Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes

Réunion du 15 septembre 2015 à 13h35

Résumé de la réunion

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  • AAI
  • fiscaux

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Créée par la loi du 11 octobre 2013, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a démarré son activité d'autorité administrative indépendante (AAI) en janvier 2014, avec un champ de compétences accru par rapport à la Commission pour la transparence financière de la vie politique qu'elle remplace. Elle est chargée de recevoir, contrôler, avec l'administration fiscale, et publier, dans certains cas, les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d'intérêts de certains élus, membres du gouvernement, collaborateurs et dirigeants d'organismes publics. Monsieur Nadal, vous nous préciserez l'étendue des prérogatives de votre institution, dont je précise qu'elle est composée de neuf membres, et qu'elle dispose d'un budget de 3,6 milliards d'euros et de 23 équivalents temps plein travaillés.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Jean-Louis Nadal et Guillaume Valette-Valla prêtent serment.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Je suis heureux de pouvoir rendre compte pour la première fois de l'activité de notre institution au législateur qui l'a créée, il y a maintenant presque deux ans. Cela me paraît essentiel au regard des principes et des valeurs que nous devons incarner. Notre Haute Autorité est issue de lois récentes qui sont entrées progressivement en vigueur au cours de l'année 2014. À la suite de l'affaire Cahuzac, le législateur a estimé que la transparence était l'un des moyens de restaurer la confiance publique, et a créé la Haute Autorité. Le choix de cette structure juridique n'a pas fait débat, tant il est apparu que nos missions, visant les responsables politiques et publics, devaient échapper par nature à toute emprise partisane, tout en constituant inévitablement une activité administrative. Partout où elles existent, les fonctions de la Haute Autorité sont dévolues à une instance indépendante, qu'elles soient assumées de manière individuelle ou collective. On aurait pu penser les confier à un service administratif rattaché à ceux du Premier ministre : nous aurions inévitablement perdu en crédibilité. On aurait pu penser à une nouvelle juridiction : même si la Haute Autorité est essentiellement composée de magistrats, nous ne sommes pas des juges, car un déclarant n'est pas un prévenu.

Durant les années 2014 et 2015, j'ai présidé à la création de notre AAI dans des conditions parfois difficiles, mais animé par l'idée que nous devions être à la hauteur des nouvelles prérogatives que le législateur nous avait confiées. En janvier 2014, nous avons reçu plus de 3 000 déclarations papier, et 17 000 autres au cours de l'année, sans disposer d'aucun moyen pour convenablement les traiter, les enregistrer, les instruire, et publier celles qui devaient l'être. Hormis les quatre agents de l'ancienne Commission pour la transparence financière de la vie politique, nous n'avions ni système informatique, ni standard téléphonique pour répondre aux légitimes demandes des déclarants. Cette entrée en vigueur immédiate nous a placés dans une grande insécurité, tout comme les déclarants et en premier lieu les parlementaires qui ont dû redéposer leur déclaration pour le 1er février 2014. Nous en avons tenu compte en acceptant de recevoir après le délai de dépôt des déclarations complétées. Si depuis plus d'un an et demi, notre travail s'inscrit dans le court terme quand il s'agit de recueillir, contrôler et publier les déclarations, nous n'avons jamais perdu de vue notre objectif à plus long terme : renforcer la confiance dans les responsables publics en les contrôlant, mais aussi en les conseillant.

L'obligation faite aux responsables publics de déclarer leur patrimoine date de 1988 en France. La Commission pour la transparence financière n'était qu'une commission administrative et ne disposait que de quatre ou cinq agents ; elle était dépourvue de tout moyen juridique pour contrôler les déclarations de patrimoine qu'elle recevait, à tel point qu'elle était surnommée « la commission des sourds et aveugles ». Un ministre pouvait ainsi déclarer que son grand appartement parisien valait le prix d'une grange dans le Médoc, sans jamais le revaloriser pendant des décennies. En 2013, le législateur a décidé d'élargir le champ des déclarations à la vie publique dans son ensemble : 10 000 personnes sont désormais déclarantes auprès de la Haute Autorité, préfets, membres de cabinets ministériels, membres d'AAI,... Notre Haute Autorité a surtout été dotée de moyens juridiques nouveaux, grâce au concours de l'administration fiscale, qui dispose d'un mois pour nous fournir un avis sur les déclarations de patrimoine que nous lui transmettons. Ce délai est impossible à tenir, dès lors que l'administration fiscale décide de procéder à des vérifications approfondies, ce qui est le cas pour un millier de dossiers. La Haute Autorité peut toujours compléter son information auprès de l'administration fiscale, comme le relevé de cadastre, et lui demander d'exercer pour elle son droit de communication. Lorsque nous constatons qu'un déclarant a omis de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts, ou a fourni une évaluation mensongère de son patrimoine, la Haute Autorité transmet le dossier au procureur de la République qui jusqu'à présent a systématiquement diligenté une enquête.

