La réunion est ouverte à 9 h 35.
La commission désigne les candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2016.
La commission soumet au Sénat la nomination de Mme Michèle André et MM. Albéric de Montgolfier, Philippe Dallier, Michel Bouvard, Vincent Delahaye, Richard Yung et Thierry Foucaud comme membres titulaires, et de MM. Philippe Dominati, Francis Delattre, Roger Karoutchi, Hervé Marseille, Maurice Vincent, François Marc et Jean-Claude Requier comme membres suppléants pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2016.
Puis la commission entend une communication, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur les propositions de directives du Conseil de l'Union européenne COM (2016) 683 concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) et COM (2016) 685 concernant une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés, et la présentation d'une proposition de résolution.
Certains d'entre vous pourraient trouver étonnant que notre commission inscrive à son ordre du jour des propositions de résolution européenne alors que notre ordre du jour est déjà chargé en cette semaine d'examen du projet de loi de finances rectificative. Ils n'auraient pas tort et nous aurions sans doute examiné ces textes plus sereinement en début d'année prochaine. Néanmoins, nous n'avons pas le choix : l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat enserre dans des délais très brefs l'examen par les commissions permanentes des propositions de résolution adoptées par la commission des affaires européennes et des textes européens dont elles décident de se saisir directement. Cette matinée était la dernière pour ne pas être hors délai dans l'examen des textes dont nous sommes saisis.
Nous nous sommes donc saisis des deux propositions de directives relatives au projet d'assiette commune consolidée d'impôt sur les sociétés (ACCIS).
Nous connaissons déjà le sujet dont je vais vous parler à présent grâce aux auditions très instructives organisées il y a deux semaines par notre commission, au cours desquelles nous avons entendu la Commission européenne, l'administration fiscale, des représentants des entreprises et des experts fiscalistes. J'ai également sollicité ces mêmes personnes par un questionnaire écrit sur des points plus techniques.
La Commission européenne a présenté le 25 octobre dernier deux propositions de directive relatives à une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). La Commission avait déjà présenté une proposition en 2011, à l'issue de dix ans de négociations, mais celle-ci n'avait pas abouti. La relance de cette idée faisait partie des priorités de la Commission européenne, et en particulier du commissaire chargé de la fiscalité, Pierre Moscovici. Ces propositions s'inscrivent dans un contexte nouveau, marqué par la lutte contre l'évasion fiscale et les transferts artificiels de bénéfices des grandes entreprises multinationales, menée en même temps par l'OCDE.
L'objectif de l'instauration d'une ACCIS est double. Il s'agit, d'une part, de renforcer le marché intérieur européen en facilitant la conquête de nouveaux marchés pour les entreprises, qui n'auront plus à se conformer à de nouvelles règles d'assiette en matière d'impôt sur les bénéfices, ni à risquer des doubles impositions, ni, lorsque la consolidation sera réalisée, à fournir une documentation détaillée sur les prix de transfert. D'autre part, l'objectif est de lutter contre l'évasion fiscale en supprimant les divergences de règles fiscales dans l'Union européenne qui ouvrent la voie aux schémas d'optimisation fiscale et aux doubles exonérations.
Notre commission des finances s'était déjà saisie, en 2011, de la proposition de directive ACCIS de la Commission européenne et avait élaboré une résolution européenne, adoptée par le Sénat. Nous avons fait le choix de nous saisir à nouveau de ce sujet, en proposant nous-mêmes une proposition de résolution. Nous nous situons très en amont : l'idée de cette proposition de résolution n'est pas de livrer une analyse technique très fine mais de mettre en garde, en soulignant les principaux points de vigilance pour la compétitivité de nos entreprises et pour la préservation de nos recettes fiscales.
Le paquet ACCIS proposé par la Commission européenne se distingue de la proposition de 2011 par le choix d'une approche en deux temps. La Commission a constaté que la consolidation, c'est-à-dire l'imposition agrégée des bénéfices des entreprises au niveau de l'Union puis la répartition du produit fiscal entre les États membres, était le sujet le plus bloquant. Elle a donc proposé de scinder sa proposition en deux, l'une sur l'assiette commune, l'autre sur la consolidation. Une telle solution permet d'espérer une adoption de la directive sur l'assiette commune mais comporte un risque de non-adoption de la directive sur la consolidation. Or, l'audition a sur ce point été éclairante : les véritables avantages en termes de simplification et de lutte contre l'évasion fiscale n'interviendraient que si la consolidation est effective.
