C'est un rapport particulier, du fait de la nécessaire autonomie financière des pouvoirs publics.
En un mot, les crédits de cette mission sont stables, mais cette stabilité ne peut pas durer.
Le périmètre de la mission englobe les deux assemblées, le Conseil constitutionnel, la présidence de la République et la Cour de justice de la République, qui n'a pas eu d'activité notable cette année. Je concentrerai mon exposé sur les trois premiers budgets, les plus importants, qui doivent être abordés comme des budgets d'établissements publics, avec des dotations de l'État, des recettes propres et des prélèvements sur les réserves. Or l'Assemblée nationale comme le Sénat font largement appel à ces réserves, et le tonneau des Danaïdes n'existant pas dans le domaine budgétaire et financier, celles-ci finiront par s'épuiser.
La Présidence, les deux assemblées et le Conseil constitutionnel se sont fixé un triple objectif de modernisation, d'optimisation et d'efficacité qui implique une révision ambitieuse des méthodes de travail.
Nous constatons une stabilité de la dotation de la présidence de la République accompagnée d'une légère augmentation des dépenses de personnel de l'Élysée, liée à une sous-estimation des crédits en 2018, et un budget de déplacement en forte croissance.
Autre fait saillant, l'Assemblée nationale puise beaucoup dans les réserves. Son budget s'élève à 568 millions d'euros, dont 517 millions d'euros de crédits budgétaires, sachant que les recettes propres sont très faibles. Pour le Sénat, le total est de 354 millions d'euros, jardin et musée inclus, dont 323 millions d'euros de crédits budgétaires.
Certes, les budgets des deux assemblées sont à peu près constants depuis 2012, soit une baisse réelle, mais le moment de vérité arrivera lorsque l'ensemble des réserves auront été consommées. C'est naturellement un sujet politique, une question d'exemplarité ; mais des mesures comme l'augmentation de 10 % de l'enveloppe des collaborateurs par les assemblées parlementaires doivent être financées. La situation me semble tenable jusqu'en 2020. Quoi qu'il en soit, il faudra se poser la question du budget après 2022, si le nombre et les moyens des parlementaires sont modifiés à cette échéance.
Ces observations faites, je propose l'adoption des crédits de la mission.
Une réserve est toujours constituée en vue d'une utilisation déterminée. Quel est la raison d'être des réserves des assemblées ? Les ponctionner met-il en péril l'action ainsi envisagée ?
L'augmentation des déplacements présidentiels a un impact sur les autres missions, notamment la mission « Sécurités ». Ainsi lors du passage du Président dans les Ardennes dans le cadre de l'itinérance mémorielle, une compagnie de CRS était mobilisée. A-t-on une idée de cet impact ?
Le budget du Sénat s'est stabilisé à 323 millions d'euros, et nos guides ne manquent pas de le signaler aux visiteurs. Il est important d'analyser la répartition de ces crédits.
Où en est le projet de rapprochement entre la Chaîne Parlementaire et Public Sénat ?
Certes, le budget de l'Élysée se stabilise, mais après une augmentation de 3 % l'an dernier...
Concernant l'Assemblée nationale, la presse s'est fait écho de dépassements budgétaires en cours d'année. Or les charges de personnel passent de 175 millions d'euros pour le réalisé 2017 à... 171 millions d'euros pour le budget 2019. De même, les charges de secrétariat parlementaire ont baissé de 194 millions d'euros pour le réalisé 2017 à 170 millions pour le budget 2019 ! Cette comptabilité est-elle vraiment sincère ?
La réserve a son utilité. Elle permet notamment d'absorber les indemnités des très nombreux collaborateurs parlementaires licenciés après le renouvellement de l'Assemblée nationale en 2017.
Comment sont gérés les fonds de pension ? Il importe de vérifier que notre institution ne fait pas de placements dans des paradis fiscaux.
La Cour de justice de la République coûte 900 000 euros par an. Quelle a été son activité ces dernières années ?
Le budget 2019 est très satisfaisant en termes d'affichage, puisque les dotations des assemblées n'augmentent pas depuis six ans, mais le recours aux réserves pose la question de la soutenabilité de cette trajectoire à moyen terme. Personne ne comprendrait un ressaut brutal de ces dotations. Une baisse du nombre de parlementaires ne réglera pas le problème : outre les charges fixes, l'une des justifications de la mesure proposée est l'augmentation des moyens dont bénéficiera chaque parlementaire. Le passage des retraites de l'Assemblée nationale au régime général est présenté comme une grande avancée, mais il a lui aussi un impact sur l'équilibre du budget. Les difficultés arrivent ; à quelle échéance, et ne faut-il pas s'y préparer ?
La raison d'être des réserves du Sénat et de l'Assemblée nationale est, pour le moment, de financer les projets immobiliers. Au Sénat, les ressources propres et les crédits budgétaires financent le fonctionnement de l'institution, mais pas l'entretien courant. Or le Sénat, comme l'Assemblée nationale, voire l'Élysée, ressemblent beaucoup à un monument historique, et ce n'est pas pris en compte dans la dotation... C'est pourquoi l'entretien courant du bâtiment est financé par la réserve.
Ces réserves ont été constituées progressivement. François Hollande a, en quittant la Présidence, rendu 10 millions d'euros sur les 17 millions de la réserve au budget de l'État.
Marc Laménie, le G7 organisé à Biarritz en 2019 explique en partie l'augmentation du budget des déplacements. La Cour des comptes s'est demandé si le budget de l'Élysée recouvrait l'ensemble des dépenses de la Présidence. Un effort d'internalisation a été réalisé mais une véritable comptabilité analytique fait défaut. Concernant la sécurité du Président, la garde du pavillon de la Lanterne est assurée par la Garde républicaine et affectée dans le budget de celle-ci ; la CRS-1 relève de la Mission « Sécurités ». L'Élysée ne fonctionne pas encore à coût complet, mais s'en rapproche. Il faudrait davantage de comptabilité analytique, pour la Présidence comme pour l'Assemblée nationale ou le Sénat.
Christine Lavarde, le rapprochement entre LCP et Public Sénat ne semble plus dans l'air du temps.
Le budget de l'Assemblée nationale est-il sincère ? Oui, dans l'ensemble, les Questeurs de l'Assemblée nationale ont ajusté le budget 2019 à la réalité. Par ailleurs, les projets immobiliers de l'Assemblée, notamment la reconversion de l'hôtel de Clermont en bâtiment de bureaux, ont entraîné un recours accru aux réserves.
Les Questeurs m'ont indiqué que les réserves constituées au Sénat pour payer les pensions en financent 70 % du total ; 30 % doivent être prélevés sur les crédits annuels. Ce sont deux comptes séparés. Il ne me semble pas que ces fonds soient mal gérés.
Le Sénat veille à éviter les placements dans les paradis fiscaux et procède aux diligences nécessaires.
La Cour de Justice de la République n'a pas eu d'activité en 2018 ; en 2012, elle a reçu 34 plaintes, 44 en 2013, 45 en 2014, 42 en 2015, 74 en 2016, 41 en 2017 et 11 au 31 mai 2018. Cinq affaires se sont conclues par un non-lieu et deux sont en cours.
Philippe Dallier a posé une question fondamentale : que fait-on demain ?
L'Assemblée nationale peut maintenir cette trajectoire jusqu'en 2022, le Sénat aussi. Il est également possible de laisser les bâtiments se dégrader, comme l'État le fait souvent... L'ajustement des crédits de fonctionnement et d'investissement courants est indispensable, pour l'Élysée comme pour l'Assemblée nationale et le Sénat. De plus, le Conseil constitutionnel fera un bilan, en 2020, de l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité, qu'il a absorbée à budget constant.
La baisse projetée de 30 % des effectifs parlementaires ne débouchera pas sur une économie de 30 % en fonctionnement, d'autant que le Président de la République a annoncé vouloir renforcer les moyens des assemblées, y compris en développant des capacités d'expertise propres. La fin du cumul des mandats et des cabinets locaux entraînera également un besoin de collaborateurs plus affûtés, et devrait se traduire par une augmentation du temps travaillé, du temps de présence des parlementaires et de l'activité de contrôle.