Notre courte expérience a montré qu'il était nécessaire de simplifier et stabiliser ce qui doit être déclaré. Certains déclarants sont confrontés pour la première fois à des questions patrimoniales parfois subtiles. Les modèles de déclaration doivent être adaptés sur certains points. Il appartiendra au Gouvernement de le faire. Pour notre part, nous devons continuer à améliorer l'information et l'aide aux déclarants. Nous avons ouvert à cette fin un service de télé déclaration et un numéro d'assistance téléphonique dédié. Notre rapport d'activité comportera également un guide pour comprendre les subtilités déclaratives en matière patrimoniale. Une deuxième amélioration dans l'aide aux déclarants concerne la valorisation du patrimoine immobilier qui constitue pour les parlementaires comme pour l'ensemble de nos concitoyens l'essentiel des biens détenus. Même s'il est difficile de déterminer la valeur vénale d'une grange dans le Médoc, où il n'y a pas de marché, il nous appartient de faire connaître aux déclarants les méthodes qui sont à leur disposition, sans pour autant nous transformer en agents immobiliers. Nous ne cherchons pas à déterminer le juste prix, mais plus modestement à nous assurer de la sincérité et de la cohérence des déclarations, à partir des évaluations que nous communique l'administration fiscale et en discutant avec les déclarants.

Troisième amélioration possible : renforcer l'indépendance de la Haute Autorité dans ses procédures, comme je l'ai déjà suggéré dans un rapport dont nous nous sommes déjà entretenus, Monsieur le rapporteur. Une première option consiste à doter la Haute Autorité de moyens d'enquête propres, de nature à la rendre autonome y compris de l'administration fiscale. C'est ce qu'avait proposé Jean-Marc Sauvé, lors de son audition par la commission des lois du Sénat. La Haute Autorité serait alors seule responsable et garante de la confidentialité des informations qu'elle recueille, car elle en serait la seule destinataire. Deuxième option : maintenir l'architecture institutionnelle partagée entre la Haute Autorité et l'administration fiscale en harmonisant les procédures. En limitant les doublons et les contrôles déclenchés sans information, en donnant à la Haute Autorité latitude de procéder par elle-même aux vérifications les plus courantes, on gagnerait en efficacité. Plutôt que de faire transiter nos demandes de contrôle par l'administration fiscale, nous pourrions nous doter des outils minimaux pour réaliser ces premières démarches.

Notre deuxième mission consiste à prévenir les conflits d'intérêts en détectant les situations où des intérêts privés sont susceptibles d'interférer avec l'exercice d'un mandat ou d'une fonction publics et en proposant, grâce au dialogue, des solutions comme le déport ou la délégation ponctuelle de pouvoirs. Mme Fioraso a ainsi demandé que ses attributions soient modifiées après avoir consulté l'avis de la Haute Autorité. Un autre de nos objectifs est de contrôler le pantouflage des anciens ministres, c'est-à-dire leur reconversion professionnelle dans le secteur privé, au sortir de leurs fonctions. Toutes les activités de M. Montebourg ont ainsi été examinées préalablement par notre collège qui peut interdire ou opposer certaines réserves à leur exercice.

Enfin, je m'emploie à favoriser notre mission de conseil aux déclarants et aux institutions publiques. Elle consiste à rendre des avis confidentiels sur toutes les questions déontologiques qui peuvent se poser aux responsables publics dans l'exercice de leurs fonctions. De plus en plus d'élus locaux font appel à nous pour bénéficier d'un conseil extérieur et confidentiel qui les sécurise. Nous conseillons également les institutions qui souhaitent mettre en place des outils de déontologie interne - la ville de Paris, par exemple. Nous informons et sensibilisons les acteurs publics par des interventions qui peuvent être en lien avec l'Association des maires de France (AMF) ou le Centre national de formation des fonctionnaires territoriaux (CNFFT). Je viendrai présenter avant la fin de l'année notre rapport d'activité qui est en cours de rédaction, au président de votre commission des lois. Signaler les manquements que nous constatons et démontrer que l'immense majorité des responsables publics se comportent dans le seul souci de l'intérêt général, telle est notre mission.

La Haute Autorité fonctionne comme certaines autres AAI avec un collège qui sert d'organe délibérant et qui adopte toutes les décisions de l'institution. Dans la mesure où elle a été créée récemment, notre institution s'est vu imposer des garanties ambitieuses qui pourraient servir de standard. Son président, nommé selon la procédure définie à l'article 13 de la Constitution, ne peut exercer aucune autre activité professionnelle. Son collège paritaire est composé de deux membres élus par le Conseil d'État, la Cour de cassation et la Cour des comptes, chaque juridiction élisant un homme et une femme. Deux membres sont nommés, l'un par le président de l'Assemblée nationale, l'autre par le président du Sénat, après approbation des trois cinquièmes des membres de la commission des lois de chaque assemblée. Ces deux membres ont démissionné, l'un en 2014, l'autre en 2015, et nous attendons leurs remplaçants. Les membres du collège sont nommés pour six ans non renouvelables, et leur mandat est incompatible avec toute autre fonction : on ne peut siéger simultanément à la Haute Autorité et dans une autre AAI. Ces dispositions sont de bon aloi pour garantir que l'indépendance de notre institution n'est pas un vain mot. Nous sommes également assistés de rapporteurs - magistrats administratifs, judiciaires ou financiers - qui travaillent à temps partiel. La Haute Autorité dispose de trente agents qui sont pour l'essentiel des fonctionnaires détachés, ce qui fait de nous une petite AAI.

