Compte tenu du nombre élevé de signataires, il n'est guère étonnant que notre débat montre des préoccupations partagées. Les éléments normatifs forts de la proposition de loi devraient permettre aux élus de reprendre le contrôle du développement de leur territoire. J'ai tenté de conserver les dispositions fiscales du texte. Il est cependant apparu difficile de maintenir la mesure relative aux taux réduits de TVA, même si j'y suis favorable à titre personnel, en application des règles européennes. Je propose, en outre, de remonter les seuils applicables à la taxation des terres artificialisées à 500 m2 pour les espaces de stationnement et à 2 500 m2 pour les surfaces commerciales, afin de ne pas défavoriser brutalement l'emploi commerçant. Les auditions ont, en effet, appelé mon attention sur la nécessité de préserver un équilibre entre grandes surfaces et e-commerce, équilibre auquel veille également la proposition de taxation des espaces de stockage reprise de l'amendement voté par notre commission à l'occasion du projet de loi de finances pour 2018. La proposition de loi doit certes s'accompagner des recettes permettant sa mise en oeuvre, mais à la condition qu'elles soient économiquement et juridiquement justes. La taxe sur les livraisons du e-commerce doit ainsi demeurer dans une limite acceptable : un coût de 50 centimes par kilomètre serait déraisonnable et desservirait les territoires ruraux ! Nous préférons en conséquence imposer les espaces de stockage, mais l'idée d'une taxe forfaitaire sur les livraisons mérite d'être étudiée.
Ensemble, je ne doute pas que l'on aboutisse à une proposition de loi pragmatique et efficace !
La réunion est close à 10 h 25.
La réunion est ouverte à 18 h 05.
EXAMEN DES ARTICLES
Nous reprenons l'examen de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Nous en venons à l'examen des amendements sur les articles pour lesquels nous sommes délégués au fond (articles 3, 9, 12, 26 à 31) et ceux pour lesquels nous donnons un avis simple (articles 1er, 2, 4, 8, 10, 25).
Article 1er
L'article 1er prévoit la création d'opérations de sauvegarde économique et de redynamisation (OSER) des centres-villes et centres-bourgs. Cependant, la redynamisation d'un centre-ville ou d'un centre-bourg peut difficilement être entreprise sans une implication de l'échelon intercommunal qui dispose de la compétence économique. Avec l'amendement COM-24, la décision de mener l'opération est prise à la fois par la commune dont fait partie le périmètre prévu et par l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel elle appartient. C'est logique, puisque celle-ci doit autoriser son président à signer la convention avec le maire et le préfet.
L'amendement COM-24 est adopté.
Article 2
L'amendement COM-25 prévoit de supprimer l'intervention de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) dans la mesure où cet établissement changerait d'échelle et de mode d'intervention alors qu'il était doté en 2017 d'un budget de 28 millions d'euros et qu'il disposait de moins de 50 ETP. Il est donc proposé une expérimentation telle que celle qui a été prévue par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi relatif à l'évolution du logement de l'aménagement et du numérique (ELAN).
Effectivement, ce changement d'échelle de l'Epareca pose problème : les moyens dont dispose cet établissement devraient être considérablement augmentés. Mais si ce n'est pas l'Epareca, qui sera l'opérateur ? Quoi qu'il en soit, il est sage de ne pas prévoir qu'il prenne la main.
Avec le même commentaire que mon collègue, je n'arrive pas à la même conclusion, d'autant que notre rapporteur ne propose pas de solution alternative. Une proposition de loi doit montrer son ambition, quitte à laisser ensuite au Gouvernement le soin de dire comment parvenir aux buts fixés. Je ne voterai pas cet amendement.
Je ne suis pas opposé par principe à un autre opérateur, mais quid des moyens ? Je m'abstiendrai sur cet amendement. Ce sujet relève évidemment de la loi de finances.
