Le BRGM évolue sous la tutelle principale du ministère de la recherche qui abonde son budget annuel de 50 millions d'euros, mais également sous celle des ministères de l'écologie, avec une subvention de 30 millions d'euros, et de l'industrie. Pour équilibrer son budget, le BRGM passe des conventions de services. Dans l'enveloppe de 50 millions d'euros du ministère de la recherche, 16 sont consacrés à l'appui aux politiques publiques.
Le BRGM est implanté dans toutes les régions, y compris outre-mer. Environ 200 personnes sont employées par les directions régionales et certaines d'entre elles, comme celle de Guadeloupe dont l'effectif est le double de celui de l'Île-de-France, sont particulièrement étoffées.
Notre délégation est heureuse de venir jusqu'à vous aujourd'hui pour l'instruction de son étude sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer qui comprendra deux volets annuels, le premier sur la prévention et la gestion de crise, le second sur la reconstruction et l'organisation de la résilience des territoires, ce qui explique que nous ayons désigné un rapporteur coordonnateur en la personne de Guillaume Arnell, sénateur de Saint-Martin. Sur le premier volet dont nous traitons aujourd'hui, les deux rapporteurs sont Mathieu Darnaud, sénateur de l'Ardèche, et Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe.
Parmi tous les organismes de recherche présents outre-mer, le BRGM est sans doute celui qui a le réseau le plus dense. Le centre scientifique et technique de Toulouse regroupe quelque 700 personnes tandis qu'environ 200 évoluent en région. Le BRGM travaille sur les risques mais également mène une réflexion sur la ressource en eau et des travaux sur les géosciences, de la recherche à la diffusion des connaissances recueillies. La direction des actions territoriales (DAT) vient en appui aux collectivités territoriales, aux services déconcentrés de l'État parmi lesquels les académies, et fait le lien entre les universités et les secteurs d'application industriels qui ont des besoins de connaissance des milieux. C'est un métier d'expertise et nous disposons de 5 à 600 ingénieurs-chercheurs pour nourrir la recherche scientifique qui elle-même permet l'expertise. La DAT mène environ 800 projets régionalisés.
Concernant l'organisation de la DAT, j'ai auprès de moi quatre adjoints, dont deux en charge des outre-mer et du sud-est et deux autres en charge du centre-nord-est et de l'ouest. Il y a 18 représentations dans les territoires (13 en France métropolitaine, 5 dans les DROM) et 2 antennes en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. 45 personnes travaillent sur les risques dans notre direction (14 équivalents temps plein (ETP) ingénieurs en outre-mer et une trentaine en métropole), la géologie restant notre coeur de métier. Les risques recouvrent l'activité sismique, les mouvements de terrain et le volcanisme. Nous entretenons des liens forts avec de nombreux autres organismes de recherche fondamentale ou appliquée, tels que l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), l'Institut de recherche pour le développement (IRD), l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), l'Office national des forêts (ONF), Météo France, les universités... Nous faisons le lien entre les entités académiques et les acteurs publics ou privés.
Si nous avons 14 ETP en outre-mer sur le terrain, les effectifs d'Orléans viennent les épauler en tant que de besoin, pour des simulations de submersion marine, par exemple. Le BRGM est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et donc son activité de développement des connaissances est directement mise au service des politiques publiques ; il y a là un engrenage vertueux entre l'activité de recherche et l'activité d'expertise et d'appui aux politiques publiques.
Ma direction vient en appui à l'activité de recherche-développement mais élabore également les documents méthodologiques pour les applications opérationnelles sur les territoires. Notre champ de compétence est vaste puisqu'il va de la connaissance et de la compréhension des phénomènes jusqu'à l'évaluation de la vulnérabilité des ouvrages dans un contexte de dérèglements climatiques. On peut distinguer quatre grands domaines :
- les risques côtiers dans un contexte de changement climatique. Pour comprendre les phénomènes cycloniques, de vague ou de courant, de marée ou d'érosion, nous développons des méthodes et des outils de simulation numérique. Ces outils ont une portée pédagogique majeure et permettent de mesurer l'impact de phénomènes comme les tsunamis.
Le risque de submersion peut être lié à une dépression atmosphérique qui génère une élévation du niveau marin, ou à la houle et aux phénomènes dynamiques. Ces phénomènes ont des effets d'érosion et d'accrétion sur le littoral et le BRGM en dresse une cartographie utilisée pour l'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRN) et l'aménagement du territoire. Nous soulignons le rôle protecteur de la mangrove ;
- les mouvements gravitaires ou mouvements de terrain. Notre mission se base sur l'observation, la caractérisation, la cartographie : le BRGM entretient ainsi des bases de données publiques, pour le compte du ministère de la transition écologique et son portail d'information JORIS. Ces bases de données sont une source d'informations précieuse pour tous les acteurs et aménageurs. L'observation passe par la compréhension et l'instrumentation à des fins de connaissance, de prévention et d'alerte. Là encore, les simulations jouent un rôle essentiel. On utilise des technologies d'imagerie et nous disposons d'une équipe spécialisée en géophysique et télédétection ; ces instruments sont également utilisés pour la connaissance des ressources du sous-sol, notamment la ressource en eau ou le potentiel géothermique ;
- les risques sismique et volcanique. Le BRGM étudie l'origine des phénomènes par une approche historique et réalise des simulations sur la propagation des ondes sismiques, de même que l'impact sur les infrastructures en fonction de la structure des sols qui génère parfois des phénomènes d'amplification ou d'accélération, comme par exemple à Pointe-à-Pitre sur les parties remblayées situées entre les mornes. Il y a de véritables difficultés pour le renforcement des ouvrages. Le BRGM mène en outre une action à l'international, notamment dans la Caraïbe, où depuis 2011 il est très actif à Haïti où il a réalisé des cartographies financées par la Banque mondiale ; pendant Irma, les informations ont été diffusées en direction d'Haïti ;
- le développement d'outils pour la gestion de crise. Le BRGM contribue, aux côtés du ministère de l'intérieur et de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), à écrire des scénarios de crise, notamment sismique. En mai 2017, un exercice grandeur nature associant des partenaires européens a été mis en oeuvre dans la Caraïbe.
Les outre-mer présentent des caractéristiques communes même s'il y a d'importantes différences entre eux. Ce sont des territoires insulaires, y compris la Guyane si l'on considère que la population est essentiellement concentrée sur le littoral isolé par un océan de forêt. Dotés d'un climat humide avec de fortes précipitations et des cyclones tropicaux, d'un relief escarpé et d'une géologie instable, des volcans actifs, des torrents qui drainent, les territoires ont une forte exposition aux effets de la mer liés au changement climatique. Ce sont des territoires contraints par de nombreux phénomènes naturels dont les effets se cumulent sur des territoires, à l'exception de la Guyane, d'une superficie exiguë. Les milieux construits se caractérisent par de fortes densités démographiques, par un fort mitage des espaces, une importante littoralité, un habitat précaire très présent et particulièrement vulnérable. Sur les territoires s'exacerbent les conflits d'usage avec le choc entre besoins d'équipement et de développement de l'activité économique et préservation de milieux d'une grande richesse environnementale. Les cadres culturels et institutionnels sont très divers et différents des réalités de l'hexagone. Cependant, face à ces contraintes multiples et cette grande diversité de situations, l'approche normative reste insuffisamment différenciée et donc souvent inadaptée.
Notre choix a été de mener une mission d'information plutôt qu'une commission d'enquête souhaitée par certains sur la façon dont s'était déroulée la gestion de crise lors du cyclone Irma. Nous rejetons l'attitude consistant à porter un doigt accusateur mais notre approche a vocation à dresser un panorama exhaustif de la situation des outre-mer face aux risques naturels et d'évaluer sans concession les dispositifs existants. Nous avons soif de connaissances, raison pour laquelle nous enquêtons auprès des experts, et nous voulons également être des relais d'information envers nos populations qui pourront ainsi mieux accepter certaines contraintes dictées par l'impératif de sécurité.