Il n'est pas raisonnable de laisser une telle situation à nos successeurs. Il faudra donc engager un travail d'explication auprès des Français et arrêter la démagogie.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
Il est difficile de présenter synthétiquement un rapport qui couvre des territoires aussi différents, avec des compétences touchant des domaines aussi divers que le logement, la mobilité, ou encore la situation sanitaire.
En 2019, le montant total des crédits de la mission outre-mer s'élèvera à 2 490,6 millions d'euros en crédits de paiement et à 2 576,4 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse respective de 20,5 % et 22,5 %.
Ces augmentations exceptionnelles résultent de deux importantes mesures de périmètre. D'abord, 170 millions d'euros de ressources nouvelles en autorisations d'engagement et 120 millions d'euros en crédits de paiement ont été dégagés par la suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR) et de la réduction d'impôt sur le revenu (IR) dont bénéficient les personnes physiques domiciliées fiscalement dans les départements d'outre-mer. Ensuite, 296 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement correspondent à un transfert au profit du programme 138 « Emploi outre-mer », lié à la mise en oeuvre de la réforme des exonérations de charges spécifiques à l'outre-mer, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2019 en même temps que la réforme du CICE.
Hors ces mesures de périmètre, les crédits de la mission seraient stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 : aucune augmentation pour les autorisations d'engagement, 0,1 % pour les crédits de paiement qui s'élèvent à 2,2 milliards d'euros.
En réalité, l'action de l'État dans les outre-mer ne se limite pas au périmètre de cette mission ni aux crédits budgétaires. Le document de politique transversale (DPT) outre-mer couvre 27 missions différentes, pour un montant total de 17 milliards d'euros en crédits de paiement, auxquels il faut ajouter le montant des dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer », estimé à 4,7 milliards d'euros pour 2019.
La mesure de périmètre que j'ai évoquée a pour objet de permettre au Gouvernement de mobiliser l'équivalent de la dépense fiscale supprimée en dépense budgétaire, soit 100 millions d'euros, afin de favoriser le développement économique des territoires rassemblés principalement dans la nouvelle action 04 « Financement de l'économie » du programme 138 « Emploi outre-mer » ; et 70 millions d'euros seront dégagés pour abonder le fonds exceptionnel d'investissement (FEI). Avec mon collègue Georges Patient, nous avions, en 2016, réalisé un contrôle budgétaire de ce dispositif de financement des investissements publics ; nous en avions noté la souplesse et sa capacité à mobiliser rapidement l'action publique au service des collectivités concernées.
Ce projet de loi de finances comprend également d'importantes mesures fiscales. Son article 6 crée les « zones franches d'activité nouvelle génération » (ZFANG), pérennisant ainsi le dispositif temporaire des zones franches d'activité, augmentant les taux des différents avantages fiscaux prévus, et surtout supprimant leur dégressivité. La réforme conduit néanmoins à une réduction du nombre de secteurs éligibles aux taux préférentiels.
Les moyens budgétaires visant à favoriser le logement, dont la ligne budgétaire unique constitue l'instrument principal, sont stables mais inférieurs aux besoins exprimés par les territoires, comme Georges Patient vous le confirmera.
Les plans de convergence et de transformation prévus par la loi d'égalité réelle des outre-mer et le Livre bleu des Outre-mer voulu par le Président de la République font l'objet de 23 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2019. Ce dispositif devra impérativement monter en charge afin d'atteindre les objectifs fixés par ces deux textes. Ces plans se substitueront aux contrats en cours - contrats de plan État-région et contrats de développement pour les collectivités d'outre-mer, avec un périmètre budgétaire élargi. Il conviendra d'être vigilant sur le respect des engagements financiers de l'État en fin d'exécution.
En 2019, 179,1 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement pour ces dispositifs contractuels, dont 55 millions d'euros pour les cinq départements d'outre-mer et 124,1 millions d'euros pour les collectivités d'outre-mer. Ces chiffres sont toutefois à rapprocher des 235,6 millions d'euros de restes à payer sur les engagements des contrats en cours et passés. Initialement prévus en juin, ces derniers devraient finalement être finalisés en fin d'année et n'entrer en vigueur qu'au début de l'année 2019.
Je tiens à exprimer la satisfaction du gouvernement de la Polynésie française vis-à-vis du maintien du soutien de l'État au régime de solidarité local, dans un contexte difficile de réforme de la protection sociale au niveau national, et du respect des engagements pris sous la précédente mandature sur la difficile question nucléaire. Il n'y a pas si longtemps, les crédits de la dette nucléaire étaient réduits chaque année en loi de finances, contrairement aux engagements initiaux.
Je vous propose de voter les crédits de la mission.
Les crédits de la mission « Outre-mer » ne retracent qu'une partie de l'effort de l'État en faveur des outre-mer. L'effort financier consacré par l'État aux territoires ultramarins s'élève à 18,72 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 18,41 milliards d'euros en crédits de paiement dans le PLF 2019. Les dépenses fiscales étant estimées à plus de 4,3 milliards d'euros, l'effort total de l'État devrait s'élever à 23,02 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 22,71 milliards d'euros en crédits de paiement en 2019. Sur l'ensemble de ces crédits, retracés par le document de politique transversale, plus de 1,7 milliard d'euros n'ont pas encore été ventilés par territoire. À périmètre constant, l'effort total de l'État en faveur des outre-mer n'augmente que de 1,5 % en autorisations d'engagement.
Je rappelle que cet effort est justifié par les fragilités socio-économiques spécifiques dont souffrent ces territoires. À titre d'exemple, en 2017, le PIB par habitant de la Guyane ne s'élevait ainsi qu'à 48 % de celui de l'ensemble de la France, tandis que celui de Mayotte ne dépassait pas les 28 %.
Comme l'a indiqué mon collègue Nuihau Laurey, les crédits de la mission sont stables par rapport à la loi de finances pour 2018. À périmètre constant, le budget 2019 respecte la programmation pluriannuelle. Il aurait été souhaitable que cette programmation fût réévaluée au cours de la tenue des « Assises de l'outre-mer », qui devaient définir la stratégie ultramarine du quinquennat et, en conséquence, le niveau réel des besoins de la mission « Outre-mer ». Le respect de cette trajectoire me paraît regrettable, car en contradiction avec l'objectif de rattrapage économique des territoires ultramarins.
Je serai particulièrement vigilant quant à la promesse du Gouvernement de « transformer » des dépenses fiscales en dépenses budgétaires. Ce PLF prévoit en effet, dans son article 5, la réaffectation des économies réalisées grâce à la suppression de la TVA non perçue récupérable, et dans son article 4 l'abaissement du plafond de la réduction d'impôt sur le revenu applicable aux contribuables domiciliés dans les DROM, qui devraient représenter un « gain » budgétaire respectif de 100 et 70 millions d'euros par an en dépenses budgétaires de la mission « Outre-mer ». Il est envisagé d'abonder le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) de 70 millions d'euros par an et d'utiliser les 100 millions d'euros restants pour financer des actions de soutien aux entreprises ultramarines.
La dépense budgétaire présente toutefois pour caractéristique d'être pilotable, contrairement à la dépense fiscale, et nous ne pouvons que redouter son attrition progressive. Ce ne serait pas la première fois qu'un Gouvernement ne respecte pas son engagement... La promesse d'abondement du FEI doit donc être accueillie avec une extrême vigilance. Alors que le précédent président de la République avait formulé le souhait de doter le FEI de 500 millions d'euros sur son quinquennat, cet objectif n'avait pas été atteint. En 2017, le FEI n'avait cumulé que 230 millions d'euros en autorisations d'engagement et 214 millions d'euros en crédits de paiement, soit moins de la moitié des financements promis.
Ainsi, je souhaite que ces engagements fassent cette fois l'objet d'une surveillance particulière. J'envisage donc d'effectuer un contrôle budgétaire sur le FEI dans les années à venir afin de veiller à leur bonne exécution.