Nous avons bien entendu souhaité accorder une place importante à la réflexion déontologique interne qui doit nous préserver de toute mise en cause dans l'exercice de notre mission. La plupart des règles applicables aux membres, rapporteurs et agents de la Haute Autorité ont été prévues par les lois sur la transparence de la vie publique et par nos textes internes. Outre la signature d'une attestation sur l'honneur, les membres du collège ont obligation de m'adresser à leur entrée en fonction une déclaration de patrimoine et une déclaration d'intérêts. Le collège a décidé que les déclarations de ses propres membres devaient faire l'objet d'un contrôle immédiat, spécifique et systématique plus approfondi que celui auquel sont soumis les membres des autres AAI. Les déclarations de situation patrimoniale sont systématiquement transmises à la Direction générale des Finances publiques (DG-Fip) et examinées par deux rapporteurs, eux-mêmes membres du collège, avec les déports qui s'imposent. Grâce à l'analyse des déclarations d'intérêts, nous avons pu établir pour chaque membre du collège les lignes directrices en matière de déport, celui-ci impliquant non seulement de ne pas participer à la délibération, mais aussi de ne pas y assister, ni disposer des documents afférents, ni prendre connaissance de la décision arrêtée. Par exemple, je ne traite pas des dossiers concernant les autorités qui ont procédé à ma nomination au cours de ma carrière, l'ingratitude étant en quelque sorte exigée par la fonction. Je ne traite pas non plus des dossiers concernant les magistrats ou anciens magistrats. Les conseillers d'État ne traitent d'aucun dossier de magistrats administratifs, ni de ceux qui furent leur ministre de tutelle. En pratique, je donne lecture, au début de chaque séance et pour chaque dossier de la liste des membres ne pouvant prendre part à la délibération. Les déclarations de patrimoine et d'intérêts sont tenues à la disposition de tous les autres membres du collège, à défaut de pouvoir être rendues publiques, ce qui serait souhaitable.

Au-delà des procédures, la déontologie suppose un retour sur soi et sur l'image que l'on donne. Chacun d'entre nous a des liens d'intérêts. C'est même indispensable. Pour éviter que cela porte atteinte à notre mission, nous faisons au début de chaque séance un tour de table pour que chacun fasse état des liens d'intérêts qu'il pourrait avoir dans les dossiers du jour. Par exemple, je ne connais pas les dossiers de MM. Toubon et Perben qui furent mes gardes des sceaux et qui me proposèrent à des postes prestigieux, ni celui de Mme Aubry que j'ai conseillée, ni même ceux de leurs collaborateurs ou opposants que je connais. Ces règles sont également applicables aux agents de la Haute Autorité qui doivent en plus remplir des déclarations lorsque je leur ai donné délégation de signature. Même s'il n'a pas voix délibérative, notre secrétaire général ne peut pas consulter les dossiers de MM. Mercier et Vidalies qui furent ses ministres de tutelle. Cependant, il n'existe pas de règles encadrant les activités que les membres des AAI et leurs agents peuvent exercer au sortir de leurs fonctions. C'est une lacune que le législateur pourrait combler.

Les lois relatives à la transparence de la vie publique ont établi la première disposition transversale applicable à l'ensemble des AAI. Elles ont ouvert la voie pour que le législateur définisse des règles minimales applicables à chacune d'elles. Sur le fonctionnement, sur le recrutement, sur la prévention des conflits d'intérêts, il est nécessaire qu'une action soit entreprise. Qui pourrait le faire mieux que le Sénat qui a lancé le mouvement, il y a trente-sept ans, en inventant le statut des AAI ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La transparence de la déclaration de patrimoine des responsables publics est une nécessité, j'en suis convaincu, à condition, cependant de la contrôler et de prendre des sanctions quand elles sont nécessaires. Pourtant, je n'ai pas voté - mon groupe non plus - la loi élaborée dans la panique par l'exécutif après l'affaire Cahuzac. Elle a été mise en application avec les difficultés qu'on connaît et les conséquences qui s'ensuivent. L'immense majorité des responsables publics sont soucieux de l'intérêt général. Il est important de le dire, tout comme il est important que leur image ne soit pas systématiquement dégradée par des excès médiatiques. Comment faire pour qu'il y ait une déontologie de la communication ? Récemment, il y eu des fuites à propos des soixante parlementaires « en délicatesse » avec l'administration fiscale. Comment éviter que ce genre d'incident médiatique se reproduise ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Les médias ont parlé de 60, 100, puis même 300 parlementaires en délicatesse avec l'administration fiscale. J'ai été le seul à réagir, après avoir consulté Claude Bartolone et Gérard Larcher. La Haute Autorité n'est pour rien dans ces fuites que j'ai déplorées publiquement. Je mets au défi quiconque de produire un seul document estampillé HATVP qui aurait fuité. Ces polémiques infondées entretiennent une suspicion malsaine qui fragilise notre travail. J'ai choisi de me consacrer à mes fonctions plutôt que de courir les plateaux télévisés. En deux ans, je n'ai donné que quelques interviews à visée pédagogique, pour expliquer notre mode de travail. Ma ligne de conduite est claire : ne jamais polémiquer, ni m'exprimer sur des cas individuels. Je n'aspire pas à être un commentateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

