Commission des affaires sociales

Réunion du 7 octobre 2015 à 10h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • enfance
  • protection de l'enfance

La réunion

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La réunion est ouverte à 10 h 05.

EXAMEN DU RAPPORT

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Parfois, et peut-être trop souvent, les propositions de loi que nous adoptons ici, au Sénat, ne prospèrent pas, par manque d'intérêt de la part de nos collègues députés ou par manque de volonté politique du Gouvernement. A l'inverse, on ne peut que se féliciter lorsqu'une initiative émanant de notre Haute Assemblée est reprise par l'Assemblée nationale, encouragée par le Gouvernement et nous revient pour une deuxième lecture. C'est le cas aujourd'hui de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant que j'avais déposée il y a un peu plus d'un an avec notre ancienne collègue Muguette Dini.

L'objet de cette proposition de loi était, je vous le rappelle, d'apporter les précisions et les ajustements nécessaire pour que le dispositif de la protection de l'enfance, réformé par la loi du 4 mars 2007, soit amélioré, en tant que de besoin, et puisse enfin porter pleinement ses fruits, sur l'ensemble du territoire national.

Depuis nos travaux de première lecture, plusieurs évènements dramatiques sont venus rappeler combien il est nécessaire d'agir pour que cette politique soit mieux pilotée et plus efficace. Il s'agit aussi de réinterroger certaines pratiques et certains principes qui guident aujourd'hui l'action des services départementaux, des juges et de l'ensemble des acteurs intervenant dans ce domaine.

Le texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale est bien différent de celui que nous avions adopté, à l'unanimité, le 11 mars dernier. Alors que le texte sorti du Sénat ne comptait que seize articles, il en compte aujourd'hui cinquante. Parmi les articles additionnels, douze sont issus d'amendements gouvernementaux, signe que la démarche que nous avons engagée s'est accompagnée d'une réelle mobilisation de la ministre et de ses services.

En effet, parallèlement à l'examen du texte par le Sénat en première lecture et avant sa transmission à l'Assemblée nationale, Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de l'enfance, a mené une large concertation associant les professionnels, les élus et l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance. A la clé, une feuille de route et un certain nombre de propositions dont certaines ont permis d'enrichir le texte lors de son passage à l'Assemblée nationale.

Ce texte d'initiative sénatoriale a donc été l'occasion d'une réforme, plus globale et de plus grande ampleur, des dispositifs de protection de l'enfance.

Sur certains points, l'Assemblée nationale a fait des choix différents de ceux du Sénat, revenant d'ailleurs parfois à la position qui avait été celle de notre commission. Je pense notamment aux dispositions relatives à l'adoption simple ou à l'introduction de la notion d'inceste dans notre code pénal. Je pense également à la création d'un Conseil national de la protection de l'enfance chargé de conseiller le Gouvernement sur les orientations nationales de cette politique, proposition forte de notre rapport d'information.

Dans l'ensemble, néanmoins, l'Assemblée nationale n'a pas remis en cause les dispositions que nous avions adoptées. Si aucun article n'a été adopté conforme, les modifications apportées sont souvent essentiellement rédactionnelles.

Les députés et le Gouvernement ont également souhaité approfondir certaines des orientations que nous avions données au texte, en cherchant à améliorer les échanges d'informations entre les différents acteurs de la protection de l'enfance ou en sécurisant le recours à un tiers de confiance afin de garantir à l'enfant placé un cadre stable et familier.

L'Assemblée nationale a également, je l'ai dit, souhaité aller plus loin que les pistes d'amélioration identifiées par notre rapport d'information. La problématique des jeunes majeurs sortant des dispositifs de protection de l'enfance sans parvenir à s'insérer socialement et professionnellement, ou celle des mineurs étrangers isolés, dont l'actualité montre à quel point elle est aigüe, étaient en effet en dehors du champ du rapport et de la proposition de loi initiale. Plusieurs articles additionnels visent à y apporter des réponses.