Le territoire de Mayotte, y compris dans les collines, comporte de nombreuses zones interdites à la construction, ce que la population a des difficultés à admettre, d'autant que la superficie globale est seulement de 374 km2. Compte tenu de la forte croissance démographique, les installations sauvages sont donc extrêmement fréquentes.
Vous avez fait état de l'intérêt que présente la coopération régionale. Êtes-vous en relation avec des organismes internationaux ? Êtes-vous sollicités par les organismes professionnels, comme les acteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP) ?
Pour les relations avec les grands opérateurs internationaux, dans le cas d'Irma nous avons sourcé tous nos travaux à partir des données publiées par nos collègues américains puisque, selon l'organisation météorologique mondiale, ce sont eux qui sont chargés de fournir les éléments scientifiques et techniques pour la zone Caraïbe. Nous menons des coopérations : nous avons échangé des modèles cycloniques de recherche - alors que Météo France travaille sur des modèles opérationnels - avec nos collègues de Porto-Rico.
Le BRGM gère de nombreux projets aux termes de conventions et de commandes qui lui sont passées ; il entretient ainsi d'importantes relations avec des organismes étrangers sans que celles-ci aient une dimension institutionnelle.
Dans le cadre des Nations Unies, des conférences sont régulièrement organisées et il y a un groupe « sciences et technologies » aux travaux duquel nous participons. Au niveau européen, il y a également une démarche de mise en commun des connaissances en matière de gestion des risques.
Le BRGM contribue auprès du ministère de l'écologie à la réflexion sur l'évolution des normes et l'adaptation de notre réglementation et sur le terrain, notamment aux Antilles, il a un rôle d'accompagnement de la population dans le domaine de la construction car l'habitat individuel y est prédominant et le secteur artisanal et l'auto-construction très présents. Il sensibilise au risque sismique.
De mon expérience en Guadeloupe où j'ai été en poste jusqu'en 2015, je puis témoigner que certains ingénieurs venus de l'extérieur n'ont pas une conscience et une connaissance suffisantes des réalités locales.
La délégation a réalisé une étude qui a été très appréciée sur la question de la nécessaire adaptation des normes dans le BTP. Quelle est votre implication et votre poids dans le processus décisionnel relatif à l'aménagement des territoires, notamment pour les zones littorales ?
Nous tenons une place importante mais nous reviendrons sur ce sujet cet après-midi.
Ce sont les territoires des Antilles qui sont les plus exposés au risque sismique. Le zonage réglementaire national distingue 5 zones de sismicité.
Pour définir l'aléa, on cherche à caractériser une probabilité d'occurrences. On distingue la partie régionale de l'aléa : elle est définie par les caractéristiques d'une vibration sismique sur un terrain de référence qui est un terrain rocheux. Mais dans la réalité, localement, la géologie est complexe de même que la topographie. Or, nous devons traiter l'aléa local en examinant, localement, comment les caractéristiques géologiques et topographiques sont susceptibles de majorer le risque : c'est le micro-zonage sismique sur lequel le BRGM travaille depuis une vingtaine d'années. Le plan séisme Antilles, à partir de 2007, a donné un coup d'accélérateur si bien qu'actuellement près de la moitié des communes des Antilles bénéficie de ce micro-zonage, ce qui représente 75 % de la population. Ces études ont également été réalisées pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Pour chaque effet direct ou indirect d'un séisme est fournie une carte d'exposition.
Dans le cadre du volet actuel du plan séisme Antilles, l'État a souhaité que les résultats de ces études scientifiques puissent bénéficier à l'information de la population en étant transposés dans les plans de prévention des risques. Le BRGM a ainsi élaboré des plans de prévention du risque sismique (PPRS) sur 4 communes pilotes, 2 en Guadeloupe et 2 en Martinique. Ces documents permettent de poser des règles adaptées aux enjeux locaux.
On connaît les épisodes majeurs qui ont jalonné l'histoire de l'arc antillais, les deux derniers grands séismes datant de 1839 pour la Martinique et 1843 pour la Guadeloupe. Un centre des données sismiques pour les Antilles (CDSA) a vu le jour au début des années 2000 et, plus récemment, le CDSA2 collecte les données recueillies par les différents organismes que sont le BRGM, les observatoires de l'IPGP ou l'université des Antilles pour les diffuser sous la forme d'un catalogue unique sur un site internet public (seismes-antilles.fr). Ces travaux ont nécessité de travailler en étroite collaboration avec les autres îles des Antilles. Les observatoires ont comme compétence propre la surveillance opérationnelle en temps réel de l'activité volcanique et sismique et ils interviennent en recherche fondamentale sur la connaissance des phénomènes. Des travaux très récents ont ainsi été élaborés sur les plans de subduction. Le BRGM exploite ces données et valorise ces connaissances pour en déduire une information préventive à l'adresse des collectivités. Ainsi cela a-t-il été réalisé pour la ville de Fort-de-France soumise au risque de liquéfaction. Il convient d'identifier les sources, les origines des tremblements de terre, de caractériser les mouvements engendrés, d'examiner comment la nature des sols et la topographie vont recevoir ces mouvements et en déduire quelles mesures peuvent améliorer la prévention.
Le BRGM souhaite continuer à travailler sur les zones le plus fortement exposées au risque sismique et à étudier les structures de failles, remettre à jour les cartes réglementaires en affinant la connaissance car actuellement l'ensemble des îles des Antilles est caractérisé par la même valeur de risque. En outre, il faudrait une meilleure caractérisation des signaux sismiques et de leurs incidences locales, notamment sur le bâti, ce qui nécessite d'effectuer des simulations en trois dimensions de propagation des ondes dans les bassins sédimentaires et sur les couches superficielles de latérites qui ne constituent pas des unités géologiques homogènes. Améliorer la connaissance de l'aléa sismique permet de progresser dans les normes de prévention.
Concernant Mayotte, la réglementation nationale classe ce territoire en zone de sismicité 3. Le BRGM est seul à effectuer une surveillance sismologique sur Mayotte où un séisme est ressenti tous les deux à trois ans. Pour la surveillance, on s'appuie sur les autres réseaux régionaux, notamment celui de Madagascar.
Notre étude de l'année dernière sur les normes applicables au secteur du BTP dans les outre-mer nous a conduits à constater que le classement en zone de sismicité supérieure était parfois perçu comme trop contraignant et inadapté, comme sur l'île de La Réunion où nos interlocuteurs considéraient que le risque était surestimé avec un classement en zone de sismicité 2.
Le classement en zone 2 n'impose de norme contraignante que pour les bâtiments recevant du public comme les bâtiments scolaires. Par ailleurs, Mayotte pâtit d'un défaut de connaissance.
Le séisme de 2007 en Martinique a conduit à mettre aux normes de nombreux bâtiments. Pour une prévention efficace qui consiste à réduire le risque, il faut connaître l'aléa et les enjeux. La première phase, de 2007 à 2013 du plan séisme Antilles avait pour but d'améliorer la connaissance et 2,4 millions d'euros ont été investis.