A partir du moment où l'on fixe des règles, il est important que ceux qui sont en charge de les faire respecter soient les premiers à les appliquer. La Haute Autorité ne doit prêter flanc à aucun soupçon. Est-il raisonnable d'avoir comme collaborateurs des gens qui viennent directement de cabinets politiques ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Comme président, je peux choisir mes collaborateurs. C'est une garantie de notre autonomie. Mon choix s'est fait uniquement sur la compétence. Celle du secrétaire général a été constatée de manière impartiale et objective. La procédure de sa nomination est conforme aux textes, malgré la précipitation dans laquelle elle s'est faite lors de ma prise de fonction en janvier 2014 : appel à candidatures à la direction des services judiciaires, et examen des candidatures par le Conseil supérieur de la magistrature. La candidature de M. Guillaume Valette-Valla a reçu un avis favorable. Il était déjà parmi les plus brillants de sa génération, lorsque je présidais le Conseil supérieur de la magistrature. Il fait preuve d'une culture parlementaire avérée et c'est un travailleur infatigable. Ayant largement contribué à l'élaboration des textes d'octobre 2013, il en est le meilleur connaisseur. Il fait également preuve d'une rigueur exemplaire dans sa ligne de conduite sur les conflits d'intérêts, et il a fait ses preuves comme chef d'orchestre de la gestion administrative. Tout était à construire. Ses qualités de gestionnaire et de budgétaire, ses connaissances des technologies modernes ont été d'une aide précieuse pour enraciner la Haute Autorité dans le paysage institutionnel de notre pays. Je n'aime pas beaucoup les sondages, mais un récent sondage indique que 63 % des Français saluent le travail de la Haute Autorité. Le problème n'est pas celui de l'origine des membres et des agents. La suite de leur carrière est une autre préoccupation. Quien sabe ? dit-on en catalan : c'est à vous de poser le curseur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce plaidoyer est émouvant. Cependant, quand un collaborateur de la Haute Autorité a auparavant travaillé en cabinet ministériel, cela peut poser problème non pas à la hiérarchie, mais aux opposants aux dernières lois relatives à la transparence de la vie publique. Pour consolider l'image de la Haute Autorité, ne croyez-vous pas qu'il serait bon que les membres du collège publient leur déclaration de patrimoine ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Cela a fait l'objet de ma première intervention lors du premier collège. Le Conseil constitutionnel n'autorise pas la publication des déclarations de patrimoine, lorsque les responsables publics ne sont pas des élus. Cependant, tous les membres du collège font une déclaration de patrimoine et d'intérêts, et nous les transmettons à la DG-Fip.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Y êtes-vous favorable ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Je suivrai son parcours avec intérêt. Nous devons exiger autant de nous-mêmes que ce que nous imposons aux autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ne faudrait-il pas aussi étendre l'obligation de déclaration et la publication à certains corps qui jusqu'ici n'y sont pas soumis ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

J'y suis favorable. L'exemplarité de l'État doit être incarnée par tous les décideurs et par tous ceux qui sont garants des libertés publiques et des libertés individuelles. Des progrès sont en cours. Le projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires clarifie le rôle des uns et des autres. Les hauts fonctionnaires vont devoir déclarer leur patrimoine à la Haute Autorité. La même procédure est en cours pour les magistrats.

Le dialogue est ouvert avec la Commission de déontologie que présidait jusqu'à récemment M. Arrighi de Casanova. Le temps rendra son verdict. Toutes les suspicions seront levées au bout d'un moment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour l'instant, le projet de loi patine dans une autre assemblée, ce qui est regrettable. Comment envisagez-vous le contrôle des conflits d'intérêts, lorsque par exemple tel membre du collège d'une AAI se retrouve quelques mois plus tard membre du conseil d'administration d'une grande société ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

La Haute Autorité n'est pas au contact d'activités économiques ou financières comme l'AMF. Le collège est une équipe soudée. Jusqu'à présent, aucun membre de la Haute Autorité n'a été approché par une structure privée, à ma connaissance. Les membres des AAI avaient jusqu'au 1er octobre 2014 pour s'acquitter de leurs obligations déclaratives. Ceux qui ont été recrutés après cette date ont deux mois pour le faire. Notre base recense 597 personnes soumises à l'obligation de déposer une déclaration auprès de la Haute Autorité. Nous avons reçu 80 % des déclarations, et beaucoup sont en cours dans les 20 % qui restent. Aucune injonction n'a été prononcée. Cependant, notre collège a dû définir les AAI qui devaient se soumettre à notre contrôle, sur la base de l'article 11 de la loi relative à la transparence de la vie publique. Pour garantir notre travail, nous avons consulté le secrétariat général du gouvernement qui a exclu du dispositif la Commission de contrôle de l'élection présidentielle qui n'est pas permanente et la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) qui n'a pas de pouvoir de décision. Certaines AAI voulaient être soumises à déclaration, pour asseoir leur statut, d'autres le refusaient...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Est-ce bien au secrétaire général du gouvernement de décider qui vous devez contrôler ? La CNDCH a été retirée de la liste après son intervention et celle du vice-président du Conseil d'État... Et vous aviez dans votre collège une ancienne membre de la CNDCH : est-ce une bonne stratégie quant à l'indépendance de votre institution ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

C'est au législateur d'intervenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Pourquoi ? Une déontologie s'applique ! Au Conseil d'Etat, quelqu'un qui s'est prononcé sur une décision administrative ne peut absolument pas siéger ensuite dans la formation de jugement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

On peut parler d'une nomenklatura dans la quarantaine d'AAI sur laquelle nous travaillons : quelques centaines de personnes issues des mêmes corps bien connus. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Le doyen Gélard affirmait que 80 % des AAI devaient disparaître, car certaines structures pouvaient tout à fait fonctionner sans ce statut et qu'une AAI a pour mission de contrôler, vérifier et sanctionner. La nôtre remplit parfaitement ces missions.