L'année 2019 est également marquée par la réforme des exonérations de charges sociales outre-mer prévue à l'article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), avec un recentrage du soutien sur les niveaux de rémunération jusqu'à 2 SMIC, alors que le régime actuel permet des allégements jusqu'à 3,5 SMIC pour les secteurs prioritaires, voire 4,5 SMIC dans certains cas. Cette réforme comporte le risque de créer une « trappe à bas salaires » en contradiction avec l'objectif de développement endogène de filières compétitives, qui nécessite des emplois qualifiés et des niveaux de rémunération plus élevés. Son impact est, en outre, négatif pour certains territoires, comme la Guyane.
Comme mon collègue Nuihau Laurey, c'est donc sans enthousiasme, et surtout avec une grande vigilance pour l'avenir, que je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».
J'imagine les difficultés rencontrées par notre collègue Georges Patient dans le cadre de son rapport spécial et les efforts d'objectivité et d'équilibre qu'il a dû déployer. Mais malgré son travail remarquable de parlementaire averti, je crains de ne pouvoir suivre son avis sur la mission « Outre-mer », compte tenu de la politique menée par le Gouvernement. Le projet de loi de finances apparaît mal préparé et les études d'impact, incomplètes, n'ont été publiées qu'au dernier moment, empêchant les parlementaires de voter en conscience et en raison.
Comme ancien ministre, je connais particulièrement bien la mission « Outre-mer » et je regrette le choix du Gouvernement en faveur d'une réforme fiscale d'envergure sans consultation préalable. Les données fournies paraissent aussi loufoques qu'illisibles. Ainsi, l'abaissement du plafond de la réduction d'impôt sur le revenu rapporterait, selon le Gouvernement, 70 millions d'euros. Je crois davantage à un montant de 200 millions d'euros. L'estimation ne semble guère plus solide s'agissant la suppression de la TVA non perçue récupérable - souvenez-vous de la prestation de la ministre devant l'Assemblée nationale - dont le gain annoncé a varié de 200 millions d'euros à 23 millions d'euros. Quelle politique au doigt mouillé ! Quant à la défiscalisation, aucune étude sur l'amélioration de l'habitat privé n'a été réalisée. Je l'ai indiqué au président de la République lors de sa venue en Guadeloupe : il ne manque pas 170 millions d'euros sur quatre ans à l'outre-mer, mais plus d'un milliard d'euros. Pouvez-vous nous confirmer que les crédits de la mission demeurent stables en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement en 2019, hors changement de périmètre ? Ledit changement de périmètre - la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pour un montant de 296 millions d'euros - se traduit-il effectivement par un gain de 171 millions d'euros pour la mission ?
D'après le rapporteur général du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), la réforme des exonérations de charges patronales serait déficitaire d'environ 14 millions d'euros. Ce chiffre vous semble-t-il exact ? En revanche, alors que le Gouvernement parle d'équivalence, les administrations publiques seraient bénéficiaires à hauteur de 66 millions d'euros. Quoi qu'il en soit, la méthode apparaît brutale. Pire, l'argent sera centralisé à Paris sans garantie de consommation effective pour l'outre-mer. Voilà, selon moi, le pire budget depuis cinquante ans pour l'outre-mer ! Nous demandons donc la reprise des discussions, afin de trouver un compromis raisonnable sur la réforme proposée. Je vous rappelle que la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer avait établi une feuille de route.
Nous partageons certaines préoccupations de nos collègues ultra-marins. Lors d'un récent déplacement, j'ai constaté avec effroi l'état inquiétant des logements. Quelles politiques d'amélioration ont été mises en oeuvre ? Quel est, par ailleurs, l'état d'avancement du programme de soutien et d'intervention lancé après le récent mouvement social en Guyane ? Je m'interroge enfin, au regard du taux de chômage élevé en outre-mer, sur l'efficacité des politiques menées en termes de développement économique et d'insertion professionnelle des populations. Comment agir pour améliorer la situation ?
Le taux de chômage est effectivement deux à trois fois supérieur en outre-mer, qui dispose pourtant des mêmes dispositifs qu'en métropole, à l'instar, par exemple, des emplois aidés. Mais les handicaps - éloignement, éparpillement des territoires particulièrement prégnant en Polynésie, et étroitesse du marché économique - y demeurent nombreux et expliquent les résultats décevants des politiques en faveur de l'emploi.
Le budget consacré au logement social ultra-marin est longtemps resté stable, alors que plus de 60 000 ménages y prétendent dans les départements d'outre-mer. Le dispositif de défiscalisation se met difficilement en oeuvre, raison pour laquelle les collectivités territoriales disposant d'une autonomie en la matière souhaitent pouvoir l'accélérer. Nul ne peut hélas garantir que la transformation d'une dépense fiscale en crédits budgétaires se fera à enveloppe constante. Il nous faudra demeurer vigilants lors des prochains projets de loi de finances.
L'action menée par la ministre part d'une louable intention. Le chômage constitue effectivement un fléau majeur pour l'outre-mer, avec un taux moyen de 25 % et de 40 % chez les jeunes, nombreux dans nos territoires, même si un phénomène de vieillissement de la population est observable en Martinique et en Guadeloupe. Mais une telle politique nécessite des financements supplémentaires dans un contexte budgétaire contraint. Le choix a donc été fait de faire appel à la solidarité locale en réduisant les niches fiscales - l'abattement de 40 % à Mayotte et en Guyane et de 30 % aux Antilles dont bénéficient environ 4 % des foyers - et en réformant la TVA pour financer de nouvelles mesures à hauteur de 170 millions d'euros. Nous devons toutefois être certains de l'affectation de cette somme à l'outre-mer. Je vous rappelle qu'après avoir annoncé un plan de 500 millions d'euros, le précédent Gouvernement n'y a consacré que 230 millions d'euros...
Il semblerait que le coût des différents dispositifs d'exonération de charges s'établisse à 1,754 milliard d'euros en 2019, contre 1,736 milliard d'euros en 2018. Hier, avec notre collègue Victorin Lurel, nous avons combattu cette réforme dans le cadre de la discussion du PLFSS. La ministre a elle-même reconnu que le dispositif pouvait être amélioré et a accepté de nombreux amendements.
Le Gouvernement précédent s'était certes engagé à hauteur de 500 millions d'euros mais, au moins, ne prélevait-il pas de recettes. Le président de la République a, pour sa part, promis 4,5 milliards d'euros à l'outre-mer, dont un milliard d'euros pour la seule Guyane, mais avec les mesures fiscales, il commence par nous retirer des ressources ! Or, en observant le produit intérieur brut (PIB) de l'outre-mer, il apparait que la consommation, qui souffrira de ces mesures, représente le principal facteur de croissance. Nous votions toujours le budget de l'outre-mer à l'unanimité ; chacun désormais défend ses intérêts. La réforme proposée est trop brutale : la majorité sénatoriale doit nous aider à trouver un compromis.
Je peux vous confirmer que la situation en Guyane demeure tendue. Si la mise en oeuvre du plan de soutien est respectée, les plans complémentaires promis sont restés dans les limbes. Les attentes sont considérables et l'agitation palpable : veillons à ce que les troubles ne se reproduisent pas.
Si les dispositifs fiscaux suscitent des inquiétudes, la mission « Outre-mer » ne semble pas poser de difficulté.
Article 77 ter (nouveau)
L'article 77 ter introduit par l'Assemblée nationale prévoit la remise au Parlement, avant le 31 décembre 2020, d'un rapport sur le nouveau dispositif d'exonération de charges sociales outre-mer. Nous y sommes favorables.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer » et de l'article 77 ter qui lui est rattaché.
L'an dernier, je vous faisais part de ma perplexité de rapporteur spécial face à la présentation du compte spécial « Participations financières de l'État ».
Les impératifs de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) sont en effet aménagés afin de préserver la confidentialité des opérations de cessions envisagées au cours de l'année suivante. La présentation du compte s'opère de façon conventionnelle, avec un montant artificiel de crédits proposés.
Comment vous éclairer dans ces conditions ? C'est pourquoi j'avais proposé une position de vote inédite, en m'en remettant à la sagesse du Sénat.
