Nous recevons aujourd'hui Mme Emmanuelle Wargon pour débattre des enjeux budgétaires et fiscaux de la transition énergétique et écologique. Nous avions organisé en avril dernier une table ronde sur les impacts de la montée en charge de la contribution climat-énergie, et entendu la Cour des comptes présenter les conclusions de son enquête sur le soutien public aux énergies renouvelables. Il convient d'approfondir ce vaste sujet, dont l'impact sur les finances publiques va croissant, tant en recettes qu'en dépenses, et qui soulève de nombreuses questions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.
Le budget pour la transition écologique et solidaire est le fruit d'une conscience forte des enjeux nationaux et internationaux en matière de climat, de biodiversité, et d'une volonté d'engager notre pays dans une trajectoire de moyen et long termes. Il augmente de 3,1 % par rapport à loi de finances initiale pour 2018. Les ressources dédiées au ministère et à ses opérateurs sont en hausse d'un peu plus d'un milliard d'euros, pour un montant total de 34,2 milliards d'euros, dont 11,5 milliards d'euros spécifiquement dédiés à la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Ce budget traduit la mise en oeuvre des plans annoncés depuis le début du quinquennat : le plan Climat, le plan de rénovation énergétique, le plan Biodiversité ou la feuille de route pour l'économie circulaire.
En matière de fiscalité écologique, l'action du Président de la République et du Gouvernement est claire et porteuse de sens. Il y a d'abord eu un exercice de vérité fait en liaison avec la Cour des comptes, dans une démarche de sincérisation des comptes publics, avec l'annonce de l'objectif de convergence des fiscalités du gazole et de l'essence. Dans le cadre de la trajectoire carbone, nous amplifions la cadence, en accompagnant le passage d'une fiscalité dite classique, parfois antiéconomique, à une fiscalité écologique, plus vertueuse.
La fiscalité sur le gazole non routier (GNR) à destination des entreprises industrielles et du bâtiment sera la même que celle des particuliers dès 2019. Cette mesure représente autant un effort significatif demandé aux entreprises qu'une niche fiscale supprimée. Elle s'inscrit dans la double volonté de mener une politique écologique et de réduire les aides aux entreprises quand elles ne sont pas justifiées.
Plus largement, la poursuite de la trajectoire carbone votée dès le début du quinquennat doit permettre à tous les acteurs économiques, y compris aux ménages, d'adapter leurs stratégies d'investissement. Les mesures d'accompagnement du paquet solidarité climat se poursuivent : la prime à la conversion automobile voit son budget augmenter de 47 % ; le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) sera réformé en 2020 ; le montant moyen du chèque énergie, qui a vocation à bénéficier à près de 4 millions de ménages, sera porté de 150 à 200 euros.
Nous achevons les plans de prévention des risques technologiques. En matière de prévention des risques naturels, le fonds Barnier sera mobilisé à hauteur de 137 millions d'euros en 2019 dans les départements sinistrés en métropole et outre-mer. L'investissement dans le nouveau supercalculateur de Météo France fait l'objet d'un financement spécifique sur le budget 2019 : le drame vécu dans l'Aude est une nouvelle preuve de la nécessité de disposer de prévisions encore plus précises. L'investissement total est de 543 millions d'euros.
Les moyens de préservation de la biodiversité sont renforcés au travers du plan Biodiversité adopté en juillet dernier. Les agences de l'eau recevront 12,6 milliards d'euros sur les six prochaines années et auront deux interventions prioritaires : solidarité territoriale et adaptation au changement climatique, avec préservation de la biodiversité. La redevance pour pollutions diffuses sera augmentée de plus de 50 millions d'euros, pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires et financer la conversion à l'agriculture biologique.
La programmation pluriannuelle de l'énergie sera arrêtée d'ici à la fin du mois de novembre et permettra de développer les filières, les compétences et les emplois. Elle reposera sur un double pilier : efficacité énergétique et réduction de la consommation ; évolution du mix énergétique. En 2019, les aides directes aux énergies renouvelables, électriques et méthanisation bénéficieront de 6,165 milliards d'euros, dont 5,4 milliards d'euros de soutien aux énergies renouvelables électriques.