Par ailleurs, je vous propose que nous alertions le Gouvernement et la Commission européenne sur deux éléments. D'abord, la directive ne supprime pas la concurrence fiscale, elle la concentre sur le taux d'impôt sur les sociétés (IS), et sur les impôts sur la production et sur les charges sociales. À ce jeu-là, la France est en mauvaise posture. Une étude d'Ernst & Young de juin dernier a montré que la France et l'Allemagne sont toutes deux dans la position paradoxale d'être favorables par principe à l'ACCIS mais désavantagées par sa mise en oeuvre. Une réforme du taux d'IS et des autres impositions sera donc nécessaire en France en parallèle de l'adoption de l'ACCIS pour rétablir notre attractivité.
Ensuite, l'adoption de ces directives poserait une question de souveraineté fiscale, puisqu'elle aurait pour conséquence d'empêcher le législateur national d'intervenir dans les matières traitées par la directive : nous ne pourrions plus définir un régime national d'amortissement, ou une règle nationale de déductibilité des charges financières. C'est pourquoi nous demandons que la directive contienne davantage d'options, laissées à la discrétion des États membres, et notamment qu'elle leur permette explicitement de maintenir ou de mettre en place des instruments sectoriels comme les crédits d'impôt. Il en va du respect, fondamental, du principe de subsidiarité.
J'attire plus particulièrement votre attention sur le crédit d'impôt recherche (CIR). La Commission européenne propose une innovation dans sa proposition : une super-déduction fiscale pour les dépenses de recherche, majorée jusqu'à 200 % pour les jeunes PME innovantes. Or, dans son calibrage, cette initiative est moins favorable aux entreprises que le CIR français. À cet égard, les propos de Bruno Mauchauffée, de la direction de la législation fiscale, n'étaient guère rassurants : lors de l'audition, il a indiqué qu'« une fois le sujet de la recherche et du développement figurant dans un texte européen, on pourrait imaginer que la Cour de justice de l'Union européenne décide d'en dessaisir les États membres au motif qu'il s'agirait d'une entrave à la liberté d'établissement ». En d'autres termes, si rien n'interdit techniquement de cumuler le CIR avec la super-déduction, le crédit d'impôt pourrait devenir juridiquement caduc. Il s'agit pourtant d'une des grandes forces de notre système fiscal et d'un pilier de notre attractivité, comme nous l'avions vu lors des tables rondes et auditions que nous avons conduites, ou pendant notre déplacement à Toulouse en juin 2015.
En conséquence, je vous propose d'affirmer que le principe de subsidiarité s'oppose à ce que la législation européenne dessaisisse ainsi les États membres d'une politique sectorielle, celle de la recherche, au détour d'une directive fiscale. Le soutien à la recherche et développement, y compris par des instruments fiscaux, doit rester du ressort national.
Autre point abordé par la proposition et sur lequel j'exprime quelques réserves : le financement des entreprises. La proposition de directive se donne pour objectif de renverser le biais en faveur de la dette à travers, d'une part, une limitation de la déductibilité des intérêts d'emprunt en fonction de l'excédent brut d'exploitation, et d'autre part, un système d'intérêts notionnels, c'est-à-dire d'intérêts fictifs déductibles, calculés sur l'évolution des capitaux propres. En première analyse, il semblerait que ces systèmes soient très défavorables aux entreprises françaises : une étude d'impact précise doit impérativement être conduite à ce sujet. La notion d'endettement excessif devrait également être appréciée en fonction de l'endettement global du groupe, et non filiale par filiale.
La seconde proposition de directive concerne la consolidation, c'est-à-dire la répartition du produit fiscal entre les États membres. Elle prévoit une formule de répartition du produit de l'IS sur la base de trois facteurs affectés d'une même pondération : les actifs de l'entreprise dans l'État membre, la main d'oeuvre de l'entreprise dans l'État membre - nombre de salariés et masse salariale - et le chiffre d'affaires résultant des ventes de l'entreprise dans l'État membre.
