophie, c'est un changement entamé avec la loi pénitentiaire : l'incarcération ne doit intervenir qu'en ultime recours et, si elle ne peut être évitée, des aménagements de peine doivent être envisagée dès que possible.

C'est une réalité constatée dans de nombreux pays, la peine en milieu ouvert - que l'on appelle d'ailleurs peine de probation -, qui ne désocialise pas l'auteur des faits, et le responsabilise en lui imposant une série d'obligations pour réparer le préjudice subi par la victime, se former, se soumettre éventuellement à des soins, réduit la récidive. Dans certains pays scandinaves, après vingt ans de contrainte pénale, on ferme les établissements pénitentiaires, et c'est tant mieux.

L'Observatoire de la récidive et de la désistance aura mission de contribuer à l'évaluation qui, ainsi que Mme Virginie Klès a eu raison de le souligner, ne sera pas définitive au terme de deux ans. Mais nous nous fixons ce rendez-vous à deux ans, pour voir ce que cela donne. Nous verrons comment nous avons été capables de lutter contre les sorties sèches, sans nous contenter de gérer des flux carcéraux. Car ce fut là un des défauts de la loi pénitentiaire, qui intervenait sur un système embolisé, après une quantité de textes venus modifier soit le droit pénal soit la procédure pénale. Au point qu'il n'y avait plus aucune logique, ni dans la politique pénale, ni dans la politique carcérale. Avec des mécanismes comme la procédure simplifiée d'aménagement de peine ou le suivi électronique en fin de peine prévus dans la loi pénitentiaire, on a, de fait, géré des flux carcéraux. Nous nous situons dans une autre logique, non de gestion de la population carcérale mais de prévention de la récidive. C'était d'ailleurs l'esprit de la loi pénitentiaire, même s'il en a autrement été fait usage, dans lequel nous nous situons, et la preuve en est que nous avons pris en moins de deux ans les décrets d'application qui lui manquaient encore, et dont certains furent fort difficiles à élaborer.

L'Observatoire pourra étudier les parcours de délinquance et les parcours de désistance, sur lesquels nous avons besoin d'indicateurs fiables. Nous travaillerons sur des cohortes, car nous manquons d'études telles que celle que nous avons lancée sur dix ans avec 500 000 condamnés. Cet observatoire nous sera précieux, et c'est un outil dont les parlementaires, qui y auront des représentants, pourront s'emparer.

Le terme d'amendement ne vous paraît pas, monsieur le rapporteur, assez séculier ? Ce n'est pourtant pas la rédemption... Nous déploierons cette séquence philologique - je sais que le Sénat y est versé - en séance publique.

Nous ne faisons pas plus de sociologie que de droit, monsieur le sénateur Frassa, mais nous pensons qu'il est utile que le droit se nourrisse d'autres disciplines. Nous augmentons les effectifs des conseillers d'insertion et de probation : 400 sont déjà en formation à l'école nationale de l'administration pénitentiaire, et 300 autres le seront dans chacune des deux années à venir. Ce recrutement de 1000 fonctionnaires sur trois ans représente un effort sans précédent. Mais nous ne nous contentons pas de cela, nous travaillons aussi sur les méthodes et les profils de recrutement, dans la conviction que les sciences humaines ont beaucoup à apporter. Sans remplacer le droit, la sociologie, nous l'assumons, inspire nos décisions normatives.

La contrainte pénale, monsieur Collombat, est une peine en tant que telle. Immédiatement exécutoire, elle doit être éminemment adaptée - d'où un point de désaccord avec votre rapporteur, qui veut, pour certains délits, en faire la seule peine susceptible d'être prononcée. Telle n'est pas notre démarche : dans une logique d'individualisation, il s'agit de travailler sur les personnes et les personnalités. La contrainte pénale doit être ajustée. Elle est modulable et elle est évaluée. Elle est une peine, et non un aménagement de peine.

La césure du procès, monsieur Tandonnet, ne sera pas obligatoire. Souvent, par manque d'éléments, le juge décide de renvoyer l'affaire. C'est ce que nous avons voulu éviter, en prévoyant une audience rapide pour le prononcé de culpabilité et les mesures d'indemnisation de la victime, afin de répondre au sentiment d'impunité et à la légitime impatience des victimes, tout en ménageant, à sa suite, la possibilité d'un délai, afin d'ajuster la peine.