La recherche de l'efficience de la dépense publique nous a conduits à renégocier cette année les contrats d'éolien offshore. Le prix des nouveaux projets solaires photovoltaïques et éoliens est, lui, en baisse rapide. En dépensant mieux, l'État démultipliera ses investissements.
La transition énergétique est aussi une opportunité pour les territoires. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) est passée de 437 millions d'euros de recettes affectées à près de 600 millions d'euros de subventions. Sa trajectoire financière est sécurisée et le fonds de roulement de 200 millions d'euros sera dépensé, ce qui permet d'augmenter le fonds chaleur à concurrence des projets soumis. Les contrats de transition écologique traduisent une démarche au plus près des territoires, afin de les aider à réussir leur transition énergétique et écologique.
S'agissant de l'économie circulaire, d'énormes marges de progrès existent, compte tenu des 18 millions de tonnes de déchets non dangereux envoyés en décharge en 2014. La feuille de route pour l'économie circulaire, adoptée en avril 2018, a pour objectif de développer une nouvelle façon de produire et de consommer. La fiscalité est ajustée pour rendre le recyclage et le réemploi économiquement plus intéressants que l'enfouissement et l'incinération.
Dans le domaine de la santé-environnement, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) travaillent notamment à améliorer l'évaluation des risques et à réduire l'exposition des populations aux polluants tels que les perturbateurs endocriniens. L'Ademe attribuera cette année 3 millions d'euros à chacune des 14 zones ayant élaboré des feuilles de route pour réduire la pollution de l'air, à la suite de l'arrêt du Conseil d'État de 2017 enjoignant l'État de renforcer son action sur ces zones.
L'enjeu de la connaissance est essentiel, pour convaincre à l'échelon tant national qu'européen de la nécessité de promouvoir un modèle agricole sans utilisation massive de pesticides, en particulier le glyphosate, de supprimer les substances dangereuses de nos objets quotidiens et de notre alimentation, et de prévenir les risques liés aux ondes électromagnétiques et au bruit.
Le ministère contribuera en 2019 à l'objectif gouvernemental de rétablissement des comptes publics, avec une réduction d'emplois à hauteur de 2 % des effectifs, soit une baisse de 811 emplois. En cohérence avec les priorités affichées en 2018 comme en 2019, les emplois consacrés à la politique de l'énergie et du climat et à la politique de prévention des risques seront maintenus, et les effectifs des autorités administratives indépendantes préservés.
La fiscalité écologique est source de nombreuses préoccupations au regard de ses conséquences sur la vie quotidienne de nos concitoyens. L'année dernière, la commission des finances, après un long débat, avait refusé d'avaliser la trajectoire de la fiscalité énergétique du quinquennat, qui lui paraissait déconnectée du prix du pétrole sans prévoir de contreparties suffisantes au bénéfice des Français.
La fiscalité écologique tout au long du quinquennat provoquera une hausse des prélèvements de 46 milliards d'euros pour les entreprises et les particuliers. Son rendement supplémentaire sera de 3,7 milliards d'euros en 2018 et de 2,9 milliards d'euros en 2019. Sur cette augmentation de recettes, quelle est la part affectée au budget général et celle qui est consacrée à l'accompagnement des Français dans le cadre de la transition écologique ?
Les dépenses relatives au CITE ont baissé de moitié. Celles qui concernent le chèque énergie augmentent très légèrement. La portée des niches fiscales, dont le taux réduit de TVA, est contenue. Où sont les moyens supplémentaires prévus pour aider les Français à changer de mode de chauffage ou de véhicule ?
Prévoir un supplément de fiscalité énergétique est acceptable s'il s'agit de faire évoluer les comportements et d'affecter son produit à la transition écologique et énergétique, pas si cela ne devient qu'une recette du budget général parmi d'autres.
L'an passé, nous avions alerté le ministre sur la brutalité de l'augmentation de la trajectoire carbone, la contribution climat-énergie devant atteindre 100 euros la tonne en 2030, et sur les risques d'effets cumulatifs. Un an après, cette difficulté pèse sur la capacité de la France à emprunter la voie de la transition énergétique et écologique. Le Gouvernement ne peut se contenter de mesures fiscales punitives. Un certain nombre de Français sont victimes, malgré eux, de leur profession, de leur lieu de résidence, de leur mode de consommation. Pour obtenir de bons résultats, il faut aussi associer les collectivités territoriales.
