Je suis heureuse de vous retrouver à l'occasion de cette rentrée. Je salue notre nouvelle collègue, Sylviane Noël, qui intègre notre commission. En notre nom à tous, je lui souhaite la bienvenue.
Nous sommes réunis pour examiner le rapport conjoint de Michel Raison et Anne-Catherine Loisier sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
En première lecture, j'avais estimé que ce projet de loi ne changerait pas grand-chose pour nos agriculteurs. Or, je dois bien l'admettre, les travaux de nos collègues députés en nouvelle lecture m'ont fait changer d'avis : ce projet de loi va au contraire peser sur les agriculteurs, en particulier son titre II.
Pourtant, la grande qualité des débats, au Sénat, m'avait permis d'espérer mieux, tant par la sérénité de nos échanges sur des sujets habituellement clivants que par l'équilibre du texte qui en avait résulté. Au sortir de notre assemblée, le projet de loi, malgré ses limites, était indéniablement plus favorable aux agriculteurs qu'en y entrant ; nous avions porté la voix de nos agriculteurs et de nos territoires. Si le message fut bien entendu dans nos campagnes, il n'est pas arrivé jusqu'à la rue de Varenne ou au Palais Bourbon et j'ai parfois même cru à une fusion !
L'échec de la commission mixte paritaire (CMP) fut la première illustration de cette surdité de la majorité gouvernementale. Alors que vos rapporteurs tentaient de présenter des compromis sur les quelques lignes rouges restant en discussion, le rapporteur de l'Assemblée nationale, bien aidé par son président de commission, refusait d'entendre la moindre de nos propositions pour centrer les débats sur un nouveau front créé de toute pièce par la majorité : les modalités d'élaboration des indicateurs.
Je rappelle que les deux assemblées avaient adopté le même alinéa, au mot près, au sein de l'article 1er modifié. Dans cette rédaction, les interprofessions devaient avoir un rôle d'élaboration et de diffusion des indicateurs ; à défaut d'accord interprofessionnel, l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) avait la faculté de proposer ou de valider des indicateurs. Dans ces conditions, aucun indicateur non validé par une interprofession ou l'OFPM n'était envisageable, ce qui avait la vertu de ne pas laisser les parties les plus faibles, c'est-à-dire les producteurs, se voir imposer des indicateurs par leurs acheteurs.
J'étais sceptique sur la pertinence de la solution retenue, en particulier parce que le fait de retenir un indicateur de prix de revient affaiblit automatiquement les producteurs et revient à donner de nouvelles armes au distributeur au cours de la négociation commerciale. Les distributeurs ne sont pas forcément le premier acheteur mais ils auraient pu se servir de ces indicateurs pour peser sur les prix. Je craignais - et je n'étais pas le seul - que l'on aille vers un Smic agricole. À mon sens, il aurait été préférable de fixer des indicateurs concernant les principaux postes de charges par produit. C'est d'ailleurs exactement en ce sens que s'est exprimé le président de l'interprofession des fruits et légumes il y a quelques jours.
Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, l'intervention de l'Observatoire avait toutefois le mérite de garantir la fiabilité des indicateurs, ce qui avait convaincu l'ensemble des sénateurs de conserver telle quelle la rédaction de l'alinéa. Mais l'attitude du rapporteur de l'Assemblée nationale en CMP devait en décider autrement : en faisant prévaloir son avis sur le vote de sa propre assemblée, en balayant d'un revers de main l'adoption conforme de cette disposition par les deux chambres, bref, en méconnaissant clairement l'esprit de la navette parlementaire et de nos institutions, il a fait le choix de conditionner tout succès de la CMP à un retour sur ce point. Dès lors, l'échec était inévitable. Par un paradoxe sans doute inédit dans la Vème République, une CMP en venait donc à échouer ... sur un point d'accord !
Après cet épisode fâcheux, la majorité est, sans surprise, revenue sur la rédaction adoptée en première lecture. Bien qu'il ait ensuite été modifié en séance, je ne peux résister à l'envie de vous lire le dispositif retenu au stade de la commission par nos collègues députés : « Les organisations interprofessionnelles peuvent élaborer ou diffuser ces indicateurs, qui peuvent servir d'indicateurs de référence. Elles peuvent, le cas échéant, s'appuyer sur l'OFPM ». Doit-on écrire une loi pour dire aux acteurs qu'ils peuvent ?
Comme d'autres l'ont dit avant moi : « quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup ». Derrière la très faible normativité de la formulation, l'objectif du Gouvernement était en effet très clair : en revenir à son texte initial en écartant l'Observatoire. Cet objectif n'a pas varié en séance publique malgré l'adoption d'un nouveau dispositif consistant à rendre obligatoire l'élaboration d'indicateurs par les interprofessions. Mais là encore, il y a un « loup ». D'une part, la rédaction retenue pose de réels problèmes de compatibilité avec le droit européen. D'autre part, elle ne règle rien. Il y a certes une obligation pour les interprofessions, mais aucune sanction. Le risque est donc toujours le même : sans indicateur interprofessionnel, que feront les producteurs ? Seront-ils contraints d'accepter des indicateurs créés de toutes pièces par des acheteurs ultra-concentrés ? La grande distribution nous a confirmé travailler à l'élaboration de ses propres indicateurs... Avec une telle rédaction, il est à craindre que la loi renforce encore le déséquilibre du rapport de force en faveur de l'aval et au détriment de nos agriculteurs. La seule solution, à défaut d'accord interprofessionnel, est le recours à l'Observatoire. C'est la seule garantie fiable et indépendante pour les producteurs de pouvoir s'appuyer sur des indicateurs pertinents et incontestables.
