Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 10 février 2015 à 16h30

Résumé de la réunion

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  • CERN
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La réunion

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La commission examine le rapport de Mme Josette Durrieu et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 198 (2014-2015) autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République de Moldavie, d'autre part.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous examinons aujourd'hui deux rapports ainsi qu'une brève communication de notre collègue Christiane Kammermann sur le Liban.

Nous commencerons par l'examen du rapport sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République de Moldavie, d'autre part, qui nous sera présenté par Mme Josette Durrieu, rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Cet accord d'association entre l'Union européenne et la Moldavie a été signé le 27 juin 2014 à Bruxelles. Des trois accords d'association signés ce jour-là, c'est le premier que nous examinons. Les deux autres - signés respectivement avec la Géorgie et avec l'Ukraine - seront soumis plus tard à notre examen.

Nous sommes saisis de l'accord d'association avec la Moldavie seulement six mois après sa signature et nous en débattrons le 19 février prochain en séance publique. Cette rapidité doit être saluée. Notons la priorité accordée par le Gouvernement à cette convention pour l'examen de laquelle il a demandé la mise en oeuvre de la procédure accélérée.

Notons aussi que ce n'est pas la procédure simplifiée qui est mise en oeuvre, mais la procédure normale.

Ce texte mérite toute notre attention. Cette convention est déjà appliquée, à titre provisoire, depuis le 1er septembre 2014, s'agissant des dispositions relevant de la compétence exclusive de l'UE. C'est donc davantage le contexte géopolitique régional qui justifie un examen attentif que le texte lui-même, puisque, comme vous le savez, c'est la perspective de l'accord d'association avec l'Union européenne qui a fait basculer l'Ukraine.

J'évoquerai tout d'abord l'histoire récente de la Moldavie et sa situation intérieure ainsi que ses relations préexistantes avec l'Union européenne, avant de présenter les dispositions et les bénéfices attendus de cet accord d'association.

Ex-République de l'URSS, après avoir été une principauté tributaire de l'empire Ottoman, elle a successivement appartenu à l'empire Russe, puis à la Roumanie. La Moldavie est indépendante de l'URSS depuis le 27 août 1991. Ce nouvel état est marqué dès sa création par la sécession de fait de la Transnistrie, qui représente 12 % de son territoire, au-delà du Dniestr.

Un violent conflit territorial a bouleversé la Moldavie en 1992 et peut aujourd'hui être considéré comme un des premiers événements dramatiques précédant ceux qui se sont déroulés ensuite, en Géorgie et en Ukraine.

Le cessez-le-feu est signé en Transnistrie le 21 juillet 1992. Depuis, des négociations sont menées, notamment sous l'égide de l'OSCE, dans un cadre « 5+2 » (Moldavie/Transnistrie + Ukraine/Russie/OSCE et 2 observateurs : États-Unis/UE). Ces négociations sont aujourd'hui au point mort et le conflit de Transnistrie est considéré comme « gelé ». Mais il suffit de regarder une carte pour se rendre compte du potentiel de déstabilisation que peut représenter la situation dans cette région, entre deux puissants voisins, l'Union européenne et la Russie et à proximité de l'Ukraine, dont elle partage une longue frontière. Tiraspol, la capitale de la Transnistrie, est à moins de 100 kilomètres d'Odessa et proche également de la Crimée.

Par ailleurs, dans cette analyse des risques, insistons sur le positionnement de la région sud-ouest de la Moldavie : la Gagaouzie, qui est très proche de l'Ukraine. Cette partie de la Moldavie de 1800 km² et 160.000 habitants bénéficie d'un statut d'autonomie depuis 1994. La Gagaouzie ne représente que 4,5 % de la population moldave, mais cette population est marquée par son origine turque et elle est majoritairement russophone. Ainsi, elle s'est prononcée en 2014, dans le cadre d'un référendum, d'ailleurs illégal, pour une adhésion à l'Union douanière avec la Russie, plutôt que pour un rapprochement avec l'UE. Je me suis rendue récemment dans la capitale de cette région, à Comrat, où les autorités m'ont parues plus véhémentes encore à l'égard de Chisinau que celles de Transnistrie. La déstabilisation de cette région par la Russie est une hypothèse plausible.