La France a l'ambition de porter, d'ici à 2030, la part des énergies renouvelables à 38 % de la consommation finale de chaleur. Or nous sommes très en deçà de l'objectif visé. Puisqu'il a été annoncé que le fonds chaleur passerait à 300 millions d'euros en 2019, le Gouvernement déposera-t-il un amendement en ce sens ? Le surcoût de la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) relative aux déchets prévue jusqu'en 2025 devrait atteindre plus de 850 millions d'euros. Pourquoi le Gouvernement fait-il un choix aussi brutal à l'endroit des collectivités, lesquelles devront le répercuter dans la fiscalité locale ? Et comment le Gouvernement entend-il forcer la main des constructeurs automobiles pour l'accompagner dans ses efforts en ce qui concerne la prime à la conversion ?
Le Gouvernement a fait un choix politique, celui de moins taxer le travail et d'augmenter la taxe carbone, car la transition écologique est une priorité. Ce choix macroéconomique de rééquilibrage de la fiscalité a pour but de faire évoluer les comportements. Le budget du ministère s'élève à 11,5 milliards d'euros, quand le gain attendu sur le plan fiscal est de 8 milliards d'euros. L'écart est encore très significatif, même s'il y a un principe d'universalité du budget et de non-affectation des recettes.
La hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) représentera 3,9 milliards d'euros en 2019, dont 1,9 milliard pour les ménages, 1 milliard d'euros pour les entreprises non exonérées et 1 milliard d'euros pour les entreprises utilisant du GNR. Les mesures de soutien à la transition écologique et énergétique - chèque énergie, prime à la conversion, CITE, taux de TVA réduit... - représenteront environ 6 milliards d'euros. L'équilibre est donc respecté.
Pour le fonds chaleur, la trésorerie de l'Ademe est suffisante. Quant aux constructeurs automobiles, ils doivent prendre leur part de l'effort fait par le Gouvernement. Pour l'instant, ils se montrent assez ouverts au dialogue.
Il n'y a pas en réalité de moyens supplémentaires prévus en contrepartie de la hausse de fiscalité. Que la maison brûle, tout le monde en convient. Mais il n'est pas acceptable que ces 46 milliards d'euros de fiscalité supplémentaire tout au long du quinquennat ne soient essentiellement que des recettes supplémentaires pour le budget de l'État.
Toute la difficulté est de passer du macroéconomique au microéconomique. Comment faire, avec un salaire de 1 200 euros, pour ne plus se chauffer au fioul, pour ne plus rouler au diesel ?
Changer une chaudière au fioul est plus facile avec l'aide à l'investissement et la hausse du chèque énergie. Acheter une voiture électrique permet d'obtenir un bonus de 6 000 euros. Ces investissements sont rentables assez vite, en 3-4 ans. La trajectoire écologique de décarbonation de l'économie permet aussi de sortir de la dépendance aux matières premières et à leurs prix extrêmement volatils. L'augmentation du prix du plein d'essence n'est liée qu'à hauteur de 25 % à l'évolution de la fiscalité. L'objectif est d'accompagner nos concitoyens vers des choix d'investissement différents, mais rentables.
Pour réussir la mutation énergétique de notre société, pour changer les comportements, des mesures incitatives sont nécessaires. La fiscalité écologique peut être une réponse, nous en sommes d'accord, à condition qu'elle soit juste et qu'elle n'aboutisse pas à creuser les inégalités sociales et territoriales.
Dans mon département rural, faute de solutions alternatives, il est bien difficile de ne pas prendre sa voiture pour se déplacer ou de se chauffer autrement qu'au fioul. Nos concitoyens subissent des augmentations de fiscalité sans bénéficier de moyens supplémentaires d'accompagnement. Une famille modeste, même avec le CITE, ne peut supporter le coût de changement d'une chaudière.
Agir sur la fiscalité écologique est a priori une bonne mesure pour faire changer les comportements. Dans les faits, cela risque de creuser les inégalités sociales et territoriales. Quelles solutions proposer ? Augmenter la TGAP pour favoriser le tri, soit. Mais quid des 30 % au moins de déchets pour lesquels aucune solution technique de recyclage n'existe ? Là aussi, il faut faire la part des choses. Ce n'est pas le principe des mesures qui est en cause, c'est leur application.