Quant au statut général des AAI, je suis preneur. Quels membres des AAI doivent être soumis à l'obligation de déclaration : ceux qui ont pouvoir déclaratif, ou délibératif, les suppléants, ceux qui sont dans les organes de sanction ? C'est cela qu'il faudrait clarifier.

Quelle est l'utilité sociale et démocratique des AAI dont le nombre semble sans cesse augmenter ? Lorsqu'il s'agit de satellites annexes, leur intérêt est très relatif. En revanche, elles sont essentielles lorsqu'elles se trouvent au coeur de la République. La Haute Autorité dont j'ai la responsabilité a toute sa place car nos concitoyens doivent être convaincus que leurs représentants travaillent dans l'intérêt général. Il faut tordre le cou aux rumeurs dévastatrices. En outre, la HATVP apporte une contribution essentielle à la justice de notre pays. La Commission pour la transparence financière de la vie politique que présidait Jean-Marc Sauvé n'avait aucun pouvoir : en 25 ans, elle n'eut recours à l'article 40 du code de procédure pénale que six fois et jamais aucune suite ne fut donnée à ses saisines. Lorsque la Haute Autorité saisit le parquet sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale, elle publie un communiqué plutôt que de laisser la rumeur enfler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La HATVP a été créée après l'affaire Cahuzac. Mais pourrait-elle empêcher une nouvelle affaire de ce type ?

Il m'a fallu procéder à cinq déclarations en quatorze mois : le travail administratif des élus concernés n'est-il pas en train de connaître une légère inflation ?

Enfin, sur quels critères avez-vous accordé votre agrément à trois associations qui peuvent rechercher des informations pour vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

L'utilité de votre Haute Autorité est indéniable. Vous avez insisté à juste titre sur l'exemplarité et la transparence, mais comment éviter le voyeurisme et les fuites ? D'ailleurs, d'où viennent-elles ? N'améliorait-on pas la confidentialité en renonçant aux déclarations papier ? Vous encouragez les déclarations électroniques : encore faut-il supprimer les bugs qui interdisent toute connexion. J'en ai été victime à plusieurs reprises.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Je ne puis affirmer qu'aucune nouvelle affaire Cahuzac n'éclatera, mais tout sera fait pour l'éviter. Certes, les conventions internationales nous entravent, mais nos moyens d'investigations sont importants et, en cas de doute, nous pouvons saisir le parquet sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale. L'enquête pourra alors découvrir des dysfonctionnements d'une toute autre ampleur que ceux que nous-mêmes avons pu repérer.

Les lanceurs d'alerte ont un rôle important : nous avons agréé Transparency International, Sherpa International et l'Association pour une démocratie directe. Les critères ont été identiques à ceux retenus pour être partie civile devant une juridiction de l'ordre judiciaire : représentativité, budget, cotisations... Ces associations ne nous saisiront qu'après avoir mené leurs propres investigations. Jusqu'à présent, nous n'avons eu aucune saisine, mais il semble qu'une soit en cours. Ces agréments sont accordés à l'unanimité du collège. Il s'agit de protéger les citoyens qui s'intéressent à la chose publique avec responsabilité et loyauté. Nous le faisons sur la base de l'article 25 de la loi relative à la transparence de la vie publique relatif aux lanceurs d'alerte.

Il y a eu dans le passé des fuites et des déchaînements médiatiques. Cette époque est révolue et le passage du papier à la déclaration électronique n'y est pas étranger. Notre pôle informatique, que nous avons modernisé et sécurisé, représente à 10 % du budget total de la Haute Autorité et 60 % des déclarations sont déjà faites par cette voie. Nous dialoguons avec le déclarant pour compléter sa déclaration et parfois le conseiller. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) a validé notre système informatique qui a également fait l'objet d'un audit par une société indépendante agréée.

Je déplore le voyeurisme et les fuites. Depuis le 13 juillet dernier, les déclarations déposées en préfecture ne font aucune référence à la vie privée : tout ce qui se rapporte aux conjoints, à la famille et aux comptes bancaires est anonyme et l'information est globale. En outre, le ministère de l'intérieur ne nous a pas informés du nombre de consultations de ces publications. Il n'y a pas eu non plus de dénonciations calomnieuses - auquel cas les parquets auraient immédiatement engagé des poursuites avec des amendes atteignant 45 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous pouvons présumer que les fuites proviennent de l'administration fiscale.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Je ne dirai rien...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Vous avez reçu environ 10 000 déclarations : combien de déclarations chaque rapporteur a-t-il examinées ? Y a-t-il un ou plusieurs rapporteurs par déclaration ? Combien d'entre eux sont des vacataires ?

