Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 20 mars 2018 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

J'ai souhaité que nous nous réunissions dans la perspective de la réforme de l'audiovisuel public annoncée par le Président de la République. Le Sénat ne part pas de rien, nous travaillons depuis longtemps sur ce sujet, dans la continuité et l'exigence. À la différence de l'Assemblée nationale, nous avons déjà proposé des pistes de réforme et en avons une vision assez claire.

J'ai souvent fait référence au rapport de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin. J'avais souhaité que nous travaillions avec la commission des finances - qui dispose d'un pouvoir d'investigation - sur cette réforme, et notamment sur la réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) annoncée par le précédent Président de la République à la suite d'un colloque au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Cette réforme de la CAP a sans cesse été repoussée, mais nos analyses restent d'actualité.

Comme nous devons tous disposer du même niveau d'information, j'ai souhaité que les auteurs du rapport vous le présentent. André Gattolin est de nouveau membre de notre commission de la culture après avoir été membre de la commission des finances. Selon des acteurs majeurs du secteur, le Sénat est la seule institution disposant d'une vision cohérente sur la réforme de l'audiovisuel public - qu'ils soient d'accord ou non avec ses propositions. Certaines préconisations ont été reprises ici et là. Ce rapport constitue une base utile.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Il y a un peu plus de deux ans, nous avions présenté ce rapport lors d'une réunion commune des commissions de la culture et des finances. J'étais alors rapporteur spécial du budget de la culture à la commission des finances. Nous avions réalisé une analyse non seulement culturelle, mais aussi profondément économique et technologique de la télévision française et du financement de l'audiovisuel public. Nous vous présenterons la situation ainsi que nos recommandations.

Le secteur de l'audiovisuel a été profondément bouleversé par les évolutions technologiques, par l'arrivée d'acteurs transnationaux et par la révolution des usages et des pratiques qui n'a fait que s'accélérer ces trois dernières années.

Dans les années 1970, on ne comptait que trois chaînes de télévision, toutes publiques - TF1, Antenne 2, FR3 et des radios publiques. Quelques radios privées disposaient de dérogations comme RMC, RTL et Europe 1 et émettaient depuis l'étranger, sous convention. Dans les années 1980, on assiste à une explosion de la FM et des télévisions privées, à la suite de la réforme de 1982.

Depuis 2000, l'offre a été démultipliée avec le développement du câble, du satellite et de l'ADSL. Aujourd'hui, 27 chaînes sont accessibles sur la télévision numérique terrestre (TNT), gratuites, disponibles sur la quasi-totalité du territoire, et de très nombreuses radios sont disponibles sur Internet.

Dernière mutation, « la délinéarisation » permet de réécouter des programmes de télévision ou de radio. L'émergence des plateformes créées par des acteurs internationaux - Netflix, Amazon... - permet d'accéder à des programmes, payants, en tout lieu et à tout moment. Cette forte délinéarisation constitue un péril très sérieux pour les médias traditionnels - le secteur public mais aussi les chaînes privées historiques comme TF1 ou M6.

L'organisation de l'audiovisuel public est devenue archaïque. L'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) a été créé en 1964, avant que son monopole de diffusion ne soit remis en cause par loi du 7 août 1974. Il n'existait pas de chaînes privées. L'ORTF a été fragmentée en différentes sociétés. Actuellement, le secteur de l'audiovisuel public rassemble moins de 30 % des audiences radio, et encore moins pour la télévision. L'émiettement résultant des lois de 1974, de 1982 et de 1986 - qui ont accru la concurrence - est devenu une faiblesse. Le service public est en difficulté.

Lors de l'adoption de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ouvrant l'audiovisuel au marché, Internet n'existait pas. Désormais, le secteur de l'audiovisuel traditionnel est « hyper régulé » alors que les plateformes étrangères ne sont soumises à quasiment aucune règle. La directive européenne « Service des médias audiovisuels » (SMA) que la future loi devra intégrer est un début de tentative de régulation sur des acteurs transnationaux passant par des canaux différents, avec d'importants enjeux dans la distribution des chaînes. Même le monopole de diffusion par ondes hertziennes ou la TNT est battu en brèche. La répartition de la valeur va évoluer, avec une concurrence entre éditeurs et distributeurs.