Tout le monde peut être d'accord avec la trajectoire carbone, mais il faut préparer l'alternative, la transition ne pouvant pas se faire vers le néant. Quelles alternatives dans les transports ? Nous devrons sans doute attendre le projet de loi d'orientation des mobilités au mois de novembre. Où en est-on du projet de canal Seine-Nord Europe ? Qu'en est-il de toutes les lignes de train ? Quid du soutien fiscal à la batellerie, secteur qui hélas prend l'eau, sans mauvais jeu de mots ? Une solution alternative est l'électricité, or je n'ai pas noté de mesures incroyables en la matière. Voici quelques propositions.
On aurait intérêt à augmenter le bénéfice qu'il y a pour les entreprises à détenir des voitures électriques dans leur flotte. L'avantage en nature que représente un véhicule électrique pourrait être accru.
Les infrastructures électriques font largement défaut même s'il y a eu beaucoup d'initiatives locales pour installer des bornes de recharge. Il faut un plan ambitieux qui fixe un calendrier et une répartition géographique, dans les zones publiques comme privées. En effet, comment recharge-t-on chez soi ? Les parkings des immeubles ne sont pas toujours équipés. Qui va financer les aménagements et comment ? On pourrait inventer des partenariats privé-privé pour éviter la case « dépense publique », qui a le don de m'agacer.
Certains avantages sont limités en fonction du prix des voitures. Si Ferrari et Porsche construisaient des voitures électriques, l'achat de ces dernières ne serait pas aidé par l'État, et c'est peut-être un tort. La conception de véhicules électriques performants par des marques haut de gamme donnerait confiance aux Français, qui hésitent à passer à l'électrique ou à l'hybride car la technologie ne leur paraît pas mûre.
Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention et je suis un peu déçue. Vous avez présenté des dispositifs de soutien à la consommation, avec l'augmentation du chèque énergie, et à la production, avec les aides aux énergies renouvelables - alors que celles-ci ne sont pas forcément beaucoup plus vertes que le nucléaire, que l'on cloue au pilori, puisqu'elles utilisent des terres rares non renouvelables - via la contribution au service public d'électricité, mais vous n'avez présenté aucun dispositif de soutien à la non-consommation. Notre avenir est là. Je pense aux bâtiments, qui représentent une très grosse source de déperdition d'énergie.
Ma seconde remarque porte sur l'acceptabilité de la fiscalité écologique. L'an dernier, le Sénat a adopté à l'unanimité un amendement fléchant une fraction de 300 millions d'euros des 3,7 milliards d'euros de la contribution climat énergie vers les territoires réalisant des programmes de transition écologique. Les collectivités territoriales sont les premiers acteurs de la transition, étant au plus près des citoyens - je vous invite à regarder le reportage sur les actions de la ville de Boulogne-Billancourt et la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest. Ce matin, dans un éditorial dans L'Express, Erik Orsenna rappelait que les villes sont plus actives et efficaces que les États. Ce sont elles, par exemple, qui peuvent organiser au mieux le recyclage des déchets. Cet amendement sera redéposé. Le Sénat sera-t-il écouté cette fois ?
Effectivement, rien n'est simple dès que l'on veut changer la donne. Mais, madame la ministre, vous ne pouvez pas considérer que vous allez passer en force et penser que ce sera accepté parce que vous avez le sentiment profond d'avoir raison. Le mieux est souvent l'ennemi du bien et vous risquez de faire exploser le système.
Selon l'OCDE, le prix moyen du pétrole augmentera de 15 à 17 % en 2019 par rapport à 2018 si les crises internationales ne s'amplifient pas. Les prix à la pompe augmenteront mécaniquement. Dans ces conditions, il n'est pas réaliste de refuser de revenir sur les mesures fiscales. N'allez-vous pas provoquer une nouvelle crise des bonnets, qui ne seront peut-être pas rouges ? Il faut respecter un certain niveau de supportabilité.
Oui, il faut réaliser la transition, mais que ce soit en matière de transports publics ou de chauffage, cela demande du temps. La construction de lignes de transports supplémentaires prend des années. Dire que l'on devra abandonner sa voiture dès l'an prochain apparaît comme punitif.