La deuxième phase vise à accélérer les travaux engagés en impliquant au maximum les collectivités. Le BRGM mène différentes actions. Tout d'abord, il simule les dommages que pourrait produire un séisme tel que celui de 1843 en Guadeloupe : on a évalué à 24 000 le nombre de logements qui seraient très abîmés et à 15 000 ceux impactés sérieusement. On établit des cartes d'impact. En 2007, un diagnostic d'impact sur les établissements scolaires a été réalisé en collaboration avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) pour établir comment améliorer leur résistance et proposer des stratégies globales afin de hiérarchiser les priorités. 436 établissements ont ainsi été examinés en Martinique et en Guadeloupe. Nous avons mis au point un outil d'aide à la décision pour définir les actions à mener en fonction des objectifs arrêtés et de leur niveau d'exigence en termes de résistance aux séismes. L'assistance aux services de l'État, notamment les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), concerne également la définition des mesures prescrites par les PPRS pour réduire la vulnérabilité des constructions, neuves ou existantes : par exemple, quelle forme d'urbanisme privilégier face au risque de liquéfaction ? Un groupe de travail spécifique a été créé pour les maisons individuelles qui constituent le mode d'habitat le plus prisé des Antillais. Sur Mayotte, le BRGM travaille à l'élaboration d'un document de sensibilisation de la population au risque sismique et à un recueil d'instructions à destination des artisans. Beaucoup de travail reste à accomplir en ce qui concerne le bâti courant, les réseaux d'eau ou électriques et tout ce qui peut contribuer à la résilience des territoires. Le coût estimé pour les travaux de la phase 2 du plan séisme Antilles, sur 2016-2020, est de 5 à 6 millions d'euros.
La première étude du BRGM sur le risque sismique date du milieu des années 1980. Les années 1990 ont permis d'approfondir les connaissances, dans le cadre favorable de la décennie internationale pour la prévention des catastrophes naturelles décrétée par l'Organisation des Nations Unies (ONU). Une action forte de la France a été de déclencher le programme GEMITIS (1993-2000) qui, pour la première fois, a étudié les conséquences d'un séisme majeur sur une grande agglomération. Les agglomérations choisies ont été Fort-de-France, Pointe-à-Pitre et Nice. Dans les années 2000, plusieurs séismes importants se sont produits dans la zone : 2001 au Salvador, 2004 aux Saintes et 2007 dans le nord de la Martinique et en Guadeloupe. Ces événements ont été des accélérateurs de décision pour l'adoption du plan séisme. Aujourd'hui, les politiques publiques sont davantage tournées vers la réduction du risque à travers la réduction de la vulnérabilité du bâti notamment. Le drame haïtien a conduit à la mise en place d'un schéma départemental des risques. Il faut que la reconstruction aujourd'hui en cours à Saint-Martin prenne bien en compte le risque sismique. Nous sommes en capacité d'appréhender et de caractériser la vulnérabilité d'objets complexes tels qu'une entité ou une zone telle que la zone de de Jarry soumise à un cumul d'aléas (séisme et tsunami).
Le guide en cours d'élaboration à usage des professionnels du bâtiment sera-t-il effectivement publié en mai ? Il semble que sa mise au point soit laborieuse. Un contrôle de sa mise en oeuvre effective est-il prévu ?
Pour les bâtiments neufs, la réglementation a changé en 2010 (eurocode 8) et il existe un guide à l'attention des constructeurs de maisons individuelles entre les mains du ministère depuis plusieurs années. Ce guide est différent de celui auquel il était fait allusion, en cours d'élaboration depuis l'an passé pour renforcer la résistance des maisons existantes, l'essentiel du bâti aux Antilles. Les réparations nécessitées par un cyclone comme Irma peuvent être l'occasion de réduire la vulnérabilité des constructions. Ce guide, dont l'élaboration associe les professionnels du bâtiment, devrait être disponible en fin d'année prochaine. Actuellement, il n'existe pas de règlementation qui impose de renforcer les bâtiments existants.
La définition et la mise en oeuvre des normes posent la question de la répartition des compétences entre l'État et les collectivités, qui varie selon les territoires. Si la sécurité est une compétence régalienne, l'urbanisme relève parfois de la collectivité. Mais, pour certaines compétences, la frontière est parfois floue. Pour la reconstruction post-Irma, nous ne pouvons pas attendre la parution de nouvelles normes prenant en compte la force de ce cataclysme.
Le BRGM ne fait pas les normes ; il répond à une commande du ministère qui ensuite exploite les travaux menés pour élaborer ou modifier les normes.
Pour le déploiement du micro-zonage, y a-t-il une planification dans les territoires ?
Depuis 2 ou 3 ans le processus est à l'arrêt ; il n'y a pas eu de nouvelle commande.
La raison de l'arrêt du micro-zonage n'est pas tant financière que stratégique car l'État avait passé ces commandes il y a 5 ans sans savoir comment ensuite intégrer les préconisations correspondantes dans les documents réglementaires. De 2013 à 2015, l'État a confié au BRGM la réalisation de 4 PPRS (2 en Guadeloupe et 2 en Martinique) et, en parallèle, l'élaboration d'un guide de préconisations. On arrive seulement aujourd'hui à prendre en compte dans les documents les résultats des micro-zonages et on espère que cela va relancer le processus.
Le BRGM est un EPIC et peut donc avoir des relations de type client-fournisseur.
Aujourd'hui, la réglementation n'impose pas de niveau de renforcement. Il appartient donc à la puissance publique de définir au cas par cas le degré d'exigence en fonction des objectifs souhaités et des moyens susceptibles d'être mis en oeuvre. Tout dépend du degré d'acceptabilité des dommages, la proportion de destructions en fonction de la force du séisme étant définie par des simulations.
On peut accepter des niveaux différents de dégâts matériels mais la limite de la modulation est la sauvegarde des vies humaines.
Il faut aussi travailler sur la sécurisation de la responsabilité juridique des différents acteurs. Quid de la responsabilité du maître d'ouvrage et des opérateurs techniques ?
Il faut noter que si la mise aux normes est imposée par l'État, celui-ci s'en affranchit parfois, même lorsque les bâtiments concernés reçoivent du public.
Les programmes ont cependant également couvert les bâtiments de l'État.
La réalisation des travaux pose la question de la capacité financière des collectivités. Répondre de façon opérationnelle suppose un maillage suffisamment fin de la connaissance ; or, celui-ci n'est actuellement pas suffisant pour répondre aux enjeux outre-mer. Il faut améliorer le partage de données entre les opérateurs. Les services techniques de collectivités passent des commandes mais il n'y a aucune obligation de mutualiser les données collectées. Le prix des études de risque entre pour une faible part dans le coût de réalisation des ouvrages.
Y a-t-il actuellement des signaux de recrudescence de l'activité sismique ?
Le nord de l'arc antillais est moins sujet aux secousses que la partie centrale. Cela suscite des interrogations.
L'unité risques côtiers et changements climatiques est composée d'une quinzaine d'ingénieurs-chercheurs au niveau central et est déclinée en région. L'hydrodynamique littorale du BRGM est une implication ancienne. Le projet ARAI en Polynésie a été emblématique. Le tsunami de Sumatra en 2004 a montré la nécessité de s'intéresser à l'impact des inondations à terre. On a été amenés à examiner toute la chaîne des événements à l'origine d'un tsunami, d'un mouvement de terrain ou de plaques sous-marines jusqu'aux modalités de propagation à travers l'océan et à la submersion du littoral. Avec l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), le BRGM a travaillé sur un dispositif pré-opérationnel de scénographie côtière, c'est-à-dire la traduction de l'impact des vents sur les vagues qui balaient le littoral et le niveau de l'eau. Le BRGM a contribué à l'élaboration du nouveau guide des risques littoraux - érosion du trait de côte et submersion marine - paru en mai 2014 qui s'efforce de prendre en compte les événements exceptionnels et la combinaison cumulée de différents phénomènes (débits de cours d'eau, élévation du niveau de la mer ou surcote, force de la houle...). La bande de sécurité dans les zones cycloniques a été portée à 50 mètres. Les surcotes liées aux vagues sont souvent beaucoup plus importantes et moins prévisibles que les surcotes atmosphériques.
La conjonction des phénomènes rend difficile leur modélisation.