Cette année, ma conviction s'est affermie : la présentation du compte n'est pas satisfaisante. La capacité d'analyse du Parlement est balayée sur l'autel de la confidentialité des opérations. Des alternatives existent pourtant, j'y reviendrai ensuite.
Dans l'immédiat, laissez-moi vous présenter le compte tel qu'il est proposé pour 2019. Le montant conventionnel de crédits est multiplié par deux, choix artificiel censé tenir compte des cessions envisagées par le Gouvernement et faisant l'objet de dispositions législatives dans le projet de loi dit « Pacte » que nous allons prochainement examiner.
Vous connaissez sans doute à grands traits le projet du Gouvernement. Il s'agit de céder pour 10 milliards d'euros de participations afin d'abonder un fonds pour l'innovation dite « de rupture », dont seuls les intérêts seront affectés à l'innovation. La dotation du fonds est donc non consumptible.
Ce projet initial a été précisé dans le courant de l'année. Le fonds a été créé en janvier dernier ; il est placé auprès de l'Epic Bpifrance. Il a reçu une dotation transitoire, dans l'attente des cessions effectives d'Aéroports de Paris (ADP) et de la Française des Jeux (FDJ) : 1,6 milliard d'euros en numéraire et des titres de l'État dans Thalès et EDF.
Ces titres n'ayant pas vocation à être cédés, ils sont temporairement confiés au fonds afin d'assurer que la somme des intérêts générés par le 1,6 milliard d'euros en numéraire et les dividendes tirés de ces participations atteignent l'objectif visé de crédits destinés à l'innovation dès cette année, à savoir 250 millions d'euros environ.
Les titres Thalès et EDF seront ensuite récupérés par l'État lorsque le produit des cessions ADP et FDJ aura été encaissé et que la dotation du fonds atteindra effectivement les 10 milliards d'euros en numéraire.
Surtout, en août dernier, les modalités de placement de la dotation en numéraire du fonds ont été précisées. En pratique, les 10 milliards d'euros seront placés sur un compte ouvert auprès du Trésor, portant un intérêt annuel de 2,5 %.
Compte tenu de ce taux particulièrement avantageux dans le contexte actuel de taux faibles, je serais tenté de féliciter le Gouvernement pour ce rendement !
La réalité est malheureusement plus sombre. L'étude d'impact du projet de loi « Pacte » nous renseigne à cet égard : le rendement du fonds sera retracé dans la charge de la dette. Posons les termes adéquats : le rendement annuel du fonds, de 250 millions d'euros, sera retracé dans le budget général de l'État au titre du service de la dette.
C'est là le tour de passe-passe trouvé par le Gouvernement. La dotation du fonds pour l'innovation viendra en effet s'inscrire en déduction de la dette maastrichtienne. J'ai calculé : par cet artifice, le Gouvernement affiche une réduction artificielle de l'endettement public.
Plus encore, il convient de distinguer entre sous-secteurs d'administrations publiques. En effet, la réduction de l'endettement public inscrite dans la trajectoire du Gouvernement résulte uniquement des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale. Le mécanisme du Gouvernement permet en réalité de contenir le dérapage de l'endettement de l'État de 20 %.
Sous couvert, selon les termes mêmes du ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire, de préparer l'avenir de nos enfants en soutenant l'innovation dite « de rupture », le Gouvernement maquille surtout la réalité des chiffres.
Récapitulons les conséquences pour le budget général de cette opération : les dividendes tirés d'ADP et de la FDJ seront perdus, pour un montant d'environ 200 millions d'euros par an, tandis qu'en parallèle les intérêts dus au titre de la dotation du fonds pour l'innovation s'élèveront à 250 millions d'euros par an. Or le Parlement ne sera nullement associé aux modalités du soutien à l'innovation qui sera apporté par le fonds.
Relevez que, jusqu'à présent, je n'ai pas fondé mon propos sur la pertinence ou non de céder ces entreprises. Ces débats auront lieu lors de l'examen de « Pacte », ils seront nourris, j'en suis certain. Non, j'alerte uniquement votre attention sur la manoeuvre du Gouvernement et ses risques pour les intérêts patrimoniaux de l'État, et donc pour nos enfants que le Gouvernement affirme pourtant privilégier par ce tour de bonneteau.
Je vous disais au début de mon intervention que des alternatives existent. J'en citerai deux.
La première nous est livrée par le Gouvernement lui-même : la dotation transitoire actuelle pourrait être prolongée, dans l'attente des retours des investissements consentis dans le cadre des programmes d'investissement d'avenir (PIA). Ces derniers sont estimés à près de 3 milliards d'euros d'ici 2022, puis à 8 milliards d'euros d'ici dix ans. C'est précisément le montant nécessaire pour compléter la dotation du fonds.
La seconde consiste en une évolution du statut de l'Agence des participations de l'État. Actuellement, il s'agit sans doute du seul gestionnaire de participations qui ne bénéficie pas du produit des actifs qu'il gère. En effet, les dividendes en numéraires sont directement versés au budget général de l'État.
En dotant l'Agence de la personnalité morale, elle pourrait percevoir ces dividendes. Elle serait liée à l'État par un contrat pluriannuel déterminant le montant du dividende annuel qu'elle serait tenue de lui verser.
Cette évolution apporterait une solution aux deux difficultés principales actuellement constatées. L'instabilité du montant annuel des dividendes perçus par l'État, mobilisée par le Gouvernement pour justifier l'impossibilité de compter sur cette recette pour financer l'innovation, serait lissée. L'information du Parlement et ses pouvoirs de contrôle seraient améliorés. L'unité de l'État actionnaire serait assurée. Le Parlement serait associé à la définition du contrat pluriannuel conclu avec l'APE et pourrait en suivre la réalisation.
L'équation initialement insoluble entre l'information du Parlement et la confidentialité des opérations de l'État actionnaire, derrière laquelle le Gouvernement se drape pour justifier la mise à l'écart du Parlement, serait résolue.
Dans l'immédiat, il m'appartient de vous faire part de ma position de vote.
Considérant qu'à l'appui de ce que je viens de vous exposer, il est pour le moins incongru de doubler la contribution au désendettement portée par le compte en 2019, je vous propose un amendement visant à la réduire de moitié et à rétablir ainsi le montant conventionnellement prévu sur le compte.
Sous réserve de l'adoption de cet amendement et des observations que j'ai formulées, je vous recommanderai d'adopter les crédits du compte spécial pour 2019.
Il s'agit d'abaisser de deux milliards d'euros à un milliard d'euros le montant consacré au désendettement de l'État. Ce compromis me semble raisonnable pour éviter de participer à la manoeuvre comptable du Gouvernement sans pour autant contrarier la contribution au désendettement traditionnellement inscrite sur le compte.
Le projet de loi de finances fait déjà état des montants des cessions de la FDJ et d'ADP alors que nous n'avons pas examiné le projet de loi qui les autorise. Je suis, pour ma part, réservé : il n'est jamais souhaitable de privatiser un monopole comme la FDJ. Nous en reparlerons en temps voulu. Je soutiens votre amendement.
J'ai également des réserves sur les privatisations envisagées. La doctrine d'intervention de l'État actionnaire a changé, mais ce dernier pourrait avoir du mal à honorer sa propre doctrine, compte tenu du montant inédit du solde cumulé du compte. Il devrait en effet s'établir à un niveau très faible en fin d'année - environ 1,3 milliard d'euros. Les marges de manoeuvre de l'État actionnaire seront réduites et sa capacité d'intervention en cas de risque systémique touchant une entreprise, qui constitue pourtant un des trois axes de la doctrine d'intervention, se trouverait conditionnée à un versement du budget général et de fait assujettie aux contingences budgétaires annuelles.
Dans le cadre des travaux de la commission spéciale formée pour l'examen du projet de loi « Pacte », nous avons auditionné Martin Vial, Commissaire aux participations de l'État. Il a été consulté par le Gouvernement sur le choix des entreprises dont la privatisation pourrait être envisagée. Avez-vous eu accès à cette liste ?