Certains projets doivent absolument être menés. J'approuve le plan biodiversité. Il faut effectivement se battre contre la disparition des espèces. Je me réjouis à ce titre que le nombre de tigres ait doublé au Népal en dix ans. Mais, à entendre le Gouvernement, on a l'impression qu'il y a d'un côté ceux qui sont persuadés que la planète est menacée et de l'autre, les inconscients. Non. Tout le monde est conscient. Mais en passant en force, vous allez bloquer le système et obtenir le contraire du résultat attendu.
Madame Lavarde, vous avez raison, la baisse de la consommation est l'un des points les plus cruciaux de la transition écologique. La première chose que nous avons à faire collectivement, c'est essayer de réduire la consommation, ce qui a pour conséquence de diminuer les dépenses et les émissions de gaz à effet de serre. Nous portons cette politique forte avec le ministère du logement. Nous avons lancé il y a un mois une grande campagne d'appui à la rénovation, appelée « Faire ». Nous devons la soutenir dans l'immobilier de l'État et des collectivités territoriales, mais aussi dans le tertiaire. Si le neuf est plutôt en avance grâce à des normes strictes, il reste tout l'existant à traiter.
Il existe des aides : le CITE, qui a été un peu recentré avec la suppression des dépenses d'isolation les moins efficaces ; beaucoup de prêts de la Caisse des dépôts et consignations, qui ne sont pas utilisés ; des fonds de l'Ademe, qui ne sont pas tous dépensés ; les certificats d'économie d'énergie (CEE), qui peuvent aider à monter des systèmes de financement de la rénovation. La rénovation, l'efficience, la capacité à faire de la pédagogie pour réduire la consommation sont autant d'objectifs majeurs. Il n'y a là rien de punitif. On incite à réaliser des travaux et à changer de comportement. Les Français ont changé de comportement dans bien d'autres domaines. C'est possible.
Je comprends les appels des uns et des autres à ne pas brusquer, à ne pas passer en force. Je rappelle que l'augmentation des prix du carburant dont on parle est de 3 à 4 centimes par litre pour l'essence et de 6,5 centimes par litre pour le gazole. En parallèle, le Gouvernement mène une politique de soutien au pouvoir d'achat, notamment grâce à la suppression des cotisations familiales, au reste à charge zéro sur le dentaire, l'optique et l'auditif, à la mutuelle à un euro mais aussi à la revalorisation de la prime d'activité. On ne peut pas souligner les mesures alourdissant la fiscalité sans évoquer les mesures positives pour le pouvoir d'achat - le tout s'inscrivant dans une trajectoire de finances publiques contrainte et de baisse des dépenses publiques.
La hausse du prix du pétrole est un bon argument pour agir plutôt que pour freiner l'action puisqu'elle montre qu'il faut réduire notre dépendance au pétrole.
Je comprends tout à fait les préoccupations des familles rurales. C'est pourquoi nous avons développé les aides à la conversion et la possibilité de financer 30 % de l'investissement de changement d'une chaudière à fioul.
On peut continuer à réfléchir aux solutions adéquates, la discussion n'est pas close. Notre objectif est de donner une lisibilité et un cap et de protéger le pouvoir d'achat des plus modestes.
Monsieur Bascher, plus de 26 000 bornes de recharge électriques ont été installées, financées notamment par le programme d'investissements d'avenir (PIA).
Les collectivités seront aidées à hauteur de 65 millions d'euros par an. Au fur et à mesure de l'accroissement de l'autonomie des véhicules, la dépendance aux points de charge diminue.
Nous constituons la société de projet du canal Seine-Nord Europe dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités qui sera présenté prochainement.
Concernant le secteur routier, nous avons décidé de la prorogation du suramortissement jusqu'en 2021 sur les véhicules lourds fonctionnant au gaz naturel (GNV), bio-GNV et éthanol et son extension aux véhicules électriques et à hydrogène ainsi qu'aux petits véhicules lourds et aux véhicules utilitaires légers.