Cette formule pose au moins deux problèmes. D'abord, elle exclut les immobilisations incorporelles, notamment les marques et les brevets. Or, cela a été répété par les directeurs fiscaux de Danone et de Sanofi lors de leur audition, la France est un grand pays d'incorporels, notamment dans le luxe. Si nous voulons protéger nos recettes fiscales, il faut que la possession des marques, brevets et autres droits de propriété intellectuelle soit d'une manière ou d'une autre prise en compte dans la clé de répartition. Deuxième sujet d'inquiétude : l'inadéquation de cette clé de répartition aux entreprises du numérique, qui sont l'un des sujets de préoccupation constante de notre commission. En effet, ces dernières, dont le chiffre d'affaires repose également beaucoup sur des incorporels, peuvent aisément localiser ceux-ci dans n'importe quel État, y compris dans un État tiers. En outre, leur main d'oeuvre est peu nombreuse et facile à délocaliser, à Londres, dans la Silicon Valley ou en Asie, et leur chiffre d'affaires est difficile à mesurer pays par pays. Au total, ces entreprises ne pourront donc pas être aisément appréhendées par la formule proposée par la Commission européenne, et l'une des principales cibles de cet effort de lutte contre l'évasion fiscale sera alors manquée.
En somme, il s'agirait de centraliser l'ensemble des recettes fiscales, pour en assurer ensuite la territorialisation - un peu à l'image de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui cause des débats récurrents. Des questions restent en suspens : comment est garantie la collecte de l'impôt ? Qui assure le contrôle fiscal ?
En conclusion, ces projets sont ambitieux, et ils présentent certains points positifs pour renforcer le marché intérieur et simplifier la vie des entreprises, surtout pour nos PME souhaitant s'installer ailleurs en Europe. Cependant, ils soulèvent un certain nombre d'inquiétudes pour lesquelles le Gouvernement devra se montrer vigilant au cours de l'examen de ce texte au niveau européen. Nous sommes donc favorables à l'ACCIS, à deux conditions : que ni la compétitivité des entreprises françaises ni les recettes fiscales de la France n'en pâtissent, mais qu'elles en soient, au contraire, renforcées. L'ensemble de ces éléments sont repris dans la proposition de résolution que je vous propose d'adopter.
Je ne conteste pas vos commentaires, mais ce que vous avez dit sur le principe de subsidiarité m'étonne : les directives COM 683 et COM 685 ont été étudiées par le groupe « subsidiarité » de la commission des affaires européennes, dont je suis membre, et nous n'y avons trouvé aucun problème. Ce contraste entre l'analyse de la commission des affaires européennes et celle de la commission des finances me conduit à émettre un vote défavorable.
Sur la question de l'assiette commune, on avance à la vitesse d'un char à boeufs, faute de décisions fermes pour étayer les discours. Du coup, la guerre des taux recommence tous azimuts, ce qui neutralise d'ores et déjà l'effet attendu de ce texte, sur lequel nous sommes donc très réservés.
Quel sera le taux de l'IS ? Comme il est plus élevé chez nous qu'ailleurs...
Pas sûr : il est tout aussi haut en Allemagne ou aux États-Unis. Cette proposition va dans le bon sens. Voilà des années que nous discutons d'une assiette commune, et des taux. La Commission européenne a pris une décision raisonnable en séparant les deux débats. On ne peut qu'être d'accord avec vos deux conditions - préservation de la compétitivité des entreprises françaises et de nos recettes fiscales - mais comment faire, dans la négociation, pour les imposer ? Que suggérer au Gouvernement et à nos parlementaires européens sur ce point ? D'ailleurs, d'autres pays craignent pour leurs recettes fiscales, et il est difficile de construire l'Europe dans cette atmosphère. Il faut de la souplesse.