Votre rôle n'est-il pas proche de celui de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ? Ne faudrait-il pas, à terme, fusionner vos deux institutions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Tous les déclarants recevront-ils un quitus ? Beaucoup l'attendent encore !

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Je signe tous les jours un nombre considérable de quitus que j'accompagne d'un mot de remerciement pour la bonne volonté manifestée par les déclarants, alors que nous étions en pleine période de mise en route des procédures. Tous les déclarants recevront leur quitus. Lorsque les déclarations font l'objet d'un dialogue, nous parvenons à un accord et à une déclaration modificative, possibilité que nous avons créée et qui fait consensus. Le contradictoire existe bien, en ce sens. Mais la HATVP n'est pas une juridiction.

Un rapporteur est nommé lorsqu'un défaut de cohérence est constaté entre la déclaration initiale et l'avis de la DG-Fip ; le dialogue s'engage alors. Le rapporteur est à la disposition permanente des déclarants qui parfois le rencontrent. Lorsque le collège envisage une transmission au parquet, il en informe l'intéressé et recueille ses observations : c'est une manière originale de procéder. Chaque responsable public doit avoir conscience que l'article 40 du code de procédure pénale peut s'appliquer. À ma demande, le Premier ministre l'a rappelé à toutes les préfectures.

Il y a effectivement des synergies entre la CNCCFP et la Haute Autorité. Je souhaite avant tout que la HATVP soit une autorité compétente et fiable. En 2010, l'Assemblée nationale avait évoqué une fusion à l'occasion de l'évaluation des politiques publiques. Le Sénat a estimé qu'elle n'était pas souhaitable. Votre commission des lois avait demandé au Gouvernement de répondre à cette question par un rapport dans un délai d'un an, ce qu'il n'a jamais fait.

Nous disposons de vingt-quatre rapporteurs dont quatre magistrats de la Cour de cassation, quatre de la Cour des comptes et quatre du Conseil d'État. Je ne choisis pas ces collaborateurs qui sont d'une très grande qualité - et qui ne sont pas uniquement des magistrats parisiens, ce qui est une excellente chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Dans son dernier classement, Transparency International place la France derrière Singapour, le Luxembourg et les Bahamas, qui sont des paradis fiscaux. N'est-ce pas surprenant ? Quelle confiance accorder à un certain nombre d'associations ?

Vous nous avez dit que le but de la Haute Autorité était de contrôler, de vérifier et de sanctionner. Mais à lire un article que vous avez signé dans la revue de l'ENA, votre ambition est plus large : « La HATVP participe d'une volonté générale de renforcer la probité publique ». Or cela ne figure pas dans la loi. Ne faudrait-il pas plutôt s'interroger sur les voyages d'un précédent Président de la République sur les yachts de ses amis industriels ou sur les transports de chefs d'entreprises dans les avions présidentiels ? Peut-être pourrait-on aussi s'étonner de certaines nominations qui s'apparentent à du pantouflage. Dans ce même article, vous estimez que la Haute Autorité est « chargée d'appréhender toute une série de situations qui, sans pour autant constituer des infractions publiques, desservent la poursuite de l'intérêt général ». Nous sommes là à la limite de la morale. Comment concevez-vous votre rôle ? S'agit-il d'une croisade en faveur de la transparence ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Dans nos démocraties, les fonctionnaires et les politiques doivent être exemplaires. Fils d'enseignant et enfant de la République, je crois en la pédagogie. La HATVP a un rôle majeur à jouer en matière de culture républicaine : la responsabilisation et la probité sont en effet affaire de tous. Et nous distillons cette pédagogie partout où nous en avons l'occasion.

Le législateur a défini le conflit d'intérêts. « Constitue un conflit d'intérêts, toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts privés ou des intérêts publics qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Un conflit d'intérêts entre deux intérêts publics : c'est absurde ! Si la prise illégale d'intérêt est bien définie, le conflit d'intérêts l'est beaucoup moins. Désormais, les carrières sont faites de passages incessants entre le public et le privé. Le ministre de l'économie peut aussi se trouver en conflit d'intérêts lorsqu'il doit à la fois veiller à l'intérêt public en tant que tuteur de l'agence des participations de l'État et défendre les intérêts de l'État actionnaire. Comment par la prédication morale venir à bout de pratiques quotidiennes ? Comme l'a dit notre rapporteur, la loi relative à la transparence de la vie politique est née de la panique. Cela pose problème !

Quels sont vos rapports avec les services fiscaux ? Mis à votre disposition, ils sont votre bras armé. Mais, en votre nom, ils effectuent de larges contrôles fiscaux, dépassant le champ des déclarations de patrimoine, incluant le conjoint même marié sous le régime de la séparation de biens...

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Vous soulevez un réel problème et des évolutions sont indispensables. Nous entretenons de bonnes relations avec la DG-Fip ; son directeur général, M. Bruno Parent, est venu s'expliquer devant le collège afin de clarifier les rapports entre nos deux institutions.