La réglementation de la production audiovisuelle impose aux chaînes des contraintes importantes pour la création mais limite leurs droits sur ces programmes pour l'exploitation et la rediffusion, alors qu'ils sont de plus en plus consommés de manière délinéarisée : les droits des chaînes finançant un programme sont perdus au bout de 36 mois. Une remise à plat de la réglementation est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Le modèle de l'audiovisuel public est bouleversé par la révolution numérique. L'adaptation à cette révolution n'est pas au rendez-vous. Le financement de l'audiovisuel public repose principalement sur la CAP - ou «redevance » - dont le produit s'élève à 3,7 milliards d'euros. Son assiette repose sur la seule possession d'un téléviseur « familial dans le salon ». Le produit de la redevance baissera en raison des autres moyens disponibles pour regarder la télévision, comme les smartphones ou les tablettes. Cette première source de financement est fragile.

Deuxième source, la recette tirée de la publicité est en baisse en raison de la fuite des contrats publicitaires vers les grandes plateformes numériques. Elle ne rapporte que 350 millions d'euros à France Télévisions et 40 millions d'euros à Radio France, soit entre 12 et 15 % de leur financement global.

La taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) créée en 2009 pour compenser la suppression de la publicité au-delà de 20 heures a été adoptée pour financer France Télévisions. Mais elle a été progressivement détournée de son objet par le ministère des finances qui récupère une grande partie de cette taxe. Sur les plus de 200 millions d'euros de recettes, seuls 85 millions reviennent à France Télévisions - sachant que Bercy peut toujours en récupérer davantage lors du débat budgétaire...

Il ne faut pas aborder ce sujet uniquement par le volet financement, mais aussi via la gouvernance et la législation afin de libérer l'audiovisuel public. Les entreprises de l'audiovisuel public sont difficiles à réformer. La multiplicité des tutelles - ministère de la culture, Bercy, CSA, Parlement... - favorise l'éparpillement. Les dirigeants de ces entreprises sont réticents à faire des économies pour préserver le climat social. D'année en année, l'étau se resserre. Il n'est pas simple de faire bouger les choses.

Alors que l'audiovisuel a été regroupé en Grande-Bretagne avec la BBC, en Espagne avec la RTVE, en Belgique avec la RTBF, en Suisse avec la SSR, l'éclatement du paysage français en six sociétés ou plutôt quatre plus deux - France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Institut national de l'audiovisuel (INA), sachant qu'Arte et TV5 Monde ont des partenariats avec des pays étrangers - rend difficiles les mutualisations tant dans la production de contenus que des structures. Faute de volonté forte pour restructurer les services, chaque société développe de nouveaux projets sans remettre en question les missions existantes et les coûts augmentent chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Nous proposons une réforme systémique portant à la fois sur la gouvernance, les contenus, les structures et le financement. Il faut repenser la gouvernance pour renforcer l'indépendance et permettre des choix stratégiques. Les entreprises de l'audiovisuel public doivent être bien gérées et ne remplir strictement et uniquement que leur rôle. Elles doivent être regroupées afin de favoriser des mutualisations au travers soit d'une holding - regroupant France Télévisions, Radio France, l'INA, France Médias Monde et Arte France, car Arte Allemagne est aussi sous tutelle des chaînes publiques allemandes ARD et ZDF - soit d'une présidence commune à France Télévisions et à Radio France.

Les dirigeants de l'audiovisuel public doivent être nommés par les conseils d'administration des entreprises selon le droit commun plutôt que d'émaner du CSA, organisme de régulation, de contrôle voire de sanction. Il est difficile à la fois de nommer et de contrôler.

La tutelle de l'État doit être allégée pour préserver l'indépendance. Les conseils d'administration comptent quatre - pour Radio France - ou cinq - pour France Télévisions et France Médias Monde - représentants de l'État, tenant souvent des discours contradictoires. L'Agence des participations de l'État (APE) pourrait se substituer aux ministères de la culture et des finances dans les conseils d'administration. L'État aurait deux représentants et le conseil d'administration serait davantage ouvert à des personnes disposant de compétences spécialisées, afin de prendre de vraies décisions. Réduisons la représentation de l'État, sans toucher à la représentation syndicale.