La contractualisation territoriale, qui m'est très chère, a été développée par Sébastien Lecornu au cours de la période précédente. Pour les projets actuels, on commence par mobiliser les fonds des différents acteurs existants, dans toutes les agences de l'État ou les collectivités territoriales. Le débat sur la possible affectation aux collectivités territoriales est ouvert depuis un certain temps. C'est à l'occasion de la réforme globale de la fiscalité locale que nous en discuterons.
J'ai le sentiment d'un malaise. Madame la ministre, vous avez employé une expression très révélatrice : « poursuivre la conversation ». Nous sommes là pour débattre. Vous avez aussi parlé de « pédagogie ». Je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'une conversation ou d'un débat pédagogique. Vous êtes si convaincue que je vous inviterais volontiers chez moi pour que vous rencontriez les gens au moment où ils reçoivent leurs factures.
Une transition, c'est un mouvement. Quelle est la part des recettes supplémentaires consacrée à l'accompagnement de la transition écologique et énergétique ? Vous partez du principe que le matraquage fiscal transforme les habitudes. Mais ce n'est pas le cas s'il n'y a pas d'alternative. Vous prenez le risque de vous retrouver dans une impasse. Prenons l'exemple du GNR, dont vous avez une vision erronée. Dans le BTP, il ne s'agit pas de transport. Or je ne connais pas de pelleteuse électrique. La majoration des prix sera répercutée sur les clients, qui sont publics à 65 %. Comment pouvez-vous intituler le budget 2019 « soutenir le travail, investir pour l'avenir » et commencer par renchérir le coût de l'investissement ? Comment cette fiscalité prétendument écologique et solidaire va-t-elle contribuer à la solidarité ?
Où est la solidarité lorsqu'un salarié qui doit se rendre au travail en voiture paie un plein de carburant 15 euros de plus que l'an dernier ? Semaine après semaine, cela représente 700 à 800 euros de plus par an ! Et vous nous dites, pardon du jeu de mot, « circulez, il n'y a rien à voir, puisque nous avons supprimé la taxe d'habitation » ! Celle-ci, soit dit en passant, atteint rarement 800 euros en milieu rural.
Vous prétendez faire de la pédagogie, mais vous persistez dans vos discours d'expert sans voir ni écouter ce qui se passe sur le terrain. Certes, dans le nouveau monde, les élus ont vocation à disparaître, mais ils tempèrent la vision de l'expert, car partout, cela gronde, les Français ont le sentiment que la fiscalité écologique sert surtout à augmenter la fiscalité. Votre discours sur le pouvoir d'achat ne tient pas, face à la hausse de la CSG et des taxes en tous genres.
Dans la future programmation pluriannuelle de l'énergie, reviendra-t-on sur l'ostracisme incompréhensible dont est l'objet l'énergie nucléaire, qui est pourtant un atout industriel, scientifique, écologique même, puisque sa continuité la rend complémentaire des énergies renouvelables intermittentes ? Les modes de production se diversifient, attention par conséquent à ne pas prendre du retard par rapport aux Américains ou aux Russes. Vous pouvez, si vous prenez ce dossier à bras le corps, apporter en outre une solution assez consensuelle en matière de déchets nucléaires de forte activité et à vie longue, qui constituaient un caillou, que dis-je, une plaie pour le secteur nucléaire.
J'ai lu dans ma jeunesse L'impératif industriel. Aujourd'hui, à l'affaiblissement des industries de main-d'oeuvre succèdent des mesures de transition qui affectent les industries électro-intensives : chimie, métallurgie, papeterie, etc. Elles avaient réussi à se maintenir sur le territoire national, elles ont à présent la tentation de la délocalisation, car notre fiscalité est en concurrence avec celle des autres pays. La vie publique ne se résume pas à un dialogue entre le Gouvernement et un Parlement attentif...
La CRE a reporté son appel d'offre sur la biomasse CRE 5 : l'échéance du 11 mars 2019 sera-t-elle tenue ?
Enfin, n'est-il pas temps de repenser une écotaxe poids lourds par région ? Car si les Bretons vivent au bout d'un isthme, au fond d'une impasse, les Lotharingiens qui sont au coeur de l'Europe voient passer les poids lourds à la chaîne - des camions qui ne paient rien mais détruisent les autoroutes et les routes ! Adoptons le principe destructeur-payeur !