Photo de Isabelle Lajoux

Oui, dans ces communes, les élections opposent des personnes, non des logiques politiques.

Photo de Pierre-Yves Collombat

L'article 8 bis, cependant, précise bien que c'est le juge de l'application des peines qui peut décider, « lorsqu'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme d'un an au plus a été prononcée », de la contrainte pénale. Vous comprendrez donc ma perplexité quant à la nature de cette disposition.

Photo de Jean-Pierre Sueur

Avis défavorable à l'amendement n° 3, pour les mêmes raisons qu'à l'amendement n° 2.

Christiane Taubira, garde des sceaux

C'est un point sur lequel votre rapporteur entend revenir.

Photo de Pierre-Yves Collombat

Mais il s'agit bien là d'un aménagement.

Photo de Jean-Pierre Sueur

En considérant tous les partis politiques comme des nuances politiques, l'amendement n° 4 sape le « nuançage » : avis défavorable. L'intérêt des nuances est de dégager des tendances de vote par blocs politiques. La prise en compte des multiples partis ou micro-partis rendrait cet effort de synthèse impossible.

Christiane Taubira, garde des sceaux

C'est un vrai sujet. Nous avons eu plusieurs mois durant un débat sur ce transfert du prononcé vers le juge de l'application des peines.

Photo de Jean-Pierre Michel

Je veux dire à M. Collombat qu'il sera pleinement informé sur ce point dès notre réunion en commission de demain.

Photo de Jean-Pierre Sueur

Notre rapporteur, madame la ministre, présentera un long amendement faisant de la contrainte pénale, pour un certain nombre d'infractions dûment énumérées, qui ne sont jamais des atteintes aux personnes, la seule peine encourue. Il montre là que la contrainte pénale n'est pas une modalité du sursis avec mise à l'épreuve mais bien une peine en soi, qui a sa spécificité. Et qui éviterait, qui plus est, un surcroît d'engorgement. Y a-t-il vraiment contradiction avec vos positions ?

Christiane Taubira, garde des sceaux

Non pas contradiction, mais nuance. À suivre votre rapporteur, le texte instituerait deux types de contrainte pénale. L'une qui serait prononcée à l'exclusion de toute autre peine, dans certains cas, l'autre que les juges auraient la faculté de choisir. Nous avons eu de nombreux échanges devant la conférence de consensus sur ce sujet, et avons fait un autre choix.

M. Détraigne m'interroge sur les moyens, condition d'efficacité du dispositif. Nous les avons. Nous sommes comptables, madame Cukierman, des évolutions de l'opinion publique. J'ai fait un tour de France, et je suis prête à le refaire après l'adoption de la loi, de même que vous avez contribué, dans les territoires, à expliquer les choses. Les derniers sondages montrent que 63% des Français sont favorables à la contrainte pénale. Il est vrai qu'en cas de drame, dans ces moments difficiles de crispation, l'opinion cède le pas à l'humeur. C'est une réaction saine, qui montre que l'on n'est pas indifférent. Mais il serait irresponsable aux politiques d'en tirer une loi, alors qu'en règle générale, l'opinion publique est rationnelle.

Je crois profondément, monsieur Tandonnet, à l'unité de l'action publique. Quand l'Etat se défausse sur les collectivités territoriales, il affaiblit cette unité. Ce n'est jamais une bonne opération, à terme. J'entends inscrire ce texte dans la durée. Mon souci est de mieux articuler, d'additionner plutôt que de soustraire. Nous avons engagé un travail interministériel, avec les ministères de la santé, du travail, de la formation professionnelle et de l'emploi, de l'Education nationale, aussi, car le taux d'illettrisme dans les prisons atteint 27%. Nous avons également engagé des expérimentations avec sept collectivités territoriales, sur les emplois d'avenir et l'insertion par l'activité. Sur la formation professionnelle, une expérimentation très fructueuse a été conduite avec deux régions, Pays de Loire et Aquitaine, et que la loi Sapin prévoit de généraliser.