La réussite de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs repose sur un apport d'ingénierie. Le cabinet de Jacques Mézard n'étant pas opposé à l'intervention de l'Epareca, je souhaite donc son maintien.
Cet article prévoit la création d'une agence, précisément pour apporter de l'ingénierie aux collectivités territoriales. En cas d'investissements spécifiques, des conventions peuvent être signées avec un Epareca redimensionné... Je maintiens l'avis de la commission des finances ; la commission des affaires économiques sera libre, ensuite, d'en décider autrement.
L'amendement COM-25 est adopté.
Article 3
Je vous rappelle le régime actuel pour les taux réduits de TVA : pour le parc privé, le taux à 5,5 % s'applique aux travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation, le taux de 10 % aux travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien auquel le taux de 5,5 % ne s'applique pas. C'est le taux normal de 20 % qui s'applique dans le parc privé si les travaux concourent à la production d'un immeuble neuf, ce qui inclut les réhabilitations lourdes. D'après le ministère, il n'est pas possible d'aller plus loin en raison de la réglementation européenne.
S'agissant du parc social, le taux réduit de TVA s'applique à différents types d'opérations réalisées dans le cadre de la politique sociale du logement, soit pour des opérations locatives sociales, soit pour des opérations d'accession sociale à la propriété.
Ces taux réduits ne peuvent s'appliquer dans le cas prévu à cet article 3 qui vise les immeubles dont 10 % seulement sont des logements sociaux et 25 % des logements intermédiaires. La directive TVA ne prévoit l'application des taux réduits qu'à des logements sociaux ou à des programmes entièrement sociaux.
La Commission européenne a proposé en janvier dernier de laisser plus de liberté aux États pour appliquer les taux réduits aux catégories de leur choix. Il convient d'attendre les conclusions au niveau européen.
S'agissant du Pinel, la commission des finances a approuvé dans la loi de finances pour 2018 le recentrage du dispositif sur les zones tendues A, A bis et B. En séance publique, le Sénat a pourtant voté les amendements qui revenaient partiellement sur ce recentrage, avec un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
L'amendement COM-26 vise donc à supprimer cet article.
Je ne suis pas d'accord. Si l'on veut faire revenir des habitants dans les centres-villes, il faut rénover les logements, détruire des immeubles pour en reconstruire d'autres : même à demande constante, le parc de logements doit évoluer. Je n'étais pas favorable à la position de la commission lors de l'examen de la loi de finances : avec ces notions de zones tendues ou non tendues, on achève de fracturer les territoires.
L'amendement COM-26 est adopté.
Par conséquent, la commission proposera à la commission des affaires économiques de supprimer l'article.
Article 4
L'amendement COM-27 précise que la taxe sur les logements vacants ne sera pas due en cas de vacance « indépendante de la volonté du contribuable », c'est-à-dire par exemple si le logement n'est pas habitable ou si la location n'est pas possible dans des conditions normales de rémunération pour le bailleur.
L'amendement COM-27 est adopté.
Article 9
Cet article qui traite de la modernisation des artisans et commerçants de détail instaure un crédit d'impôt pour les équipements informatiques reposant sur 50 % des dépenses engagées, dans la limite de 30 000 euros : le coût serait de 780 millions par an selon l'étude d'impact.
L'amendement COM-28 réduit ce montant à 5 000 euros, ce qui correspond à une dépense d'investissement de 10 000 euros.
D'après nos interlocuteurs, ces 30 000 euros correspondent à un réel besoin.
Selon une publication de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur le commerce en ligne, les sociétés estiment que le principal frein pour vendre sur le web est le coût élevé des investissements par rapport aux bénéfices attendus. Or, dans un autre article, les auteurs de la proposition de loi veulent taxer ce commerce. C'est totalement contradictoire !
L'amendement COM-28 est adopté.
La commission proposera à la commission affaires économiques d'adopter l'article ainsi modifié.