Sur l'IS, ce qui est affiché diffère partout de la réalité : chaque État met en place des dispositifs atténuant le poids de cet impôt. Chez nous, le CIR produit ses effets, et nous devons le préserver. Si l'Allemagne consacre 4,5 % de son PIB à la recherche et au développement, contre 2,5 % en France, c'est que chaque Land a des dispositifs s'ajoutant à ceux de l'État, ce qui produit un ensemble complexe et moins contrôlable. Or le CIR est à l'origine du redressement de notre industrie automobile, autant que son réaménagement capitalistique. La voiture connectée de Renault lui est due. Il nous faut donc trouver le moyen de le préserver sans encourir de condamnation par la CJUE. C'est la condition du redémarrage industriel du pays. Les chaînes de montage, qui étaient toutes installées dans le Sud-Est asiatique, vont revenir grâce à la robotisation. Elles ont déjà commencé à se réimplanter aux États-Unis : Apple envisage d'y assembler une partie de son iPhone 7. Pour que l'Europe suive, il faut de nouvelles technologies, au développement desquelles le CIR est indispensable. De plus, sa suppression serait un signal désastreux. Ne nous y trompons pas : les grands groupes installent leurs centres de développement et de recherche en fonction des coûts. Carlos Ghosn nous avait expliqué, lors de notre enquête sur le CIR, comment un conseil exécutif décide, en se fondant tout simplement sur la rentabilité. Nous sommes à la croisée des chemins : les 5,5 milliards d'euros de cette dépense fiscale doivent être sanctuarisés.
Je partage l'analyse du rapporteur général, et ses conclusions. Nous devons continuer à travailler à une assiette commune. Les positions divergent toutefois entre les directions des entreprises et l'administration fiscale, sans oublier les différences dans les normes comptables selon les pays, qui conduisent à des écarts dans le calcul du bénéfice distribuable. Je suis favorable à ce texte, et à la protection des intérêts français, notamment par la préservation des dispositifs ayant un effet de levier sur notre économie.
Monsieur Gattolin, je n'ai évoqué la subsidiarité qu'à l'alinéa 30 de la proposition uniquement au sujet du CIR. Le problème avait été soulevé par la direction de la législation fiscale, dont le représentant nous a indiqué qu'il n'était pas certain que le CIR soit compatible avec le mécanisme de super-déduction prévu, allant jusqu'à évoquer la CJUE.
Oui, la concurrence fiscale existe, en Europe et avec les États-Unis, dont le nouveau président parle de baisser le taux de l'IS jusqu'à 15 %. Dès que nous aurons défini une assiette commune, la concurrence s'exercera encore plus fortement par les taux. Sur l'IS, le taux français est d'environ un tiers. En Allemagne, il est de 30 %, et il est généralement inférieur ailleurs. La directive dont nous parlons n'a pas de conséquence sur les taux, dont la fixation reste la prérogative de chaque Parlement national.
Monsieur Delattre, nous demandons la sauvegarde du CIR. Quant à la question des recettes fiscales, nous sommes encore très en amont, et ne faisons qu'examiner des pistes. La France a pour spécificité de disposer de nombre de brevets, marques, et autres droits incorporels, qui ne sont pas pris en compte. Je connais bien le cas des parfums, dans mon département. Le consommateur n'achète pas tant un produit physique qu'une image, une marque. Nous devrons veiller à la protection de ces incorporels.
Dans l'ensemble, ce texte va dans le bon sens. Il aidera les entreprises françaises à s'installer dans d'autres pays européens. Mais nous devons rester vigilants sur la répartition des recettes fiscales, et obtenir la préservation du CIR.
À l'issue de ce débat, la commission conclut au dépôt de la proposition de résolution présentée par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur, et décide de fixer au mardi 20 décembre 2016 à 12 heures le délai-limite de dépôt, par tout sénateur, d'amendements éventuels à ce texte, dont l'examen interviendra lors de la réunion de la commission du mercredi 22 juin 2016 à 9 heures.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 123 (2016-2017) de Mme Fabienne Keller et M. François Marc, sur l'approfondissement de la phase I de la réforme de l'Union économique et monétaire.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT
La commission des affaires européennes du Sénat a déposé le 14 novembre 2016 une proposition de résolution européenne sur la phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire (UEM), à l'initiative de nos collègues Fabienne Keller et François Marc.