Le rapprochement de la Moldavie et de l'Union européenne correspond à une demande relativement ancienne et continue, sans rupture depuis 2000.

L'accord d'association qui nous est soumis abroge un accord plus ancien, dit « de partenariat et de coopération », signé en 1994, qui avait mis en place des structures de dialogue politique et économique, préfigurant celles de l'accord d'association.

En 2004, la Moldavie a été incluse dans le champ « de la politique européenne de voisinage », ce qui a donné lieu à la signature d'un plan d'action, définissant des priorités dans les réformes à mener.

En 2005, la Moldavie a accepté le déploiement d'une mission d'assistance de l'UE sur le barreau Tiraspol/Odessa pour le contrôle de sa frontière commune avec l'Ukraine. Je m'y suis rendue à plusieurs reprises. Le contrôle douanier est exigeant. Il s'est avéré que le principal objet de trafic était le poulet, en provenance de Chine.

L'orientation européenne de la Moldavie est donc antérieure à 2009, année qui a vu la formation d'une coalition démocratique de partis pro-européens, arrivée au pouvoir après une crise ayant conduit à la dissolution du Parlement. La même année, la Moldavie s'est engagée dans le partenariat oriental, proposé par l'UE à l'initiative de la Pologne et de la Suède, pour relancer nos relations de voisinage à l'est, et contrebalancer la création, au sud, de l'Union pour la Méditerranée.

Avec ce partenariat oriental, il ne fait aucun doute que la Moldavie est l'État le plus avancé dans ses relations avec l'UE :

- l'accord d'association y est appliqué à titre provisoire depuis le 1er septembre 2014 ;

- une dispense de visas pour les courts séjours dans l'espace Schengen y est effective depuis le 28 avril 2014 ;

- un grand nombre de réformes ont été engagées : réforme du système judiciaire, dispositions anti-corruption, lutte contre la criminalité... Ces réformes méritent d'être poursuivies et rendues effectives par une mise en oeuvre rapide. Le dialogue politique prévu dans le cadre de l'accord d'association doit y contribuer.

L'orientation pro-européenne de la Moldavie a, enfin, été confirmée par les résultats, d'ailleurs relatifs, des élections du 30 novembre 2014, qui devraient aboutir à la formation prochaine d'un Gouvernement de coalition. Les modalités de la relation à l'UE constituent l'un des aspects de la négociation politique en vue de la formation du gouvernement.

En revanche, l'adhésion à l'OTAN n'est pas à l'ordre du jour, par souci d'équilibre, et dans la mesure où la constitution moldave proclame la neutralité du pays.

L'accord d'association, lui-même, est un accord mixte, qui engage l'Union européenne, ses États membres, ainsi que la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA).

La CEEA est partie à l'accord, au titre d'une disposition relative à la coopération dans le domaine de la sûreté et de la sécurité nucléaires, ainsi que de la protection radiologique. Ces questions se posent dans le cadre de la lutte contre le trafic illégal de matériel nucléaire et radioactif, qui fait l'objet d'une coopération avec l'AIEA.

Quant aux États membres, ils sont parties à l'accord au titre de son volet politique, de stipulations relatives à des sanctions pénales, de dispositions dans le domaine de la propriété intellectuelle et parce que le texte de l'accord est considéré comme un tout indissociable, devant être ratifié par les vingt-huit États membres de l'Union européenne.

L'accord ouvre un nouveau chapitre des relations entre l'Union européenne et la Moldavie.

C'est d'abord un accord de coopération, dans de très nombreux domaines politiques, économiques et sectoriels. Dans tous ces domaines, un programme complet de rapprochement progressif de la législation moldave des acquis de l'UE est établi.

C'est ensuite un accord de libre-échange, dit « approfondi et complet ». Contrairement à un accord de libre-échange classique, cela signifie qu'il prévoit non seulement une libéralisation commerciale quasi-totale, mais aussi une harmonisation réglementaire, par alignement sur les normes de l'Union européenne. L'accord prévoit la libéralisation des échanges pour 95 % des lignes tarifaires, représentant 99 % des droits en valeur commerciale pour la Moldavie. Il facilite l'investissement et l'accès aux marchés publics.