Comme le procureur de la République s'adresse à la police judiciaire, qui dispose des pouvoirs d'investigation, je m'adresse à la DG-Fip, qui a des moyens dont je ne dispose pas, la base Patrim, par exemple, pour évaluer les biens immobiliers. La DG-Fip nous adresse un avis que nous comparons à celui du déclarant. En cas de distorsion de plus de 25 %, le dialogue s'instaure qui aboutit, à 98 %, à la délivrance d'un quitus. Cependant, on peut estimer que le problème est celui de l'indépendance.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Dans les 48 heures après la nomination d'un ministre, le contrôle fiscal est lancé et nous en recevons le résultat. En revanche, pour les parlementaires, la suite donnée lorsque nous transmettons des informations nous échappe, au nom du secret fiscal. C'est pourquoi nous avons proposé de rendre la Haute Autorité indépendante en lui donnant un pouvoir d'investigation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je ne conteste ni le recours aux services fiscaux pour établir la véracité des déclarations, ni les vérifications de l'administration fiscale. En revanche, pourquoi invoque-t-elle la Haute Autorité pour procéder à des contrôles fiscaux plus larges, alors qu'elle pourrait le faire de son propre chef ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Comment contester les estimations immobilières que vous faites ? Vous dites que vous parvenez à des compromis avec les déclarants, mais une procédure de recours est-elle prévue ?

L'esprit de la loi est d'éviter que des parlementaires s'enrichissent à l'occasion de leur mandat, non pas de vérifier que les biens immobiliers qu'ils possédaient bien avant d'être élus sont estimés à leur juste prix au jour le jour.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

L'évaluation doit être faite au moment de la déclaration car, en fin de mandat, nous examinons la variation du patrimoine. Cette évaluation est agréée ou fait l'objet de négociations. Le déclarant n'a pas lieu de « contester » mais d'expliquer les valeurs qu'il indique, en s'appuyant sur des estimations variées comme celles du notaire ou de l'agent immobilier du secteur. L'évaluation d'un bien repose sur la rencontre d'une offre et d'une demande à un moment donné. On peut se trouver dans des situations atypiques : des manoirs magnifiques peuvent ainsi être invendables. Ce problème sera évoqué dans le rapport que je vais présenter en fin d'année et je suis persuadé que nous parviendrons à une solution.

Pour répondre à Mme Des Esgaulx, non, il n'y a pas de recours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ces personnes sont donc les seules en France à ne pas pouvoir exercer de recours sur l'estimation de leurs propres biens.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il est choquant que vous embêtiez quelqu'un qui détient un bien, souvent de famille, depuis des décennies parce que le montant de la déclaration, qu'il a toujours déclaré, ne vous convient pas.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Un rapporteur n'est désigné que si la déclaration initiale et l'estimation de la DG-Fip différent de plus de 25 %. En outre, les investigations de la Haute Autorité n'ont rien à voir avec l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La plupart des parlementaires ont quand même eu une vérification de leur ISF.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

C'est la DG-Fip qui l'a décidée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Votre mission est contaminée par l'esprit de l'administration fiscale. Pourquoi vous préoccuper du fait que l'estimation n'ait pas évolué ? Si le patrimoine est revendu et utilisé sous une autre forme, bien sûr, c'est un autre cas de figure. Ce qui vous importe dans votre mission, c'est l'enrichissement anormal au cours du mandat.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Le déclarant peut apporter tous les éléments dont l'administration fiscale ne dispose pas : des photos, l'état des lieux... Au fil du temps et de la discussion, les difficultés s'aplanissent et certaines déclarations de patrimoine sont même revues à la baisse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Revenons-en à l'essentiel : la loi est faite pour constater, à la fin d'un mandat ou de l'exercice de responsabilités publiques, d'éventuels enrichissements illégaux. L'évaluation du patrimoine en début de mandat n'a donc guère de sens.

La DG-Fip fonctionne sous le contrôle du ministre : lorsque vous déclenchez un processus sous contrôle d'un membre du Gouvernement, vous touchez au politique, ce qui pose des problèmes.

Les délais que vous deviez tenir n'ont pas été respectés car, dans certains cas, l'administration fiscale a procédé à des vérifications approfondies : vous dépendez donc de son bon vouloir. Le Gouvernement qui tenait à ce texte pour des raisons médiatiques ne vous a pas donné les moyens d'assumer vos responsabilités. En outre, le processus de contrôle a pris un temps considérable. Les sénateurs élus en septembre 2014 n'ont toujours rien reçu de votre part.

Ne vaudrait-il pas mieux qu'il y ait une vérification fiscale approfondie et systématique au moment de l'élection ou de la nomination à un mandat public ? Ce serait plus clair pour tout le monde, et gagnerait du temps, mais l'administration dispose-t-elle des moyens nécessaires ?

Peut-être faudrait-il rajouter à la liste actuelle des déclarants les membres des conseils d'administration des principaux médias, y compris la presse écrite...

Vous n'avez pas répondu à la question que je vous ai posée sur le grand pouvoir de certaines AAI, comme l'Autorité de la concurrence qui peut infliger des amendes considérables. Lorsqu'un membre d'un collège d'AAI est également membre du conseil d'administration d'un grand groupe, comment éviter les conflits d'intérêts ?