De manière plus insidieuse, le rapporteur de l'Assemblée a même sévi une seconde fois en revenant sur un autre alinéa conforme. Concernant le rôle du médiateur, un amendement a ainsi instauré une procédure de « nommer ou dénoncer ». Le médiateur pourra rendre publiques ses conclusions aux litiges même sans l'accord des parties. Mais le médiateur n'est pas un juge et la médiation exige une forme de discrétion pour que les parties y recourent ; en supprimant toute la confidentialité requise, il existe un risque que les parties renoncent à la médiation.
Au-delà de ces nouveaux sujets de clivage, la majorité gouvernementale s'est montrée fermée à tout dialogue. Elle n'a repris aucun, ou presque, de nos apports substantiels sur le titre 1er. Le Sénat avait ainsi considéré qu'alors que l'essentiel des négociations se déroulent au sein de centrales d'achat internationales, le fait de renforcer les protections accordées aux producteurs et aux transformateurs dans la loi française était inutile si les mesures du code de commerce n'étaient pas pleinement applicables à ces conventions particulières, de plus en plus fréquentes. C'est pourquoi nous avions adopté un article 10 bis A pour prévoir que les dispositions relatives à la convention unique et aux pratiques restrictives de concurrence prohibées, définies dans le code de commerce, s'appliqueraient aussi aux négociations internationales et aux contrats conclus à l'étranger. Cette mesure de bon sens permettait de lutter efficacement contre le contournement du droit français, qui ne vise qu'à accroître encore la force des distributeurs dans les négociations avec leurs fournisseurs. À l'invitation du Gouvernement, les députés ont pourtant supprimé cette disposition essentielle en nouvelle lecture, au seul motif que le « ministre de l'économie a déjà réussi à obtenir la condamnation d'entreprises étrangères, dès lors que des pratiques illicites avaient été commises en France ». Or, nombre de pratiques très contestables n'ont jamais été sanctionnées par le ministre chargé de l'économie, et il est à craindre qu'elles ne le soient pas plus cette année, alors même que les négociations annuelles s'annoncent particulièrement tendues.
Le Sénat avait également prévu une clause de révision de prix pour les produits les plus exposés à la conjoncture, afin de répondre à un phénomène connu dans l'agroalimentaire : la hausse des cours de la matière première sur les marchés agricoles sans effet sur le prix de vente dans la grande distribution. Le prix de la coquillette est par exemple resté stable depuis dix ans à environ 0,75 euro le kilo alors même que le cours du blé dur, ingrédient représentant près de 60 % des pâtes, augmentait dans le même temps de plus de 50 %. Les industries concernées n'étant plus rentables, elles ont fermé. Le nombre de fabricants de pâtes alimentaires en France est ainsi passé de 200 à 7 en l'espace de cinquante ans. Notre pays est devenu importateur net dans ce secteur, et c'est un drame pour nos territoires et notre industrie.
Or, le dispositif proposé luttait contre ce phénomène en ciblant uniquement les produits composés à plus de 50 % d'un produit agricole sensible à la conjoncture. La clause de renégociation se transformait en clause de révision automatique du prix si le prix du produit agricole dépassait un seuil défini par décret. La hausse du prix de la matière première modifiait ainsi directement le prix de vente du produit fini. Ce mécanisme fonctionnait à la hausse, à des fins de protection des industries agroalimentaires, mais aussi à la baisse une fois que la clause avait été déclenchée. L'article assurait ainsi un équilibre entre la sauvegarde de nos industries et la protection des intérêts des consommateurs.
En nouvelle lecture et sur proposition du rapporteur, certainement conseillé par le Gouvernement, les députés ont rejeté ce mécanisme au motif qu'il risquait de durcir les négociations. Mais à suivre cette logique, il n'aurait pas fallu faire de loi ! Qu'il soit permis de rappeler que, par construction, tout mécanisme de protection des producteurs ou des transformateurs est de nature à durcir les négociations - nous connaissons la grande distribution par coeur. Cette clause était un pari qu'il fallait prendre pour rééquilibrer les relations commerciales. La majorité gouvernementale, qui a sans doute subi quelques pressions, n'a pas osé. Je ne peux que regretter la disparition de cette garantie supplémentaire, et directement effective, attendue par une partie du secteur agroalimentaire.
De même, l'Assemblée nationale a refusé de retenir les dispositifs adoptés au Sénat visant à lutter contre la pratique de pénalités de retard de livraison exorbitantes pratiquées par la grande distribution, pénalisant lourdement les produits sous appellations.
Aucun de ces trois éléments de protection, pourtant essentiels, n'a été retenu à l'Assemblée nationale.
Cette fermeture à toute tentative de compromis s'est enfin illustrée par le rétablissement quasi systématique, à la virgule près, du texte adopté par les députés en première lecture, et ce même sur les articles sans enjeu majeur. Ainsi, toutes les demandes de rapports introduites par l'Assemblée nationale au titre 1er ont été rétablies, à l'exclusion de l'étonnant rapport sur les contournements possibles du projet de loi, qui en disait pourtant long sur la confiance de la majorité en l'efficacité de ce dernier. Le « nouveau monde » nous étonne parfois...