Enfin, les députés ont introduit des dispositions relatives à la prévention qui doit s'exercer auprès des parents susceptibles de rencontrer des difficultés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives avant même la naissance de l'enfant.

Parfois, la concision qui caractérisait le texte initial a pu souffrir de ces différents ajouts. Certaines dispositions nouvelles apparaissent superflues ou inutiles. Je vous proposerai donc de les supprimer.

En lien avec la commission des lois et son rapporteur pour avis, dont je salue le travail, je vous proposerai également de préciser et d'améliorer la rédaction d'un certain nombre d'articles additionnels.

Néanmoins, le texte dont nous allons entamer l'examen est plus riche, plus complet et pourra, j'en suis certaine, permettre au Sénat de retrouver dans une large mesure l'esprit de consensus qui avait marqué son examen en première lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je souscris à ce qui vient d'être dit. L'Assemblée nationale a largement suivi la position du Sénat, en particulier en ne rétablissant pas des articles que nous avions jugé bon de supprimer. Au-delà, elle a apporté un certain nombre d'améliorations rédactionnelles et surtout introduit une trentaine articles nouveaux qui vont alimenter nos débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Vous soulignez, dans votre rapport, dont j'apprécie la concision, un point fondamental : ce texte nous revient avec cinquante articles, dont douze introduits à l'initiative du Gouvernement, qui a quasiment réécrit le texte.

J'ajoute que depuis la première lecture, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a été votée. Les compétences du département sont attaquées et les budgets départementaux ont subi des coupes claires. Or, ce texte, qui rétablit des obligations que nous avions supprimées en première lecture, va susciter de nouvelles dépenses obligatoires. En réécrivant une proposition de loi initialement consensuelle, le Gouvernement et l'Assemblée nationale n'ont pas su distinguer entre ce qui devrait idéalement être et ce qui peut être, compte tenu des finances de l'Etat et des départements. Nous vous soumettrons donc à nouveau nos amendements votés en première lecture.

Deux sujets, qui ne sont pas sans conséquence sur les budgets des départements, nous préoccupent tout particulièrement. En premier lieu, s'il est louable de vouloir continuer d'assurer le suivi et l'encadrement des mineurs isolés étrangers, nous rappelons que c'est à l'Etat et non au département d'en assurer le financement. En second lieu, l'article, introduit sur initiative du Gouvernement, qui veut que l'allocation de rentrée scolaire (ARS) due au titre d'enfants placés soit constituée en pécule que le mineur récupérera à sa majorité nous a profondément ébranlés : cela est totalement contraire à l'objet d'une telle allocation, faite pour permettre à l'enfant d'effectuer sa rentrée dans des conditions matérielles satisfaisantes. Nous estimons de surcroit que lorsque le mineur est confié aux services départementaux, cette allocation de rentrée, comme les allocations familiales, devraient revenir au département, pour compenser les charges engagées.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

Nous nous réjouissons de retrouver ce texte qui fait suite à l'important travail mené de concert par Muguette Dini et Michèle Meunier. Il était de fait nécessaire, ainsi que l'ont montré les conclusions de leur rapport, de remettre sur le métier les dispositions relatives à la protection de l'enfance votées en 2007. Cela est essentiel tant pour les départements que pour l'ensemble des jeunes concernés.

Nous nous réjouissons également que le Gouvernement se soit saisi de ce travail sénatorial. Je salue, comme l'a fait notre rapporteure, l'effort de concertation mené par la secrétaire d'Etat à la famille avec l'ensemble des acteurs de l'aide sociale à l'enfance, dans le respect de la pluridisciplinarité qui en fait la marque. Cette façon de faire a été très bien accueillie par l'ensemble de ces acteurs.

