Commission des affaires sociales

Réunion du 23 novembre 2016 à 14h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • anciens
  • apprentissage
  • combattant

La réunion

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La réunion est ouverte à 14 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Les bouleversements qu'a connus notre pays depuis 18 mois, face à la menace terroriste qui a frappé Paris à deux reprises puis Bruxelles, ont replacé au coeur du débat politique les thématiques qu'embrasse le champ de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Alors que les militaires de l'opération Sentinelle protègent nos villes et que le dimensionnement de nos armées a été revu, le lien armée-Nation se matérialise au quotidien pour nos concitoyens. Il appartient également à l'Etat de garantir aux jeunes femmes et aux jeunes hommes qui s'engagent aujourd'hui pour défendre la République qu'ils bénéficieront, une fois de retour dans la vie civile, des mêmes droits que leurs aînés. La politique de mémoire, en particulier en cette période commémorative riche, est quant à elle un puissant facteur de cohésion nationale et de promotion des valeurs que nous partageons tous, quelles que soient nos origines.

Dès lors, ce n'est pas l'inexorable et incontestable déclin des dernières générations du feu du vingtième siècle qui retire toute pertinence à cette politique publique. Au contraire, il appelle de profondes mutations pour s'adapter à cette nouvelle réalité.

Comme chaque année, le départ d'anciens des conflits de 1939-1945, de l'Indochine et de l'Algérie structure l'évolution des crédits de la mission. En 2017, ceux-ci devraient s'élever à 2,55 milliards d'euros, en baisse de 2,6 % par rapport à 2016, soit - 67 millions d'euros. Le nombre des bénéficiaires des droits et prestations entrant dans le champ de la mission connaît quant à lui une diminution de 4,8 % pour la retraite du combattant, de 4,9 % pour les pensions militaires d'invalidité (PMI) et de 2,1 % pour la majoration des rentes mutualistes.

Cette réduction des crédits est concentrée sur le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui représente 95 % des crédits de la mission et assure le financement de ces différentes prestations. En revanche, le budget du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » reste inchangé, tout comme celui du programme 158 qui assure l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale.

Le programme 167 regroupe deux aspects essentiels de la politique visant à rapprocher les citoyens, en particulier les jeunes, et les armées. Il s'agit tout d'abord de la Journée défense et citoyenneté (JDC), que tous les Français doivent accomplir à compter de leur recensement et avant l'âge de 25 ans. Ainsi, en 2015, plus de 795 000 jeunes ont été accueillis dans 270 sites répartis sur l'ensemble du territoire, dans l'hexagone et outre-mer. Un binôme d'animateurs, chacun issu d'une armée différente, les prend en charge et, au cours d'une journée très dense, leur présente les enjeux liés à la défense et leur fait passer des tests évaluant leur maîtrise de la langue française.

Dans un rapport réalisé au début de l'année à la demande de la commission des finances, la Cour des comptes avait souligné l'efficacité de l'organisation de la JDC par le ministère de la défense mais avait recommandé de poursuivre son recentrage sur les questions de défense. Ce mouvement a été engagé en 2014 à la demande du Président de la République, et la JDC rénovée semble donner satisfaction aux appelés.

Néanmoins, ce moment de contact unique avec la quasi-intégralité d'une classe d'âge est également l'occasion de faire passer plusieurs messages civiques et sociaux : présentation des dispositifs d'insertion, information sur les dons d'organe et de sang. Son module d'initiation aux premiers secours a été remplacé cette année par un module de sensibilisation à la sécurité routière, dont les premiers résultats sont plus mitigés sur le plan de la satisfaction. Ne pourrait-elle pas également avoir un rôle à jouer dans la prévention et la détection de la radicalisation ?

Deux préoccupations concurrentes entrent donc ici en collision : la sensibilisation à l'esprit de défense et celle, plus large, de la formation des citoyens de demain. Cette tâche ne peut incomber au seul ministère de la défense. C'est pourquoi des réflexions sont en cours sur l'opportunité de prolonger la JDC lors d'une seconde journée, voire même sur une semaine comme l'a évoqué le Président de la République. Cela peut potentiellement soulever d'importantes difficultés, notamment en matière de logement des jeunes. La solution pourrait passer par l'organisation d'une journée supplémentaire décalée par rapport à la JDC et centrée sur les thématiques civiques et sociales, qui pourrait se dérouler dans les établissements scolaires. La réflexion sur ce point n'en est encore qu'à un stade préliminaire.

Il faut toutefois garder à l'esprit que le nombre de jeunes participant à la JDC est en forte augmentation, en lien avec la natalité de la fin des années 1990. 800 000 d'entre eux sont attendus l'an prochain, soit une hausse de 10 % par rapport à 2010. Un effort supplémentaire doit également être réalisé en direction de la part de jeunes, environ 4 % d'une classe d'âge, soit 30 000 d'entre eux, qui bien qu'étant soumis à cette obligation ne participent pas à la JDC. Ce rituel républicain est d'autant plus important qu'il offre à tous les jeunes une information sur leurs droits et devoirs et un contact avec une des institutions essentielles de la République.

A côté de la JDC, la politique de mémoire contribue à l'éducation citoyenne en promouvant les valeurs au nom desquelles tant de femmes et d'hommes se sont battus pour la France au vingtième siècle. Dotée de 22,2 millions d'euros, elle finance des actions pédagogiques, comme le concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD) ou le soutien à des projets plus ponctuels. Elle est surtout construite autour de la commémoration des grands événements historiques du siècle passé.