La rentabilité d'une société comme ADP dépend des dividendes versés, dont le montant est déterminé par le conseil d'administration, dont l'État est un membre essentiel. La dernière vente de l'État sur cette société date d'il y a cinq ans dans une opération de gré à gré. Depuis, la valeur du titre a considérablement augmenté... Cela a-t-il été véritablement une bonne opération pour l'État ? Comment calculer la bonne opportunité ?
Je m'interroge sur ce qui ne relève pas du compte d'affectation spéciale (CAS), mais de la Caisse des dépôts et consignations. La Caisse détient de nombreuses participations. Quelles pourraient être vos propositions pour l'articulation de ces participations avec celles de l'État ?
Malgré toute la pédagogie du rapporteur spécial, je n'ai pas bien compris un point. L'État envisage de céder 10 milliards d'actifs, ce qui lui rapporterait 250 millions d'euros par an. Qui paie ces intérêts ? S'agit-il d'une recette fictive établie par rapport à des emprunts non contractés à raison des 10 milliards d'euros de liquidités - mais alors le taux considéré est particulièrement élevé par rapport aux taux actuels - ou s'agit-il des intérêts de l'argent prêté par l'État à quelqu'un ?
Cette mission sur l'État actionnaire est importante, mais elle est, malheureusement, souvent sacrifiée lors d'un examen de 30 minutes tard dans la nuit. Je regrette qu'il n'y ait pas davantage de débat, alors qu'on a fait riper les participations de l'État pour alimenter le Fonds stratégique d'investissement (FSI), sans contrôle parlementaire. Pourquoi ne pas organiser un débat en séance publique sur les participations de l'État ?
Certes, nos débats obéissent à certaines contraintes de temps, mais soyez rassurée : cette mission sera examinée un vendredi matin, et non à trois heures du matin, ce qui n'empêche pas un autre débat en séance publique. Tous les sujets budgétaires ont leur importance.
Nous avons reçus le Commissaire Vial, et l'avons interrogé. Il nous a avoué avoir été consulté et avoir fait des propositions, sans nous communiquer la liste - que je souhaite lui demander.
Il ne nous a pas explicité les critères de choix pour privatiser un monopole public, même si la nouvelle doctrine qui remplace celle de 2014 nous donne quelques informations. Un rendement faible justifie une privatisation.
C'est l'État actionnaire qui fixe les dividendes et donc influence le rendement. Mais en étant juge et partie, il peut prévoir un rendement faible et ensuite dire que la cession est une bonne affaire pour l'État. Or je ne suis pas certain que ce soit le cas. La multiplication par quatre des performances boursières devrait rendre l'État plus prudent.
La vente ne se fera pas de gré à gré mais par une opération de marché. J'ai été étonné par la convergence de vues entre sénateurs lors de l'audition de Martin Vial par la commission spéciale. Le Commissaire, un peu gêné, a dû reconnaître sa patte personnelle dans le choix des critères. Le mécanisme adopté est tout sauf simple : sans me prononcer idéologiquement sur la privatisation, le mécanisme a des effets indirects bien opportuns pour le Gouvernement... Le Gouvernement a mis au point un mécanisme extrabudgétaire, sans contrôle du Parlement.
Je vous invite tous à vous intéresser aux articles 44 à 51 du projet de loi « Pacte » portant sur le cadre proposé pour les cessions d'ADP et de la FDJ. Les contraintes sont-elles suffisantes dans le rapport de force ? Pour ADP, une double comptabilité est prévue, et les redevances aéroportuaires ne seront pas fixées en fonction de la rentabilité commerciale de l'entreprise.
Les redevances seront une charge lourde pour la gestion d'Aéroports de Paris. Tous les autres grands aéroports du monde sont publics, y compris aux États-Unis...
Ce sont des monopoles presque naturels. Ce qui faisait la force d'Aéroports de Paris, cette exploitation pérenne, disparaîtra demain...
Le patrimoine de l'État actionnaire s'élève à 140 milliards d'euros. L'Agence des participations de l'État en gère environ 100 milliards d'euros, le reste relève de Bpifrance et de la Caisse des dépôts et consignations ; cela ne figure pas dans le compte d'affectation spéciale. Nous avions interrogé l'année dernière des gestionnaires de la Caisse des dépôts consignations ainsi que de Bpifrance sur leurs relations avec l'Agence des participations de l'État. Nous devons suivre attentivement cette articulation.
Concernant la question d'Arnaud Bazin, il faut bien le préciser : cette rémunération est un peu fictive et sera retracée dans le service de la dette. C'est l'astuce du mécanisme, qui permet de ne pas montrer de dérapage de l'endettement des administrations publiques centrales (APUC). Le soutien à l'innovation de 250 millions d'euros est obtenu par un mécanisme fort compliqué. Le Gouvernement aurait pu trouver une solution beaucoup plus simple, comme utiliser les dividendes. Je suis favorable à revoir le statut de l'Agence des participations de l'État. L'État garderait la main, mais avec un contrôle du Parlement, a priori et a posteriori - ce qui n'est pas le cas actuellement.
Je regrette également le manque de temps pour examiner cette mission - on voit moins les choses quand on manque de temps. Or ici, ce mécano un peu compliqué ne grandit pas l'exécutif...
Le rapporteur général m'a interrogé sur le sens de l'amendement. Je considère que l'effort de désendettement est déjà assuré via les 8 milliards d'euros qui serviront à compléter la dotation du fonds pour l'innovation, dans la mesure où ces liquidités viendront réduire l'endettement maastrichtien de l'État. Initialement, je voulais même supprimer la totalité de la contribution au désendettement de l'État pour 2019, mais cela aurait été un mauvais signal car nous sommes tous favorables au désendettement. Aussi, je propose de ramener cette contribution à son montant habituel, à savoir un milliard d'euros.
En inscrivant sur le compte des montants doublés par rapport à la convention, je considère que nous préemptons les recettes de la privatisation. Pour ne pas préjuger de mon vote sur le projet de loi « Pacte », je voterai cet amendement.
L'amendement n° 1 est adopté.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » sous réserve de l'adoption de son amendement.
Nous ferons une présentation à deux voix avec ma co-rapporteure, Sophie Taillé-Polian, car nous avons des avis parfois convergents, parfois distincts, sur cette mission.
En 2019, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'élèveront à 13,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 12,4 milliards d'euros en crédits de paiement.
Par rapport à 2018, la baisse prévue dans ce budget est assez importante, de l'ordre de 500 millions d'euros en autorisations d'engagement et de près de 3 milliards d'euros en crédits de paiement. Cette évolution était annoncée et elle s'inscrit dans un double contexte.
D'une part, la situation de l'emploi s'améliore notablement. Dans une note d'août 2018, l'Insee rappelle que le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) s'élevait à 9,1 % au deuxième trimestre 2018, contre 10,5 % en 2015. Le chômage de longue durée diminue en outre de 0,4 point sur un an et le taux d'emploi approche les 66 %. D'autre part, il est nécessaire de maîtriser la dépense publique. À cet égard, la contribution de la mission « Travail et emploi » et de ses opérateurs à cet effort est significative. Les effectifs de la mission diminueront ainsi de 233 équivalents temps plein (ETP), permettant une économie, hors pensions, de plus de 5 millions d'euros. Le montant des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs sera également en baisse, de plus de 86 millions d'euros et leurs plafonds d'emplois connaîtront une diminution sensible, de 458 équivalents temps plein travaillé (ETPT).
L'essentiel de l'effort demandé aux opérateurs sera porté par Pôle emploi. S'agissant des crédits, cette diminution sera plus que compensée par une hausse de la contribution de l'assurance chômage. Au total, les ressources de Pôle emploi augmenteront de 18 millions d'euros par rapport à 2018. La baisse des effectifs sera quant à elle compensée par des gains de productivité. Lors de son audition, la direction générale de Pôle emploi ne s'est pas montrée inquiète sur la capacité de l'opérateur à absorber cette baisse et à faire face à ses nouvelles missions, telles que l'indemnisation des salariés démissionnaires ou des travailleurs indépendants. Néanmoins, si le nombre de demandeurs d'emploi devait progresser, il conviendrait alors de réexaminer la pertinence de la poursuite de la baisse des effectifs envisagée par le Gouvernement.