Les disparités constatées dans la mise en oeuvre des politiques d'aide sociale à l'enfance sur le territoire engagent à introduire un pilotage national, afin de rappeler avec force les buts de cette politique : garantir la protection de l'enfant par des décisions prenant en compte son intérêt, lui assurer une vie et un parcours stables, développer la prévention - je pense notamment à l'accompagnement de la grossesse mais aussi à la prévention spécialisée. Nous serons attentifs sur tous ces sujets, tant en commission qu'en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous sommes favorables à ce texte, sur lequel nous nous sommes beaucoup impliqués. Sachant que l'Assemblée nationale a apporté des modifications, nous serons très attentifs aux travaux de notre commission comme aux discussions en séance. Notre position sur les nombreux amendements qui ont été déposés ira dans le même sens qu'auparavant. Nous nous opposerons à ceux qui contredisent le travail que nous avons réalisé, et qui visait à donner un meilleur cadre à la protection de l'enfance et à l'accompagnement des mineurs par les conseils départementaux. Ainsi de la position exprimée par Jean-Noël Cardoux sur l'allocation de rentrée scolaire, que nous ne partageons pas plus aujourd'hui qu'hier.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Je remercie notre rapporteure qui subit, comme nous, l'agenda haché qui nous a été imposé sur ce noble sujet. La secrétaire d'Etat à la famille a certes engagé une large concertation, mais je veux ici exprimer, comme Jean-Noël Cardoux, des regrets. Les élus départementaux sont inquiets. Les départements, qui peinent à financer les politiques sociales dont ils ont la charge doivent, depuis quelques mois, assurer un nombre important de placements complexes. Les situations deviennent très difficiles à gérer : manque de moyens en pédopsychiatrie, baisse drastique du budget de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui complique les collaborations sur le terrain. Bien des jeunes, qui se trouvent pourtant sur une ligne de crête, ne sont plus pris en charge par la PJJ du fait de la fermeture de foyers d'accompagnement éducatifs. Ces difficultés, qui atteignent un paroxysme, suscitent une vive inquiétude chez nos collègues des départements. Or, ils ont le sentiment que ce texte, au lieu de mettre de l'huile dans les rouages, introduit des complexités supplémentaires dans l'exercice de leurs missions. Il est vrai que le degré d'investissement dans la protection de l'enfance n'est pas le même dans tous les départements, mais ce n'est pas en compliquant les procédures que l'on engagera ceux qui sont en retard sur le chemin de l'exemplarité. Ils ont besoin, au contraire, de simplification et des moyens financiers et humains pour les accompagner. Oui, il est important de revenir sur la loi de 2007, mais en facilitant la vie des conseils départementaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Je félicite Michèle Meunier qui travaille de longue date sur ce sujet et a su ici le faire de concert avec le Gouvernement. Les faits divers qui émaillent l'actualité témoignent assez qu'en matière de protection de l'enfance, nous sommes sans cesse appelés à nous réinvestir.

Je ne saurais suivre Jean-Noël Cardoux quand il met en avant les dépenses des départements : pour moi, chaque euro dépensé en matière de protection de l'enfance est un investissement, surtout quand les enfants sont en souffrance. De fait, l'engagement des départements n'est pas le même partout. Ce texte est le moyen d'aller de l'avant, d'assurer une efficacité dans la prévention, de susciter les échanges entre les acteurs de la protection de l'enfance. Puisse-t-il être mis en oeuvre sans tarder car je suis persuadée que les résultats seront au rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Je reste un peu sur ma faim quant à la prise en charge des enfants en situation d'urgence, à la charnière des compétences de la justice, de la pédopsychiatrie et de la protection de l'enfance - dont le chef de file, faut-il le rappeler, est le département. Or, et je puis en témoigner pour avoir été en charge de la protection infantile dans les Bouches-du-Rhône, le département est débordé. Si bien que la prévention, que la loi de mars 2007 mettait en exergue, devient très difficile à assurer sur le terrain, tant les équipes sont mobilisées par des situations à traiter dans l'urgence. J'ai en tête l'exemple récent d'une enfant de 14 ans en perte de repères : impossible d'obtenir une consultation en pédopsychiatrie dans des délais décents, ni une hospitalisation en pédopsychiatrie, malgré la demande des parents. Le procureur de la République, qui reconnaissait que la situation était très difficile, m'a indiqué avoir saisi le juge pour enfant, qui convoquerait la famille, a-t-il ajouté, sous trois semaines ! Alors que cette enfant partait en vrille ! Face à des situations de plus en plus graves, la notion d'urgence, que la loi de 2007 laissait au second plan, doit être privilégiée. Faute de quoi, on en arrive à ces drames dont les médias font leurs choux gras. Au cas présent, la menace était bel et bien celle d'un départ en Syrie.