L'un des aspects les plus sensibles de l'accord est la protection des droits de propriété intellectuelle. Des dispositions contraignantes prévoient un rapprochement avec le droit européen, ainsi que la reconnaissance et la protection de toutes les indications géographiques de l'UE.

Enfin l'accord met en place des instances de dialogue, notamment un conseil d'association, un comité et des sous-comités, ainsi qu'une commission parlementaire d'association.

Quels sont les effets attendus de cet accord d'association ?

Pour l'Union européenne, il s'agit de soutenir la modernisation et d'encourager la stabilité d'un État directement voisin. Il s'agit également de favoriser le commerce et l'investissement dans ce pays.

Pour la Moldavie, l'accord de libre-échange vient rééquilibrer ses relations économiques extérieures. La Moldavie est partie à l'accord de libre-échange de la CEI, en vigueur depuis le 1er janvier 2013. Or l'Union européenne représente déjà 54 % de ses exportations et 45 % de ses importations. Et les relations existant au sein de la CEI sont déséquilibrées : elles n'ont pas empêché la Moldavie d'être victime de sanctions économiques, de la part de la Russie, en réaction à la perspective de l'accord d'association (sanctions sur le vin en 2013 puis sur certaines viandes et fruits depuis 2014).

L'accord d'association est surtout, pour la Moldavie, un levier de modernisation, notamment dans le domaine de la lutte contre la corruption. La poursuite des réformes engagées par la Moldavie, et leur réussite, sera l'un des marqueurs essentiels de la réussite du processus de rapprochement entre la Moldavie et l'Union européenne.

Il est également important que l'ensemble de la population moldave puisse percevoir concrètement les effets du rapprochement avec l'UE, notamment sur le niveau de vie. La population perçoit mal ce que l'Union européenne lui apporte de ce point de vue. La classe politique est l'objet d'une certaine défiance, qui n'est pas encore une défiance vis-à-vis de l'Union européenne.

Je terminerai en évoquant les relations de la Moldavie et de la France. Pourquoi devons-nous soutenir le rapprochement avec ce petit État, situé aux confins de l'UE ?

D'un point de vue strictement commercial, la portée de l'accord devrait être limitée, dans la mesure où le montant de nos échanges avec la Moldavie est faible.

Toutefois, plusieurs entreprises françaises importantes sont présentes en Moldavie : Orange, qui est le premier exploitant de téléphonie mobile dans ce pays, mais aussi Lactalis, Lafarge, Société Générale... Ces entreprises devraient profiter d'une amélioration du climat des affaires.

Enfin, il nous faut soutenir le développement économique du pays le plus francophone d'Europe orientale, devant la Roumanie. Pour des raisons historiques et culturelles, plus de 50 % des élèves moldaves choisissent d'apprendre le Français, qui reste la première langue étrangère enseignée, devant l'anglais. La coopération culturelle prévue dans le cadre de l'accord d'association pourrait constituer un outil parmi d'autres de promotion des échanges entre nos pays. En l'absence d'une volonté politique forte, le déclin prévisible de la francophonie au sein des jeunes générations moldaves sera difficile à enrayer.

En définitive, l'accord d'association permet à la Moldavie de bénéficier d'un nouvel équilibre dans ses relations extérieures.

L'Histoire dira si cet accord constitue un aboutissement, ou une simple étape, sur la voie d'une éventuelle adhésion future à l'Union européenne. Tel n'est pas l'objet du partenariat oriental, ce que rappelle le préambule de l'accord d'association, qui indique clairement « prendre acte » des aspirations européennes de Moldavie, sans que cela ne préjuge « en rien » de l'évolution de ses relations avec l'UE.

J'estime, à titre personnel, pour des raisons historiques, géographiques et culturelles, que la Moldavie a toute sa place, à terme, dans le grand ensemble européen.

Dans l'immédiat, la ratification de cet accord d'association témoignera de notre soutien à un pays situé dans une région soumise à de fortes pressions, à un risque d'instabilité politique, et à un contexte de ralentissement économique.