La diminution des crédits de la mission « Travail et emploi » poursuit une logique de recentrage des moyens sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Moins nombreux, les contrats aidés ont vocation à devenir de véritables outils d'insertion des demandeurs d'emploi. La transformation des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) en parcours emploi compétences (PEC) intervenue en début d'année participe de cette logique. Les conditions pour y avoir recours sont plus restrictives, elles sont la contrepartie d'exigences plus grandes en termes d'accompagnement et de formation du bénéficiaire - ce qui est louable. Depuis longtemps, le Sénat prônait la diminution du nombre de contrats aidés en tant qu'instruments à la main des Gouvernements pour diminuer artificiellement les chiffres du chômage. La baisse des contrats aidés sera en outre en partie compensée par un effort en faveur du secteur de l'insertion par l'activité économique, qui bénéficiera de moyens en hausse de 51 millions d'euros par rapport en 2018, permettant le financement de 5 000 ETP supplémentaires.
Le présent projet de loi de finances vise à favoriser une « société de compétences ». Sur la durée du quinquennat, un effort inédit sera consenti dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC) en faveur de la formation et de l'accompagnement des jeunes et des demandeurs d'emploi les plus éloignés du marché du travail. Au total, le PIC sera ainsi doté de 15 milliards d'euros, dont 13,8 milliards d'euros portés par la mission « Travail et emploi ». En 2019, les crédits du PIC s'élèveront à 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 979 millions d'euros en crédits de paiement. Ils permettront le financement de la généralisation effective de la Garantie jeunes ainsi que la montée en puissance du volet « formation » du PIC, 2019 constituant la première année de mise en oeuvre des pactes pluriannuels d'investissement dans les compétences, qui seront conclus pour une durée de quatre ans (2019-2022) avec les conseils régionaux. Ces crédits budgétaires seront complétés par un fonds de concours de 1,5 milliard d'euros versé par France compétences.
Ce budget qui nous est présenté m'apparaît responsable, ses orientations sont claires : mieux accompagner les personnes les plus en difficulté et investir dans l'avenir, tout en réduisant la dépense publique.
Aussi, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve d'un amendement, cosigné avec ma collègue co-rapporteure Sophie Taillé-Polian, visant à renforcer les crédits consacrés aux maisons de l'emploi. Dans le cadre du contrôle budgétaire que nous avons réalisé cette année sur ces structures, il nous est apparu que leur action était utile localement, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou de mise en oeuvre des clauses sociales. L'année dernière, le budget était de 12 millions d'euros, l'Assemblée nationale a adopté un amendement les fixant à 5 millions d'euros - contre zéro initialement. Nous vous proposons de ne pas descendre en dessous de 10 millions d'euros, et de maintenir un soutien de l'État suffisant.
Je vous propose en outre l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » sans modification.
Je n'ai pas la même appréciation budgétaire que mon collègue. Pour la deuxième année consécutive, les crédits consacrés à la politique de l'emploi sont en très forte baisse. Les chiffres ont été rappelés par mon collègue Emmanuel Capus, 500 millions d'euros en autorisations d'engagement et 3 milliards d'euros en crédits de paiement.
Certes, le taux de chômage diminue, mais la situation de l'emploi ne s'est globalement pas améliorée au cours des derniers mois.
Le nombre de demandeurs d'emploi (DEFM) en fin de mois en catégorie A a bien diminué entre le premier trimestre 2015 et le troisième trimestre 2018, mais cette baisse a été plus que compensée par une progression du nombre de DEFM en catégories B et C. Par exemple, le chômage des plus de 50 ans a progressé de 3 % sur un an toutes catégories confondues, et de près de 9 % pour les seules catégories B et C.
Dès lors, la logique baissière poursuivie par le Gouvernement se fera au détriment des personnes les plus éloignées de l'emploi, comme en témoigne la diminution drastique de l'enveloppe de contrats aidés. Je ne nie pas qu'il eût fallu avoir davantage d'exigences pour les contrats aidés en matière d'accompagnement et de formation des bénéficiaires, mais le taux d'insertion de ces derniers sera toujours insatisfaisant puisque précisément les contrats aidés s'adressent aux personnes les plus éloignées de l'emploi.
Certes, nous dit-on, les moyens consacrés à l'insertion par l'activité économique (IAE) augmentent pour contrebalancer la réduction du nombre de contrats aidés, mais c'est tout à fait insuffisant. En outre, il ne faut pas opposer l'IAE aux contrats aidés car il ne s'agit pas nécessairement des mêmes secteurs d'activité. À mon sens, ils sont plutôt complémentaires.
S'agissant du plan d'investissement dans les compétences (PIC), présenté comme l'innovation majeure du Gouvernement, une part importante des crédits qui lui seront dévolus en 2019 était déjà inscrite dans le budget de la mission « Travail et emploi ». Cela était notamment le cas des moyens consacrés à la Garantie jeunes ou au plan « 500 000 formations », auquel a succédé le volet « formation » du PIC.
Le dispositif « Garantie jeunes » gagnerait à être assoupli afin de toucher un public plus nombreux et d'en simplifier la gestion pour les missions locales, qui sont parfois fragilisées par les décisions de certaines collectivités locales, qui ne peuvent plus assurer leur financement.
Outre une diminution drastique des dépenses d'intervention de la mission, le Gouvernement a également choisi d'affaiblir les acteurs de la politique du travail et de l'emploi. À cet égard, la baisse des effectifs du ministère du travail, et notamment de ceux de l'inspection du travail, est un très mauvais signal alors que le travail illégal et la fraude au détachement constituent des enjeux de plus en plus prégnants et que le droit du travail a fait l'objet de modifications importantes au cours des années passées.
Face à ce paradoxe, le ministère répond que le ratio salariés par agent de contrôle de la France est conforme au standard fixé par l'Organisation internationale du travail (OIT). Mais les missions confiées à l'inspection du travail sont différentes de celles dévolues à d'autres inspections à l'étranger. Selon les organisations syndicales de la direction générale du travail, pour assumer l'ensemble des missions dévolues à l'inspection du travail, il conviendrait plutôt d'atteindre un ratio d'un agent pour 6 500 salariés au lieu des 9 000 actuels. La vérité se trouve peut-être entre ces deux chiffres...
Plus généralement, l'affaiblissement des opérateurs du travail et de l'emploi est symptomatique de la politique de l'offre mise en oeuvre par le Gouvernement actuel et rentre en contradiction avec la nécessité d'accompagner davantage les publics les plus éloignés de l'emploi.
S'agissant de Pôle emploi, je ne suis pas sûre que les gains de productivité, qui reposent sur le tout numérique, et dont on nous parle depuis des années, soient réels. En outre, si la dématérialisation simplifie certaines procédures, elle peut aussi s'avérer dissuasive pour divers publics. Pôle emploi avait recours à des contrats aidés pour accompagner les demandeurs d'emploi lors de leur inscription : aujourd'hui, tel n'est plus le cas.
S'agissant de l'Afpa, le projet de transformation avec, à la clé, des réductions d'emplois, conduira à affaiblir l'opérateur, d'où une baisse du nombre et de la qualité des services rendus et du nombre de bénéficiaires. Or, l'Afpa accompagne la reconversion de personnes très éloignées du marché du travail. En outre, ses capacités d'hébergement et le nombre de ses sites vont se réduire. Il n'y aura plus aucun centre de formation dans onze départements. L'alignement sur le moins disant contraindra l'opérateur à revoir à la baisse ses exigences en matière de qualité des formations dispensées et d'accompagnement des publics visés.
Enfin, l'affaiblissement de l'Afpa sera définitif, dans la mesure où il ne semble pas envisageable que des investissements massifs soient réalisés sur les plateaux techniques dans les années à venir. De plus, ces plateaux techniques étaient utilisés par des organismes privés ou publics lors des examens de qualification. Ne va-t-on pas aller vers une réduction du nombre de formations qualifiantes ?