Attention, donc, à ne pas alourdir un texte déjà complexe. Il est vrai que tous les départements ne sont pas égaux. Faut-il pour autant tout niveler au plan national ? Je n'en suis pas certain. Prendre en charge des enfants en difficulté n'est pas la même chose dans la Mayenne ou dans les Bouches-du-Rhône. Pour être le plus efficace possible, le pilotage doit, à mon sens, rester local.

Debut de section - PermalienPhoto de Hermeline Malherbe

Je remercie à mon tour Michèle Meunier et Muguette Dini. Il est heureux de voir repris le travail de notre assemblée. C'est le signe qu'il répond à une attente sur le territoire.

On ne peut pas faire comme si l'on découvrait aujourd'hui les difficultés financières des départements, alors qu'elles remontent à dix ans. Je parle en connaissance de cause, étant moi-même présidente de conseil départemental, et je ne m'étendrai pas sur le contexte dans lequel on doit gérer ces difficultés, pour ne pas attiser la polémique. Je m'étonne, cependant, des velléités recentralisatrices de certains. Cessons de nous focaliser sur quelques faits dont s'emparent les médias en oubliant tout ce qui, dans cette politique décentralisée où le département est chef de file, permet à bien des jeunes pris en charge par l'aide sociale à l'enfance de s'en sortir par un parcours positif.

Il s'agit ici de trouver un équilibre entre l'exigence de conditions minimales qui doivent se retrouver sur tout le territoire et la nécessité de laisser les départements s'adapter à leur territoire, comme ils le font en bien d'autres domaines. C'est là tout le mérite de ce texte, fruit du travail de Michèle Meunier et que la secrétaire d'Etat a su faire sien en organisant la concertation. Puissions-nous mener nos travaux dans cet esprit d'équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Forissier

Je me réjouis du travail considérable mené par le Sénat sur ce dossier. Pour avoir succédé à Muguette Dini au conseil général du Rhône, dont je fus premier vice-président, je puis témoigner combien l'action de ce département en matière de protection de l'enfance a été forte. Mais je puis témoigner aussi que ses actions de prévention ont dû être réduites par manque de crédits.

Ce texte qui, au départ, était simple et limpide, nous revient complexifié. Le Gouvernement est dans son rôle en intervenant dans le débat législatif, mais le Parlement ne doit pas se laisser dépouiller de ses prérogatives. Les dispositions votées ici en première lecture étaient, pour moi, mieux adaptées aux situations que l'on rencontre sur les territoires, et j'appelle à les rétablir. Une fois de plus, on veut passer par-dessus le département, que la loi NOTRe a déjà mis en position très difficile. N'allons pas lui imposer encore des obligations sans qu'elles soient financées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Je me félicite de cette proposition de loi, belle initiative qui vient combler quelques lacunes.

Nous sommes, dans cette assemblée, des décentralisateurs par essence et des centralisateurs par dépit. La plupart du temps, nous voulons décentraliser et donner aux collectivités locales des pouvoirs, et cependant, lorsque nous constatons que tous les départements ne mènent pas la même politique, nous revenons vers l'Etat, pour assurer plus d'uniformité. Mais si l'on va par-là, le même raisonnement devrait valoir pour les communes, entre lesquelles on constate des disparités plus marquées encore. C'est la vertu de la décentralisation que de permettre d'appliquer des politiques spécifiques à des territoires, et le suffrage universel garantit assez que les élus défaillants seront sanctionnés.