Article 12
Ces dispositions ont été discutées le 30 mai 2018 par la commission des finances dans le cadre de la proposition de loi visant à moderniser la transmission d'entreprise, dont l'examen en séance publique est prévu le 7 juin. Pour la clarté des débats, l'amendement COM-29 supprime l'article.
Cet article sera satisfait en cas d'adoption de la proposition de loi sur la transmission d'entreprise ?
Absolument.
L'amendement COM-29 est adopté.
Par conséquent, la commission proposera à la commission des affaires économiques de supprimer l'article.
Article 26
L'amendement COM-30 supprime la taxe sur les locaux de stockage : ne resteraient taxées que les surfaces commerciales et de stationnement. Je vous présenterai un autre amendement pour taxer le commerce électronique et les drives, amendement déjà approuvé par notre commission à l'occasion du projet de loi de finances pour 2018.
Outre un problème de définition pour appliquer cette taxe à des locaux qui renferment à la fois des biens destinés au commerce traditionnel et d'autres qui seront commandés par Internet, je relève une difficulté juridique : pourquoi cibler spécifiquement ce type de produits alors que cet article a pour but de lutter contre l'artificialisation ?
L'amendement COM-30 est adopté.
La proposition de loi taxe les places de stationnement « annexées ou non » aux commerces soumis à la taxe. Celle-ci pèserait donc sur des surfaces de stationnement, y compris des petits parkings, annexées à des bureaux ou des établissements industriels non soumis à la taxe ! La rédaction doit donc viser clairement les places de stationnement annexées aux commerces soumis à la taxe, tels que les parkings des hypermarchés. Il convient aussi de relever le seuil afin de ne pas décourager les implantations de commerces de taille moyenne dans les différents quartiers résidentiels. La préservation des centres-villes et centres-bourgs ne doit pas conduire à dévitaliser les autres quartiers qui représentent par définition 96 % au moins de la surface de la commune.
L'amendement COM-31 est adopté.
La commission proposera à la commission affaires économiques d'adopter l'article ainsi modifié.
Article 27
Je l'ai dit, il y a contradiction entre les articles, l'un ouvrant un crédit d'impôt, l'autre créant une taxe (ce que je réprouve par principe) qui pénalisera les mêmes entreprises. D'où mon amendement COM-22 rectifié ter, qui supprime l'article.
Sur le fond, nous sommes d'accord, cette nouvelle taxe n'est pas judicieuse, c'est pourquoi je propose, avec l'amendement COM-32 rectifié, de supprimer l'article et de revenir à la rédaction de l'amendement que nous avions présenté en loi de finances, qui visait à taxer les entrepôts de stockage du commerce électronique et les drives, ne relevant actuellement pas de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom).
La question relève précisément d'une loi de finances, il faut l'écarter ici !
C'est une orientation politique, la question est importante, symbolique. La taxe ne vise pas à pénaliser la nouvelle économie, mais à prendre en compte ses conséquences pour les commerces de centre-ville. Je ne crois pas qu'il faille remettre en cause l'article, même s'il mérite d'être reformulé.
Le dispositif proposé par cet article est inapplicable en l'état, il porte préjudice au monde rural. En outre, lors de la commande, Amazon ne sait pas forcément d'où sera acheminée la marchandise. Si la taxe dépend de la distance, un objet acheté 20 euros pourra supporter 400 euros de frais ! Comment le facturera-t-on au consommateur ? Le système kilométrique est irréaliste. Il faut retravailler la rédaction, supprimer l'article ou proposer une autre mesure.
Ce point doit être discuté avec les professionnels. L'avantage de ma proposition, c'est qu'elle maintient une recette, et taxe les entrepôts et les drives.
Je soutiens la proposition de Philippe Dominati. N'allons pas inciter des firmes comme Amazon à installer ses entrepôts à Barcelone pour la région Aquitaine, en Belgique pour la région du Nord, etc. ! L'idée d'origine était pourtant de restaurer une concurrence loyale entre commerce traditionnel et e-commerce. Songeons au message que nous envoyons ! Il faut taxer le chiffre d'affaires, c'est une évidence : 1% au bas de la facture, ce serait le plus simple.