Il y a une diversité des littoraux outre-mer, tropicaux, équatoriaux ou septentrionaux avec des barrières coralliennes, des falaises de moraines glacières ou encore des mangroves. La contribution des observatoires à la connaissance et à la gestion des risques côtiers nécessite de prendre en considération l'ensemble des phénomènes naturels ainsi que les actions anthropiques. Le BRGM oeuvre pour le développement de ces observatoires en partenariat avec les services de l'État et des collectivités territoriales et s'attache au suivi de l'évolution du trait de côte. Outils d'aide à la décision, les observatoires collectent les connaissances scientifiques et techniques pour répondre aux besoins des gestionnaires.
Le BRGM avait dressé un bilan de ces observatoires en 2010 qu'il faut constamment actualiser.
En Guyane, l'observatoire a été initié en 2014 par un partenariat entre la DEAL de Guyane et le BRGM et travaille sur le suivi durable des zones côtières : ce territoire se caractérise par une dynamique côtière en constante évolution. Il existe aussi un réseau scientifique français réunissant des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l'IRD, de l'Ifremer, du BRGM, le mouvement de recherche littorale de Guyane.
En Guadeloupe, l'observatoire est né d'une initiative de 2015 entre la région, la DEAL et le BRGM et d'un projet sur la morpho-dynamique du littoral. Une deuxième convention État-région a été signée en 2018 pour consacrer un réel statut d'observatoire. L'observatoire déploie ses travaux dans plusieurs directions spatio-temporelles, de court, moyen et long termes avec retours d'expérience. Il travaille en interaction avec les autres observatoires locaux, l'observatoire de l'eau et l'observatoire régional de l'énergie et du climat.
La Martinique est active sur des études essentiellement ponctuelles sur le trait de côte et sa dynamique, en associant la DEAL, la communauté d'agglomération du Centre de la Martinique (Cacem), l'université des Antilles et le BRGM. Plusieurs projets ont été menés au cours de cette dernière décennie, notamment le projet hydro-Semsamar qui est en cours, avec la volonté de fédérer la collecte des données et leur diffusion, et des interactions avec des initiatives pérennes locales comme l'action menée par l'observatoire du milieu marin martiniquais. Il y a complémentarité entre les observations de l'évolution du trait de côte, de l'érosion et du ramassage des sargasses. Une convention du suivi des plages a été signée en 2017, sur un programme de deux années.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, un partenariat a été noué entre la Direction des territoires, de l'alimentation et de la mer (DTAM) et le BRGM. Cette région subarctique est caractérisée par la disparition des glaces et l'érosion des falaises de moraines. Il y a une collaboration active sur la gestion des risques mais pas d'activité d'observation, et une volonté commune de voir naître un observatoire local d'ici deux à trois ans.
À La Réunion, l'observation et la gestion de l'érosion côtière fait l'objet d'un observatoire porté par le BRGM, avec l'État et le conseil régional. Créé en 2013, il acquiert des données pour développer l'expertise et formule des recommandations. Un suivi morphologique des plages a été initié en 2014. Un accord-cadre a été signé en 2017 entre l'université de La Réunion et le BRGM qui permettra de labelliser les informations collectées.
À Mayotte, une convention vient d'être conclue pour l'observation de l'érosion côtière entre le BRGM et la DEAL. Un observatoire permettrait de fédérer toutes les initiatives locales sur des thématiques diverses.
En Nouvelle-Calédonie, l'observatoire est porté par le service géologique du gouvernement calédonien auquel le BRGM apporte sa coopération. Il y a eu, en 2013, la volonté d'améliorer la connaissance des effets du changement climatique sur des sites particuliers, ceux inscrits au patrimoine de l'Unesco. C'est un outil d'aide à la décision pour les organismes publics et de recherche, de gestion de l'espace littoral et du domaine côtier. Il fait le lien entre la problématique de l'érosion, l'anthropisation de la côte et la préservation de la biodiversité. Il dispose d'un espace de partage sur un portail numérique avec un comité d'utilisateurs.
En revanche, il n'y a pas d'observatoire en Polynésie française mais le BRGM a participé à plusieurs projets de recherche, notamment un projet européen sur la projection de l'élévation du niveau de la mer.
Wallis-et-Futuna retient l'attention du BRGM avec sa problématique d'érosion avérée. Il y a une forte volonté d'instaurer un partenariat pour la structuration d'un observatoire local avec la délégation régionale à la recherche et à la technologie. Il existe des études antérieures de l'Initiative française sur les récifs coralliens (Ifrecor) et de l'université de la Nouvelle-Calédonie avec Météo France et une stratégie d'adaptation au changement climatique a été lancée en 2017.
Sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy existe une stratégie d'observations ponctuelles. Le BRGM souhaite une meilleure régularité de ces suivis sur les effets de la mer grâce à la conclusion de conventions.
Encore une fois, la connaissance des phénomènes d'érosion côtière sous les effets de la mer nécessite l'acquisition de données sur une période significative.
L'étude du phénomène de submersion marine nécessite la pluridisciplinarité et passe par l'observation expérimentale. Il faut observer les tendances et les phénomènes extrêmes. La submersion marine est très difficile à modéliser car les paramètres de calcul sont très nombreux et leur pondération complexe à établir ; on fait donc appel à plusieurs types de modèles différents (tempête, tsunami, cyclone...) pour la génération et la propagation des phénomènes et, concernant l'impact sur la côte, il faut tenir compte de nombreux paramètres (topographie, bathymétrie, occupation du sol...). Il existe trois types de franchissement : élévation du niveau des eaux, franchissement par les vagues et défaillance d'ouvrage. Pour les tempêtes, on dispose d'études historiques qui permettent de mieux évaluer, grâce à des simulations, la vulnérabilité des différentes zones, par exemple la baie de Jarry en Guadeloupe. Pour les cyclones, la construction de perspectives historiques est difficile car leur fréquence est insuffisante pour établir des statistiques ; mais des méthodes sont développées pour le Pacifique à partir d'une base de données américaine qui a répertorié 12 cyclones en 33 années. Plusieurs modèles ont été établis pour l'île de La Réunion qui permettent de procéder à des descentes d'échelle pour mesurer l'impact de la submersion marine sur une zone déterminée, comme à Sainte-Suzanne où s'ajoute l'effet des précipitations massives.
Pour les tsunamis, on a créé une base de données nationale où on a cartographié les secteurs susceptibles de générer des tsunamis (effondrements volcaniques ou tectoniques des plaques) et répertorié les données historiques dans les différentes parties du globe comme à Lisbonne en 1755.
Pour certains territoires, et notamment les Îles du Nord de la Guadeloupe, les données de base sont encore manquantes : il n'existe pas de description fine des territoires pourtant indispensable à l'utilisation d'outils technologiques modernes de prévision et d'aide à la décision.
Adapto est un projet financé par l'Union européenne dans le cadre des initiatives LIFE ; il est piloté avec le Conservatoire du littoral. Ont été choisis 10 sites représentatifs, l'objectif étant de mener des actions de démonstration des différentes stratégies de gestion et d'adaptation du littoral. En Guyane, le projet sur l'avenir des rizières de Mana et la gestion des anciens polders en fonction de la dynamique côtière : le BRGM et le Conservatoire mènent des actions pédagogiques à l'attention des différents acteurs locaux pour décider de l'usage des polders après l'arrêt de l'activité rizicole.
Revient-il aux collectivités de fournir les données de base ? Quelles sont les données manquantes ?
La géologie n'est qu'un des éléments de connaissance que le BRGM doit agréger pour disposer des données nécessaires pour utiliser les modèles et apporter des réponses opérationnelles. Sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy manquent les données numériques sur les fonds marins et la description du littoral qui sont produites par l'IGN et le service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM). Ces données existent pour la Guadeloupe ce qui permet de calculer les niveaux de submersion en fonction de la hauteur des vagues ou de la force des vents. Sur les îles du Nord, il a donc fallu travailler « à dire d'expert ».