Outre les onze journées commémoratives nationales, l'année 2017 sera marquée par la poursuite du centenaire de la Première Guerre mondiale. La cérémonie franco-allemande du 29 mai dernier à Verdun, dont l'organisation donna lieu à d'importants dépassements budgétaires dus au changement de format avec l'accueil de 4 000 jeunes de France et d'Allemagne, a suscité une violente polémique. Selon les témoignages que j'ai recueillis, il semble que la perception de ceux qui y ont assisté à la cérémonie ne soit pas la même que celle qui a été reçue puis véhiculée sur les réseaux sociaux notamment. La cérémonie franco-britannique du 1er juillet à Thiepval, dans la Somme, plus classique, a quant à elle été saluée pour sa solennité.

L'an prochain, trois moments importants seront commémorés : l'entrée en guerre des Etats-Unis, avec une saison franco-américaine qui débutera dans les ports qui ont accueilli les doughboys, la bataille de Vimy, à l'occasion de laquelle le Premier ministre canadien devrait réaliser sa première visite bilatérale en France, et le Chemin des Dames. Ce calendrier risque de s'entrechoquer avec nos échéances politiques nationales, puisque ces événements auront lieu durant les deux premières semaines d'avril. Il faut surtout parvenir à conserver, pour la quatrième année consécutive, l'intérêt et l'appétence des Français pour ce cycle commémoratif, sans toutefois espérer retrouver l'engouement mémoriel qui avait marqué 2014.

Par ailleurs, la politique de valorisation du patrimoine mémoriel et de soutien au tourisme de mémoire sera poursuivie, grâce à une enveloppe de deux millions d'euros. L'Onac assure quant à lui l'entretien des hauts lieux de la mémoire nationale et des sépultures de guerre.

S'agissant du droit à réparation dont bénéficient tous les anciens combattants, la principale évolution de ce PLF est la revalorisation progressive de 48 à 52 points de PMI, attendue depuis 2012, de la retraite du combattant, qui est versée à tous les titulaires de la carte du combattant à partir de 65 ans. Il s'agira d'une progression en deux temps : une hausse de deux points, soit environ 28 euros supplémentaires, dès le 1er janvier, puis une seconde hausse de même ampleur le 1er septembre. Au final, son montant devrait passer 674 euros à près de 730 euros, pour un coût de 27 millions d'euros en 2017.

On comprend aisément que le monde combattant se félicite de cette mesure. On peut simplement regretter qu'elle intervienne tardivement dans le quinquennat, alors que le Sénat l'avait adoptée dès 2014 à mon initiative et que la retraite du combattant avait été revalorisée chaque année entre 2007 et 2012. Son montant avait été revalorisé de 55 % sur cette période.

2016 a également constitué la première année pleine de mise en oeuvre des nouveaux critères d'attribution de la carte du combattant pour les anciens militaires ayant servi en opération extérieure (Opex). Ils ont été alignés sur ceux en vigueur pour la guerre d'Algérie, soit 120 jours de présence sur un théâtre d'opération, par la loi de finances pour 2015. Cette mesure produit pleinement ses effets : alors qu'entre 1993 et 2015 99 000 cartes avaient été attribuées au titre des Opex, 25 000 cartes supplémentaires ont été remises dans les 18 derniers mois. Le nombre de bénéficiaires supplémentaires est estimé à 125 000. Jeunes et encore actifs, peu d'entre eux sont éligibles à ce jour à la retraite du combattant ou à la demi-part fiscale, mais ils deviennent ressortissants de l'Onac et, à ce titre, sont couverts par sa politique d'action sociale et d'aide à la reconversion professionnelle.

Il faut rappeler que la politique en faveur du monde combattant doit également être mesurée à l'aune des dépenses fiscales qui y sont associées. Elles représentent un total de plus de 750 millions d'euros, en légère progression en raison du vieillissement des titulaires de la carte du combattant, qui à partir de 74 ans, contre 75 ans jusqu'à l'année dernière, bénéficient d'une demi-part de quotient familial supplémentaire. Redisons qu'elles font partie intégrante du droit à réparation dont peuvent se prévaloir les anciens combattants.

J'en viens maintenant aux politiques en direction des harkis et des rapatriés. En septembre dernier, le Président de la République a reconnu les responsabilités des gouvernements français dans l'abandon des anciens supplétifs. Geste symbolique tardif mais attendu, il ne vient pas pour autant corriger toutes les lacunes de notre politique en faveur de cette population. Dans le cadre du plan d'action du Gouvernement en faveur des harkis, des efforts ont été consentis en matière de reconnaissance, mais le volet réparation reste insuffisant, notamment en matière d'aide à l'emploi dans la fonction publique pour les enfants de harkis.

Il faut enfin mentionner la situation des deux opérateurs de la mission, qui constituent le lien direct entre l'Etat et le monde combattant. L'Onac tout d'abord, dont les services départementaux sont le guichet unique garantissant l'effectivité des droits des anciens combattants. À ce jour, leur pérennité est assurée.

La réforme de l'aide sociale de l'Onac a fait couler beaucoup d'encre. Elle était la conséquence d'une situation juridique complexe. Elle corrige une situation dans laquelle les anciens combattants les plus démunis, qui ne bénéficiaient pas d'une prestation spécifique, pouvaient se retrouver parfois dans une bien plus grande précarité que les conjoints survivants.