On s'échine, depuis deux ans, à m'accuser de laxisme. Je demande que l'on en vienne enfin à donner des exemples, au lieu d'asséner le mot en argument d'autorité. N'y a-t-il pas plus de laxisme à tolérer 98% de sorties sèches ? Et à laisser ainsi prospérer des mécanismes dont on sait parfaitement qu'ils suscitent la récidive ? Je suis venue ici même, devant vous, réparer des oublis de l'ancienne majorité, sans prononcer pour autant une parole la mettant en cause. Le port et le transport d'armes de sixième catégorie, ayant été oubliés lors de l'adoption d'une proposition de loi sur les armes, allaient cesser d'être un délit à compter du 6 septembre 2013. Je vous ai demandé de le rétablir, sans accuser l'ancienne majorité de laxisme ou de travail bâclé.

Vous avez, madame Cukierman, exprimé des regrets.

Photo de Jean-Pierre Sueur

Venons-en aux amendements déposés sur le texte de la commission pour la proposition de loi modernisant diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Christiane Taubira, garde des sceaux

Il n'est pas prévu, monsieur Tandonnet, de combiner la contrainte pénale avec une autre peine, comme l'amende. Il s'agit d'une peine, pensée comme telle, et qui a fait ses preuves dans plusieurs pays. On innove, certes, mais pas ex nihilo. La récidive est plus que moitié moins fréquente en cas d'aménagement de peine. En instituant une peine en milieu ouvert, comme l'ont fait bien des pays, on favorise la prévention. Ce qui ne nous empêche pas de tenir nos engagements en matière de création de places de prison - 6 300 sur trois ans -, afin de répondre à l'exigence européenne d'encellulement individuel. Il sera difficile de tenir l'échéance de novembre 2014, mais nous atteindrons, en 2017, 5000 créations nettes - chiffre qui prend en compte les fermetures, comme celle que nous avons dû décider provisoirement à Lure. Certains établissements sont dans un état tel qu'ils présentent des risques pour les détenus et les personnels, et nous font encourir le risque d'une condamnation pour conditions indignes de détention.

Mme Tasca connaît bien le sujet du suivi de l'exécution des peines. La loi pénitentiaire prévoyait un aménagement de peine d'un an pour les récidivistes, et de deux ans pour les primo-délinquants. Le texte initial du Gouvernement abaissait ces seuils, respectivement à six mois et un an. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a proposé un nouveau dispositif, à un an pouvant monter à deux ans en cas de cumul de peines. Nous avons interrogé les juges de l'application des peines : 7 % seulement de peines supérieures à un an sont aménagées, la grande masse des aménagements portant sur les peines de moins d'un an. Ces 7% correspondent globalement à la situation de cumul de peines prévue par l'Assemblée nationale.

Photo de Jean-Pierre Sueur

Si le juge estime, en son âme et conscience, qu'un aménagement est souhaitable entre un an et deux ans, en l'absence de cumul de peines, pourquoi le lui interdire ?

Photo de Jean-Pierre Michel

Les amendements de suppression que je vous soumets reprennent ceux que j'avais déposés la semaine dernière, et que la commission a repoussés. Aucun juriste sérieux ne peut voter ces articles en l'état. Je vous propose de ne conserver que les dispositions relatives à la prescription acquisitive en matière cadastrale et aux associations coopératives.

Christiane Taubira, garde des sceaux

La question est posée.

Photo de André Reichardt

Je ne voterai pas ces amendements de suppression. Ces articles ne soulèvent pas de problème de droit ; ils ont de plus été validés par la commission d'harmonisation du droit local, composée exclusivement de juristes parmi lesquels les premiers présidents et procureurs généraux des Cours d'appel de Colmar et Metz, excusez du peu. À chacun de prendre ses responsabilités.

Photo de Jean-Pierre Michel

La composition de cette commission a été refondue par un décret du 23 janvier 2014. Le ministère souhaite que sa nouvelle formation soit consultée sur ce texte.

Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous y reviendrons en séance.

Photo de André Reichardt

Elle ne saurait l'être, faute d'avoir été pleinement installée ! Nous avons réclamé à plusieurs reprises et attendons toujours de Mme la Garde des Sceaux qu'elle désigne les membres nommés intuitu personae. Il reste que les éminents juristes qui en sont membres ès qualité se sont prononcés à l'unanimité en faveur de ces dispositions.