Les plages sont des outils économiques cruciaux pour mon territoire : or, elles sont de plus en plus menacées et nous n'avons pas de données sur les risques qui les menacent.
Les cartes de bathymétrie sont insuffisantes ; il faut un maillage cartographique très fin, avec des carrés de 5 mètres de côté et non de 100 mètres comme pour les cartes marines.
Concernant la problématique de gestion dynamique des plages, le BRGM développe des outils pour observer le déplacement continuel du sable sur l'année mais des phénomènes exceptionnels peuvent venir perturber le cycle de flux et reflux des stocks de sable. La plage est pour nombre de collectivités un outil industriel et les moyens qui sont consacrés à la connaissance de sa formation sont dérisoires en regard des enjeux. Il faut des outils d'observation permanente et passer d'une vision statique à une vision dynamique intégrant la composante d'élévation du niveau de la mer due au changement climatique. D'où l'importance des réseaux d'observatoires et de la mobilisation des collectivités.
Un mouvement de terrain est le déplacement d'une masse de matériaux, sol et roches, d'origine naturelle ou anthropique. Il en existe une grande diversité : les éboulements, les glissements avec une niche d'arrachement, le retrait et le gonflement des argiles, les chutes de blocs, les coulées, affaissements, les érosions de berges... Ce sont des phénomènes complexes. Dans les départements de Martinique, Guadeloupe, Guyane et à La Réunion, ce sont surtout des glissements et des coulées, mais il y a aussi des chutes de blocs et des érosions de berges. Le volume et la cinétique de ces phénomènes sont variables mais ces phénomènes sont fréquents. On pense à l'éboulement massif de la falaise de Bellefontaine en Martinique en 1991 ou au glissement de terrain sur la Basse-Terre en 1995 sur la route des Mamelles. Il y a une forte demande pour évaluer et quantifier l'aléa et le risque. En Martinique, chaque année, une dizaine d'habitations sont endommagées par des glissements de terrain.
Il faut évaluer les lieux à risque, le moment où l'aléa se matérialise et les conséquences. Depuis 1995, la loi Barnier préconise l'élaboration de plans de prévention des risques sur les communes exposées. La méthode est fondée sur une vision experte ; elle est subjective et fondée sur les documents que sont la carte des phénomènes, carte d'inventaire, la carte de l'aléa, la carte des conséquences et la carte des risques qui est le croisement des deux dernières. Pour évaluer l'impact des glissements de terrain, on a besoin de la localisation et de la temporalité des phénomènes, la carte des phénomènes (fréquence, intensité, vitesse), de l'information sur les matériaux en jeu (épaisseur, structure...) et de l'analyse des mécanismes du déclenchement. Dans la majorité des cas, ces informations sont peu renseignées dans les documents et l'on ne dispose que d'une partie des données, si bien que souvent l'évaluation se fait essentiellement à partir de la localisation et du moment, avec une forte dimension subjective. Pour limiter cette subjectivité, depuis 20 à 30 ans, on développe les approches qualitatives. Le BRGM réfléchit à améliorer les cartes des PPRN. En Martinique, depuis 1996, on distingue plusieurs types de documents relatifs aux aléas avec des approches différentes : déterministe, naturaliste et statistique. Actuellement, l'approche naturaliste, avec un maillage au 25/1000 et des zooms au 10/1000 pour les secteurs à enjeu, prévaut actuellement ; elle tient compte essentiellement de deux variables : la pente et la nature lithologique. Elle est complétée par une approche à emboitement d'échelles et une démarche exploratoire qui croise les variables, la vision experte et quelques statistiques. Cela permet de distinguer les secteurs aménageables des secteurs à risque.
La Réunion et la Martinique sont particulièrement exposées aux glissements de terrain et constituent en quelque sorte des laboratoires.
La Réunion, île volcanique récente et exposée aux fortes pluies, avec des reliefs très marqués et des escarpements spectaculaires, connaît des glissements de plusieurs millions de mètres cube, notamment dans les cirques comme à Salazie. Le réseau routier est fortement exposé, en particulier la route du littoral. Un grand nombre d'expertises, 50 à 100 par an, sont réalisées avec des programmes de recherche ambitieux qui permettent de formuler des recommandations de protection des populations lorsqu'un phénomène intervient. Une étude Renovrisk sur l'emboîtement de plusieurs phénomènes, financée sur le fonds européen de développement régional (FEDER), est en cours.
La Martinique répond à un autre contexte géologique, celui des subductions. La zone géologique est plus complexe, avec de très fortes pluviométries et une grande altération argileuse des terrains. Elle a connu une période de forte exposition en 2009 à la suite de pluies abondantes, avec 170 mouvements répertoriés et des coupures de routes et de réseaux de canalisations, une interruption pendant quinze jours de la distribution d'eau potable. Un phénomène induit des séismes est la liquéfaction des sols, risque auquel la ville de Fort-de-France est particulièrement exposée. Actuellement, on observe des laves torrentielles, les lahars, sur la commune du Prêcheur au pied de la Montagne pelée, qui oblige fréquemment la population à se déplacer. Les études menées sur la Martinique datent des années 1990 mais il faut améliorer le zonage de l'aléa et travailler sur la vulnérabilité des constructions soumises à des mouvements de terrain. On a progressé sur les normes sismiques mais rien n'a été fait sur l'adaptation à l'aléa de mouvement de terrain.
Comment s'effectue le choix des sites sur lesquels sont réalisées des études ?
La prévision est un art difficile et souligne l'importance de la connaissance géologique des territoires. Les cartes, quand elles existent, sont souvent insuffisamment précises ou non actualisées, comme celle de Basse-Terre qui date de 1966. Quand on s'intéresse à une zone, il faut examiner la situation de l'ensemble du bassin versant car l'origine du glissement peut être éloignée, donc l'attention ne doit pas se porter uniquement sur les zones habitées. On l'a vu récemment pour la commune du Prêcheur où la coulée a mis seulement 20 minutes pour arriver dans la zone habitée.
Un film est projeté sur l'exemple de glissements de terrain sur le village de Grand Îlet dans le cirque de Salazie.
L'entretien de la route de Salazie pose un important problème de financement.
C'est sur la Basse-Terre que la carte géologique est la plus ancienne. Mais celle de la Guyane l'est également.
La mise à jour des cartes est à traiter dans le cadre du contrat d'objectif, mais se pose la question du financement.
Au bout de combien de temps considère-t-on qu'une carte géologique est obsolète ?
Le rythme de révision est de quelques dizaines d'années mais l'évolution technologique donne de nouveaux moyens qui permettent de progresser plus rapidement ; des investigations fines sont rendues possibles par l'utilisation des drones ou la géophysique héliportée qui permet une étude de la structure des terrains jusqu'à 200 ou 300 mètres de profondeur. Il faut faire des arbitrages en fonction des besoins et des moyens alloués.
La carte géologique traditionnelle est au 50/1000 alors que les réponses aux attentes actuelles en matière d'aménagement du territoire nécessitent de recourir à des échelles de 5/1000, voire encore moins. Par ailleurs, on est entré dans l'ère du numérique et cet outil est indispensable pour traiter des données de plus en plus nombreuses afin d'obtenir des cartes dynamiques intégrant connaissances scientifiques et observations de terrain. Les élus attendent des réponses à l'échelle cadastrale. Il faut miser aujourd'hui sur le partage et la mutualisation des données pour répondre aux attentes des territoires et des administrés.
Les cartes ont été faites à l'origine pour comprendre la géologie : le BRGM avait alors une mission autour des mines. Aujourd'hui, les informations consignées sur ces cartes ne répondent pas aux préoccupations d'aménagement des territoires. De nombreuses données sont à l'échelle cadastrale, les données géotechniques ou de forage par exemple ; or, la carte du futur doit permettre de caractériser les couches géologiques, leur résistance ou leur perméabilité. Il faut incorporer ces données dans les nouvelles cartes dynamiques, et cela passe par une collecte méthodique des données, notamment celles produites lors de la mise en oeuvre des marchés publics. Les cartes doivent être réformées en termes de résolution et de caractérisation à vocation d'aménagement.