Désormais, la priorité est donnée aux plus démunis, quel que soit leur statut. L'examen individuel et anonyme des dossiers par les commissions départementales permet de définir une aide répondant aux besoins des personnes, qui peut d'ailleurs être d'un montant plus élevé que l'ancienne ADCS. Le caractère subsidiaire de l'aide versée par l'Onac est rappelé : les demandeurs doivent faire tout d'abord valoir leurs droits aux allocations de droit commun.

Pour 2017, un million d'euros supplémentaires sont accordés à l'action sociale, ce qui porte son budget à 27,5 millions d'euros. Les six premiers mois de mise en oeuvre de ces nouvelles orientations ont toutefois mis en lumière l'absence d'harmonisation des pratiques et des montants versés entre les départements. Il conviendra de réexaminer cette situation à la fin de l'année et, le cas échéant, de la corriger.

L'Onac poursuit par ailleurs sa mutation en se recentrant sur ses fonctions essentielles. La cession de ses établissements médico-sociaux, écoles de reconversion professionnelle (ERP) et établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est presque finalisée. Une politique spécifique en direction des anciens des Opex a été mise en place, avec une offre de service adaptée : accompagnement vers l'emploi, suivi des blessés après leur départ de l'institution militaire, meilleure prise en compte des victimes de syndromes post-traumatiques. Il faut également noter que l'Onac accueille les victimes des attentats et leurs ayants droits, en particulier les orphelins devenus pupilles de la Nation.

Le second opérateur, l'institution nationale des Invalides (Ini), se trouvait depuis plusieurs années dans une situation d'entre-deux inconfortable, sans orientation claire pour son avenir, qui menaçait sa pérennité. Sa modernisation va finalement être engagée, pour assurer sa complémentarité avec les hôpitaux du service de santé des armées (SSA) et l'offre de soins régionale.

Sa mission historique sera maintenue au sein de son centre des pensionnaires, mais elle deviendra également le centre de référence pour la réinsertion et la réadaptation des blessés en Opex, une fois passée la phase d'hospitalisation initiale. Une période de travaux de cinq ans devrait débuter à partir de la fin de l'année 2017, pour un coût estimé de 60 millions d'euros. Pour l'engager, une subvention exceptionnelle de 5 millions d'euros lui est versée.

Au final, quel bilan tirer de ce budget et, plus largement, du quinquennat qui vient de s'écouler ? Sur la période 2012-2017, le niveau des crédits aura diminué de 17 %, ce qui représente une économie cumulée d'environ 1,8 milliard d'euros par rapport au niveau des crédits de la loi de finances de 2012. Dans le même temps, le nombre de titulaires de la carte du combattant aura reculé de 16 %, et celui des bénéficiaires de PMI de 18 %.

Sur le fond, les droits acquis n'ont pas été remis en cause. Des chantiers ont pu aboutir, je pense notamment à l'attribution de la carte du combattant « à cheval » ou à l'alignement des critères pour les Opex sur ceux de la guerre d'Algérie. Par ailleurs, une politique de mémoire ambitieuse a été conduite. Initiée dès 2011, elle a jusqu'à présent été à la hauteur des enjeux nationaux et internationaux représentés par le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et le centenaire de la Grande Guerre.

Pour autant, cette consolidation de la politique de reconnaissance et de réparation envers les anciens combattants est par bien des aspects inachevée. Le Gouvernement a refusé d'ouvrir plusieurs chantiers, comme le ministre l'a reconnu lors de son audition, qui auraient permis de corriger les dernières inégalités entre compagnons d'armes.

Le premier est l'attribution de la carte du combattant aux soldats qui ont été stationnés en Algérie entre 1962 et 1964, en application des accords d'Evian. Plusieurs dizaines d'entre eux sont morts pour la France. Il est indéniable que nous n'étions plus en guerre durant cette période, mais les circonstances s'apparentent à celle d'une Opex.

Dans ces conditions, une intervention du législateur n'est pas nécessaire pour accorder la carte du combattant à ces anciens combattants : c'est au Gouvernement de modifier l'arrêté du 12 janvier 1994 qui fixe la liste des opérations ouvrant le droit à la carte au titre des Opex. Ce ne serait pas la plus ancienne, puisque cet arrêté prend déjà en compte les opérations conduites à Madagascar entre 1947 et 1949, au Cameroun entre 1956 et 1958 et en Mauritanie entre 1957 et 1959. Qui plus est, ces territoires étaient alors sous souveraineté française, ce qui les éloigne davantage de la définition d'une Opex que l'action des forces présentes sur le territoire algérien après le 1er juillet 1962.

De même, le dossier des harkis de statut civil de droit commun reste enlisé alors quelques dizaines d'entre eux, jusqu'à trois cents selon les chiffres fournis par les associations, demandent la reconnaissance du sacrifice qu'ils ont consenti pour la France.

Enfin, la situation des conjoints survivants des grands invalides, malgré le vote chaque année de mesures en leur faveur, ne semble pas s'améliorer. Le ministère ne parvenant pas à les recenser, il est donc incapable de cibler son intervention pour les faire sortir de la précarité. Sur ce point, il faut travailler davantage avec les associations pour apporter une solution définitive à leurs difficultés.

Nous devons également nous prononcer sur les trois articles rattachés à la mission, qui n'appellent pas de remarque particulière et ont une portée ainsi qu'un coût - 800 000 euros - essentiellement symboliques. L'article 53 supprime la condition d'âge pour que les conjoints survivants des militaires décédés en opération puissent bénéficier du supplément de pension pour enfant à charge. L'article 54 revalorise l'allocation de reconnaissance que perçoivent les anciens harkis et leurs conjoints survivants. L'article 55 ouvre le droit à une majoration de la pension de réversion aux ayants droit des militaires tués dans l'exercice de leurs fonctions sur le territoire national.