Ma deuxième observation est d'ordre sémantique. J'ai toujours été choqué par les termes de « prévention spécialisée », que l'on retrouve dans ce texte. La prévention vise à faire en sorte que le tissu social ne se déchire pas. Or ce que nous appelons, dans nos départements, prévention consiste en fait à intervenir quand l'accroc est déjà là. Il s'agit bien plutôt de remédiation. Cette question sémantique n'est pas anecdotique, car nous ne devons pas nous tromper sur les actions que nous menons.

J'en viens à l'idée de verser au département les allocations servies aux familles quand les enfants lui sont confiés. C'est, pour moi, une anomalie que de verser une prime à des parents qui ne sont pas capables d'assumer leur fonction et n'ont plus leur enfant à charge.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Je ne dis pas que je me range à vos propositions, mais que le sujet mérite que l'on y réfléchisse.

Ma dernière observation portera sur les mineurs étrangers isolés. J'ai été chargé de conduire le groupe de travail qui a réfléchi à leur répartition nationale. Je rends hommage au Gouvernement : c'est le premier qui a admis la responsabilité de l'Etat en la matière, en tant que signataire de la convention internationale des droits de l'enfant et responsable de la politique d'immigration. Tous les gouvernements précédents avaient botté en touche, en dépit du rapport d'Isabelle Debré. C'est une question de justice et d'équité que de répartir la charge entre les départements. L'Etat assure une part de la dépense ; c'est peu, sans doute, au regard de la dépense totale, mais je m'étonne d'entendre ceux qui hier étaient contre venir réclamer davantage - preuve que l'appétit vient en mangeant.

Je forme également le voeu qu'une réflexion s'engage sur les jeunes majeurs. Nous recevons des mineurs étrangers auxquels nous apportons les moyens de suivre des études et dont un certain nombre termine avec des diplômes qui leur permettraient d'entrer sur le marché du travail. Or, ils n'ont pas le droit de travailler, si bien qu'ils n'ont d'autre ressource que de rester à la charge du département. S'ils avaient la possibilité de mettre en oeuvre leur qualification et de devenir autonomes, ce serait autant d'épargné pour le département et autant de gagné dans le parcours de ces jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Un mot sur la prévention : sur 150 000 jeunes retirés chaque année à la garde de leur famille, 80 % y sont réintégrés dans les douze mois. Preuve qu'en matière de prévention, la médiation familiale est utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Je rends hommage à Muguette Dini et Michèle Meunier, qui se sont données avec générosité et ardeur à ce texte.

De nos débats de première lecture, il était ressorti que les conseils départementaux étaient un peu irrités par le sentiment que l'on tenait pour rien le travail de terrain des départements en matière de protection de l'enfance, alors même que beaucoup était fait, en dépit des difficultés. De fait, le président du conseil général se trouve souvent en guerre avec le juge des enfants, dont les orientations varient au gré des personnes en fonction, qui privilégient tantôt le maintien dans la famille avec surveillance des services sociaux, tantôt le placement en famille d'accueil, tantôt le placement en établissement - si bien qu'à chaque changement de juge, il faut changer de politique. De fait, les moyens manquent en pédopsychiatrie : les établissements recevant des enfants au comportement très perturbé ne parviennent pas à obtenir de consultation avant dix jours ou un mois, au point que des phénomènes préoccupants de contagion peuvent s'y développer. De fait, la justice, qui prenait jusqu'alors financièrement en charge les jeunes majeurs, ne le peut plus, du fait du désengagement de l'Etat, et la charge en revient au département. De fait, face au désengagement de l'Etat, les mineurs étrangers isolés deviennent une charge très lourde.

D'où un certain ressentiment face à cette proposition de loi. Mais en même temps, la nécessité d'une coordination nationale, d'une certaine homogénéisation entre les territoires est devenue nécessaire, et le texte va dans ce sens. C'est dans ce contexte que nous en avons discuté, et que nous avons voté cette proposition de loi, que j'estime utile.