Le BRGM utilise les cartes topographiques de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), à différentes échelles.
Certaines zones comme le cirque de Salazie évoluent très vite et nécessiteraient de réviser les cartes topographiques chaque année. Aujourd'hui les outils existent pour répondre à une question ponctuelle d'aménagement ; l'enjeu actuel est de partager les données collectées occasionnellement. Il faut que les collectivités qui diligentent les projets d'aménagement et passent les marchés publics en prennent conscience et s'organisent pour structurer leurs données afin qu'elles soient exploitables par d'autres. Toutes les collectivités disposent aujourd'hui de services d'information géographique (SIG) et les données sont déjà largement normées ; mais il faut une volonté politique de partage du bien commun, c'est-à-dire les data. Cela éviterait de refaire des études existantes.
Le BRGM s'intéresse particulièrement aux outre-mer car ce sont des territoires caractérisés par de fortes dynamiques où les phénomènes se concentrent, notamment les phénomènes extrêmes, ce qui favorise la compréhension et fait avancer la connaissance.
La finalité d'aménagement a commencé à s'imposer au début des années 1990 avec un programme très innovant, ancêtre des PPR, les atlas communaux multi-aléas (mouvements de terrain, inondations, effets de la mer, séismes). Ces zonages ont été intégrés aux plans d'occupation des sols ; cette traduction dans les documents d'urbanisme a permis une appropriation en douceur des risques.
Les premiers PPR en Guadeloupe ont été faits par des bureaux d'étude, par lots communaux, mais avec une certaine disparité dans les approches et les moyens mis en oeuvre. Le zonage sismique est actuellement en cours mais il n'y a pas de prise en compte de l'aléa volcanique. Sur la zone des 50 pas géométriques où un processus de régularisation des occupations se poursuit, se pose la question de l'équivalence entre la notion de menace grave, qui figure dans la règlementation de la régularisation, et celle d'aléa élevé. Une étude a été confiée au BRGM en 1995 qui a conclu à l'absence d'équivalence, ce qui a permis l'octroi de dérogations. Une autre étude engagée en décembre 2017 approfondit les investigations sur ce sujet sur deux sites pilotes en Guadeloupe où l'on procède maison par maison afin d'apporter des solutions adaptées.
En Martinique, les atlas communaux des risques naturels datent de la fin des années 1990 et avaient suscité de fortes réactions. Par la suite, des bureaux d'étude ont constitué des lots par type de risque pour l'ensemble de l'île ce qui a permis d'éviter l'écueil des disparités constaté en Guadeloupe. Le BRGM est intervenu en appui à la DEAL pour des expertises ponctuelles ; il est intervenu sur les micro-zonages sismiques et sur la problématique du retrait et du gonflement des argiles ou des phénomènes orphelins comme les lahars.
En Guyane, le BRGM est intervenu pour l'élaboration des PPR mouvements de terrain et une réflexion est en cours pour leur révision après le glissement de Cabassou qui avait fait une dizaine de morts en 2000. Sur la zone d'habitat informel du Mont Baduel à Cayenne, le préfet a pris des décisions d'évacuation.
À Mayotte, les atlas communaux des risques ont évolué vers des PPR multi-aléas. D'importants travaux ont été réalisés pour caractériser le risque littoral, en particulier le retrait du trait de côte. Il y a de très nombreuses zones rouges, à aléa fort.
Mayotte est prise en tenaille entre l'aléa submersion du littoral et l'aléa glissement de terrain des collines de l'intérieur, et la majorité des villages est située sur la zone des 50 pas géométriques.
Sur Mayotte, cette année, deux actions vont être conduites avec la DEAL de sensibilisation au risque sismique et aux autres risques naturels avec la création de plaquettes imagées.
Il y a encore eu récemment des glissements de terrain meurtriers à Kawéni et Mtsamboro. Mais l'accumulation des zones rouges nécessite d'approfondir la réflexion pour trouver des solutions.
À La Réunion, le BRGM intervient pour la réalisation des PPR littoraux comme multi-aléas ; le suivi y est cohérent et performant.
En Polynésie française, le pays est compétent en matière d'aménagement du territoire et de risques ; cela a été tranché par le Conseil d'État. Les programmes ARAI de cartographie des risques naturels couvrent la quasi-totalité du territoire et en particulier les atolls par des PPR, mais le seul PPR approuvé a été remis en cause l'an passé par le tribunal administratif. La volonté politique des autorités se heurte à l'hostilité de la population, notamment dans les Tuamotu. L'attachement très fort à la terre des ancêtres compromet l'évacuation des zones rouges.
En Nouvelle-Calédonie, c'est le pays qui est compétent en matière de risques et il doit prendre en compte la question des terres coutumières. À la suite du glissement de terrain meurtrier de Houaïlou en novembre 2016, il a été fait appel au BRGM pour travailler sur la géologie des communes au cours des cinq prochaines années.
On observe l'existence d'approches différenciées entre les territoires et au sein même des territoires. L'impératif de sécurité des administrés se heurte souvent aux nécessités de développement des territoires. Il faut travailler à une plus grande acceptabilité du risque mais cela pose la question des responsabilités afférentes et il est nécessaire de continuer à faire progresser la connaissance avec des approches plus fines.
Les PPRN posent des problèmes d'équité du fait de la disparité de traitement des différentes zones, par exemple à Saint-Martin sur la zone de la Baie orientale où on a tendance à entériner l'existant sur les parcelles cédées par l'État à des particuliers. Cela induit un sentiment d'injustice au sein de la population et compromet toute démarche pédagogique. Cette baie ayant été balayée par le cyclone Irma, c'est le moment de faire preuve de davantage de rigueur.
L'acceptabilité du risque et de ses conséquences est plus difficile dans les zones à occupation ancienne comme dans la zone des 50 pas géométriques.
L'aléa sismique nécessite d'organiser des exercices dédiés pour une bonne appropriation des procédures à mettre en oeuvre. Les exercices Richter ont ainsi été initiés par la DGSC et sont réalisés une fois l'an depuis une dizaine d'années. Ils impliquent la participation de tous les acteurs qui concourent à la gestion des crises majeures. Le rôle du BRGM est triple : proposer un scénario crédible pour forger une acculturation aux risques, appuyer les autorités dans le montage et l'animation de l'exercice, contribuer à la gestion de la crise simulée. 2017 a vu le 11e exercice. Ils sont menés d'abord dans les zones où l'aléa est le plus fort ; 2 ont eu lieu aux Antilles, dont un en mars 2017. Chaque exercice a ses objectifs spécifiques, adaptés au territoire concerné ; il peut consister dans l'activation d'une cellule opérationnelle, impliquer des renforts internationaux ou encore activer le mécanisme européen de protection civile. Le dispositif d'organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC) se décline du niveau local jusqu'au niveau européen. La plupart des exercices Richter se déploient autour de la cellule départementale avec la mobilisation des cellules de crise communales et également l'état-major de zone qui vient en support. Lors du dernier exercice caribéen, ont été impliqués les cellules de crise mais aussi les associations et les habitants eux-mêmes, sur quatre jours, avec deux phases, le premier jour la gestion de l'urgence et le secours aux personnes et les jours suivants l'anticipation du retour à la normale. Ont été testés l'évacuation du littoral par le déclenchement d'une alerte tsunami mais également la relève des équipes. Le séisme de 1843 en Guadeloupe, de magnitude 8,5 - plus de 3 000 morts à l'époque - a inspiré le scénario. D'autres territoires des petites Antilles étaient impliqués dans l'exercice. Avec plus de 12 000 personnes décédées, des centaines de disparus et 100 000 sans-abri, plus de 25 000 bâtiments effondrés, l'exercice a impliqué 126 000 participants sur la Guadeloupe et la Martinique, dont 80 000 élèves et une grosse mobilisation du corps enseignant. Plus de 130 services ont été mobilisés, les opérateurs de réseaux, 44 communes. 600 militaires ont été déployés aux Antilles avec des moyens lourds de projection, bateaux, avions hélicoptères, les pompiers venus de Guyane et de métropole étant les premiers à venir en support des équipes de secours locales, des équipes européennes. Il y a eu une forte mobilisation volontaire des communes et les trois centres départementaux de crise ont été activés, sous l'égide et la coordination du centre de crise zonal animé par le préfet de la Martinique. Ces exercices permettent d'impliquer l'ensemble des acteurs de la chaîne et fournissent un espace de rencontre pour les experts et les scientifiques de la gestion de crise. Ces exercices dédiés aux séismes sont également utiles pour d'autres types de crise.