Sur ces considérations, vous comprendrez que je vous invite, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et de ces articles qui y sont rattachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Je tiens à saluer la qualité du travail du rapporteur, et je partage certaines de ses analyses et propositions, en particulier le prolongement de la JDC sur une journée supplémentaire consacrée aux thématiques civiques et sociales.

Un site du Pas-de-Calais qui m'est cher a été évoqué : Vimy. On rendra hommage l'an prochain aux soldats canadiens qui s'y sont sacrifiés. Il ne faudra pas oublier d'y associer la mémoire des troupes coloniales qui avaient repris cette crête en 1915.

Mon groupe prend acte de la revalorisation non négligeable - 11 % - de la retraite du combattant et de l'augmentation annoncée de 3 % de la valeur du point de PMI. Cela ne compensera toutefois pas la baisse du pouvoir d'achat liée à son évolution passée, qui est évaluée par la Fnaca à 6,92 %.

La réforme de l'aide sociale et la suppression de l'ADCS a suscité des craintes que les explications du ministre ne permettent d'écarter complètement. En effet, selon les données figurant dans le rapport d'étape remis par le Gouvernement à ce sujet, sur 9 228 dossiers de veuves traités, l'aide moyenne versée est en baisse de 14,46 %. Sur ce point, le rapporteur a raison : il faut qu'un bilan qualitatif des effets de la réforme à la fin de l'année soit réalisé.

Ce budget apparaît comme un moindre mal par rapport à l'année dernière, puisque la baisse des crédits est plus réduite. Cela ne doit pas faire oublier la diminution de près de 16,5 % sur cinq ans. Le simple maintien des crédits aurait permis de répondre aux principales revendications du monde combattant, et l'âge moyen très élevé des anciens combattants ne fait qu'accentuer l'urgence d'y parvenir dans les meilleurs délais.

Dans ces conditions, et malgré certaines convergences avec le rapporteur, au nom de mon groupe je m'abstiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Je comprends que notre rapporteur soit heureux, puisqu'il obtient enfin la revalorisation de la retraite du combattant qu'il demande depuis plusieurs années. On peut regretter qu'elle ne prenne pas effet au 1er janvier, mais l'essentiel est qu'elle soit décidée.

Je reçois chaque année depuis 25 ans les représentants du monde combattant, et cette année leurs demandes étaient limitées : ils semblaient satisfaits de ce budget. Il reste toutefois deux points sensibles : la demi-part fiscale pour les conjoints survivants d'un titulaire de la carte du combattant décédé avant 74 ans, et les conséquences de la réforme de l'aide sociale de l'Onac. Le Gouvernement a bien remis au Parlement le rapport qu'il devait réaliser sur le sujet avant le 31 octobre, mais cela ne doit pas l'exonérer de faire le bilan au 31 décembre. De plus, ce rapport reste incomplet, certains de ses choix, notamment celui des départements retenus (Bouches-du-Rhône, Nord, Moselle, Ain, Loire), ne sont pas expliqués, et la période étudiée s'arrête au 30 juin. Des éclaircissements supplémentaires sont nécessaires, et ce d'autant plus que cette réforme n'est pas appliquée de la même façon dans tous les départements, en fonction notamment de l'organisation des services départementaux de l'Onac. Il s'agit d'une question d'équité, car les gens ne comprennent pas que le montant de l'aide qu'ils perçoivent ait pu diminuer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Je me réjouis qu'il y ait une large convergence sur l'essentiel des problématiques qui intéressent le monde combattant. La réforme de l'aide sociale de l'Onac, avec la suppression de l'ADCS, reste un sujet de préoccupation légitime. Il faut avoir une vision exhaustive de ses effets. Je saisirai le ministre du souhait partagé de la commission en ce sens. De manière générale, cette mission est de nature à tous nous réunir.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous examinons le rapport pour avis de M. Michel Forissier concernant sur la mission « travail et emploi » et le compte d'affectation spéciale relatif au financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Forissier

Je ne reviendrai pas cette année sur le débat relatif à l'évaluation des chiffres du chômage car la commission d'enquête sénatoriale, présidée par notre collègue Anne Emery-Dumas, a analysé avec pertinence les enjeux et les limites des chiffres mensuels fournis par Pôle emploi et a fait des propositions intéressantes au Gouvernement.

Selon les dernières perspectives financières de l'Unédic de septembre dernier, le taux de chômage en France métropolitaine au sens du Bureau international du travail (BIT) devrait passer de 9,4 % en 2016 à 9,5 % l'an prochain et se maintenir à ce niveau en 2018. Il y a donc bien eu une baisse du taux de chômage en France métropolitaine au sens du BIT depuis 2012, où il s'établissait à 10,1 %. Autre motif de satisfaction pour le Gouvernement : la croissance économique, même faible et inférieure à la croissance potentielle, est plus riche en emplois que par le passé car l'emploi salarié marchand est en hausse constante au cours des six derniers trimestres pour atteindre 210 000 postes créés. Je rappelle que les économistes estiment que le chômage commence à baisser à partir de 140 000 créations de postes par an.