L'amendement n° 7 est adopté, ainsi que les amendements n° 8, 9, 10, 11, 12 et 13.

Photo de Catherine Tasca

Il n'est, à mon sens, pas justifié de distinguer entre primo-délinquants et récidivistes pour la durée des aménagements de peine.

Christiane Taubira, garde des sceaux

Ce sujet vaut la peine que l'on s'y arrête, car il donne lieu, en effet, à des réactions déconcertantes. Pour casser les parcours de délinquance, les récidivistes doivent être plus suivis encore que les primo-délinquants, afin d'éviter toute sortie sèche, tout le monde s'y accorde. Le problème, c'est que lorsque l'on tire les conséquences juridiques de ce principe, en permettant aux récidivistes d'accéder aux dispositifs de liberté sous contrainte, on entend fuser les haro, et l'on est accusé de favoriser les récidivistes. C'est pourtant une question d'efficacité. Sans compter que le code pénal, prévoyant des sanctions plus lourdes pour les récidivistes, l'aménagement, qui n'intervient pas avant les deux tiers de la peine, arrive déjà plus tard, pour un même acte, que dans le cas d'un primo-délinquant. On peut comprendre ces réactions, sachant que le système judiciaire et notre idée de la peine sont faits de représentations symboliques, mais l'objectif, sur lequel tout le monde s'accorde, n'est-il pas de prévenir la récidive ?

Photo de Pierre-Yves Collombat

Qu'entendez-vous par « justice restaurative » ?

Photo de Jean-Pierre Michel

Je n'ai pu examiner l'amendement n° 3 de M. Masson. Bien qu'y étant plutôt défavorable a priori, je m'en remets à la sagesse de notre commission.

Christiane Taubira, garde des sceaux

C'est une démarche que j'introduis sur le fondement de deux expériences, dûment évaluées. J'ai décidé d'anticiper certaines dispositions de la directive d'octobre 2012 relative aux droits des victimes, que nous devrons avoir transposée en novembre 2015. Son article 12, relatif au suivi individualisé des victimes, énonce des normes minimales. Depuis janvier 2014, j'ai lancé une expérimentation dans huit tribunaux de grande instance. La justice restaurative consiste à organiser, sur la base du volontariat, et en l'absence, j'y insiste, de toute rétribution sous forme d'adoucissement de peine, des rencontres indirectes entre victimes et auteurs. Indirectes, car elles ne réunissent pas l'auteur d'un acte et sa victime, mais auteurs et victimes de mêmes faits. Cette démarche se pratique depuis de nombreuses années au Canada avec des résultats encourageants pour les victimes, qui se sentent mieux reconnues par les auteurs de faits délictueux, et pour les auteurs eux-mêmes, qui réalisent souvent, face à la victime, l'ampleur du dommage. On a même vu l'un d'eux s'engager dans une association et parcourir 3 000 kilomètres pour collecter des fonds au bénéfice de celle-ci.

Il existe aussi des rencontres directes. C'est une expérience conduite au centre de Poissy par une association, l'Inavem, l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation, et qui fait l'objet d'un protocole et d'une évaluation aussi rigoureux que possible.

Photo de André Reichardt

Saluons la constance de M. Masson, qui a déjà déposé cet amendement jadis. La commission d'harmonisation du droit local n'en a pas été saisie ; elle n'a donc pu l'examiner. Je ne me prononcerai pas sur le fond. Il faudrait réaliser une étude précise de ses conséquences in situ.

Photo de Jean-Pierre Michel

Un mot sur les moyens. Tous les syndicats que nous avons entendus lors de nos auditions - directeurs d'établissements, surveillants, personnels en milieu ouvert - se sont déclarés favorables à la réforme et engagés pour sa réussite. C'est encourageant et assez nouveau.

Mon amendement sur la contrainte pénale ne vient pas de rien. J'ai voulu mettre en oeuvre les recommandations du rapport de M. Dominique Raimbourg, Penser la peine autrement, qui préconise, dans sa proposition n° 36, de faire de la contrainte pénale une peine principale se substituant à l'emprisonnement pour certains délits.