SPICy est un projet financé par l'Agence nationale de la recherche sur l'île de La Réunion ; il porte sur le risque cyclonique et les inondations liées aux cyclones ; le BRGM en est le coordonnateur. Il consiste à renforcer les outils de prévision, de prévoyance et d'alerte ainsi que les outils de gestion sur le terrain ; c'est un projet prospectif de recherche qui n'a pas encore de volet opérationnel. Il y a des problématiques multiples de pluviométrie, de vent, de houle, de vagues, de rivières en crue, d'élévation du niveau de la mer. Le premier objectif du projet était d'améliorer les prévisions météorologiques, de trajectoire du cyclone, pour définir les seuils de dépassement des vitesses de vent et des volumes de précipitations selon les secteurs de l'île ainsi que le moment du pic de crise. Le BRGM a traduit ces données météorologiques en conditions marines pour prendre en compte les surcotes liées à la pression atmosphérique, la houle, la bathymétrie et les marées. Cela permet d'avoir une vision temporalisée du risque sur les différentes zones et constitue une aide précieuse à l'anticipation et à la mise en oeuvre graduée des interventions. Une base de données intégrant 500 cas cycloniques a été constituée pour nourrir un processus de modélisation permettant de définir les impacts sur les différents secteurs du territoire en fonction des caractéristiques d'un phénomène. Cela permet d'anticiper les actions de prévention à mener : évacuation de personnes, réquisition de gymnases... Les plans gradués comprennent quatre niveaux d'intervention pour lesquels chaque acteur sait ce qu'il a à faire de façon échelonnée en amont du phénomène. Les données scientifiques sont ainsi traduites en actions, en atlas à l'usage des collectivités. Cependant, parfois, des phénomènes atypiques tiennent en échec le dispositif de modélisation ; on est alors obligé de travailler avec une vision approchée s'appuyant sur un méta-modèle. L'idéal serait d'avoir un outil paramétrable en temps réel. Pour tester ces outils, des exercices ont été réalisés en octobre 2017 sur deux communes, Sainte-Suzanne et Saint-Paul. L'outil s'est révélé trop sophistiqué pour Sainte-Suzanne, nécessitant une formation des personnels techniques, mais s'est avéré très pertinent pour Saint-Paul où la gestion de crise s'est déroulée de façon optimale, avec des initiatives qui n'auraient pas été prises sans cet outil. Un exercice d'anticipation, sur les trois jours précédant le cyclone, a été réalisé avec l'état-major de zone : le retour d'expérience a révélé qu'en matière d'anticipation il fallait travailler par enjeux sur un secteur déterminé et non par métier.
Les agences régionales du BRGM interviennent de façon régulière pour gérer de petites crises en dehors même des grandes catastrophes. Ces crises nécessitent généralement de définir un périmètre de sécurité.
Le financement de cette gestion de crise résulte d'une dotation du BRGM dédiée à l'appui aux administrations ainsi que de la conclusion de conventions spécifiques avec la DEAL ou les collectivités.
Lorsqu'il y a une déclaration communale pour reconnaissance d'état de catastrophe naturelle, le BRGM intervient pour la rédaction d'un rapport à l'attention de la commission interministérielle qui examinera la demande. Pour les mouvements de terrain, il existe un rapport type qui a été mis au point avec le Cerema et l'ONF.
La gestion des opérations relatives aux catastrophes naturelles est financée par un budget national de 200 000 euros, pour les mouvements de terrain et les inondations. Le coût moyen d'un dossier pour le BRGM est de 2 200 euros, ce qui permet de traiter 70 dossiers par an. En 2016 où il a eu plus de 300 dossiers à traiter, le ministère de l'intérieur a dû abonder la dotation du BRGM.
Dès le début de la saison cyclonique, le BRGM exerce une veille active. Dans la crise Irma, les premiers contacts avec les préfectures de Guadeloupe et des Îles du Nord ont été pris dès le vendredi 1er septembre. Les sollicitations se sont faites plus pressantes le lundi 4 à l'approche du phénomène. Pour les Îles du Nord, la modélisation était impossible du fait du caractère lacunaire des cartes d'aléas et des connaissances du terrain. Le BRGM a été saisi officiellement le mardi 5 de la direction générale de la protection civile (DGPC) pour une expertise sur les effets de la mer en particulier. Des cartes de modélisation ont été produites pour la Guadeloupe. Le BRGM a constitué une cellule de crise pour fournir des données régulièrement, toutes les quatre heures, en direction des préfectures, de la DGPC et de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), et réaliser des points de situation. Dès le lendemain d'Irma, il fallait s'informer de la situation des agents locaux du BRGM et de leurs familles et un nouveau cyclone, José, menaçait, ce qui a complexifié l'organisation des secours. Le BRGM a rapidement participé à une mission de reconnaissance sur Saint-Barthélemy et à une expertise sur Saint-Martin sur la question de l'eau et de l'état des différents puits, l'usine de production d'eau étant hors service. Le BRGM a de nouveau été sollicité lors du cyclone Maria qui a suivi de près, bien que ses équipes locales ne soient pas configurées pour faire face à une succession de crises et à une mobilisation intense dans la durée. Les données fournies par le BRGM en continu dans le cadre de la gestion de ces crises lui ont valu des remerciements appuyés de la part des autorités. Ces crises ont confirmé que l'insularité et l'éloignement devaient justifier une approche spécifique avec une solide préparation en amont, et qu'il fallait progresser en matière de collecte de données afin de pouvoir procéder à des modélisations et ainsi améliorer la réactivité en cas de crise majeure. Au sein de la cellule de crise étaient présents pour le BRGM 3 à 6 experts avec 2 personnes en supervision.
Pour répondre aux sollicitations, la mobilisation des agents du BRGM s'est faite spontanément mais dans un cadre relativement informel qu'il faudrait clarifier et officialiser en prévoyant les financements correspondants. Il faut prévoir une organisation permettant de faire face à des situations exceptionnelles telles que les cumuls de phénomènes dans un laps de temps réduit et être capable de gérer des crises multi-aléas. Pour progresser, il faut également davantage de contacts et de collaboration avec d'autres îles de la Caraïbe.
On peut souligner comme facteur de succès l'engagement de tous les personnels, le fait de travailler au quotidien dans les territoires concernés et également la connaissance historique des phénomènes. Il est très important d'établir un retour d'expérience après les crises pour ensuite avoir une vision globale sur plusieurs années.
On est actuellement capable d'effectuer des simulations pour les séismes ; il faudrait avoir cette possibilité pour des phénomènes extrêmes comme celui que les Îles du Nord ont vécu au mois de septembre afin d'acquérir une véritable capacité d'anticipation.
La crise a été gérée par le BRGM grâce au bénévolat de ses agents car notre établissement n'est pas structuré pour réagir à chaud et être impliqué comme il l'a été.