Mais la situation s'assombrit comme l'a rappelé la semaine dernière l'Insee car le taux de chômage en moyenne sur le troisième trimestre est passé à 9,7 %. Surtout, la situation de notre pays n'est pas satisfaisante quand on la compare à celle de nos voisins européens. De plus, il est difficile de distinguer ce qui relève de la conjoncture internationale et ce qui est imputable aux décisions du Gouvernement. Par ailleurs, toutes ces décisions, notamment celles relatives aux contrats aidés, ont un coût pour les finances publiques à court et moyen terme. J'ajoute que l'an prochain le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A devrait augmenter de 79 000 personnes, tandis que le nombre de demandeurs d'emploi en catégories A, B et C et des personnes dispensées de recherche d'emploi atteindra 5,5 millions de personnes, contre 4,7 millions en 2012.

Le maintien du chômage à un niveau élevé et l'échec des négociations entre partenaires sociaux pour conclure une nouvelle convention d'assurance chômage en mai dernier rendent très inquiétantes les perspectives financières de l'Unédic. Alors que sa dette s'élève à 25,7 milliards d'euros en 2015, elle devrait atteindre 41,4 milliards en 2019 à réglementation inchangée, soit environ 13 mois de recettes. Si la dette avait été cantonnée à 5 milliards pendant la crise économique de 1993 et avait avoisiné 14 milliards en 2006, elle ne cesse depuis 2009 de se creuser, les partenaires sociaux souhaitant faire jouer un rôle contra-cyclique à l'assurance chômage. Mais aujourd'hui cette stratégie n'est plus tenable car même si notre pays retrouvait une croissance forte, il faudrait pratiquement une dizaine d'années d'excédents conjoncturels pour résorber la dette, ce qui ne paraît pas envisageable. Laisser filer la dette, c'est interdire toute marge de manoeuvre à l'assurance chômage, c'est confier le fardeau de son remboursement aux générations à venir et s'exposer à des frais importants le jour où les taux d'intérêt remonteront. Je ne cesse d'alerter depuis deux ans sur les dangers de l'évolution de la dette de l'assurance chômage, mais j'ai l'impression que nos collègues parlementaires, les partenaires sociaux et le Gouvernement minorent gravement ce risque.

Venons-en à la présentation de la mission « travail et emploi ».

Les autorisations d'engagement (AE) connaîtront une très forte poussée (+ 4,9 milliards), pour atteindre 16,5 milliards l'an prochain, tandis que les crédits de paiement (CP) s'élèveront à 15,5 milliards, en hausse de 3,8 milliards.

Mais cette explosion des AE s'explique par deux raisons principales qui modifient la maquette budgétaire : les nouvelles aides à l'embauche dans les PME, créées en janvier dernier (3,6 milliards) et la décision du Gouvernement de rembourser pour la première fois l'an prochain à la sécurité sociale les exonérations de cotisations sociales pour les personnes fragiles qui emploient directement ou non des aides à domicile (1,6 milliard), soit un total de 5,2 milliards. J'ajoute que ces deux dispositifs représentent respectivement 1,9 milliard et 1,6 milliard en CP, soit 3,5 milliards, ce qui relativise la hausse faciale des crédits de la mission.

Je centrerai mon analyse sur les cinq sujets suivants : les opérateurs de la politique de l'emploi, le fonds de solidarité, les contrats aidés, les aides à l'embauche et la garantie jeunes.

En premier lieu, les crédits de Pôle emploi et des autres acteurs du service de l'emploi sont stabilisés.

La dotation à Pôle emploi est maintenue au même niveau que cette année, soit 1,5 milliard d'euros, ce qui lui permettra notamment de développer sa stratégie numérique.

Les missions locales seront dotées de 205 millions, en hausse de 14 millions, afin de mettre en oeuvre la garantie jeunes, sans compter les contributions des collectivités territoriales.

Le budget prévoit également une dotation de 54,5 millions pour financer les Établissements d'insertion dans l'emploi (Epide), soit 3,7 millions de plus qu'en 2016, à laquelle s'ajoute une dotation de 3 millions pour créer deux centres à Nîmes et Toulouse.

Les écoles de la deuxième chance recevront 24 millions tandis que les crédits pour les maisons de l'emploi sont maintenus à 21 millions.

Enfin, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), qui deviendra prochainement un établissement public industriel et commercial (Epic) en vertu d'une ordonnance publiée le 10 novembre dernier, bénéficiera de 110 millions, soit 14 millions de plus que cette année. Cette hausse de la dotation de l'État ne saurait toutefois masquer la nécessité absolue pour le futur Epic de trouver un modèle économique viable afin de stopper les pertes financières accumulées ces dernières années, dans le respect des règles européennes de concurrence.

En deuxième lieu, le fonds de solidarité, qui finance les allocations de solidarité versées aux demandeurs d'emploi qui ne peuvent plus bénéficier du régime d'assurance chômage, voit ses recettes globalement maintenues à 2,8 milliards.

Son financement est en outre simplifié grâce à l'affectation de l'intégralité du produit de la contribution exceptionnelle de solidarité de 1 % perçue sur le traitement des fonctionnaires. Comme les années précédentes, 95 % des dépenses du fonds seront consacrées à l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Le financement de la rémunération de fin de formation (R2F), qui permet aux demandeurs d'emploi de terminer une formation même s'ils sont en fin de droit, fera à nouveau l'objet l'an prochain d'âpres négociations entre l'État et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

En troisième lieu, les contrats aidés, malgré un léger reflux, se maintiendront à un niveau élevé l'an prochain.