Mais la partie s'annonce à présent difficile. Outre que nos débats de première lecture vont se rouvrir, comme en témoignent les interventions que nous avons entendues, les choses se compliquent du fait que l'on est passé de seize à cinquante articles, dont douze d'initiative gouvernementale. C'est, pour ainsi dire, un nouveau texte qui nous est soumis. Certains y voient un enrichissement apporté par la réflexion du Gouvernement, d'autres une complexification, d'autres encore une dénaturation. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain : il nous faudra examiner les amendements un à un et être très prudent pour ne pas dénaturer le travail du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Dans un souci de cohérence et de clarté, je tiens à préciser ma position sur l'allocation de rentrée scolaire. Il y a deux ans, j'ai pris une position personnelle en défendant, contre l'avis du Gouvernement, le versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au département pour les enfants retirés à leur famille et confiés aux services départementaux. Je n'ai pas changé d'avis, mais c'est un autre problème qui est ici posé. J'ai été, dans mes responsabilités antérieures, confronté à la situation de ces jeunes qui, à leur majorité, sortent de l'aide sociale à l'enfance, et dont une proportion importante se retrouve en errance. C'est pourquoi il me semble que l'idée de leur constituer un pécule doit être regardée favorablement. Autant j'estime que les allocations familiales, qui représentent un enjeu financier plus important, devraient être versées au département, autant il me semble que constituer l'allocation de rentrée scolaire en pécule pourrait apporter un début de solution à ces jeunes majeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Merci à Mme Meunier et à Muguette Dini d'avoir eu l'initiative de ce texte.

Le rôle de l'éducation nationale n'a pas été jusqu'à présent évoqué. Or, c'est avant tout à l'école, où l'on détecte des maltraitances, que l'on peut prévenir. Un professeur de gymnastique peut détecter qu'un enfant refuse d'aller à la piscine parce qu'il est couvert de bleus ; une rédaction peut, de même, révéler beaucoup au professeur de français. Or, je le dis depuis des années, l'éducation nationale, qui devrait former les enseignants à la prévention, ne joue pas son rôle, et la charge se trouve reportée sur le département.

Le texte prévoit, si je ne m'abuse, un médecin-référent par département. A la charge de qui ? Et comment traitera-t-il tous les cas ?

Je rejoins, enfin, Jean-Noël Cardoux : l'accompagnement des mineurs isolés qui arrivent sur le territoire ne doit pas être intégralement à la charge des départements, qui n'en ont les moyens ni financiers ni humains.

Alors que la protection de l'enfance relève d'un traitement interministériel, certains ministères ne jouent pas le jeu, et en particulier l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Le texte est certes passé de seize à cinquante article, mais un article qui visait à protéger nos enfants à l'international n'en a pas moins été supprimé par l'Assemblée nationale. Grâce à l'intervention d'Elisabeth Doineau, j'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec la secrétaire d'Etat à la famille ; je crois que nous nous sommes compris et que nous pourrons y revenir. Il faut faire de ce sujet une priorité nationale, ainsi que je le soulignais il y a deux semaines dans une question au Gouvernement. Car ce sont des drames au quotidien : deux décès d'enfant par jour, en moyenne. Notre président, Alain Milon, a rappelé, lors de l'examen en première lecture, son expérience personnelle. Quand un enfant disparaît, cela hante pour toujours celui qui juge qu'il n'a pas pu l'empêcher, qu'il soit médecin, agent des services sociaux ou professeur. J'appelle à rechercher, dans nos discussions, un consensus sur ce sujet dramatique : il faut faire reculer les statistiques en matière de maltraitance à l'enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je rappelle que nous avons voté, à l'initiative de Colette Guidicelli, une proposition de loi qui protège pleinement les professionnels de santé qui font un signalement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Je me réjouis qu'enfin, grâce à l'article 22, l'inceste rentre dans le code pénal. C'est un débat ancien. Une proposition de loi avait été votée en 2009 que le Conseil constitutionnel a en partie vidée de son sens. Il est vrai que certains psychiatres ont émis des réserves sur cet article, mais face à ce problème douloureux et alors que les violences intrafamiliales augmentent, il me semble que c'est là une avancée, que les amendements de M. Pillet, qui vont dans le bon sens, consolideront.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

J'y insiste une fois encore : la formation des professeurs par est le maître-mot. L'éducation nationale devrait y pourvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je vous remercie de vos commentaires, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir au cours de l'examen des amendements.