La phase I correspond à un ensemble de mesures visant à approfondir par la pratique la zone euro ; ces mesures s'inspirent de la feuille de route présentée par le rapport dit des « cinq présidents » en juin 2015. La proposition de résolution européenne aborde différents thèmes relevant de la phase I - la création de nouveaux organes consultatifs intervenant dans la gouvernance de la zone euro, la réforme du semestre européen et la représentation extérieure de la zone euro - et analyse les avancées concrètes enregistrées depuis l'automne 2015. Le rapport d'information de Fabienne Keller et François Marc présente également un état des lieux très complet des mesures prévues et mises en oeuvre dans le cadre de la phase I.
Le texte de la proposition de résolution européenne exprime un certain nombre de doutes quant à la lisibilité des réformes proposées et de craintes concernant une nouvelle complexification de l'UEM. Je partage l'essentiel de ces interrogations. Il est vrai que le recul n'est pas suffisant pour apprécier pleinement l'utilité de ces nouvelles mesures et leurs effets. Par exemple, les membres du nouveau comité budgétaire européen, chargé de conseiller la Commission européenne, n'ont été nommés que le 19 octobre dernier. Toutefois, il me paraît utile de tirer parti de cette proposition de résolution européenne pour exprimer un certain nombre d'observations et s'assurer que les parlements nationaux jouent un rôle significatif dans la gouvernance de la zone euro.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT
Je vous propose donc, par mon amendement COM-1, plusieurs modifications. La première vise à s'assurer que les futurs conseils nationaux de la productivité, qui devront être mis en place dans chaque État membre d'ici mars 2018, s'appuieront sur des structures existantes et que ces conseils seront mis au service des parlements nationaux, devant lesquels ils devront rendre compte de leur activité. Deuxièmement, je suggère d'insérer un alinéa demandant que les avis et évaluations rendus par le comité budgétaire européen consultatif indépendant à la Commission européenne soient transmis aux présidents des commissions compétentes des parlements nationaux. Troisièmement, nous appelons à une évolution du format de la conférence de l'article 13 sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance de l'Union européenne et à un renforcement de son rôle. Cela fait suite aux observations formulées par la présidente et nos collègues présents à la conférence de Bratislava il y a deux mois. Quatrièmement, je propose de compléter la proposition de résolution européenne par quatre nouveaux alinéas relatifs à l'achèvement de l'Union bancaire et à la mise en place d'un système européen d'assurance des dépôts. L'Union bancaire est, en effet, l'un des axes de la phase I de l'approfondissement de l'UEM. Il parait utile de souligner plus particulièrement les conditions à réunir pour que le futur système européen d'assurance des dépôts soit effectivement neutre pour les établissements bancaires français - nous avions déjà exprimé nos préoccupations sur ce point. Lors de l'examen du projet de loi de l'accord intergouvernemental concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique.
Enfin, je propose de supprimer l'alinéa concernant les clauses de flexibilité du Pacte de stabilité et de croissance. La rédaction actuelle est ambiguë. L'utilisation des clauses de flexibilité autorisées est légitime lorsqu'elle est dûment justifiée et la révision des règles du Pacte n'est, à ce stade, pas souhaitable. Les autres propositions de modification sont rédactionnelles. La phase II de l'approfondissement de l'UEM devrait être lancée le 1er juillet 2017, et un livre blanc de la Commission européenne est attendu au printemps 2017.
Je souscris entièrement aux suggestions du rapporteur général. Ses modifications rédactionnelles sont utiles, et les autres améliorent la proposition, avec pour objectif l'approfondissement de l'UEM et un meilleur fonctionnement de l'Union européenne. Par exemple, la consultation des parlements nationaux n'était pas explicitement prévue. Nous sommes d'accord pour formuler en la matière quelques exigences. Les conseils nationaux de la productivité ont en effet vocation à alimenter le débat au sein des parlements nationaux et les avis et évaluations du comité budgétaire européen consultatif indépendant doivent être transmis aux présidents des commissions compétentes des parlements nationaux, dont ils nourriront la réflexion. C'est en quelque sorte un Haut Conseil des finances publiques européen ! Enfin, les préconisations du rapporteur sur le format et la méthode de travail de la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance au sein de l'Union européenne sont bienvenues. Pour l'heure, cette conférence est un simple forum, alors que ses travaux devraient aboutir à des votes et des résolutions. Il est donc légitime de muscler la proposition de résolution européenne sur ce point. Sur l'achèvement de l'Union bancaire, je laisserai s'exprimer d'autres avis plus autorisés que le mien.