Ayons des contenus véritablement distincts de ceux des médias privés. Tous les ans, le CSA publie une étude sur la réalisation des contrats d'objectifs et de moyens des grandes sociétés publiques, notamment France Télévisions. Celle du 27 octobre dernier sur France Télévisions dénonçait le manque de différenciation des programmes entre chaînes publiques et entre France Télévisions et l'offre privée. Cette distinction doit exister. Sur France 2 et France 3, il y a chaque jour neuf heures d'émissions de jeux - et un seul concept français, « Des chiffres et des lettres ». Est-ce la vocation du service public de diffuser neuf heures de jeux quotidiens ?

Jean-Pierre Leleux propose d'interdire la diffusion de films et séries américaines sur France Télévisions, comme le fait la BBC. Je pense qu'elle devrait au moins être régulée. La télévision publique finance de nombreux programmes patrimoniaux - documentaires, séries, films de télévision - et de cinéma. Pourquoi recourir autant en prime time à des émissions d'origine anglo-saxonne ?

La publicité pourrait être supprimée sur le service public, sachant que son produit décroît. De plus en plus, la publicité s'intéresse aux données personnelles. Ce n'est pas le rôle du service public, qui doit conserver l'anonymat des données. Réservons la publicité traditionnelle aux chaînes privées et trouvons d'autres formes de financement, comme les ressources liées aux droits.

Une plus grande exigence doit caractériser la programmation afin de renforcer l'attractivité des créations audiovisuelles. Les précédentes lois prévoyaient de favoriser la diffusion et l'accessibilité de la culture. Ces émissions sont de plus en plus rares. France Télévisions diffuse douze pastilles sur les livres et France 5 possède une seule émission littéraire, « La grande librairie ».

Il faut aussi attirer des publics jeunes, qui ne regardent plus la télévision publique, ni les chaînes traditionnelles. De nouveaux comportements médias apparaissent en Suisse et au Danemark, la redevance est contestée. Au Danemark, les moins de 35 ans ne regardent plus la télévision classique. Le service public doit être réactif et proposer des contenus et des programmes sous différentes formes, tout en abreuvant tous les publics de contenus, plutôt que de réserver la télévision aux plus de 60 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Il faudrait mutualiser les structures. Nous pourrions optimiser les services de l'audiovisuel public en rapprochant des fonctions support - ressources humaines, finances, communication, informatique - ou les gérer ensemble pour plus d'efficacité.

Certains services « contenus » - information, sport, culture - pourraient être fusionnés pour donner naissance à des services communs. Un regroupement des réseaux locaux doit être expérimenté, non pas pour faire des économies - elles en seraient une conséquence - mais pour plus de synergies au profit d'un objectif commun. L'ensemble des contenus doit être accessible sur une même plateforme commune à France Télévisions, Radio France, l'INA, Arte France, TV5 Monde... Nous n'avons pas les moyens de nous disséminer face à des plateformes plus puissantes techniquement et financièrement.

Le financement de l'audiovisuel public est fragile. La CAP doit être réformée « à l'allemande », et s'appliquer à l'ensemble des foyers : chaque citoyen a accès au contenu de l'audiovisuel public, et pas seulement sur un téléviseur. En moyenne, selon une étude récente, une famille détient sept écrans.

La suppression de la publicité dans l'audiovisuel public ne fait pas l'objet d'un débat ; André Gattolin et moi sommes en désaccord. Nous souhaitons une publicité raisonnée. À titre personnel, je suis favorable à la suppression totale de la publicité sur l'audiovisuel public, même si cela provoquera à court terme un manque à gagner. Il faut le prévoir suffisamment tôt.

De même, nous avons débattu de l'opportunité de supprimer ou non les séries américaines. Bien sûr, certaines d'entre elles sont de très bonne qualité. Mais il faut pouvoir reconnaître immédiatement le service public lorsqu'on allume son téléviseur ou sa tablette. Donnons une couleur particulière de service public à nos chaînes, sinon elles mourront. Cette différenciation se fera bien sûr par la qualité des contenus - même si des chaînes privées ont également des contenus culturels - mais la suppression de la publicité est aussi un marqueur, de même que celle des séries américaines. Cela favorisera la promotion et le financement de la création française et européenne et rendra attractif l'audiovisuel public.