Pour ces raisons, je propose à la commission d'adopter ce projet de loi d'autorisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Les titres II et III de cet accord portent respectivement sur la politique étrangère et de sécurité, et sur la coopération en matière de liberté, sécurité et justice. Or je me suis rendu, à plusieurs reprises, en Moldavie, mais je n'ai jamais passé de frontière. La frontière entre la Roumanie et la Moldavie est inexistante.

Le rapprochement avec la Moldavie est, certes, souhaitable, mais n'est-il pas quelque peu inconséquent de ne pas disposer de frontière effective avec ce pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

L'État moldave a été créé en 1991. Par conséquent, il faut respecter sa souveraineté, son intégrité. L'histoire fait qu'une partie de la Moldavie a été roumaine (la Bessarabie), mais pas l'autre (la Transnistrie). L'État de Moldavie réunit ces deux parties. Nous sommes face à un État constitué, qui souhaite le rester. La guerre de Transnistrie fut déclenchée par la crainte d'une union de la Moldavie à la Roumanie. Le président de la République a alors organisé des consultations qui ont conduit à rejeter très largement une telle union.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

La Moldavie est effectivement un pays très européen. Un rapprochement dans le cadre du partenariat oriental est souhaitable. Mais la Moldavie comporte la Transnistrie, qui a fait sécession. Qu'en est-il de l'accord d'association et de son application sur cette partie du territoire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

En premier lieu, l'accord d'association est signé avec la Moldavie dans son ensemble. La Transnistrie en fait partie, puisque sa sécession n'est reconnue par aucun État de la communauté internationale.

Mais, en second lieu, l'accord d'association ne prévoit son application à la Transnistrie qu'à partir du moment où la situation politique sera légitime. L'article 462 de l'accord stipule : « En ce qui concerne les régions de la République de Moldavie sur lesquelles son gouvernement n'exerce aucun contrôle effective, le présent accord ou son titre V (Commerce et questions liées au commerce) ne commenceront à s'appliquer que lorsque la République de Moldavie garantira la mise en oeuvre et le respect intégraux, respectivement, du présent accord ou de son titre V (Commerce et questions liées au commerce) sur l'ensemble de son territoire ». Cela signifie que lorsque la situation sera régularisée en Transnistrie, l'accord s'appliquera sur l'ensemble du territoire de la Moldavie.

D'ici là, l'accord ne s'applique pas en Transnistrie.

La mission EUBAM d'assistance au contrôle de la frontière entre la Moldavie et l'Ukraine a donné des résultats inattendus. Les trafics qui se développaient en Transnistrie, à partir du port d'Odessa, ont été interrompus. En contrepartie, il a été proposé aux entreprises de Transnistrie de légitimer leur existence professionnelle et leur activité commerciale en Moldavie. Une voie de normalisation de la situation a ainsi été ouverte, grâce au levier économique. Je me suis rendue en Transnistrie en novembre dernier. La situation a beaucoup évolué en vingt ans. Une normalisation est perceptible. Les habitants de Transnistrie veulent commercer avec tout le monde, y compris avec l'Europe. De ce point de vue, l'accord d'association peut apporter une contribution à la résolution du conflit.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

La question de la Transnistrie est au coeur de ce projet de loi. Or il existe trois freins à la régularisation de la situation :

- Il s'agit d'une enclave « russe » entre la Moldavie et l'Ukraine, avec une présence de l'armée russe - la 14ème armée.

- La Transnistrie représente 40 % du PNB de la Moldavie. Quand on parle de partenariat économique, on ne peut pas ne pas en tenir compte. C'est une région industrielle, dotée d'une centrale hydroélectrique.

- Enfin, la Transnistrie n'est pas concernée par la francophonie, puisque 32 % des habitants sont moldaves, 30 % sont russes et 28 % sont ukrainiens. 58 % de la population de ce territoire n'est donc en rien concernée.

La notion même de Transnistrie (« au-delà du Dniestr ») est francophone. Les termes d'origine ukrainienne ou russe (« sur le Dniestr ») désignent un territoire plus large.