Les mesures que nous votons doivent être financées : les financements prévus par les auteurs de la proposition ne sont pas réalistes. Je soutiens donc la proposition du rapporteur, car il faut restaurer l'équilibre entre la périphérie et le centre-ville, où les opérations coûtent plus cher, et qui est plus lourdement taxé.
Nous pouvons suivre le rapporteur, car sans recettes, il n'y a plus de proposition de loi !
L'amendement COM-22 rectifié ter n'est pas adopté.
L'amendement COM-32 rectifié est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 27 ainsi modifié.
Article 28
Conséquence de notre rédaction de l'article 27, l'amendement COM-33 supprime l'alinéa concernant les drives, puisque la nouvelle rédaction de l'article 27 les assujettit déjà à une taxation spécifique.
L'amendement COM-33 est adopté. La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 28 ainsi modifié.
Article 29
Il réforme le régime des sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) en ajoutant une condition : que 20 % au moins des investissements annuels de la société profitent à certains territoires, ceux du périmètre OSER, les quartiers prioritaires de la politique de la ville, etc.
Il y a à cette rédaction deux inconvénients, susceptibles de se traduire par une éviction des investissements. Les autres catégories d'organismes de pierre-papier, qui en sont les concurrents, bénéficieraient d'un traitement différencié. Et le caractère international des SIIC n'est pas pris en compte. Or il existe également un régime spécifique chez nos principaux partenaires, ce qui pourrait détourner les capitaux de la France, à rebours des objectifs ayant présidé à la création de ce régime par le Sénat en 2003. Dans certaines zones, l'obligation sera difficile à mettre en oeuvre pour les SIIC qui sont spécialisées sur un créneau, commerces, bureaux, hôtellerie,... Mieux vaut supprimer l'article et procéder si besoin est à une réforme cohérente. C'est pourquoi l'amendement COM-34 supprime l'article.
Mon amendement COM-23 rectifié ter ne supprime pas tout l'article : je ne voulais pas en faire une spécialité ! Mais je me rallie volontiers à l'amendement du rapporteur pour avis.
L'amendement COM-34 est adopté.
L'amendement COM-23 rectifié ter tombe.
La commission proposera à la commission des affaires économiques de supprimer l'article 29.
Article 30
L'amendement COM-35 permet d'éviter la captation de subventions par des entreprises opportunistes qui s'installeraient pendant cinq ans dans une zone de revitalisation rurale (ZRR), puis cinq ans dans un périmètre OSER, et ainsi de suite. Une clause de ce type figure du reste dans chacun de ces dispositifs. Une étude de l'Insee sur les zones franches urbaines, en mars 2012, a souligné qu'une partie des établissements créés en zones franches urbaines (ZFU) disparaissent au bout de cinq ans, c'est à dire à la fin de la période d'exonération totale.
L'amendement COM-35 est adopté.
Cet amendement tend à garantir la compatibilité européenne du régime des zones de redynamisation urbaine. Les régimes d'exonération fiscale tels que celui des zones de revitalisation rurale n'excluent pas l'application du règlement européen de minimis qui fixe un plafond d'aide de 200 000 euros par entreprise sur une période de trois ans, ce qui est de droit.
S'agit-il bien de la même activité ? Une chaîne qui vend un certain type de produits dans une ville ne pourra pas présenter un autre dossier dans une autre ville ?
Le système fonctionne par établissement. Il vaut pour un contribuable bien identifié.
L'amendement COM-36 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 30 ainsi modifié.
Article 31
La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 31 sans modification.
La commission émet un avis favorable sur les articles de la proposition de loi dont elle s'est saisie sous réserve de l'adoption de ses amendements.
La réunion est close à 18 h 40.