Les Suisses ont voté, à plus de 70 %, pour le maintien de la redevance audiovisuelle. Je n'ose imaginer le résultat si la France avait organisé une telle consultation la semaine dernière, alors que la redevance suisse est trois fois plus élevée... Les Français doivent se réapproprier le service public. N'augmentons pas le tarif de la redevance car on ne peut prélever davantage, mais un élargissement équitable de l'assiette maintiendrait les financements, voire compenserait l'absence de publicité.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

J'ai récemment rencontré un responsable de France Télévisions, qui m'a parlé d'un programme, ouvert depuis début février et destiné aux jeunes de 18 à 35 ans : « France.tv/slash ». Or, personne n'est au courant de ce nouveau programme, qui est pourtant intéressant - je suis allée regarder !

Il est vrai, comme le disaient nos rapporteurs, que les jeunes générations ne regardent plus la télévision. Cet état de fait a plusieurs conséquences. Il faut réfléchir à un éventuel élargissement de la redevance, mais il faut aussi que les chaînes utilisent mieux les outils dont elles disposent.

La question centrale est de trouver les vecteurs à même de toucher les jeunes et de les informer de l'existence de programmes adaptés. Aujourd'hui, il existe vraiment deux mondes audiovisuels, qu'il est nécessaire de faire cohabiter.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Ce n'est pas le rôle du service public audiovisuel de rivaliser avec les autres chaînes - je pense par exemple à celles qui diffusent des émissions de téléréalité... En revanche, il a évidemment une mission éducative, en particulier pour l'apprentissage des langues : s'il existait des émissions ou des dessins animés ludiques, mais aussi éducatifs, les parents y orienteraient eux-mêmes leurs enfants. Il me semble que cet aspect manque aujourd'hui, alors qu'il participe d'une autre façon de regarder la télévision.

Enfin, n'oublions pas que les jeunes enfants ne regardent plus du tout la télévision, mais sont en permanence sur des tablettes !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Les seniors aussi utilisent beaucoup les tablettes et regardent des émissions en replay. Le raisonnement que nous tenons en parlant des jeunes peut donc être tout aussi pertinent pour les personnes âgées. Les évolutions en cours doivent nous permettre d'améliorer l'offre pour toutes les générations.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

France Télévisions est aujourd'hui confrontée à un problème : sa capacité à répondre à des appels d'offres pour retransmettre de grands événements sportifs. Si nous décidons de supprimer entièrement la publicité pour l'audiovisuel public, il est clair qu'un problème de ressources se posera. Or, le risque est déjà grand que France Télévisions ne puisse plus retransmettre qu'une part limitée des événements sportifs - la question va d'ailleurs se poser très vite pour les Jeux olympiques de 2024. C'est aussi une question d'attractivité pour l'audiovisuel public.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Je m'interroge sur la notion d'identité, qu'il est difficile de définir et d'imposer, surtout face à l'extrême concurrence du paysage audiovisuel. Il est évident qu'elle doit être différente pour un média public, mais aller plus loin dans la définition n'est pas évident, sauf pour une télévision - disons - élitiste comme Arte, dont tout le monde reconnaît par ailleurs les qualités. L'identité de l'audiovisuel public doit-elle reposer uniquement sur certains créneaux horaires, par exemple ceux destinés à l'information ? Comment réussir à définir cette identité, sans pour autant créer une chaîne élitiste et peu regardée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Ce rapport est particulièrement intéressant ; nous devons maintenant trouver des solutions aux problèmes soulevés ! Or, à la suite des auditions que nous avons déjà menées, j'ai parfois l'impression d'être en tongs devant l'Everest...

En ce qui concerne l'audience et la différenciation, il ne faut pas se payer de mots ! Il faut utiliser les outils pertinents, par exemple le marketing, car les jeunes sont déjà très loin de la télévision et s'intéressent à d'autres choses. En outre, il ne faut pas être réfractaire a priori au business.

Je suis musicien, je joue de la batterie et je suis tombé, par hasard, à la télévision, sur un documentaire qui portait sur Ginger Baker. Ce documentaire, qui passait tard, était d'une très grande modernité et aurait forcément intéressé des jeunes, mais comment leur amener de tels contenus culturels ? L'audiovisuel public, qui doit évidemment nous tirer vers le haut, doit être en capacité de répondre à cette question.

La suppression de la publicité peut constituer une réponse en termes de différenciation, mais l'offre globale doit s'inscrire dans une approche précisément évaluée et ciblée. Il faut aussi être conscient que se fixer des objectifs d'audience peut être contradictoire.