Vous nous dites que l'accord s'appliquera à la Transnistrie lorsque la situation sera régularisée, mais cela fait vingt-trois ans que cette situation est gelée. Quelques années pourraient s'écouler avant l'application effective du présent projet de loi. Nous ne nous engageons peut-être pas à grand-chose...

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

La non-application de l'accord en Transnistrie n'empêchera pas son application dans le reste de la Moldavie. Elle signifie seulement que, dans l'immédiat, la Transnistrie n'en bénéficiera pas.

Ces conflits gelés n'ont pas été résolus militairement et nous ne parvenons pas à les résoudre politiquement. La solution pourrait-elle être économique ? C'est ce que j'ai essayé de vous faire percevoir en relatant mon expérience de l'EUBAM. Les Moldaves ont été sages : ils ont senti très tôt qu'il fallait exploiter cette piste économique.

Vous avez dit fort justement que la Transnistrie était une enclave « russe ». Vous évoquez la 14ème armée de l'URSS, commandée par le général Alexandre Lebed, qui comptait 15.000 hommes. Il en reste 1500. Beaucoup d'armes sont restées. Le dépôt d'armes de Colbasna est toujours présent. Les militaires russes ont été démobilisés sur place. Ce sont eux qui constituent la population russe de Transnistrie, que vous évoquiez. Cette réalité est incontestable. Le problème est de savoir si nous souhaitons modifier la nature du conflit. La Transnistrie était effectivement une grande région industrielle de l'URSS. En la perdant, la Moldavie a perdu une grande part de son activité. C'est un vrai problème, que nous devons aborder avec mesure, en considérant que la Moldavie est, en quelque sorte, un verrou sur cette frontière est de l'Europe.

Enfin, la Moldavie est réellement un pays francophone. Son histoire est européenne. Il ne serait pas complètement excentrique de considérer ce pays comme faisant partie de l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

La connaissance du dossier et l'enthousiasme de la rapporteure sont contagieux. Néanmoins, plusieurs questions subsistent : tout d'abord, celle de la Transnistrie, abordée par notre collègue Joël Guerriau, mais aussi celle de l'instabilité politique et du ralentissement économique qui affectent la Moldavie. Le rapprochement avec ce pays est-il réellement une « bonne affaire » pour l'Union européenne, alors que sa périphérie connaît des tensions dont l'issue est incertaine ? Ne faudrait-il pas attendre que ces tensions diminuent, pour prendre position ? Quel profit en tire l'Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Cette question ne me paraît pas devoir être abordée en termes d' « affaire » ou de « profit ». La Moldavie a, pour l'Europe, un positionnement stratégique important. La Transnistrie est un point d'appui supplémentaire pour la Russie, qui en possède d'autres à l'extérieur de ses frontières. L'Europe a intérêt à une stabilisation de sa frontière orientale.

L'instabilité politique de la Moldavie est un phénomène momentané. La démocratie y est, en réalité, solide. La Moldavie a résisté à toutes les crises politiques. Elle est l'État issu de l'URSS qui possède le parti communiste le plus fort. Son score ne s'est effrité qu'aux dernières élections, au profit d'ailleurs du parti socialiste, qui est pro-russe. Face à ces partis, une coalition pro-européenne gouverne depuis 2009, malgré de nombreux aléas. L'Europe a compris qu'il fallait aider la Moldavie à se stabiliser. C'est l'objet du présent accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Cet accord d'association est avant tout un accord de libre-échange. Son principal moteur est la transformation d'une économie qui me paraît, pour le moment, être aux antipodes de celles des pays de l'Union européenne. Certes, la Moldavie est proche de la Roumanie. Toutefois, je ne suis pas encore convaincu de l'apport de l'Union européenne à la Roumanie, en termes économiques. Étant donné le prix que la Croatie a dû payer pour entrer dans l'Union européenne, je ne suis pas persuadé que le rapprochement avec l'Europe soit le meilleur moyen de stabiliser un pays.

Ce rapprochement constitue néanmoins pour les Moldaves un espoir important, qui a été exprimé démocratiquement.