À l'inverse, les députés ont supprimé toutes nos demandes de rapports, à l'exception du rapport sur la mise en place d'une prestation pour services environnementaux.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a rétabli obstinément l'habilitation à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour relever le seuil de revente à perte et encadrer les promotions. Pourtant, le dispositif d'application directe adopté par le Sénat ne s'éloigne que sur des points très ponctuels du projet d'ordonnance que le Gouvernement a soumis à la consultation. De simples compléments apportés au texte du Sénat par les députés auraient permis d'aboutir à un texte applicable bien plus rapidement qu'une ordonnance. J'imagine qu'une partie de la grande distribution a peut-être, là encore, fait pression sur le Gouvernement. Mais pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ?
Au total, le texte adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale apparaît fort peu en ligne avec les ambitions que le Sénat avait entendues lui conférer en juin, et les désaccords sur le titre Ier, encore aggravés par cette nouvelle lecture, sont à la fois nombreux et profonds.
Je signalerai malgré tout la reprise de deux suggestions majeures du Sénat. Sur les coopératives d'abord, les députés ont retenu notre sage proposition, émise lors de la commission mixte paritaire, de restreindre la portée de l'habilitation donnée au Gouvernement pour réformer le cadre coopératif par voie d'ordonnance aux seules mesures annoncées par lui, là où le texte initial revenait à lui signer un chèque en blanc. De même, en cas d'échec de la médiation, les parties aux contrats pourront saisir le juge en la forme des référés, qui tranchera alors le fond du litige dans des délais brefs. C'est une avancée considérable.
Toutefois, et sauf à supposer un improbable changement d'attitude de la majorité sénatoriale, rien n'indique que nous pourrions, par la seule force de nos convictions, faire accepter aux députés d'autres modifications substantielles du texte à l'occasion de cette nouvelle lecture.
Si nous avions pu avoir l'illusion d'une concertation sur ce texte, notamment avec le ministre Travert avec qui les échanges au printemps avaient semblé fructueux, elle s'est évanouie face à la posture de nos collègues députés : c'était le texte de l'Assemblée ou rien. Nous avons même assisté, en CMP, à un revirement sur des points sur lesquels nous étions initialement d'accord. Pourtant, à chaque étape de la discussion parlementaire, nous avons montré notre volonté de conciliation dans l'intérêt des agriculteurs. Or, aucune de nos propositions de compromis ne fut, sinon discutée, ne serait-ce que présentée en commission mixte paritaire... Bref, le débat a tourné court.
L'examen du texte en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale n'a fait que confirmer cette posture et l'inflexibilité de la majorité gouvernementale. Il ne s'agit pas de feindre d'ignorer le caractère inégalitaire du bicamérisme de la Vème République, qui donne le dernier mot à l'Assemblée, ni même l'existence d'un fait majoritaire, qui contraint le vote des députés. Mais il s'avère que cette nouvelle législature, et ce texte en particulier, marquent une dégradation inédite de la considération portée à nos travaux par nos collègues députés, voire même un rejet par principe de nos propositions. Cette attitude paraît d'autant plus injustifiée que le Sénat avait, au contraire, fait preuve d'une grande ouverture en première lecture sur de nombreux sujets : je pense en particulier aux 20 % de produits bio dans la restauration collective publique. De même avions-nous très peu amendé la partie consacrée au bien-être animal, alors que nombre d'entre nous avions dénoncé, à raison, l'injuste stigmatisation dont nos éleveurs étaient l'objet.
Nous étions aussi parvenus à nous accorder pour faire aboutir, au-delà des clivages partisans, plusieurs dispositions substantielles. Ce fut le cas, notamment, de l'interdiction des importations agricoles ne respectant pas les mêmes normes que celles imposées aux produits français, adoptée à la quasi-unanimité au Sénat et conservée par les députés, bien que réduite au seul respect de la réglementation européenne alors que la concurrence déloyale s'exerce aussi au sein de l'Union. De même, l'extension du « droit à l'injection » aux installations de production de biogaz situées hors d'une zone de desserte figure, elle aussi, toujours dans le texte.
Ces deux exemples sont hélas très isolés puisque, sur les 62 articles de la seconde partie du texte transmis par le Sénat, seuls 10 ont été adoptés ou supprimés conformes par l'Assemblée. Le plus souvent, celle-ci a rétabli son texte de première lecture sans tenir compte de nos remarques, voire a profité de la nouvelle lecture pour durcir ses positions ou aborder de nouveaux points, parfois en violation de notre Constitution.
L'étiquetage de l'origine des miels en cas de mélange (article 11 decies) est un bel exemple de rétablissement purement dogmatique : en supprimant l'affichage des pays par ordre d'importance, les députés ont vidé l'article de sa substance. Les consommateurs continueront à être abusés, mais avec l'illusion d'être bien informés.
L'article 11 sur l'approvisionnement de la restauration collective a fait l'objet d'un durcissement inattendu et lourd de conséquences. Malgré la reprise de deux de nos apports - l'incorporation des produits labellisés « régions ultrapériphériques » et la création d'une instance de concertation régionale - les obligations faites aux gestionnaires ont été triplement aggravées : d'abord, en limitant, à compter de 2030, les produits éligibles aux 50 % au titre de leur certification environnementale aux seuls produits certifiés « haute valeur environnementale » ; ensuite, en imposant la forme de l'information délivrée aux usagers - les gestionnaires devront communiquer par voie d'affichage et par voie électronique ;enfin et surtout, en obligeant à proposer, d'ici un an et pour une durée de deux ans avant évaluation, au moins un menu végétarien par semaine dans la restauration scolaire. Je rappelle qu'une telle obligation avait été rejetée en première lecture à l'Assemblée nationale comme au Sénat : nous sommes donc là clairement en présence d'une mesure nouvelle théoriquement irrecevable, car sans relation directe avec une disposition restant en discussion.