Ce budget me semble donc mauvais : il nie la situation de millions de Français, pour qui trouver un emploi ne se résume pas au fait de traverser la rue. Aussi, je vous invite à adopter l'amendement que j'ai co-signé avec Emmanuel Capus sur les moyens consacrés aux maisons de l'emploi mais, contrairement à lui, je vous propose de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi ». Je vous suggère en revanche d'adopter sans modification les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».
Je suivrai les conclusions d'Emmanuel Capus sur les crédits de la mission et je voterai l'amendement.
J'ai apprécié le rapport sur les maisons de l'emploi et je voterai l'amendement que vous nous présentez. En revanche, je partage l'analyse de Sophie Taillé-Polian sur la baisse des moyens de cette mission qui envoie de mauvais signaux du fait de la suppression des contrats aidés, de l'asphyxie des maisons de l'emploi et de la suppression de postes à Pôle Emploi. Toutes ces décisions ont des impacts négatifs sur les territoires, alors même que les dotations pour ces derniers diminuent. Je suis perplexe devant les décisions qui sont prises à Paris, notamment en ce qui concerne les maisons de l'emploi qui sont de bons outils.
Selon la ministre, 60 % des jeunes passés dans les écoles de la seconde chance sortent avec une qualification ou un emploi. Mais pourquoi alors ne pas accélérer leurs implantations ? Neuf écoles de plus d'ici 2022, c'est vraiment trop peu ! Dans mon département de l'Aisne, nous sommes candidats, mais on nous met des bâtons dans les roues. Si le Gouvernement ne débloque pas les crédits nécessaires, nous n'en resterons qu'à de l'affichage.
Il y a deux ans, dans leur rapport, nos collègues Jean-Claude Requier et François Patriat avaient insisté sur la nécessaire sécurisation financière des missions locales. Les crédits affectés aux conventions pluriannuelles d'objectifs diminuent alors même que le Gouvernement demande à ces structures d'augmenter les moyens accordés à la « Garantie jeunes ». Les magistrats de la Cour des comptes ont d'ailleurs salué ce dispositif d'insertion sociale pour les jeunes en grande difficulté tant sociale que scolaire et professionnelle. Les missions locales doivent être assurées d'un financement stable et pérenne.
Le Premier ministre a évoqué une éventuelle fusion entre Pôle emploi et les missions locales. J'y suis opposé, car les missions locales ne sont pas un Pôle emploi pour les jeunes : comme le préconisait le rapport Schwartz de 1981, les missions locales traduisent l'engagement des acteurs locaux, des élus, des chefs d'entreprise qui se préoccupent des jeunes en situation très précaire. Cette ambition doit perdurer. Que pouvez-vous nous dire de cette éventuelle fusion ?
Comme mes collègues, je m'étonne de cette baisse des moyens. Disposez-vous de la répartition des agents entre l'administration centrale et déconcentrée ? Sur le terrain, les demandeurs d'emploi sont parfois perdus, ne sachant pas à qui s'adresser. Il est souvent difficile de s'y retrouver dans les subtilités du monde économique. Enfin, quid de la santé au travail ?
Si nous ne disposions pas de missions locales sur nos territoires, nos services sociaux seraient submergés. La cause me semble entendue.
Je voterai l'amendement sur les maisons de l'emploi : l'action de l'État mérite d'être constante.
Nos rapporteurs peuvent-ils établir une corrélation entre les moyens dévolus à Pôle emploi et le retour à l'emploi des chômeurs ? En tant que président d'un département, j'ai dû, faisant face à une situation budgétaire dramatique, réduire les crédits destinés au revenu de solidarité active (RSA). Il est apparu que l'insertion des bénéficiaires du RSA dépendait beaucoup plus de la conjoncture économique que des moyens affectés. Par symétrie, je m'interroge sur la performance des crédits versés à Pôle emploi.
Je ne suis pas d'accord avec l'affirmation de notre rapporteur spécial qui estime que l'amélioration globale de la situation de l'emploi justifierait de moindres dépenses. Les chiffres qui viennent d'être publiés montrent un ralentissement des créations d'emploi. Après une année 2017 particulièrement favorable, nous n'avons pu cette année résorber le chômage.
Ce budget étant au milieu du gué, nous avons les pieds mouillés. Le Gouvernement nous propose un début de réforme libérale, mais il ne va pas jusqu'au bout. S'il veut absorber les missions locales et les maisons de l'emploi, qu'il le dise et qu'il le fasse. Mais nous sommes ici dans un entre-deux.
Je suis favorable à la suppression des contrats aidés, mais pas si brutalement. Le projet de loi de finances rectificative a montré que les crédits avaient finalement été sous-consommés : chat échaudé craint l'eau froide. Cette politique de stop and go n'est pas sérieuse.
Pourquoi ne pas simplifier le financement de Pôle Emploi ? Celui-ci dispose encore de crédits budgétaires, et prélève aussi des moyens sur l'assurance chômage. Pourquoi celle-ci ne le financerait-elle pas entièrement ? Le candidat Jacques Chirac, en 1995, disait qu'au lieu d'affecter 100 000 francs à la lutte contre le chômage, on ferait mieux d'employer quelqu'un... Le pognon de dingue qu'on met dans ce budget, comme disent certains, ne donne pas des résultats suffisants.
Merci d'avoir évoqué les missions locales, qui soutiennent bien l'emploi des jeunes. Les écoles de la deuxième chance ont été créées par Édith Cresson, qui les dirige toujours. Elles font un excellent travail de réinsertion.
Je vois que l'Anact perd deux emplois. De quoi s'agit-il ?
Il me semble que, lors des élections professionnelles, les syndicats recevaient un soutien. Où est la ligne budgétaire correspondante ? A-t-elle disparu ?
Le PIC, entre 2018 et 2022, doit totaliser 13,8 milliards d'euros. En 2019, seuls 848 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement (AE), et 387 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Cette trajectoire n'est-elle pas inquiétante ?
Le rôle de l'inspection du travail doit être d'informer les entreprises, face à des normes toujours plus complexes. Ses moyens ne diminuent-ils pas au point d'affecter sa capacité à le faire ? Elle doit aussi, naturellement, continuer à diligenter des contrôles... Comment le déficit de 723 millions d'euros de l'Afpa sera-t-il résorbé ? Sait-on si l'Afpa devra entrer dans le nouveau cadre de prise en charge de l'information ? Saura-t-elle le faire ? Enfin, la réduction de 25 millions d'euros des moyens de l'Agefiph pourra-t-elle être absorbée par le recours à ses réserves ?
Ma position est délicate, sous le feu croisé des tenants de la position de Sophie Taillé-Polian et des libéraux, qui ne veulent toutefois pas donner l'impression qu'ils se départissent de leur esprit critique sur ce budget.
Nous avons tous deux déposé un amendement sur les maisons de l'emploi. Ce sont des outils qui ont fait leurs preuves. Celles qui fonctionnent méritent d'être aidées - les autres ont déjà disparu. Sinon, ce sont les collectivités territoriales qui devront s'y substituer, ce qui posera un problème d'égalité, car leur niveau de richesse est très variable.
Les écoles de la deuxième chance sont en effet très utiles, et j'en ai une dans mon département. Le projet d'en ouvrir neuf nouvelles n'est pas malvenu - en tous cas, les crédits sont stables. Peut-être les 13,8 milliards d'euros du PIC y contribueront ?
Les conventions pluriannuelles d'objectif baissent de 8 millions d'euros, en effet, mais l'enveloppe globale renforce la Garantie jeunes de façon drastique - et donc, les missions locales.
Oui, Marc Laménie, c'est la mission qui contribue le plus à la réduction des dépenses publiques. Notre commission, qui réclame un recentrement sur le régalien, ne saurait s'en offusquer. Je suis libéral, et je préfère un traitement du chômage par l'investissement dans les compétences que par l'accompagnement social. En tout, hors Pôle Emploi, le plafond d'emploi de la mission diminuera de 239 ETPT, dont 28 ETPT dans l'administration centrale.
La subvention à Pôle Emploi baisse de 85 millions d'euros, ce qui n'empêche pas son budget d'augmenter de 18 millions d'euros, car la contribution de l'assurance chômage, qui atteint déjà les 3,5 milliards d'euros, s'accroît de 103 millions d'euros.