Pour ces raisons, je m'abstiendrai sur ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

C'est en Moldavie que le parti communiste est resté le plus puissant le plus longtemps. Il l'est toujours. Mais l'ancien président de la République communiste, Vladimir Voronine, est l'un de ceux qui ont accompagné la démarche européenne de la Moldavie. Souhaitons-nous participer à la stabilisation de ce pays ? La mise en oeuvre d'un accord de libre-échange est-elle le meilleur moyen de l'accompagner ? Ces questions se posent. Mais la stabilisation de la Moldavie est, en tout état de cause, essentielle.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi.

La commission examine le rapport de M. Xavier Pintat et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 674 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) sur l'exonération de droits d'enregistrement des acquisitions immobilières destinées à être utilisées par le CERN en tant que locaux officiels.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Monsieur le président, mes chers collègues, l'organisation européenne pour la recherche nucléaire, bien connue sous l'acronyme CERN, du nom du Conseil européen pour la recherche nucléaire, organe provisoire mis en place en 1952, est une organisation internationale intergouvernementale qui a été créée par la convention signée à Paris, le 1er juillet 1953, pour l'établissement d'une organisation européenne pour la recherche nucléaire. Cette convention a été ratifiée par douze Etats européens, le 29 septembre 1954.

Ce projet scientifique et technologique est un des grands projets européens de l'après-guerre et une vraie réussite. Le CERN est aujourd'hui le plus grand laboratoire de physique des particules du monde. Il compte 21 États Membres et environ 2 600 membres du personnel titulaires. Ses installations sont utilisées par environ 8 000 scientifiques, représentant près de 940 instituts et 87 nationalités. Il représente un exemple éclatant de collaboration internationale.

Le CERN est une organisation internationale située sur la frontière franco-suisse. Elle a son siège à Genève mais poursuit également son activité en France puisque l'anneau du grand collisionneur de hadrons (c'est l'accélérateur de particules le plus grand et le plus puissant du monde qui est le dernier maillon du complexe d'accélérateurs du CERN) LCH (Large Hadron Collider) s'étend sur 27 km de circonférence du canton de Genève à la partie française de la chaîne du Jura. Les détecteurs des expériences sont installés pour partie en France, pour partie en Suisse.

La France joue un rôle important dans la gouvernance du CERN. Elle apporte un peu plus de 15 % du budget annuel du CERN (soit un peu plus de 140 millions d'euros pour 2014). C'est le second contributeur parmi les 21 pays qui forment cette organisation. Un peu plus de 1 000 Français font partie des effectifs permanents du CERN, soit plus de 41 % du total. De nombreux scientifiques français participent aux collaborations qui réalisent des expériences au CERN, dont celles impliquées dans la découverte du nouveau boson, le boson de Higgs.

Le statut international de cette organisation est décrit dans l'accord du 16 juin 1972, signé entre le Gouvernement de la République française et le CERN, en vertu duquel notamment ses avoirs, revenus et autres biens sont exonérés de tous impôts directs.

L'accord que nous examinons aujourd'hui a pour objet de modifier cet accord de 1972, en vue d'y introduire une nouvelle exonération fiscale et ce, pour mettre fin à ce qu'il est convenu d'appeler « un irritant » en langage diplomatique.

L'irritant en question date de fort longtemps et résulte d'un échange de courriers qui a commencé en 1983. A cette date, le Service de la législation fiscale (SLF) a fait savoir au CERN que la Caisse des pensions du CERN n'ayant pas de personnalité juridique distincte, elle « serait exonérée des droits d'enregistrement de la taxe de publicité foncière » pour ses investissements immobiliers en France.

A la suite de modifications de ses statuts en 1986, puis en 1989, la Caisse a acquis la personnalité juridique et le Service de la législation fiscale lui a indiqué par deux lettres, dans le courant de l'année 1991, qu'elle ne pourrait plus prétendre à ce régime d'exonération partielle.

En juillet 1997, nouveau retour du balancier, le tribunal administratif de l'Organisation internationale du travail (OIT) a rendu un jugement dans lequel il a considéré que « la Caisse des pensions du CERN faisait juridiquement partie de la structure du CERN » et n'avait donc pas de personnalité juridique distincte. La Direction de l'administration fiscale a alors précisé que celle-ci pouvait bénéficier des mêmes exonérations fiscales que le CERN et donc de la seule exonération des impôts directs.