L'article 11 ter a aussi été l'occasion d'une surenchère d'obligations faites aux gestionnaires de restauration collective avec l'interdiction de l'utilisation des bouteilles d'eau en plastique en 2020, mais aussi avec l'interdiction généralisée, en 2025 et en 2028 dans les collectivités de moins de 2 000 habitants, de l'utilisation de contenants en matière plastique pour la cuisson, la réchauffe et le service dans la restauration scolaire, universitaire ou pour la petite enfance. Cette interdiction va même beaucoup plus loin que l'expérimentation volontaire prévue par les députés en première lecture. Le tout sans aucune évaluation de la dangerosité des contenants incriminés ou de ceux qui les remplaceront, ni du coût ou de la faisabilité pour les gestionnaires publics. J'aurai aussi l'occasion de revenir sur l'interdiction générale prévue au même article, dès 2020, des ustensiles en plastique les plus divers, non seulement dans la restauration collective mais au-delà.
De façon plus anecdotique, l'article 11 septies A est un autre exemple de mesure nouvelle : tout en maintenant la création d'un nouveau chapitre du code rural consacré à l'« affichage environnemental des denrées alimentaires », les députés lui ont donné pour seul contenu l'obligation de mentionner, d'ici 2023, la provenance du naissain des huîtres. Outre le fait que les denrées alimentaires ne se limitent pas aux huîtres, l'Assemblée n'avait pas discuté d'une telle proposition et le Sénat l'avait rejetée.
Sur le volet sécurité sanitaire, il est aussi regrettable que les députés aient refusé la proposition sénatoriale d'une contre-expertise préalable obligatoire en cas d'autocontrôle positif dans l'environnement de production d'un exploitant alimentaire, issue de nos travaux du début d'année avec la commission des affaires sociales sur l'affaire Lactalis. La rédaction retenue par les députés revient à transférer la responsabilité de la sécurité sanitaire des aliments des exploitants à l'État, contrairement à la logique des textes européens.
J'en viens au sujet le plus symptomatique de l'état d'esprit qui règne au sein du groupe majoritaire de l'Assemblée : le refus de créer le fonds d'indemnisation des victimes professionnelles des produits phytopharmaceutiques, tel qu'il avait été proposé par notre collègue Nicole Bonnefoy et adopté à l'unanimité au Sénat. Le Gouvernement en a demandé la suppression aux députés qui l'ont finalement remplacé, sur proposition de leur rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, par une simple demande de rapport sur la pertinence du fonds, sachant que le dernier rapport sur cette question a été remis en janvier 2018. Avec beaucoup de cynisme, le Gouvernement et les députés du « nouveau monde » ont choisi d'ignorer ce rapport et semblent également oublier que la justice américaine a condamné il y a peu Monsanto à indemniser une victime de ses produits.
Constatant l'incapacité du Gouvernement à fournir la moindre étude d'impact pour détailler les effets de l'interdiction des remises, rabais et ristournes sur l'utilisation des produits phytosanitaires, nous n'avions eu d'autre choix que de supprimer l'article. Trois mois plus tard, l'interdiction est confirmée, sans plus d'information ni d'étude d'impact. Est-ce responsable de légiférer ainsi ?
Quant à la séparation du conseil et de la vente, nous l'avions validée mais en la limitant au conseil stratégique et pluriannuel, à la fois pour en réduire la charge pour les agriculteurs et pour ne pas mettre en péril le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP). Nous n'avions pas retenu la séparation capitalistique des structures, considérant qu'à trop vouloir réformer le conseil, on prenait le risque de ne plus en avoir du tout, alors qu'il est obligatoire.
Aucune de ces objections n'a été entendue par les députés, qui ont rétabli ces deux articles sans même prendre en compte les rédactions de compromis proposées par le Sénat. La traduction pour les agriculteurs ne fait aucun doute : ce sera une hausse directe de leurs charges, et ce dans une loi censée améliorer leurs revenus !
Les députés continuent par ailleurs à opposer deux agricultures, l'une biologique, l'autre conventionnelle, alors que les deux coexistent et sont complémentaires. En réservant l'expérimentation de l'épandage par drones aux seuls produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d'une exploitation certifiée « haute valeur environnementale », l'article 14 sexies fait le choix de ne protéger qu'une catégorie d'agriculteurs. Les autres, bien qu'exerçant sur les mêmes pentes à plus de 30 %, resteront exposés au risque d'un accident grave, sans possibilité de recourir aux nouvelles technologies. Cette posture idéologique, qui ignore les réalités humaines de notre agriculture, sera très préjudiciable pour les acteurs sur le terrain.
Les députés n'ont pas non plus résisté à la tentation de s'ériger en experts scientifiques sur l'interdiction des substances actives ayant des modes d'action identiques aux néonicotinoïdes, en supprimant l'avis préalable de l'Anses sur la question.