Comment formaliser une relation de coopération entre le BRGM et la sécurité civile ou Météo France, planifiée en amont pour une capacité de réaction optimale ?
Pour la gestion du risque cyclonique, des accords ont été passés entre la DGPC et Météo France mais ils ne prennent pas en compte le déferlement des vagues sur le littoral. Le BRGM, compétent en matière d'inondations à terre, doit également être partie prenante à la cellule d'expertise en complément de Météo France et devenir opérateur en période de crise.
La DGSC attend aujourd'hui du BRGM des prestations pour lesquelles celui-ci n'est pas actuellement profilé. Il faut des interventions concertées avec les autres organismes compétents comme l'Irstea sur les risques inondation et submersion.
Il n'est pas possible actuellement d'analyser la situation en temps réel lors d'un cyclone sur le risque submersion ; il faut établir des atlas pour prévoir les différents scénarios qui permettent une réaction adaptée. Pour ce faire, acquérir les données relatives à un site coûte entre 200 et 300 000 euros.
Sur le risque séisme, nous sommes plus avancés et sommes capables d'évaluer en temps réel le nombre de victimes potentielles. Mais nous sommes tributaires de l'alerte donnée par les observatoires qui dépendent de l'IPGP, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui aux Antilles. Grâce à un travail d'expertise conduit avec les compagnies d'assurance, nous disposons d'un ensemble de données très complet sur le bâti un peu partout en France, ce qui permet, en fonction de l'intensité d'un séisme, d'en déduire l'impact de destruction. Avec les caractéristiques du lieu touché qui renseignent sur les effets de site, il est possible d'évaluer dans la demi-heure de l'événement les dégâts occasionnés, avant même les remontées du terrain.
Cette semaine, les crues de la Seine ont suscité à nouveau notre mobilisation à la demande du ministère de l'intérieur et du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) sur la question des infiltrations et de leurs conséquences sur les infrastructures souterraines de Paris. Ces infiltrations ont démarré plus tôt que lors des crues de juin 2016. Nous sommes sur ce sujet en phase d'acquisition d'expertise pour élaborer un produit spécifique.
Nous développons des outils d'aide à la décision à partir des données collectées, à vocation de prévention, d'éducation ou d'aménagement du territoire.
À Saint-Barthélemy au lendemain d'Irma nous étions coupés du monde car il n'y avait plus aucun moyen de communication. Il faut instaurer dans le statut des opérateurs une obligation de mutualisation des moyens afin de pouvoir, en cas de crise majeure, utiliser les parties de réseau qui demeurent opérationnelles. Orange a fait installer des points Wifi à différents endroits de l'île.
En milieu insulaire, il faut prendre conscience du risque de coupure avec le reste du monde et être d'autant plus performant en matière d'anticipation. Nos exercices intègrent systématiquement une coupure des réseaux de communication.
Les moyens d'alerte méritent aussi une réflexion : faut-il avoir recours à des sirènes, à la radiodiffusion ?
Projection d'un film sur l'analyse, via un survol des zones, de la structure du sol et du sous-sol de parties non urbanisées de l'île de La Réunion, sur 200 mètres de profondeur, avec des sondages tous les 30 mètres. Cette expertise diligentée par une société danoise a pour objectifs la prospection de nouvelles ressources d'eau souterraine, de gisements de roches et de matériaux de construction et de cartographie des zones à risque d'éboulement comme à Salazie.
La recherche sur la géologie des territoires s'appuie sur des projets d'envergure internationale, notamment financés sur fonds FEDER. Nous analysons la couche superficielle des sols pour mesurer leur degré d'altération et leur réaction en cas de forçage soudain dû à de fortes intempéries. Ces données sur la couche supérieure qui va jusqu'à 50 mètres de profondeur intéressent au premier chef les aménageurs. Cette collecte est un travail considérable et le défi consiste à pouvoir raisonner en trois dimensions et en mode dynamique. Nous mettons en place une stratégie de mise à disposition des big data sur les catastrophes de toute nature mais il va falloir les mettre en cohérence pour pouvoir en faire une exploitation dans un objectif d'aide à la décision.
Concernant les projets MVterre à La Réunion, on a cartographié l'instabilité gravitaire, c'est-à-dire le comportement des roches sous l'effet du ruissellement, ainsi que le repérage des zones le plus impactées par les glissements de terrain. On peut ainsi, en exploitant les données enregistrées, procéder à une modélisation prédictive et repérer les endroits où auront lieu les mouvements de terrain sous l'effet des intempéries : il s'agit donc d'un véritable outil d'aide à la décision.
Lors du récent cyclone Berguitta, le BRGM a ainsi pu formuler des recommandations d'évacuation de certaines zones.
Pour revenir à la géophysique et à la mesure par ondes électromagnétiques à partir de plateformes aéroportées, le projet Martem à la Martinique a intégré l'inventaire des événements d'instabilité de terrain connus et examine l'altération de la couche superficielle des roches. Le couplage des informations géologiques et géophysiques permet de générer des cartes d'aléas.
La méthode aéroportée utilisant les champs électromagnétiques n'étant appliquée qu'aux zones non urbanisées, quels outils sont prévus pour les zones urbaines ?
Les zones urbaines émettent elles-mêmes trop de champs magnétiques pour que cette méthode soit utilisable mais il existe d'autres procédés de prises de mesures au sol ; ces dernières sont cependant plus onéreuses.
Je souhaite souligner l'importance pour les territoires ultramarins de s'impliquer dans les actions de recherche et de rendre ces territoires attractifs pour la communauté scientifique. Or, la recherche ne figure pas toujours dans les priorités des régions.
Quelles sont les relations du BRGM avec les centres de recherche universitaires ?
Ce sont des relations de complémentarité. L'université des Antilles a réalisé d'importants travaux sur le phénomène de subduction. Nous devons également poursuivre notre collaboration avec l'IPGP.
À partir d'avril-mai des travaux de thèse sur la problématique du changement climatique vont démarrer sur Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il est inquiétant de constater que les sujets relatifs aux risques naturels disparaissent progressivement depuis environ cinq ans de la programmation de l'Union européenne ou alors ils sont intégrés dans des thématiques plus globales de sécurité.
Nous constatons régulièrement dans le cadre des études menées par notre délégation qu'il est difficile de retenir l'attention des instances européennes, et en particulier de la Commission, sur les questions constituant des priorités pour nos territoires ultramarins.
En ce qui concerne les fonds FEDER, on observe une tentation de la part de certaines régions de restreindre l'éligibilité aux seuls partenaires locaux, ce qui est une erreur si l'on veut progresser dans l'intérêt des territoires.
L'Agence nationale de la recherche (ANR) a tendance à faire l'impasse sur les problématiques insulaires ; dès lors, il existe des sujets orphelins, dont les risques naturels dans les outre-mer.
Le BRGM a cependant pu obtenir de l'ANR le lancement d'un appel d'offres sur la problématique cyclonique : c'est une offre de 3 à 4 millions d'euros qui s'est clôturée la semaine dernière. Il faut que les régions soient proactives et mobilisent les possibilités de financements européens.
Nous avons bénéficié d'une journée dense et nous remercions le BRGM pour l'ensemble très riche des présentations et des clarifications apportées.
Le BRGM est un interlocuteur précieux pour nos collectivités, en particulier comme aide à la décision. Reste cependant à trouver les solutions d'occupation sur un territoire comme Mayotte où les zones d'aléa fort sont nombreuses !
Je tiens à remercier les équipes qui se sont mises à notre disposition aujourd'hui ; les présentations m'ont éclairée sur l'importance du rôle joué localement par le BRGM alors qu'il est souvent perçu par les élus comme une sorte d'empêcheur de faire, et notamment d'aménager. Je retiens que vous avez la volonté de coopérer avec les collectivités.
Je m'associe aux remerciements de mes collègues pour cette journée extrêmement enrichissante.