Dans les corps constitués comme le Conseil d'Etat ou la Cour des comptes, certains passent de la fonction de magistrat à des responsabilités dans un groupe privé, y compris lorsqu'ils ont effectués préalablement une mission dans le même domaine. Puis ils reviennent dans leur corps d'origine, pour ensuite être nommés dans une AAI. Que pouvez-vous faire ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Il s'est écoulé huit mois entre l'avant-projet de loi et ma nomination : c'est un record. J'aurais souhaité disposer d'un peu plus de temps et d'un vade-mecum à l'intention des présidents des AAI.

À la suite de l'affaire Thévenoud, j'ai proposé au Président de la République de vérifier la situation fiscale des ministres préalablement à leur nomination et de délivrer un certificat de régularité fiscale pour les candidats à une élection nationale. Ainsi, aucune suspicion ne serait plus possible. Je vous rejoins donc totalement, monsieur le rapporteur.

Je suis opposé aux renouvellements de mandats dans les AAI et à la nomination dans deux AAI. Je vous précise que je ne suis pas candidat à un autre mandat !

La régulation des conflits d'intérêts permet d'éviter les dérapages : il faut savoir mettre un terme à des situations opaques. La Haute Autorité dispose du levier pédagogique : lorsqu'elle détecte un conflit d'intérêts, elle dialogue avec l'intéressé, et régularise la situation. L'immense majorité des déclarants qui craignent un conflit d'intérêts nous consultent. J'ai ainsi reçu de très hauts responsables que leur situation inquiétait. Notre fonction de conseil est importante. C'est la sincérité qui nous intéresse. Au levier pédagogique s'ajoute un pouvoir d'injonction, si nécessaire publique, et la possibilité d'engager un recours pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Vous confirmez que la Haute Autorité a un pouvoir d'injonction. Dans son rapport public de 2001, le Conseil d'État estimait que les AAI ne pouvaient pas exercer de pouvoir décisionnel dans des compétences régaliennes. N'est-ce pas pourtant le cas de la Haute Autorité ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Nous ne sommes pas une juridiction, et les déclarants ne sont pas des prévenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La notion de conflit d'intérêts n'a-t-elle pas été mise sur le devant de la scène pour masquer les trafics d'influence ? Constitue-t-elle un vrai progrès ? Juridiquement, il n'y a pas de sanction possible, et cela évite de parler de ces trafics...

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

La notion de conflit d'intérêts est devenue plus claire. De manière sous-jacente, on peut y voir l'influence, le favoritisme... - c'est l'ancien magistrat qui parle. Pour la première fois, nous avons un texte sur ce sujet, avec une définition inédite : on la décortique, on l'analyse, on l'exécute, on la clarifie et on la finalise.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

La Haute Autorité a été créée assez récemment, et peut recourir à différents moyens de l'État. Vos moyens propres sont-ils suffisants? Comment voyez-vous l'évolution de vos besoins budgétaires ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Votre question est importante : en 2014, le budget de la Haute Autorité était construit sur le modèle de celui de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations. Mais cela n'a rien à voir ! Le travail est totalement différent, et nous avons démarré avec quatre fonctionnaires en 2014. Notre secrétaire général a déployé une énergie considérable pour recruter un adjoint et des chefs de pôle responsables de la transparence, des conflits d'intérêts, de la communication... Nous sommes désormais trente. Je comprends bien, dans le contexte budgétaire actuel, ne pouvoir obtenir davantage même si le travail est colossal, ce qui nous oblige à faire des choix, afin que le contrôle soit approfondi. En 2016, nous donnerons la priorité aux membres des cabinets ministériels et hauts fonctionnaires, qui n'étaient pas précédemment dans le champ de notre mission. Nous sommes une petite AAI mais je compte sur la prise de conscience publique pour que nos moyens s'accroissent.

Nous demeurons dans nos modestes locaux du 98 rue de Richelieu, loin des lambris de la République : nous nous devons de donner l'exemple. Je n'ai ni appartement de fonction, ni voiture de fonction, ni chauffeur, je circule en taxi et je voyage en classe économique, même sur un vol de 12 h 40 pour la Malaisie. Tous nos fonctionnaires suivent cette discipline stricte et cette rigueur exemplaire - et j'en suis fier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le non-respect des délais est très gênant pour les déclarants. Le justiciable a l'habitude d'attendre, le déclarant devra prendre la même habitude...

Revenons sur un cas particulier : l'administration fiscale relève en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française des exécutifs locaux. Il semblerait que certains élus fassent de la rétention d'informations. Arrivez-vous à obtenir les informations souhaitées ou des protections particulières font-elles entrave ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Je suis lié au secret professionnel...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Cette réunion est ouverte à la presse et au public, je comprends M. Nadal...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous allez obliger la commission à se rendre sur place pour vous interroger !

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Je vous recevrai avec plaisir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Merci, monsieur Nadal, d'avoir répondu à nos questions. Nous avons dépassé le cadre des questions traditionnelles aux AAI, en raison de votre statut particulier. Nos collègues liront vos propos avec intérêt : nombreux sont ceux qui pensaient que le silence de la Haute Autorité valait acceptation de leur dossier. Nous sommes maintenant éclairés sur ce point également.

La réunion est levée à 15h40.