En méconnaissant à nouveau la règle de l'entonnoir, nos collègues ont même ajouté une nouvelle mesure qui, bien que longuement discutée en première lecture, n'avait été adoptée par aucune des deux chambres : l'obligation, pour les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation, de signer des chartes d'engagements avec les riverains. À défaut de charte, l'autorité administrative pourra prendre des mesures de restriction ou d'interdiction d'utilisation. Cette mesure coercitive a été prise sans dialogue préalable avec les acteurs de terrain, alors qu'ils sont de plus en plus responsabilisés sur le sujet et que des démarches volontaires existent déjà. Ces chartes seront qui plus est rédigées à l'échelon départemental, qui n'est pas le plus adapté pour prendre en compte les réalités locales.
Enfin, bon nombre de dispositions réintroduites en nouvelle lecture se caractérisent par leur absence totale de normativité, qu'il s'agisse de la possibilité d'expérimenter l'affichage obligatoire des menus dans les cantines gérées par les collectivités (article 11 bis A), de l'information sur les achats alimentaires en ligne (article 11 septies), de l'affichage du pays d'origine sur l'étiquette des vins (article 11 nonies A) ou d'articles purement déclaratoires sur la démarche agroécologique ou l'agriculture de groupe (articles 11 duodecies et 10 quinquies). La loi n'est plus un outil juridique mais un instrument de communication.
Plus grave : les députés ont profité de cette nouvelle lecture pour adopter deux mesures dont l'impact industriel risque d'être dévastateur. Ils ont étendu l'interdiction introduite au Sénat, d'ici à 2020, des pailles et bâtonnets mélangeurs pour boissons à toute une série d'ustensiles en plastique : piques à steak, pots à glace, couvercles à verre jetables mais aussi couverts, plateaux-repas, saladiers ou boîtes. S'il faut bien entendu lutter contre la surconsommation de plastique, les implications d'une telle interdiction, dès 2020, seront considérables, à la fois pour les utilisateurs qui devront revoir toute leur organisation - qu'il s'agisse de la restauration collective et commerciale, de la distribution alimentaire ou de la livraison de repas -, pour les consommateurs qui devront d'une façon ou d'une autre la payer, et pour les industriels qui fabriquent ces produits et qui devront réagir très rapidement. Et que dire des collectivités qui auront à financer, dans le même temps, l'amélioration de la qualité des repas et le renouvellement à marche forcée de tout le matériel de leurs cantines ? Le Congrès des maires risque d'être agité ! Or, aucune évaluation des effets de cette interdiction, pas plus que de l'existence de produits de substitution, n'a été faite. Si la Commission européenne a présenté, en mai dernier, une proposition de directive sur le sujet, elle ne vise l'interdiction, en 2021 au mieux, que de certains de ces produits, excluant en particulier les contenants ou les plateaux-repas.
En outre, les députés ont adopté un article interdisant l'exportation de produits phytopharmaceutiques français s'ils contiennent des substances actives interdites au niveau européen. Si l'on peut concevoir l'aspect très moral de cette décision, le fait qu'elle reviendra à fermer des usines françaises ne peut être ignoré.
Au total, cette seconde partie ajoute à l'hypothétique hausse des revenus attendue du titre Ier une augmentation, elle bien certaine, des charges d'exploitation et des contraintes pesant sur nos agriculteurs. Le refus de reconnaître, dans la loi, le Comité de rénovation des normes agricoles (Corena), comme le Sénat l'avait proposé, est un signal négatif pour la profession. Ce sera un outil de moins pour lutter contre l'inflation des normes agricoles.
La nouvelle lecture à l'Assemblée aura réussi à alourdir les charges pesant sur nos agriculteurs. Un an après le discours du Président de la République et les espérances qu'il avait fait naître, les agriculteurs voient leur horizon s'obscurcir. Le Sénat ne saurait souscrire à un texte qui stigmatise et n'apporte pas les solutions préconisées lors des États généraux de l'alimentation.
Le bilan de cette nouvelle lecture parle de lui-même : les députés ont rétabli in extenso leur texte, sans même prendre connaissance des amendements adoptés dans notre assemblée ou de nos propositions de compromis. Les points de désaccords se sont même aggravés : ils sont désormais trop profonds pour être levés en quelques jours.
Compte tenu de ces éléments, nous vous proposons de déposer, au nom de notre commission, une question préalable qui dénoncera, sur la forme, l'absence de concertation dans la discussion législative mais marquera surtout, sur le fond, notre rejet du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.
Enfin, il me semble essentiel et nécessaire de prolonger cette question préalable par une saisine du Conseil constitutionnel qui permettra, je l'espère, de nettoyer ce texte d'un certain nombre de dispositions manifestement contraires à notre Constitution. Cette démarche permettra aussi de signifier aux acteurs que nous restons vigilants et mobilisés sur le sujet.
Le bonheur de nous retrouver est gâché par ce texte qui nous revient de l'Assemblée. Je remercie d'abord nos deux rapporteurs pour le sens qu'ils ont su donner à nos travaux et pour avoir pris en compte les conclusions des États généraux de l'alimentation. Ce texte ne vient pas de nulle part ! Or, la nouvelle lecture à l'Assemblée est apparue totalement déconnectée de cette réflexion : c'est très grave car cela revient à mentir aux paysans, à notre économie et à nos concitoyens. Nous avons là le cocktail complet des mesures par lesquelles la France finira désarmée, à moyen terme, sur le plan de l'alimentation - et cela arrivera bien plus vite qu'on peut l'imaginer. La ferme France et les industries agroalimentaires seront encore plus concurrencées par les autres pays, qu'ils soient européens ou non, du fait des contraintes et des coûts supplémentaires qui figurent dans cette loi. Le Sénat, à l'inverse et de façon unanime, avait voulu faire respecter les normes françaises par tous les produits vendus en France, ce que l'Assemblée n'a pas eu le courage de maintenir.