Une dotation d'environ 1,2 milliard en AE et 1,5 milliard en CP est prévue pour financer l'entrée de 200 000 personnes en contrats aidés dans la sphère non marchande (CAE) et 45 000 dans la sphère marchande (CIE). Pour mémoire, le PLF pour 2016 prévoyait une enveloppe de 1,4 milliard en AE et 1,3 milliard en CP pour financer la conclusion de 260 000 nouveaux contrats.

Je n'ignore pas que les CAE s'adressent à des personnes plus éloignées de l'emploi que celles qui concluent des CIE. Je ne souhaite pas la suppression pure et simple des CAE mais j'estime que les études successives de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) depuis deux ans sur le taux d'insertion professionnelle des bénéficiaires de contrats aidés devraient conduire le Gouvernement à donner la priorité à l'apprentissage et à privilégier les CIE par rapport aux CAE. Je ne partage donc pas la stratégie du Gouvernement.

Le PLF prévoit également une enveloppe de 600 millions en AE et 933 millions en CP pour financer les contrats d'emploi d'avenir conclus avant 2017 et ceux qui seront conclus l'an prochain, estimés à 35 000. Si j'observe avec satisfaction que les actions de formation, qui figurent obligatoirement dans un contrat d'un jeune embauché en emploi d'avenir, sont réalisées dans 75 % des cas pendant la première année, des doutes demeurent sur leur qualité et sur le taux d'insertion professionnelle des bénéficiaires.

Je souhaiterais maintenant me pencher sur la question des aides aux entreprises en faveur de l'embauche de salariés.

Un point tout d'abord sur le contrat de génération, qui ouvre droit à une aide de 4 000 euros par an pendant trois ans pour les binômes formés entre un jeune embauché et un salarié senior maintenu en emploi dans les entreprises de moins de 300 salariés. Je constate avec regret que le PLF pour 2017 acte l'échec du contrat de génération avec seulement 15 000 aides financières prévues en 2017, soit le même niveau qu'en 2016 et 2015, bien loin des 500 000 annoncées sur le quinquennat lors de la création du dispositif. J'avais déjà tiré la sonnette d'alarme il y a deux ans, avant que la Cour des comptes n'emboite le pas en février dernier dans son rapport annuel. Certes, le contrat de génération ne se limite pas à cette aide financière et comprend un volet relatif à la négociation collective. Mais les accords collectifs et les plans d'action dits « intergénérationnels » conclus depuis 2013 ne couvrent qu'un tiers des salariés et se limitent souvent à reprendre la réglementation en vigueur, faute de mobilisation des partenaires sociaux. En définitive, le contrat de génération, loin d'être l'arme tant attendue pour lutter massivement contre le chômage, a surtout servi de variable d'ajustement budgétaire depuis 2013.

Je déplore également les hésitations du Gouvernement en matière d'aides à l'embauche depuis deux ans. Après la création en juillet 2015 de l'aide TPE pour l'embauche d'un premier salarié, le Président de la République a annoncé le 18 janvier dernier la création d'une aide pour toutes les PME qui embauchent des personnes en CDI ou en CDD de plus de 6 mois et dont la rémunération est égale ou inférieure à 1,3 Smic. Cette aide, d'un montant de 500 euros par trimestre et par salarié et limitée à deux ans, amplifie la philosophie de l'aide TPE-première embauche qui prendra fin le 31 décembre prochain. La nouvelle aide ne devait initialement s'appliquer qu'aux embauches réalisées en 2016. Le Président de la République a toutefois annoncé le 14 juillet qu'elle serait prolongée en 2017, même si pour l'heure aucun décret n'a été pris en ce sens. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a souhaité que les conditions d'attribution de la nouvelle aide soient le plus proche possible de celles retenues pour l'aide TPE première embauche, mais certains critères ont été ajoutés comme le ciblage des rémunérations inférieures à 1,3 Smic.

Je ne méconnais pas l'utilité de cette nouvelle aide, car elle est assimilable à un allègement total des cotisations patronales pour un salarié rémunéré au Smic, dont l'efficacité est soulignée par un grand nombre d'études depuis plusieurs années.

Mais la politique gouvernementale faite d'hésitations et de tâtonnements n'est pas de nature à rassurer les employeurs, qui attendent deux choses : une croissance élevée et la stabilité de l'environnement juridique. J'ajoute que l'aide à l'embauche dans les PME pèsera 1,9 milliard d'euros en CP mais 3,6 milliards en AE. C'est pourquoi je souhaite qu'une évaluation de ce dispositif soit menée à mi-parcours par un organisme indépendant afin de savoir si les effets d'aubaine seront contrebalancés par les effets bénéfiques en termes de baisse du coût horaire du travail. Je crois comprendre que le Gouvernement accueille favorablement cette proposition.

En dernier lieu, j'évoquerai les enjeux de la garantie jeunes.

Le PLF prévoit une enveloppe de 498 millions en AE et 420 millions en CP pour ce dispositif essentiel aux yeux du Gouvernement, contre respectivement 282 et 255 millions dans le PLF pour 2016.

Le fonds social européen (FSE) et l'Initiative pour l'emploi des jeunes (EIJ) cofinanceront en 2017 la garantie jeunes à hauteur de 55 millions en AE et CP, contre 17 millions dans le PLF pour 2016. Seules les régions dans lesquelles le chômage des jeunes dépasse 25 % bénéficieront de ces fonds européens. Il convient toutefois de rappeler que le financement communautaire est conditionné entre autres par une sortie positive des jeunes du dispositif.