Enfin, il ne faut pas oublier le rôle central du monde enseignant, qui est un véritable prescripteur de contenus, y compris pour l'audiovisuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

En effet, le rapprochement avec l'éducation nationale est indispensable. Les enseignants puisent déjà beaucoup d'éléments dans les contenus audiovisuels et les utilisent comme outils pédagogiques. Dans le même temps, cela permet aux jeunes de mieux connaître l'audiovisuel public.

On a souvent l'impression que l'information est traitée de la même manière sur l'audiovisuel public que sur les autres chaînes. Or, le secteur public ne doit pas céder au sensationnel ; au contraire, il doit donner au spectateur le contexte nécessaire et le protéger des fake news.

Je voudrais aussi rappeler l'intérêt des télévisions locales, qui peuvent beaucoup apporter si elles permettent de fournir une information globale et cohérente sur un territoire.

Enfin, les différentes applications mobiles et les plateformes de podcasts de l'audiovisuel public ont encore des progrès à faire en termes d'intuitivité et d'accessibilité dans le temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Comme on le voit en Grande-Bretagne avec la BBC, il est très important d'offrir très tôt aux enfants une télévision de qualité, afin de les habituer pour plus tard, y compris si les supports changent.

En ce qui concerne la méthode, je crois que nous devons nous fixer un nombre restreint d'objectifs - je pense d'abord à l'information et à la culture. À partir de là, nous pourrons avancer sur la définition des chaînes et leur organisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Le rapport que vous aviez publié en 2015 évoquait la suppression de la publicité pour les émissions destinées à la jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Cet exemple, comme celui de la suppression de la publicité aux heures de grande écoute, montre que la perception de certaines propositions évolue avec le temps.

Je rejoins ce qu'indiquait tout à l'heure Laurent Lafon : un marqueur est sûrement nécessaire pour l'audiovisuel public, mais sans aller jusqu'à une télévision monochrome avec un seul type d'émissions ! On le sait, le nom même d'Arte peut faire fuir le public... La télévision doit s'adresser à tout le monde, y compris dans le secteur public.

Les rapporteurs ont évoqué la question du regroupement de l'audiovisuel public, mais je ne crois pas qu'ils aient soulevé la question de la suppression de certaines chaînes. À mon avis, nous devons aussi nous interroger sur le nombre de ces chaînes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous ne pouvons pas nous dispenser d'une réflexion globale sur le paysage audiovisuel dans son ensemble. Le périmètre actuel du service public, qui découle de différentes évolutions depuis la privatisation de TF1, n'est pas une donnée intangible ou alors, il ne cessera de se réduire ! En outre, on ne peut pas demander à l'audiovisuel public, dont les moyens diminuent, de faire face seul aux problèmes qui ont été soulevés et qui sont gigantesques. Surtout si on s'interdit d'aller chercher des ressources supplémentaires !

Je note aussi qu'il n'y a pas de groupe public dans le secteur du numérique ou de la téléphonie. Ils ont été privatisés ! Une réflexion plus globale sur l'état du paysage audiovisuel et ses acteurs sera donc un éclairage indispensable au processus qui commence. Au-delà de la notion de périmètre, elle permettrait par exemple, de réfléchir en termes de logique de service public. La question de la retransmission des épreuves sportives illustre cela : si l'on ne réfléchit qu'en termes de ressources, il est clair que l'audiovisuel public en sera exclu. Il faut donc élargir le spectre de nos réflexions.

Par ailleurs, je m'inquiète de la méthode qui va être utilisée pour le débat à venir. Lors du débat organisé en séance plénière le 20 février dernier, j'ai interrogé la ministre de la culture à ce sujet et elle m'a répondu que des « préconisations » seraient présentées fin mars... Or, si l'on regarde ce qui a pu se pratiquer sur d'autres sujets, nous avons certes eu le droit de débattre, mais uniquement sur les préconisations du Gouvernement ! Il me semble au contraire qu'une grande période de débat public - pas un mois ou deux - est nécessaire et que ce débat, dont les modalités doivent être innovantes, ne doit pas porter que sur un seul scénario, une seule hypothèse... Je suis persuadé que le public dans son ensemble serait très intéressé par un tel débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Toutes ces remarques sont très intéressantes et posent une question fondamentale : dans le paysage audiovisuel actuel, un service public est-il indispensable ? Certains estiment que non, mais ce n'est pas notre position : devant la pléthore de chaînes et de canaux de diffusion et le développement des fake news, un service public est nécessaire pour défendre l'intérêt général et la qualité des débats. À partir de cette réponse, il est cependant nécessaire d'avancer et de redéfinir les missions du service public.