La coordination de la zone euro se met en place au sein des institutions financières, notamment dans le cadre du comité de Bâle, où les discussions sont âpres avec les États-Unis.
Nous entendrons la semaine prochaine le Gouverneur de la Banque de France.
Le progrès, c'est que les pays européens se parlent davantage. À Bâle, toutefois, la Banque centrale européenne, la Commission européenne et chaque État membre sont représentés, alors qu'il n'y a qu'un Américain, envoyé par la Fed, pour défendre la position des États-Unis. Et ce n'est pas demain que nous aurons un représentant unique pour l'Europe ! Sur le fonds européen de garantie des dépôts, nous avons eu des débats animés...
Vu le poids économique respectif de la France et de l'Allemagne, nous avons refusé que la France paie plus que l'Allemagne - et nos efforts n'ont pas été inutiles. Pour l'heure, le système est bloqué par le refus de l'Allemagne.
Nous en sommes donc réduits à un système d'assurance réciproque à taux variable.
De quoi parlons-nous ? Le Fonds de résolution unique est en place, et doté de 54 milliards d'euros. Les cotisations de la France et de l'Allemagne sont équivalentes, ce qui est un bon équilibre.
Diable ! Vous appelez à une représentation unifiée à Bâle, mais c'est actuellement la France qui donne le « la » en matière bancaire. Nos banques apportent chaque année 900 milliards d'euros à nos entreprises pour qu'elles investissent. Les quatre plus grosses banques françaises sont quasiment les premières d'Europe, vu l'état de la Deutsche Bank. C'est un succès pour notre influence, que nous devons protéger. Il est normal que l'Allemagne paie à hauteur de son produit intérieur brut (PIB).
Je suis d'accord avec cette résolution et avec vos apports, qui la précisent. Ne confondons pas le Fonds de garantie et le Fonds de résolution unique (FRU) ! Je reviens d'Italie, où notre commission des affaires européennes vient d'effectuer un déplacement. Nous y avons évoqué la crise de la troisième banque du pays, et la plus ancienne...
Les sénateurs italiens nous ont dit qu'au sortir de la crise de 2008, alors que dans la plupart des pays européens, c'est l'État qui a renfloué les banques - d'où l'accroissement de leur endettement de 60 % à 90 % du PIB - en Italie, il s'est borné à les autoriser à prendre des positions spéculatives. C'est ce qui explique la vitalité industrielle italienne - ce sont les banques qui ont pris tous les risques - mais nous le payons à présent. Prendre en compte la concentration du secteur bancaire de chaque État, pourquoi pas ? Mais n'oublions pas que le nôtre est l'un des plus concentrés au monde. Il ne faudra donc pas s'étonner que notre contribution soit supérieure à d'autres, car notre système de banque universelle n'est pas à l'abri des risques d'effondrement en cas de grave crise.
Nous nous abstiendrons, car nous constatons qu'on avance plus volontiers sur l'harmonisation bancaire et monétaire qu'en matière fiscale et sociale. En l'occurrence, y a-t-il eu une évaluation éliminant tout risque de crise financière ? Nous connaissons les difficultés d'une banque italienne, ou de la Deutsche Bank, dont on nous vantait les vertus il y a peu. De plus, le président Trump parle d'alléger la régulation imposée au secteur bancaire par son prédécesseur.
En France, un fonds de garantie des dépôts protège les épargnants par établissement et par client, à hauteur de 100 000 euros. À cela s'ajoute un mécanisme de résolution pour les banques que l'on ne peut pas liquider. Ce que vise la proposition de résolution, c'est la création d'un mécanisme européen de garantie des dépôts.
Il s'agira dans un premier temps de mettre en place un système de réassurance : jusqu'en 2019, un établissement bancaire qui se trouverait en situation de défaillance et qui aurait fait appel au mécanisme national de garantie des dépôts jusqu'à épuisement de ses ressources, pourrait alors bénéficier du système de réassurance européen.