La garantie jeunes a fait l'objet d'une expérimentation depuis 2013, qui concerne actuellement 91 départements, 358 missions locales et plus de 57 000 jeunes.

La ministre du travail, lors de son audition le 8 novembre dernier devant notre commission, s'est engagée à ce que toutes les missions locales, soit 447 entités, puissent offrir à compter du 1er janvier prochain ce dispositif, qui devrait concerner 150 000 jeunes sur l'ensemble du territoire.

Pour ma part, j'estime que si la garantie jeunes présente pour l'instant de bonnes performances, sa généralisation est prématurée tant que l'enquête nationale lancée par la Dares en mai 2015 n'est pas achevée.

Comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport de septembre dernier sur l'accès des jeunes à l'emploi, il s'agit d'un outil digne d'intérêt mais qui risque de concurrencer dans certains cas d'autres dispositifs originaux comme les écoles de la deuxième chance.

Surtout, la garantie jeunes ne pourra pas à elle seule pallier les carences de l'école républicaine qui non seulement ne lutte pas contre les inégalités sociales et familiales mais les renforcent à chaque étape de la scolarité, comme l'a souligné le dernier rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco).

Le défi est majeur pour notre pays car selon les données du Gouvernement, plus d'un million de jeunes âgés de 18 à 25 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, ce que les anglo-saxons appellent Neet. Pire, le dernier panorama de la société en 2016 que l'OCDE consacre à la France, publié en octobre dernier, a montré que le pourcentage de jeunes âgés de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études ni en formation, est passé de 14 % en 2008 à 16,6 % en 2015. L'Allemagne, qui partait du même niveau que notre pays en 2005, a vu son taux baisser à 9 % en 2015. En conséquence, notre pays compte 1,8 million de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif, soit 270 000 de plus qu'en 2008. L'OCDE estime que le coût de l'inactivité des jeunes ou de leur chômage est égal à 1 % du PIB en France.

J'ignore quel sera l'impact de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République mais il est clair que les dispositifs d'accompagnement intensif des jeunes très éloignés du marché de l'emploi seront toujours un pis-aller tant que l'on n'aura pas réformé en amont et en profondeur notre système scolaire.

Pour conclure sur la mission « travail et emploi », je précise que ses crédits n'ont été modifiés qu'à la marge à l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption de quatre amendements. Ceux-ci avaient pour objet de créer 500 aides au poste dans les entreprises adaptées pour un coût de 7,5 millions d'euros, d'augmenter de 2 millions d'euros les crédits de l'aide au conseil et à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), de financer des projets dans le domaine de l'emploi dans le cadre des contrats à impact social (CIS) à hauteur de 1,5 million d'euros et enfin de créer 50 postes de référents justice dans les missions locales pour un peu plus d'un million d'euros.

Je souhaiterais maintenant évoquer la question de l'apprentissage à travers la présentation des évolutions du compte d'affectation spéciale (CAS) destiné à assurer sa modernisation et son développement, ainsi que la mise en oeuvre du plan « 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi ».

Les recettes du CAS atteindront 1,57 milliard d'euros en AE et CP l'an prochain, soit une augmentation de 82,4 millions par rapport au PLF pour 2016.

Après deux années de forte baisse, 270 000 nouveaux contrats d'apprentissage ont été conclus en 2015 (soit une progression de 2,3 % par rapport à 2014 selon la Dares) et les chiffres pour la rentrée de 2016 semblent aller dans le bon sens. Mais je rappelle qu'en 2012, 300 000 nouveaux contrats avaient été signés et que le Gouvernement prévoit seulement un stock de 425 000 contrats d'apprentissage l'an prochain, dont 25 000 dans la sphère publique, bien loin de l'objectif fixé pendant le quinquennat de 500 000 contrats en 2017.

Force est de constater que le Gouvernement n'est pas resté inactif en matière d'apprentissage. Après avoir mis à mal les primes régionales, il a corrigé le tir en créant en juin 2015 une aide en faveur des TPE qui embauchent des jeunes apprentis - même si je ne pense pas que les primes soient le critère fondamental pour embaucher un apprenti, comme le démontre l'exemple allemand -. Le Gouvernement a également dédié une enveloppe de 80 millions dans le PLF pour donner un coup de pouce au pouvoir d'achat des apprentis et souhaite actualiser la grille de leurs rémunérations. Il a par ailleurs généralisé l'ouverture des titres professionnels à l'apprentissage, qui rencontre l'assentiment des personnes que j'ai auditionnées.

Mais ces différentes mesures, parfois annoncées dans la précipitation et sans vision d'ensemble, ne répondent pas aux deux difficultés fondamentales auxquelles est confronté l'apprentissage : l'absence de pilotage au niveau national et la faible place laissée par l'Éducation nationale aux partenaires sociaux pour élaborer les référentiels de formation.

C'est pourquoi j'avais proposé, lors de l'examen de la loi dite « travail », avec notre collègue Elisabeth Lamure, présidente de la délégation aux entreprises, et avec votre soutien, une réforme globale de l'apprentissage, qui a malheureusement été rejetée en bloc par le Gouvernement et l'Assemblée nationale.

Je persiste pourtant à penser que nos propositions étaient de nature à redonner un nouveau souffle à l'apprentissage dont tout le monde s'accorde à reconnaître les mérites mais qui devrait davantage répondre aux attentes des entreprises pour lutter contre le chômage des jeunes.