Et que dire aux mairies qui proposent des portages de repas à domicile ? Qui va payer pour respecter les nouvelles normes ? Pourrait-on chiffrer les multiples coûts et conséquences de cette loi ? Combien d'emplois perdus ? Combien d'importations supplémentaires ? Je suivrai nos rapporteurs sur leur proposition de dépôt d'une question préalable.
Je suis moi aussi heureux de vous retrouver et de débattre de façon respectueuse. La question préalable me dérange car nous allons nous priver d'un temps de débat qui aurait permis de nous faire entendre par le monde paysan.
Je partage l'analyse de notre rapporteur sur le titre Ier : les agriculteurs ne bénéficieront pas d'une augmentation de leur revenu. Les négociations auraient dû être mieux encadrées car elles sont aujourd'hui déséquilibrées.
Avec mon équipe, nous avons rédigé divers amendements sur le titre II. La question préalable serait une frustration car elle interdirait tout débat, notamment sur le glyphosate. En revanche, je salue l'avancée de l'Assemblée qui a prévu un repas végétarien par semaine dans les cantines, car il est indispensable de diminuer la consommation de viande.
L'amendement sur les huîtres a été voté à l'Assemblée nationale alors que le Gouvernement et la commission y étaient défavorables. Au Sénat, la commission s'en était remise à la sagesse. Je me félicite donc du vote de cette mesure qui n'interviendra cependant qu'en 2023.
J'approuve aussi l'interdiction des rabais et des ristournes et la séparation du conseil de la vente.
Enfin, on ne peut qu'être d'accord avec l'interdiction de l'exportation de pesticides dans les pays tiers : nous n'avons pas le droit moral de vendre dans les pays du sud des produits interdits chez nous !
J'espère donc que la question préalable ne sera pas votée pour que le débat se poursuive, même si je ressens comme vous le mépris dont nous sommes l'objet. J'ajoute que la future révision de la Constitution ne fera que renforcer les pouvoirs de l'exécutif sur le Parlement alors même que lala majorité est d'ores et déjà verrouillée.
À mon tour de féliciter nos rapporteurs. Lors de la première lecture, notre rapporteur espérait pouvoir changer les choses. Je n'y croyais pas et, hélas, la suite m'a donné raison. La première lecture avait déjà servi de défouloir aux députés de la majorité, sur le plan des contraintes, et ressemblait davantage à une discussion de comptoir qu'à une vraie réflexion pour améliorer le revenu des agriculteurs. La nouvelle lecture ajoute encore des contraintes à une profession qui criait pourtant son désarroi déjà bien longtemps avant les États généraux de l'alimentation et disait son ras-le-bol de travailler plus de soixante-dix heures par semaine sans en récolter les fruits, d'être sans cesse montrés du doigt, traités de pollueurs ou de profiteurs des aides de l'Europe, sans être capables d'évoluer vers un nouveau modèle.
Cette loi accentue les paradoxes dont le nouveau monde de la macronie est coutumier : je pense au déséquilibre de puissance entre les 12 000 fournisseurs et les cinq ou six centrales d'achat qui permet à la grande distribution d'avoir la mainmise totale sur les produits qu'elle vend. Or, la loi en rajoute en refusant le plafonnement des pénalités de retard, ce qui permettra à des pratiques, sinon maffieuses, du moins très irrespectueuses des fournisseurs, de perdurer.
Autre paradoxe : ce texte impose de nouvelles contraintes à nos agriculteurs alors que nos marchés s'ouvrent toujours davantage à une concurrence qui ne respecte ni nos normes, ni nos méthodes de production.
Le ministre d'État, ministre de l'écologie et, si j'ose dire, ministre par intérim de l'agriculture sur ce texte a largement contribué à ce défouloir des contraintes environnementales. Dans cette écologie punitive, on ne cesse de donner des leçons à tout le monde, sans parfois d'ailleurs se les appliquer à soi-même. Mais croyez-vous qu'à vouloir rendre notre pays soi-disant plus vertueux, nos voisins vont suivre notre exemple ? Arrêtons de nier les réalités économiques.
La CMP à laquelle j'ai participé a été un condensé de l'état d'esprit de la macronie : des certitudes, des obstinations et une absence totale d'écoute. Après la grande illusion, la réalité apparaît : le nouveau monde ne comprend rien aux réalités économiques ni aux évolutions du monde : quand demain notre terre comptera 9 milliards d'habitants, la France devra acheter de quoi se nourrir à l'étranger, car son agriculture aura disparu sous le poids de toutes ces contraintes.
Au nom de mon groupe, je tiens à remercier nos rapporteurs pour leur travail.