L'Anact est l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Je pense qu'elle pourrait être fusionnée avec l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS).
Ce serait logique, avec la fusion des CHSCT en Comités sociaux et économiques.
Le PIC rassemble 13,8 milliards d'euros, et c'est vrai qu'il aurait été préférable que l'effort soit fait en début de mandat, même si, avec les 1,5 milliard d'euros du fonds de concours de France Compétences, on ne peut pas dire qu'aucun effort n'est fait. Oui, le rôle de l'inspection du travail est aussi d'accompagner, mais je connais peu de chefs d'entreprises qui considèrent l'inspecteur du travail comme leur conseil ! J'ignore quel sera l'impact de la diminution des crédits. Les réformes actuelles ont plutôt pour but de simplifier le code du travail. Le passage de la sanction à la lettre d'avertissement réduira sans doute la charge de travail, tout comme la réduction de la durée des contrôles dans les PME.
- Présidence de M. Thierry Carcenac, secrétaire de la commission -
Le Gouvernement s'efforce d'accroître la qualification des agents, en faisant passer les contrôleurs dans le camp des inspecteurs du travail - ce qui fut le cas pour plus de 250 d'entre eux l'an dernier.
Soyons clairs, la subvention de l'Afpa ne baisse pas d'un euro - contrairement aux autres établissements du même ordre - et reste à 110 millions d'euros. Mais le Gouvernement lui demande un effort considérable de restructuration. Elle a cumulé plus de 700 millions d'euros de déficit au cours des dernières années ; elle est au bord du dépôt de bilan : dans le secteur privé, elle serait en liquidation judiciaire. La masse salariale a déjà baissé de 11 % dans les dernières années et continuera à le faire. Les syndicats sont très inquiets ; de nombreux territoires perdront leur établissement - le Maine-et-Loire sera concerné. Mais cela devrait assurer sa survie.
Un financement de 25 millions d'euros est demandé à l'Agefiph pour financer les entreprises adaptées. Avec ses 145 millions d'euros de fonds de roulement, elle devrait pouvoir l'absorber.
Emmanuel Capus et moi sommes d'accord sur les maisons de l'emploi et les écoles de la deuxième chance.
La Garantie jeunes a déjà été assouplie, mais le compte n'y est pas. Elle constitue une prise de risque pour les missions locales qui la gèrent, car une partie des crédits ne sont débloqués qu'en cas de sortie positive du jeune concerné. Or, en fonction des indicateurs retenus, certaines sorties ne sont pas considérées comme telles, alors qu'elles servent à l'insertion du jeune. Le dispositif est financé pour 100 000 jeunes, alors que 120 000 jeunes seraient éligibles. Cela semble difficilement atteignable ; cela constituerait-il une poire pour la soif ? Il serait préférable d'élargir les publics cibles, en rendant le dossier plus facile à compléter. Chacun s'accorde à trouver ce dispositif efficace, car il permet de récupérer des jeunes en désocialisation complète.
Les missions locales sont fragilisées par la diminution de 8 millions d'euros des crédits consacrés aux conventions d'objectifs, alors que certaines ont déjà été mises en difficulté par la baisse des subventions des collectivités territoriales. Il faudrait offrir de la visibilité à ces équipes, qui sont agiles et impliquées dans leur travail. Il me semble qu'il y a dans cette baisse de leur financement une contradiction avec les objectifs affichés du Gouvernement.
Nous avons demandé au cabinet de la ministre, au directeur de Pôle emploi - j'ai également écrit à la ministre du travail - où auraient lieu les expérimentations concernant la fusion entre missions locales et Pôle Emploi. Il semblerait qu'elles seraient organisées sur la base du volontariat des territoires. Le Gouvernement n'ira donc pas à marche forcée. Il faudra prendre garde aux spécificités des missions locales, qui prennent en charge de manière globale des jeunes en situation très difficile.
Dans le Val-de-Marne, l'inspection du travail a perdu une unité de contrôle. L'ensemble des missions en subit les conséquences, y compris celles de conseil, qu'il s'agisse des employeurs ou des salariés. On peut se plaindre qu'elle se concentre surtout sur le contrôle ; mais lorsqu'on lit dans les témoignages des inspecteurs du travail la description de ce qu'ils rencontrent au jour le jour, on se rend bien compte qu'elle ne peut faire autrement.
Deux rapports, dont un rapport parlementaire de Charlotte Lecocq, traitent de la santé au travail, ce dernier préconisant une réforme de la gouvernance. Les crédits de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) ont été sanctuarisés, ce qui est positif. L'Anact perd en revanche 2 emplois sur 80 ; cela semble peu, mais cela vient après d'autres réductions. C'est une petite structure qui apporte beaucoup à son réseau, celui des associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail (Aract). Contrairement à l'INRS, elle prend en compte les risques psychosociaux. Ces deux organismes, qui ont des cultures différentes, pourraient travailler davantage ensemble. C'est une préconisation intéressante du rapport Lecocq. Mais l'investissement de notre pays sur ce sujet est insuffisant, au regard de la dégradation en cours des conditions de travail en France, au contraire des autres pays européens. Leur amélioration bénéficierait, j'en suis sûre, à la sécurité sociale, mais aussi à la compétitivité de nos entreprises.
À quoi sert le service public de l'emploi, sachant que c'est d'abord l'activité qui fait l'emploi ? Même si une formation permet à un demandeur d'emploi d'être plus employable, cela ne lui garantit pas un emploi s'il n'y a pas d'activité. Le Gouvernement dit vouloir renforcer l'individualisation de l'accompagnement, mais ne va pas au bout de la logique, puisque les moyens baissent pour les personnes les plus en difficulté. La plateforme ne remplacera pas les conseillers, qui peuvent orienter les demandeurs, compte tenu des évolutions de long terme. Le Gouvernement prétend appliquer la flexisécurité ; il rend certes le marché du marché plus flexible, mais la sécurité ne progresse pas.
Une large part du financement de Pôle Emploi - 3,5 milliards d'euros sur plus de 5 milliards - est assurée par l'Unedic, qui y consacre 10 % de ses cotisations. Le Gouvernement parle de l'incroyable déficit de Pôle Emploi ; mais son montant est presque le même que celui de ses transferts à Pôle Emploi, dont l'État s'est désengagé. Ne fragilisons pas le financement de ce dernier en modifiant les règles de financement de l'Unedic. Ce manque de visibilité inquiète beaucoup, à Pôle Emploi.
Comment résorber le déficit de l'Afpa ? La situation de cette dernière a été organisée par son entrée dans le champ concurrentiel. Si nous voulons conserver un service public de qualité, cela a un coût. L'Afpa ne peut être mise brutalement en concurrence avec des organismes privés alors qu'elle est plus chère ; pourquoi ? Parce que ses formateurs sont en CDI et ne sont pas des vacataires - dont les intermissions sont prises en charge par d'autres, comme l'Unedic. Attention à ne pas perdre des savoir-faire acquis par l'accompagnement de personnes en reconversion, par exemple.
Je suis en accord avec Emmanuel Capus sur l'article 84 bis. L'Agefiph devrait pouvoir absorber la ponction, mais nous n'avons pas pu le vérifier en si peu de temps. Je constate en outre qu'une partie de l'effort en faveur des entreprises adaptées mis en avant par le Gouvernement sera prise en charge par l'Agefiph...
L'article 84 réduit de trois ans le délai pendant lequel une entreprise ayant recours au chômage partiel peut solliciter auprès de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) l'allocation qui y est consacrée. Aujourd'hui, elle peut le faire pendant plus de quatre ans - possibilité que seuls les grands groupes utilisent. Les petites entreprises, n'ayant pas les moyens d'attendre, font la demande tout de suite. L'article 84 bis transfère 25 millions d'euros de l'Agefiph vers les entreprises adaptées.
L'amendement n° 1 est adopté.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » sous réserve de l'adoption de son amendement.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 84, de l'article 84 bis, et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage. »
La réunion est close à 17 h 20.