Je me suis rendu au siège de Météo-France il y a quelques semaines, pour préparer mon rapport budgétaire. Les événements climatiques ont de très graves conséquences pour nos concitoyens et nos territoires. Or le financement du supercalculateur a donné lieu à bien des atermoiements. On a songé à l'imputer sur le PIA, on y a renoncé. Des crédits ont été promis pour 2019, or il manque au moins 6 millions d'euros pour la première étape. On sait déjà que l'enveloppe ne sera pas suffisante ces prochaines années, que le futur outil sera deux fois moins puissant que celui du Royaume-Uni. La semaine dernière, le Gouvernement a affirmé sa volonté de financer le supercalculateur. Dès lors, 6 millions d'euros de crédits seront-ils ajoutés dans le projet de loi de finances ? Rassurez tout le monde, madame la ministre ! Cet outil est indispensable.
Nous détenons le record européen de la taxation de l'activité économique ! Vous tenez des discours en faveur de l'industrie, mais vous pénalisez la consommation d'énergie... Les Français constituent moins de 1% de la population mondiale : circuleraient-ils tous à vélo que cela ne ferait pas de différence, parce que notre pays est déjà vertueux et se situe à la 21ème place pour les émissions de CO2, grâce notamment au nucléaire. Une fiscalité additionnelle ne va-t-elle pas encore peser sur l'industrie, sur le pouvoir d'achat, et finalement sur la croissance ? Pourquoi toujours frapper l'automobile ? PSA et Renault produisent de moins en moins de véhicules sur le territoire national, or on persiste à pénaliser leur production dans l'hexagone !
Tous les moyens de transport ne sont pas traités pareillement. Les avions traversent par millions l'Île-de-France pour desservir toute l'Europe, avec des dérogations fiscales sur le kérosène, mais personne n'en parle, et la pollution liée à ce trafic est passée sous silence. C'est ainsi : certains thèmes sont des obsessions, d'autres non... On ne s'intéresse qu'à une partie du problème. Les batteries électriques sont-elles propres ? Leur production, leur recyclage sont-ils écologiques ? La ministre a parlé d'exemplarité : oui, que l'État montre une ambition pour ses bâtiments, ses flottes de véhicules... Quant aux élus locaux, ils multiplient les opérations vertueuses, sur l'eau, le recyclage : il faut les aider à améliorer leur bilan carbone.
Je partage totalement les propos tenus par mes collègues. Nouvelle ministre, vous pouvez poser un regard neuf sur les mesures prises au fil du temps pour la transition énergétique. Il n'est pas raisonnable d'évacuer le lien entre coût de l'énergie et fiscalité de l'énergie. Les deux augmentent ensemble : cela prouve certes aux ménages qu'il faut évoluer, changer de comportement. L'une des incitations à moins consommer, à moins circuler, à isoler sa maison, c'est en effet une hausse continue et régulière des prix de l'énergie. La plupart des Français, ceux pour qui les hausses de tarif sont douloureuses, capteront le message. Mais lorsque les prix augmentent fortement, il faudrait mettre la fiscalité entre parenthèses ! Je songe à une sorte de TIPP flottante. Le rôle des politiques, c'est d'écouter la population. Celle-ci demande que la taxation cesse d'augmenter - voire diminue ! Vous ne sauriez répondre par un discours d'autorité, vous borner à affirmer que « c'est voté, cela ne peut pas bouger »...
Les plus bas revenus se rencontrent à l'extérieur des villes, dans les zones rurales, même s'il existe des poches de pauvreté en milieu urbain. Les gens fuient à la campagne où se loger et se nourrir coûtent moins cher. Mais lorsque le Gouvernement rend du pouvoir d'achat, c'est sur des postes, comme la taxe d'habitation, qui ne les concernent pas. Même chose pour l'allègement des charges sur les salaires : autour du SMIC, le gain est faible !
À côté d'une classe moyenne qui bénéficie à plein de ces mesures, il y en a une autre qui subit de nouvelles charges sans profiter d'allègements. Le rôle des politiques est d'en tenir compte, non de considérer le seul intérêt macroéconomique, mais de s'intéresser aussi à l'intérêt microéconomique de leurs concitoyens. J'approuve l'excellente définition donnée par Roger Karoutchi. Attention, si nous poursuivons ainsi, nous aurons collectivement un problème, nous deviendrons inaudibles et d'autres gouvernements arriveront aux affaires, qui mettront à bas les mesures de transition - voyez Donald Trump aux États-Unis...