Tous ces échanges ont entretenu une certaine confusion quant à la position respective des parties, d'autant que le CERN avait effectué, depuis cette date, seize achats immobiliers qui avaient été exonérés des droits de mutation.

En 2008, l'incompréhension entre les deux parties s'est encore aggravée, lors de l'acquisition par le CERN de deux immeubles situés à Paris, sans que le montant des droits d'enregistrement, qui s'élevait au total à 1,2 million d'euros, ne soit acquitté.

Dans un souci d'apaisement, la France a proposé au CERN d'exonérer des droits d'enregistrement l'acquisition des futurs biens immobiliers que le CERN utiliserait en qualité de « locaux officiels » dont une définition serait agréée entre les parties. C'est l'objet de l'accord qui vous est soumis aujourd'hui.

A l'instar de ce qui prévaut pour les représentations diplomatiques et consulaires, cette exonération des droits d'enregistrement ne s'applique qu'aux acquisitions immobilières destinées à être utilisées en tant que « locaux officiels », en l'espèce aux biens immobiliers destinés à accueillir des activités à caractère administratif, scientifique et technique entrant dans le domaine de compétence du CERN.

Le CERN a l'interdiction expresse d'y « réaliser des activités liées à la satisfaction des besoins des personnes (restauration, hébergement et garde d'enfants) ».

En contrepartie, le CERN a accepté d'apurer le passé en s'acquittant des droits d'enregistrement exigibles pour les immeubles acquis en 2008. Ces stipulations font l'objet d'un second accord, signé simultanément à Genève le 11 avril 2013, qui porte règlement de la situation des immeubles acquis en 2008 et qui a déjà fait l'objet d'une publication au Journal Officiel, par décret du 5 juin 2013.

L'accord que nous examinons permet de mettre fin à un diffèrent remontant à plusieurs années, d'une manière satisfaisante pour les deux parties. La France souhaitait notamment éviter tout discrédit qui aurait pu porter atteinte à son image d'Etat-hôte de nombreuses organisations internationales.

Ce type d'exonération fiscale au bénéfice d'une organisation internationale ne pose aucune difficulté particulière, puisqu'il est d'usage dans de nombreux accords de siège signés, encore récemment, par la France.

Pour ces raisons et compte tenu de la renommée, du rayonnement scientifique du CERN qui accueille chaque année des chercheurs du monde entier, je ne peux, en conséquence, que recommander l'adoption du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) sur l'exonération de droits d'enregistrement des acquisitions immobilières destinées à être utilisées par le CERN en tant que locaux officiels.

L'examen en séance publique est fixé au jeudi 19 février 2015 à 9 heures 30. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure simplifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Sur la question du poids de la France qui représente 15,39 % du budget du CERN derrière l'Allemagne avec 20,27 %, vous dites que le CERN compte beaucoup de salariés français, mais pour autant un pays égale une voix au Conseil du CERN et chaque Etat membre y est représenté par un délégué représentant son pays et un délégué scientifique. La France ne pèse donc pas plus que les autres pays sur la gouvernance du CERN. Cette nouvelle exonération apparaît comme un avantage supplémentaire accordé au CERN par la France, même si je sais bien que l'on peut toujours justifier de tels efforts par l'excellence du CERN.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

L'accord que nous examinons ne remet pas en cause la gouvernance même si vous avez tout à fait raison. En fait, il s'agit de régler un problème en accordant une exonération des droits d'enregistrement qui figure classiquement dans les accords de siège signés par la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je voulais connaître la contribution de l'Allemagne mais vous venez de nous le dire. S'agissant de l'influence de la France, qu'en est-il des personnels français du CERN ?