La nouvelle lecture à l'Assemblée a été à l'image de ce qui s'est passé en CMP : aucune discussion n'a été possible malgré les propositions constructives du Sénat au bénéfice des agriculteurs et des consommateurs. Comme si les bonnes idées ne pouvaient qu'émaner du Gouvernement ou de la majorité de l'Assemblée. Comme s'il fallait démontrer que la Chambre haute est inutile, voire gênante, faisant écho aux déclarations venant parfois du plus haut niveau pour stigmatiser le Sénat - je pense en particulier à une actualité qui fait la une des médias aujourd'hui même. Cette réalité nous incline à comprendre le dépôt de cette question préalable, de même que le fond du texte adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Que restera-t-il des États généraux de l'alimentation qui étaient une très bonne idée ? Une loi qui ne règle rien pour les agriculteurs et des plans de filières davantage tournés vers la transformation et l'aval que vers la production. Avec ce texte, nous sommes passés à côté de l'essentiel : la définition de la juste valeur dont doivent bénéficier les producteurs. En outre, le fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques ne sera pas créé et la traçabilité des produits restera insuffisante. Les règles de la relation entre la coopérative et les associés coopérateurs sont toujours renvoyées à des ordonnances même si certaines garanties ont été accordées, de même que la réforme des seuils de revente à perte et la séparation capitalistique de la vente et du conseil.
En première lecture, 15 de nos 140 amendements ont été adoptés par le Sénat. La plupart d'entre eux ont été supprimés par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Ainsi, le Gouvernement ne veut pas reconsidérer la situation dramatique des éleveurs qui sortent des zones défavorisées et perdent l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), alors que celle-ci représentait l'essentiel de leurs revenus. C'est un véritable déni de réalité.
De même, le Gouvernement avait refusé la publication d'un rapport sur la définition et la mise en oeuvre d'une prestation pour service environnemental. Contre son avis, cet amendement a finalement été maintenu dans le texte.
Au bout du compte, il y a pour nous davantage d'arguments qui plaident pour le dépôt d'une question préalable que contre.
Prévue à l'article 44 de notre Règlement, la question préalable se justifie si le texte est inopportun. Tel est bien le cas s'il est question de son contenu puisque la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ne répond pas aux objectifs et aux enjeux initiaux : juste répartition de la valeur, amélioration de la qualité et de la sécurité l'alimentation. En revanche, il est toujours utile que la discussion d'un texte se poursuive, quand bien même il se révèle très décevant et que le rapport de force démocratique et institutionnel nous est très défavorable. C'est pourquoi nous réservons notre vote à la séance de mardi prochain : notre réflexion pourra ainsi se poursuivre.
À mon tour, je salue le travail des rapporteurs.
En première lecture, notre groupe a exprimé des désaccords avec le texte issu de l'Assemblée nationale, mais aussi avec certaines positions du Sénat, bien que nos débats aient été riches et respectueux des convictions de chacun.
Il nous semble fondamental de travailler sur la question du prix et sur les relations entre les agriculteurs, la grande distribution et l'industrie agroalimentaire. Nos agriculteurs doivent pouvoir vivre décemment de leur travail et continuer d'entretenir les terres, un enjeu déterminant pour l'aménagement de nos territoires.
Nous en sommes convaincus, c'est en déterminant un juste prix pour l'agriculteur et pour le consommateur que nous progresserons dans notre pays sur la qualité alimentaire, qu'elle soit gustative ou nutritionnelle. Malheureusement, une grande partie de notre population n'a pas aujourd'hui les moyens de satisfaire ses exigences en la matière.
La qualité alimentaire dépend également d'un certain nombre de mesures de protection environnementale. Nous attendons sur ce point d'éventuelles annonces du Gouvernement après le changement de ministre chargé de l'environnement.
S'agissant de la motion tendant à opposer la question préalable, les rapports de force sont connus et la Constitution donne le dernier mot aux députés. Il n'y a pas de volonté de gagner ou de perdre du temps : les enjeux de société soulevés par ce texte concernant tout un chacun, ils reviendront nécessairement en discussion.
Aujourd'hui, combattre la réforme de la Constitution, annoncée avec fracas pour être finalement repoussée - on verra si elle arrive au Sénat à Pâques ou à la Trinité ! -, c'est aussi une volonté de faire respecter le travail des sénateurs.
En l'état, nous nous abstiendrons sur cette motion. Il est temps pour les députés de l'apprendre : le bicamérisme est une réalité dans notre pays, et ils ne peuvent pas ainsi le mépriser.
Le bicamérisme est une réalité, et l'actualité montre que c'est une chance pour la démocratie de disposer de contre-pouvoirs.
Le texte issu de l'Assemblée nationale en première lecture était pour le moins perfectible et nous l'avons amendé dans un esprit de dialogue et de construction collective.
Le texte qui nous revient aujourd'hui est assez décevant.
Nous avions comblé quelques lacunes du titre Ier, notamment en renforçant la capacité des agriculteurs à peser dans les négociations pour rééquilibrer les rapports économiques et commerciaux. Ces apports ont été fortement dénaturés et fragilisés par les députés.
Nous ne pouvons que regretter l'échec de la CMP. Les sénateurs présents souhaitaient pourtant trouver un compromis et avaient avancé des propositions très concrètes, notamment sur le titre II.
Certains éléments favorables ont été maintenus dans ce titre II mais il contient aussi des mesures excessives et des dispositions qui, si elles s'apparentent à des gadgets, n'en auront pas moins des conséquences économiques sensibles - je pense notamment aux dispositions portant sur les contenants pour la restauration collective.