Tous les juristes que nous avons entendus ont jugé qu'en ne distinguant pas le SME et la contrainte pénale, ce texte instaurait la confusion. Votre cabinet m'objecte que le suivi est renforcé, mais ce n'est que littérature, d'autant que les obligations, dans la contrainte pénale, sont identiques ou presque. Robert Badinter nous engageait à aller jusqu'au bout du texte, en prévoyant un triptyque, peine de prison, assortie éventuellement d'un sursis avec mise à l'épreuve, contrainte pénale applicable à certains délits, amende. Il est vrai que cela fait coexister deux types de contrainte pénale, puisque je ne touche pas à votre système prévoyant une application aux délits punis de cinq ans, mais sur les petits délits, cela évitera aux juges, « partagés entre un lâche soulagement et la honte », comme disait Léon Blum après les accords de Munich, de prononcer des peines d'emprisonnement.

Photo de Jean-Pierre Sueur

Où l'on voit que le rapporteur du Sénat met en oeuvre les préconisations de M. Raimbourg, rapporteur de l'Assemblée nationale sur ce texte...

Christiane Taubira, garde des sceaux

Je veux vous remercier chaleureusement pour vos questions et vos observations, qui raffermissent nos convictions. Il importe que les lois de la République, qui instaurent des règles valables pour tous, se prennent en bonne intelligence.

La réunion est levée à 20 h 15

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L'amendement n° 5 est identique à l'amendement de suppression que nous venons de voter à mon initiative.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement n° 4 tient compte des propositions faites par la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Le président du conseil régional d'Alsace, M. Philippe Richert, s'est rendu à Bercy il y a quelques mois, accompagné de représentants du cadastre et de géomètres. Mme Catherine Brigand, sous-directrice des missions foncières et de la fiscalité du patrimoine, nous a fait savoir par écrit la rédaction dans laquelle sa direction était favorable à cet article. Le Gouvernement n'ayant pas déposé d'amendement en ce sens, je me suis permis de faire mienne cette rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Avis défavorable à défaut d'un retrait. Un renvoi en commission eût été utile pour que j'auditionne les représentants des trois conseils généraux, mais M. Reichardt et le groupe UMP s'y sont opposés. Pour l'heure, personne ne m'a indiqué cette possibilité de financement.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je ne comprends pas. Cette rédaction est celle de la DGFIP ! Elle dispose que l'établissement public d'exploitation du livre foncier informatisé (EPELFI) « contribue également à la modernisation du support de la documentation cadastrale régie par la loi du 31 mars 1884 applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, dans des conditions déterminées par l'administration chargée du cadastre ». Autrement dit, si cette dernière n'est pas d'accord, elle peut s'y opposer. On ne peut être plus souple ! Allons, mes chers collègues ! Si d'autres raisons s'opposent à ce que l'on vote cet amendement, qu'on me dise lesquelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement devrait tomber en séance, puisque nous nous sommes prononcés en faveur de la suppression de l'article 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L'EPELFI relève de la compétence du ministère de la justice. Bercy peut dire ce qu'il veut... Quant aux trois départements, aucun ne m'a dit ses intentions en matière de financement. Nous en sommes là. Je vous rejoins sur le fond : cette solution est bonne. Mais je ne suis pas à même de l'approuver en l'état actuel des choses.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Article 8

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L'amendement de suppression n° 6 de Mme Cukierman est identique à celui que nous avons adopté tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Son exposé des motifs est intéressant : Mme Cukierman défend le droit local.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Elle défend la négociation. On ne saurait le lui reprocher.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Elle affirme que « cet article de la proposition de loi ne tient aucunement compte de la négociation collective pratiquée en Alsace » : les bras m'en tombent ! Le 6 janvier 2014, toutes les organisations représentatives des salariés et des employeurs ont signé un accord qui valide le paiement à 150 % des heures de travail les dimanches et jours fériés, et accorde le droit au repos compensateur...Nous ne devons pas parler de la même chose !

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6.

La commission adopte les avis suivants :

AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

AMENDEMENTS DE SÉANCE

La réunion est levée à 10 heures

La séance est ouverte à 18 h 30