Je regrette par ailleurs que le Gouvernement n'ait pas donné suite à ma demande formulée l'an passé et qui visait à présenter, dans un jaune budgétaire, l'effort de la nation en matière d'apprentissage car il est actuellement très difficile de connaître les efforts réels de chaque acteur institutionnel.

Quelques mots enfin sur le « plan 500 000 formations supplémentaires » de l'État, dont la légitimité même est questionnée par certaines personnes auditionnées dans la mesure où la formation professionnelle est une compétence transférée aux régions. Ce plan ne sera, selon moi, un succès que si les formations retenues correspondent bien aux besoins des entreprises identifiées par bassin d'emploi et par filière, si les prescripteurs de Pôle emploi cernent correctement les attentes des demandeurs d'emploi, si une évaluation des formations suivies est réalisée par un organisme indépendant et si, bien évidemment, son financement est garanti. Sur ce dernier point, la ministre du travail nous a assuré lors de son audition que les organismes paritaires des collecteurs agréés (Opca) financeront « volontairement » (sic) le fonds de concours de 350 millions d'euros mentionné dans le PLF pour 2017. Des négociations entre les Opca et le ministère pour déterminer le montant de leurs contributions seront organisées dans les semaines à venir sur la base des conclusions d'une mission de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances.

En définitive, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage car les points de divergence l'emportent sur les sujets de satisfaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Le rapporteur pour avis soulève plusieurs sujets de fond, comme la réforme du système scolaire et l'apprentissage, que nous n'aurons pas le temps de traiter aujourd'hui en commission, et sur lesquels nos analyses divergent. La finalité éducative de l'apprentissage doit être réaffirmée. Nous avons par ailleurs des propositions différentes de celles du rapporteur pour lutter contre le chômage.

La hausse des crédits de la mission « travail et emploi » est bienvenue car elle permettra de financer des aides à l'emploi, notamment pour les TPE.

Je déplore la poursuite de la baisse des effectifs du ministère et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte). Le programme 155 prévoit en effet une baisse de 178 postes en 2017, qui s'ajoute à celle de 192 postes cette année, ce qui empêchera les agents d'exercer pleinement leurs missions.

S'agissant de Pôle emploi, j'ai bien noté que la subvention de l'Etat sera maintenue au même niveau que cette année. Mais la CGT du Morbihan nous a indiqué que 30 à 46 % des offres d'emploi mises en ligne par Pôle emploi dans ce département étaient non-conformes : il pouvait s'agir de doublons, d'incohérences, voire d'offres mensongères. Cela montre les limites de la stratégie numérique de Pôle emploi car il n'y a plus d'agents pour contrôler le contenu des offres d'emploi avant leur publication. Nous pourrions d'ailleurs interroger M. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, sur ce sujet lorsqu'il sera auditionné par notre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

La hausse des crédits de 6 % des missions locales ne sera pas suffisante. Déjà confrontées à des difficultés de fonctionnement quotidien, elles devront en plus mettre en oeuvre la garantie jeunes qui sera généralisée l'an prochain sur l'ensemble du territoire. J'ajoute que M. Alain Rousset, président du conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine, soutient moins les missions locales que Mme Ségolène Royal, ancienne présidente du conseil régional de Poitou-Charentes. C'est pourquoi je souhaiterais qu'une réflexion soit menée sur les missions locales dont l'utilité est incontestable mais dont le financement n'est pas assuré.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je suivrai l'avis de notre rapporteur qui est un homme pragmatique. Je partage en effet ses inquiétudes sur la dette de l'Unédic. En outre, il faut effectivement que les formations financées dans le cadre du « plan 500 000 formations supplémentaires » correspondent aux besoins des bassins d'emploi.

Notre pays compte bien moins d'apprentis que l'Allemagne en raison du poids des normes et du manque de stabilité du cadre juridique. Le Gouvernement a cassé les aides, puis s'est ravisé, d'où un regain timide du nombre de contrats d'apprentissage depuis deux ans.

Cinq cents emplois pour les entreprises adaptées pour l'ensemble du territoire, c'est bien trop peu !

Il faudrait enfin un meilleur contrôle des actions de formation dont bénéficient les jeunes embauchés en emploi d'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Forissier

La hausse de 4,9 milliards des autorisations d'engagement pour la mission doit être relativisée car elle comprend 2 milliards de compensation de l'État à la sécurité sociale qui porte sur différents dispositifs d'exonérations de cotisations sociales ciblées, dont le plus important est celui relatif à l'emploi d'aide à domicile (1,6 milliard).

C'est exact, la masse salariale du ministère se contracte effectivement car le plafond d'emplois de la mission pour 2017 est fixé à 9 523 équivalents temps plein annuels travaillés (ETPT), en baisse de 178 ETPT par rapport à la loi de finances pour 2016, afin de contribuer aux créations d'emplois dans les secteurs jugés prioritaires par le Gouvernement comme l'éducation, la sécurité et la justice.

Il nous faut réfléchir au modèle économique des maisons de l'emploi et des missions locales car les performances de ces structures varient considérablement d'un territoire à l'autre et leur financement par les collectivités territoriales est source de tension.

Le PLF pour 2017 prévoit une enveloppe de 593 millions pour les aides au poste dans les ateliers et chantiers d'insertion. En outre, une dotation de 319 millions d'euros permettra de financer 22 500 aides au poste dans les entreprises adaptées qui emploient des personnes handicapées auxquelles s'ajoutent 500 nouvelles aides grâce à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale relatif au financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage du projet de loi de finances pour 2017.

La réunion est close à 15 h 45.