Non, le texte qui nous revient n'est pas un nouveau texte qui aurait été écrit par le Gouvernement. Le rapport d'information qu'avec Muguette Dini nous vous avions présenté était assorti de cinquante-deux recommandations qui abordaient tous les sujets, depuis la question des mineurs étrangers jusqu'à celle des jeunes majeurs. Mais nous avions choisi de resserrer notre proposition de loi sur l'intérêt de l'enfant, la sécurisation de son parcours et la gouvernance. C'est un choix que je revendique, mais je ne suis pas surprise par les ajouts de nos collègues députés et du Gouvernement, qui ne dénaturent pas l'esprit du texte. Je ne puis laisser penser que cette proposition de loi aurait échappé à l'initiative parlementaire.

Beaucoup a été dit sur le rôle des départements. Cette proposition de loi doit beaucoup au fait que Muguette Dini et moi-même avons exercé des responsabilités en matière de politiques de l'enfance et de la famille dans nos départements respectifs. Ces responsabilités sont sans doute parmi les plus importantes qu'un élu départemental puisse assurer, puisque lorsqu'un drame survient, c'est lui qui doit justifier, à la barre, de ce qui s'est passé.

Il ne s'agit pas, avec ce texte, de retirer quelque responsabilité que ce soit au département, mais de remédier à la grande disparité constatée dans la mise en oeuvre de cette politique sur le territoire. Je n'ignore pas les difficultés financières que connaissent les départements, notamment du fait de la charge que représentent pour eux les politiques sociales, mais on ne saurait réduire le sujet à la seule question des moyens. Car l'organisation est elle aussi en jeu. Un exemple, celui du médecin-référent. Il ne s'agit pas pour les départements de recruter un nouveau médecin, mais de s'assurer de la bonne formation en la matière de ceux qui sont déjà là, au service de la protection maternelle et infantile ou d'autres politiques. Ce n'est pas une charge supplémentaire pour les départements, et l'Association des départements de France n'a d'ailleurs jamais émis d'avis contraire sur les mesures ici proposées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je l'ai dit, sur 150 000 enfants qui sont chaque année retirés à leur famille et placés sous la responsabilité de l'aide sociale à l'enfance, 80 % réintègrent, in fine, leur famille. La médiation familiale ne marche donc pas si mal. Pour autant, cela ne doit pas nous faire oublier que 20 % d'entre eux, 30 000 enfants, restent placés. Ce n'est pas rien. Il faut savoir que ces enfants sont placés par le juge pour un mois, un an ou deux ans, parfois renouvelés et sont bien souvent ballotés de famille en famille ou d'établissement en établissement jusqu'à leur majorité. Ils deviennent de jeunes majeurs sans avoir d'attaches familiales et se retrouvent dans la rue, alors qu'ils n'ont souvent pas achevé leur formation et n'ont personne pour les aider ni les accueillir. D'où l'intérêt, peut-être, de leur constituer un pécule pour qu'ils puissent se prendre en charge - je ne vise pas les allocations familiales, qui devraient être versées au conseil départemental.

Il vaudrait aussi la peine de se pencher sur ce problème du placement des jeunes mineurs. Il arrive parfois qu'ils soient déplacés de mois en mois : en deçà d'une période de deux ans, est-il vraiment nécessaire de saisir le juge ? J'y reviendrai au cours de nos débats, car il est préoccupant que des jeunes majeurs, qui n'ont pas trouvé de famille et n'ont pu bénéficier d'une adoption simple, qui ont été régulièrement déplacés, puissent se retrouver, à 18 ans, à la rue.

La discussion des amendements sera publiée ultérieurement.

EXAMEN DES AMENDEMENTS