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Les services du ministère des affaires étrangères nous ont indiqué qu'il y avait un peu plus de 1 000 Français parmi les effectifs permanents, soit environ 40 %. Je vous rappelle le classement des contributeurs au budget du CERN de 2014, tout d'abord l'Allemagne avec 20,7 %, puis la France avec 15,39 %, puis le Royaume-Uni avec 13,88 %, puis l'Italie avec 11,48 %, puis l'Espagne avec 8,28 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

En tant que sénateur de l'Ain, je voudrais dire que le CERN est d'abord dans l'Ain. L'anneau en particulier est situé dans le pays de Gex et le centre technique dans la commune de Cessy. J'ai essayé de mettre des chercheurs du CERN en relation avec des ingénieurs de l'INSA Lyon et des industriels lyonnais, mais cela n'a jamais fonctionné. Les 3 000 fonctionnaires internationaux du CERN sont répartis géographiquement sur l'Ain pour 60 %, sur la Haute-Savoie et Genève. Dans certaines communes du pays de Gex, 130 nationalités se côtoient et c'est tout à fait particulier. Même si les fonctionnaires internationaux ne payent pas l'impôt sur le revenu, beaucoup de Suisses habitent cette région, tout en payant leurs impôts en Suisse. La Suisse pratique la retenue à la source, si bien qu'elle reverse 3,5 % de la masse salariale aux départements de l'Ain et de la Haute-Savoie qui se partagent cette année 200 millions d'euros, sans parler de l'augmentation du cours du Franc suisse. Tout ceci en fait une région très particulière. C'est un éclairage que je voulais apporter à cette discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je vous remercie et je mets aux voix le rapport et le texte proposés pour cette convention.

Puis la commission adopte le rapport à l'unanimité ainsi que le projet de loi précité, et accepte la procédure simplifiée.

La commission entend une communication de Mme Christiane Kammermann sur le Liban.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Kammermann

Je reviens d'un séjour au Liban. Le nombre incroyable de réfugiés syriens qui ont élu domicile au Liban (environ 2 millions) fait voler en éclats les derniers boucliers démographiques et confessionnels. Les réfugiés syriens viennent de toutes les régions...ils sont sunnites, alaouites, pro-Bachar, ou islamistes convaincus. On y trouve un vivier de djihadistes qui ont des connexions auprès des Palestiniens. La situation me parait grave, à chaque instant le Liban peut s'enflammer, et être entraîné dans la désastreuse aventure des champs de bataille syriens. Les Libanais n'ont pas oublié l'horreur des voitures piégées qui a suivi l'implication des combattants du Hezbollah dans la guerre civile syrienne. À titre d'exemple, la route reliant l'aéroport au centre-ville est tenue par le Hezbollah.

Nous assistons à une vacance présidentielle et à un gouvernement affaibli par une mésentente chronique. Le Liban subit les pressions de la Syrie, sortie physiquement du Liban, mais toujours là dans la réalité. On observe un ralentissement de la croissance économique, avec une perte de 9% du PIB. L'infrastructure, l'accès aux financements sont des problèmes économiques. Beyrouth est la ville la plus chère des pays arabes. L'électricité constitue 50 % du déficit budgétaire. Il est très difficile d'avoir de l'électricité à Beyrouth.

Plusieurs points me paraissent particulièrement sensibles : le risque d'escalade dans le Golan ; les attaques djihadistes à Ras Baalbeck ; la vacance présidentielle ; les craintes des Libanais pour l'obtention des visas pour la France. Sur ce dernier point, les interrogations des Libanais sont nombreuses, bien que le Liban soit l'un des pays du monde où le taux de refus de l'octroi de visas (par le biais du consulat de France) est le plus bas, un taux de 1,3 % seulement. La sécurité au Liban des entreprises françaises, des intérêts français et des ressortissants français, dont le nombre dépasse les 23 000 personnes, (parmi lesquels une importante partie de binationaux), fait l'objet de l'intérêt constant de l'ambassade de France, qui collabore dans ce sens avec les autorités compétentes. Les dispositifs de sécurité sont d'ailleurs adaptés en permanence.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Mes chers collègues, la relation franco-marocaine vient de connaître une soudaine et importante embellie ; nous ne pouvons que nous en féliciter, notamment pour les améliorations qu'elle va apporter en matière de coopération de nos services respectifs dans la lutte contre le terrorisme. Nous serons saisis d'une convention de coopération judiciaire entre nos deux pays, qui doit traduire dans le droit ces avancées de notre coopération : il va de soi que ce texte prioritaire devra retenir toute notre attention. Je vous remercie.

La réunion est levée à 17 h 50