Faisons attention à ce que nous faisons, il faut maintenir les objectifs et les principes mais en tenant compte des réalités, en trouvant des souplesses. Une partie du chèque énergie pourrait être un chèque énergie transport, par exemple, qui ciblerait les bonnes personnes. Bref, il convient de trouver des solutions pour avancer en fonction des capacités de la population.
Nous sommes tous plus ou moins d'accord sur le plan macroéconomique. Il y a eu 1,9 milliard d'euros de hausse sur la fiscalité énergie, mais 6 milliards de taxe d'habitation et de charges salariales en moins.
Vous avez commencé par m'interroger sur les grandes masses, je vous réponds d'abord sur ce point.
J'ai le plus grand respect pour les élus, moi qui viens de la société civile et de l'administration et parle plutôt en expert. Les élus ont un rôle unique de dialogue avec la population, de pédagogie ; ils écoutent leurs mandants et répercutent ce qu'ils entendent dans le débat parlementaire...
Vous citez le cas de personnes qui subissent 700 euros d'augmentation annuelle en carburant. Mais ces 700 euros ne sont pas uniquement de fiscalité, vous le savez bien. Bien sûr, on peut considérer qu'à chaque fois qu'une dépense contrainte augmente, la fiscalité doit baisser. Cependant, beaucoup de dépenses contraintes ont diminué : le poids de l'alimentation a fortement réduit dans le budget des ménages durant les trente dernières années, sans parler de la téléphonie. La fiscalité ne représente que 150 euros dans l'augmentation de la dépense dont nous parlons. En compensation, le chèque énergie de 150 euros en valeur absolue est porté à 200 euros. La prime d'activité - sujet qui m'est cher pour avoir travaillé sur le RSA dans une vie antérieure - augmente de 20 euros cette année et continuera d'augmenter les années suivantes. Enfin, les cotisations sociales sur le travail diminuent de 20 euros par mois. Nous acceptons le débat et le Gouvernement est prêt à réfléchir à des mesures d'accompagnement pour les plus modestes, si cela est nécessaire.
Je remercie M. Longuet d'avoir lu L'impératif industriel, il y a sans doute un certain temps. La PPE sur le nucléaire devrait être annoncée prochainement. Elle n'illustre aucun ostracisme du nucléaire. Le Gouvernement s'est fixé pour objectif de réduire la dépendance au nucléaire et d'atteindre une trajectoire où il ne représenterait plus que 50 % du mix électrique français dans des délais qu'il reste à déterminer, car la date initiale de 2025 n'est pas atteignable. Il ne s'agit pas de sortir complètement du nucléaire et la question du nouveau nucléaire est posée dans la PPE.
En ce qui concerne la biomasse, le lancement de l'appel d'offre pourrait avoir lieu en mars, mais rien ne le confirme pour l'instant. Des discussions sont en cours avec les fédérations de transport au sujet de l'écotaxe sur les poids lourds, et nous travaillons à trouver une solution.
Je vous confirme que le développement du supercalculateur a été décidé et financé. Il nous a semblé suffisant de débloquer 5 millions d'euros, car le reste sera financé en mobilisant le fonds de roulement. Au besoin, nous pourrons ajuster la trajectoire pour garantir l'investissement dans cet équipement dans les délais les plus brefs possibles.
Il faut effectivement que nous avancions sur le sujet de l'exemplarité de l'État.
Le Gouvernement ne tient aucun discours anti-voiture, mais souhaite accompagner la transition vers l'utilisation de voitures de moins en moins polluantes. Pour preuve de son pragmatisme, la prime à la conversion est ouverte à tout type de véhicules, non seulement les hybrides et les électriques, mais aussi les véhicules neufs et d'occasion sous réserve qu'ils soient moins polluants que ceux qui sont visés par le dispositif. Nous souhaitons aussi accompagner les constructeurs dans leur transition vers la production de véhicules moins polluants.
Madame la ministre, nous vous remercions pour votre disponibilité et la précision de vos réponses. Nous aurons l'occasion de poursuivre ces échanges d'ici quelques semaines.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 17h55.