En ce qui concerne les modalités du débat, je crois qu'il doit être public et large. En Grande-Bretagne, un tel débat a lieu tous les dix ans, il permet d'élaborer une charte royale et de définir les objectifs et les moyens de la BBC.

Je ne suis pas certain qu'il existe une contradiction entre audience et qualité, cette dernière restant en tout état de cause la clé. Les modèles changent : pour reprendre l'exemple du documentaire sur Ginger Baker cité par Jean-Raymond Hugonet, tout dépend maintenant du buzz sur les réseaux sociaux ! Une émission qui passe à 23 heures sur Arte peut tout à fait faire le buzz le lendemain et être beaucoup vue en replay. Les plateformes peuvent donc créer un intérêt nouveau.

Au sujet des retransmissions sportives, qui ont fait l'objet d'une surenchère en termes de coûts, je crois que l'audiovisuel public doit sortir de ce qui est concurrentiel. Ce n'est pas sa mission. Pour autant, il faut s'assurer que les grandes compétitions sont diffusées sur des chaînes gratuites de la TNT.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Comme le disait Pierre Laurent, on ne peut pas isoler l'audiovisuel public de son écosystème et de ses évolutions. D'ailleurs, la future loi aura aussi pour objet de transposer la directive SMA, qui évoque la question des nouveaux opérateurs.

En ce qui concerne la méthode, j'ai eu des réunions récentes à l'Élysée et à Matignon, je crois avoir convaincu mes interlocuteurs qu'il fallait se donner du temps pour traiter de sujets aussi compliqués. Le service public n'est pas seul en danger, les grandes chaînes historiques privées, gratuites ou non, le sont aussi. Prenons l'exemple de Canal + : il n'est plus acceptable pour le public de payer son abonnement 400 euros par an, alors que les différentes plateformes demandent autour de 120 euros, soit - je le mentionne au passage - le niveau de la redevance... Nous nous dirigeons donc vers des offres payantes, fragmentées, à des prix faibles et dont la rentabilité s'évalue au niveau mondial.

Finalement, ce sont deux ressources qui disparaissent : la publicité, du fait du développement de l'utilisation des données personnelles, et l'abonnement, qui va en diminuant - phénomène que connaît également la presse.

En ce qui concerne l'identité du service public, plusieurs éléments peuvent être cités, mais il y en a un qui est fondamental : la bienveillance. Il ne s'agit évidemment pas de « servir la soupe » aux personnes interviewées, mais simplement de ne pas faire preuve d'agressivité, comme on le constate trop souvent en France. Il y a plusieurs années, j'avais participé à une étude sur la différence d'image entre les chaînes : les émissions de TF1 pouvaient être vues comme une estrade, avec des plateaux hauts et une grande munificence ; la 5 s'apparentait à un amphithéâtre, avec des discussions très animées ; pour le service public, c'était la table basse - pensez à « Apostrophes » ou à « Bouillon de culture »... Cette image se construit aussi dans la manière de réaliser l'émission. Or, aujourd'hui, beaucoup de concepts sont repris de l'étranger et sont susceptibles d'être vendus à des chaînes différentes et celles de l'audiovisuel public manquent de continuité entre les émissions - pour créer une identité, il faut de la continuité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Il est vrai que la réforme dont nous débattons doit s'appréhender dans le cadre des mutations de l'ensemble du paysage audiovisuel : le numérique bouleverse tout si rapidement.

Par ailleurs, nos travaux doivent aussi porter sur l'audiovisuel extérieur, en incluant TV5 Monde, chaîne francophone, sur la gouvernance et la régulation - mode de nomination, rôles de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et du CSA... - et sur les modalités de financement, dont il faut clairement évaluer les conséquences.

En tout état de cause, nous devons partir d'une question simple : pourquoi l'audiovisuel public est-il nécessaire ? C'est en redéfinissant ses missions que nous pourrons avancer dans le débat.

La réunion est close à 15 h 10.