Dans un deuxième temps, à partir de 2020, le dispositif prendrait la forme d'un système de coassurance, avec une contribution partagée dès le début.
Enfin, à partir de 2024, il se transformerait en un système entièrement mutualisé.
Cette évolution serait neutre pour les épargnants qui continueront à bénéficier à chaque étape des 100 000 euros de garantie. En revanche, les banques françaises, en l'état, seraient contraintes à un effort contributif supplémentaire.
Veillons à distinguer d'un côté le système de résolution bancaire, de l'autre les systèmes de garantie des dépôts nationaux ou européen.
L'amendement n° COM-1 est adopté.
À l'issue du débat, la commission des finances adopte la proposition de résolution européenne, ainsi modifiée.
Puis la commission examine le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 124 (2016-2017) de MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie, sur le premier bilan et les perspectives du plan d'investissement pour l'Europe.
La commission est saisie d'une proposition de résolution de nos collègues Jean-Paul Emorine et Didier Marie, portant sur le premier bilan et les perspectives du plan d'investissement pour l'Europe, ou « plan Juncker ».
Notre commission a déjà examiné deux précédentes résolutions à ce sujet, sur la définition du plan Juncker en mars 2015, puis sur sa mise en oeuvre, en décembre 2015.
Cette proposition de résolution s'inscrit dans un double contexte.
D'une part, les principaux outils de soutien à l'investissement fonctionnent désormais depuis plus d'un an, rendant possible un premier bilan. Dans cette perspective, plusieurs évaluations sont intervenues, de la part de la Banque européenne d'investissement, acteur central du plan, et d'un cabinet de conseil indépendant, mandaté par la Commission européenne.
La Commission européenne a présenté une communication dressant un premier bilan, le 1er juin dernier. Il convient de souligner que la France est le premier pays bénéficiaire du plan.
À l'occasion des évaluations, certaines pistes d'amélioration ont été proposées, relatives aux outils déjà développés, mais aussi s'agissant de leur articulation avec les grands projets de l'Union européenne, comme l'Union des marchés de capitaux.
Compte tenu de ces éléments, la proposition de résolution salue les résultats obtenus lors de la première phase de conduite du plan, mais insiste sur la nécessité d'agir pour un environnement plus favorable aux investissements.
D'autre part, la Commission européenne a présenté, le 14 septembre dernier, une proposition de deuxième phase du plan Juncker, consistant principalement en un doublement du montant d'investissement mobilisable et en une prolongation jusqu'en 2022.
La proposition de résolution défend une position équilibrée, en approuvant ce renforcement, mais en demandant plus d'informations sur le dispositif prévu au-delà de 2020, à l'échéance du cadre financier pluriannuel. En effet, cette extension engage le budget européen sur une longue période, ce qui devra être pris en compte lors de l'établissement du prochain cadre financier de 2020 à 2026.
Enfin, la Commission européenne propose d'instituer un plan d'investissement extérieur européen, afin de compléter la politique de voisinage et de développement de l'Union européenne. Les modalités concrètes de fonctionnement et d'articulation avec les instruments existants n'étant guère définies à ce stade, la proposition de résolution demande une réflexion approfondie, associant les différents acteurs.
Je vous propose d'adopter cette proposition de résolution sans modification. Compte tenu de ce qui se passe en Méditerranée, la politique de bon voisinage est un vrai sujet.
La procédure d'examen des dossiers pour le financement d'investissements par l'Europe est très complexe. Comment la simplifier ?
Des acteurs nationaux comme la Caisse des dépôts et consignations et BpiFrance relayent l'action de la Banque européenne d'investissement. C'est d'ailleurs ce qui permet à la France d'être le premier pays bénéficiaire du plan.
Le texte mentionne 200 000 PME et start-up qui créeraient 100 000 emplois. Pourquoi employer le conditionnel ? Faut-il envisager un déficit de création d'emplois et dans quel ordre de grandeur ?
Nous nous appuyons sur une évaluation que nous ne sommes pas en mesure de vérifier. Voilà ce qui justifie le conditionnel.
À l'issue de ce débat, la commission des finances adopte la proposition de résolution européenne, sans modification.
La réunion est close à 10h40.