Européen convaincu, je suis favorable à une politique agricole européenne entièrement intégrée et je déplore les mesures franco-françaises contenues dans cette loi. L'agriculture française est passée du premier au quatrième rang mondial. Il est temps d'interrompre cette spirale de déclassement et de restaurer la compétitivité de notre agriculture et la lisibilité de nos politiques agricoles.
Enfin, s'agissant de la question préalable, le groupe du RDSE n'est jamais favorable au dépôt d'une telle motion, préférant aller au terme du débat parlementaire. J'en comprends certes les raisons, mais je regrette que nous ne puissions pas réaffirmer collectivement nos positions la semaine prochaine.
Je remercie à mon tour les rapporteurs pour le travail considérable qu'ils ont accompli, et je regrette que celui-ci n'ait pas davantage été pris en considération par les députés.
Certains apports du Sénat constituaient pourtant selon moi de bons points de compromis, conformes à l'intérêt général.
Le bicamérisme doit servir à construire, par étapes successives et dans l'échange des points de vue, une voie de compromis nourrie de la diversité des territoires.
Nous soutenons la motion tendant à opposer la question préalable. Ce n'est pas une façon de se dessaisir, car nombre de sujets importants pourront être questionnés de nouveau à travers la saisine du Conseil constitutionnel.
Nous espérons toutefois que dans les textes et les CMP à venir, la voix du compromis, de la sagesse et de l'écoute des territoires ne sera pas oubliée !
La CMP sur le projet de loi ELAN, qui se tiendra cet après-midi, devrait se dérouler dans un climat différent et plus conforme à vos souhaits je l'espère.
Par ailleurs, j'accueille favorablement la proposition de Daniel Gremillet visant à suivre les effets de la future loi et j'encourage certains d'entre vous à constituer un groupe de travail à cette fin au sein de notre commission.
Je partage les interrogations de Franck Montaugé : face à cette situation difficile, il n'y a pas forcément de bonne décision.
Nous avons prouvé notre volonté de dialogue, mais n'avons pas été écoutés. Il serait sans doute plus satisfaisant sur le plan intellectuel de revenir sur ces sujets, mais l'issue est d'ores et déjà connue.
Notre devoir d'élus est aussi de faire avancer les sujets. Or, de plus en plus de CMP n'aboutissent pas ; ce n'est pas acceptable et c'est le message fort que nous devons adresser à nos collègues députés.
Je souhaite que le Conseil constitutionnel soit saisi, car certains sujets posent question, notamment ceux qui n'avaient pas été évoqués en première lecture, qu'il s'agisse des menus végétariens ou des zones de non traitement, ou, sur le fond, des restrictions faites à l'utilisation des drones pour l'épandage aérien, qui porte atteinte au principe d'égalité, ou de l'interdiction de fabriquer certains produits pour l'export. Sur ce dernier point, on peut avoir des positions morales différentes mais il existe un précédent, sur le bisphénol A, sur lequel le Constitutionnel a statué.
Avec cette question préalable, il ne s'agit pas de se dessaisir de ces dossiers mais bien de taper du poing sur la table pour que l'on reprenne le chemin d'un travail constructif entre les deux assemblées.
Nous sommes bien évidemment tous très frustrés au regard du travail accompli durant ces derniers mois. Toutefois, plutôt que de renouveler un exercice inutile, nous essayons une autre option pour être entendus.
Enfin, il me semble en effet de notre responsabilité de créer un groupe de travail pour mesurer l'impact des dispositions contenues dans ce texte.
Sur le fond, ce projet de loi sera inefficace sur les prix. En outre, il n'aborde jamais la question du revenu agricole, qui n'est pas fait que de prix mais résulte de charges et de produits. À aucun moment nous n'avons parlé des charges, ni de la complexité qui les accompagne. Quant aux produits, la PAC en constitue un élément important depuis l'après-guerre. Or, celle-ci n'est plus adaptée à l'économie actuelle et aux variations brutales de prix. Je vous renvoie notamment, mes chers collègues, au rapport sur la réforme de la PAC, dont Daniel Gremillet est l'un des coauteurs.
Je veux souligner aussi les incohérences du texte adopté par l'Assemblée nationale. Je m'interroge notamment sur le soutien apporté à la grande distribution. Autre exemple : nous avions travaillé sur la question du miel, en exigeant que les différents pays d'origine soient mentionnés dans l'ordre d'importance, sans quoi le consommateur achetant un pot qui ne contiendrait que 2 % de miel français serait trompé. L'Assemblée nationale est revenue sur cette disposition, et l'on sait pourquoi. Les lobbys doivent être écoutés, certes, mais il ne faut pas les suivre bêtement. Nous devons savoir trancher dans le sens de l'intérêt général.
Sur la question préalable, nous avons des désaccords profonds, de fond et de méthode, avec l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une façon de se défausser, mais au contraire l'affirmation d'une position forte. Notre rôle est aussi de suivre l'application des lois et d'en voir les conséquences, positives ou négatives. C'est ce que nous ferons sur cette loi.
Enfin, s'agissant de la saisine du Conseil constitutionnel, je me contenterai de citer un exemple : croyez-vous qu'il soit constitutionnel d'autoriser une catégorie de Français à utiliser des drones pour leur sécurité, et pas les autres placés pourtant dans la même situation ?
La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.
En conséquence, l'ensemble des amendements devient sans objet et le projet de loi n'est pas adopté.
La réunion est close à 11 heures.