Nous examinons la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers, déposée le 30 octobre 2018 par M. Kanner et plusieurs de ses collègues. La Conférence des présidents a décidé que cette proposition de loi serait intégralement examinée selon la procédure de législation en commission prévue aux articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement du Sénat, en vertu de laquelle le droit d'amendement s'exerce, sauf exceptions, uniquement en commission. Je rappelle que cette procédure de législation en commission avait été initiée par le Sénat, d'abord à titre expérimental, avant d'être inscrite définitivement dans notre règlement. Le président de la République a d'ailleurs reconnu, dans son discours devant le Congrès au mois de juillet 2017, que nous avions été précurseurs en modernisant notre méthode de travail afin d'accélérer la procédure législative. Je remercie d'ailleurs les différents groupes d'avoir accepté que ce texte puisse être débattu selon cette procédure très moderne.
La Conférence des présidents a fixé au lundi 18 février à midi le délai limite de dépôt des amendements, et au mardi 6 mars, à 18 h 30, la date et l'heure des explications de vote et du vote en séance sur le texte de la commission. La réunion est ouverte à l'ensemble des sénateurs - seuls les membres de la commission des lois prenant part aux votes - et au public. Elle fait l'objet d'une captation audiovisuelle diffusée en direct et en vidéo à la demande sur le site Internet du Sénat.
C'est la seconde fois en quelques semaines que notre commission examine une proposition de loi en lien avec la sécurité civile, qui est déposée par un de ses membres. La précédente était la proposition de loi déposée par Catherine Troendlé, relative à la représentation des personnels administratifs et techniques au sein des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), dont Loïc Hervé était déjà le rapporteur. Cela montre l'attachement profond de notre commission à ces sujets centraux. Nous avons à coeur, chaque fois que c'est possible, d'améliorer les conditions de travail des sapeurs-pompiers et de tous ceux qui les entourent au quotidien.
Mais, nous le savons, le travail législatif, s'il est utile, n'est pas toujours suffisant pour régler tous les problèmes. Ainsi, les incivilités ou les agressions posent aussi la question de l'éducation. En ce qui concerne la sécurité des sapeurs-pompiers, l'aspect pénal, traité par la proposition de loi, est essentiel, mais il n'est pas le seul et d'autres facteurs sont à prendre en compte, comme la formation des sapeurs-pompiers, la coordination avec les forces de police ou de gendarmerie à l'échelle des territoires, l'adaptation des moyens matériels et de leur doctrine d'utilisation, etc. C'est la raison pour laquelle je souhaitais vous proposer de créer une mission d'information au sein de notre commission. Elle aurait pour objectif d'analyser ce triste phénomène sous tous ses aspects afin de proposer la réponse la plus complète et la plus efficace possible, en complément de ce texte. Les agressions à l'égard des sapeurs-pompiers se sont multipliées, comme si, dans notre pays, ceux qui portent l'uniforme du service public étaient devenus une cible pour certains. C'est inacceptable.
« Insultés, menacés, agressés...l'irrespirable quotidien des pompiers » : la Voix du Nord le 10 février dernier, consacrait une page complète à ce sujet qui m'est cher, moi qui suis ancien président du SDIS du Nord, le plus important de France avec 3 000 sapeurs-pompiers professionnels et 4 000 volontaires. La question de la sécurité des sapeurs-pompiers se pose depuis plusieurs années. Les conditions de travail se délitent lentement, alors que les interventions évoluent. Combattre le feu, la mission traditionnelle des sapeurs-pompiers, ne représente plus que 10 % des interventions de ce corps d'élite. Pour le reste, il s'agit essentiellement de missions de secours aux personnes. Les pompiers sont donc en première ligne pour intervenir face aux multiples fractures sociales et sanitaires. Autrefois, nous pensions que ces agressions étaient limitées à certaines zones, les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ces incivilités et agressions prennent diverses formes. Les guets-apens sont le type d'attaque le plus médiatisé, mais les sapeurs-pompiers doivent faire face, de plus en plus, à des violences individuelles de la part de personnes fragiles sur le plan psychologique, alcoolisées ou sous l'emprise de stupéfiants. Le plus souvent, les agresseurs sont les personnes secourues ou leur entourage. Les agressions ont triplé en dix ans. Les agressions déclarées par les sapeurs-pompiers en intervention ont augmenté de 23 % en 2017, après une hausse de 17,6 % en 2016, selon les derniers chiffres de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. En 2018, à Paris et en petite couronne, 293 pompiers ont été agressés durant les onze premiers mois de l'année, contre 198 sur toute l'année 2017. Manifestement, la situation se dégrade, et justifie une réponse publique.
Comme vous l'avez dit, cette proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes liés à la dégradation des conditions de travail. Elle ne remédie pas à la stagnation des effectifs dans certains départements, à l'insuffisance des rémunérations ou des moyens matériels, etc. Toutefois, ce texte apporte une réponse concrète à une situation de plus en plus problématique, dans la mesure où un tiers des agressions ne donne pas lieu à dépôt de plainte à cause des risques de représailles. C'est pourquoi les instances représentatives des sapeurs-pompiers demandent de longue date que l'administration puisse faire écran entre l'auteur des faits et l'agent, en élargissant la protection fonctionnelle, de manière à ce que l'identité de l'agent ne soit pas divulguée au cours de la procédure.
Conscient que ce texte soulève des questions juridiques importantes et complexes, qui mettent en jeu des principes constitutionnels et des garanties fondamentales, j'ai cherché à encadrer le dispositif d'anonymisation des plaintes pour concilier, d'une part, le droit à la sécurité, à la protection, et au respect de la vie privée des agents publics agressés dans l'accomplissement des missions de service public d'incendie et de secours, et, d'autre part, les droits de la défense des personnes mises en cause. Compte tenu de l'existence de nombreuses règles de droit positif proches ou similaires et des garanties qu'elles apportent, la protection des sapeurs-pompiers et le respect des droits de la défense sont assurés dès lors que les autorités judiciaires disposent des moyens de connaître l'identité des bénéficiaires des autorisations d'anonymisation et ont la faculté de lever cet anonymat en opérant une analyse des intérêts contradictoires en présence. Il convient aussi de veiller au respect des principes de nécessité et de proportionnalité ; c'est pourquoi le texte prévoit que l'autorisation de recourir à l'anonymisation est délivrée nominativement par le procureur de la République ou le juge d'instruction, sur proposition du responsable hiérarchique, dont le niveau est défini par décret, statuant par une décision motivée, à l'image de ce qui est prévu pour les policiers, les gendarmes, les agents des douanes et des services fiscaux. J'ai entendu les réticences des ministères de l'Intérieur et de la Justice et je crains, n'étant pas né de la dernière pluie, que ces interrogations n'empêche le texte de prospérer dans la suite de la navette parlementaire. Dès lors, la proposition du rapporteur de remplacer le dispositif envisagé par une extension du régime de protection des témoins, en offrant la possibilité pour un témoin de garder l'anonymat pour toute infraction commise sur un sapeur-pompier, est louable. Si elle ne répond pas directement à l'objectif de protection des pompiers et de leurs familles, elle constitue toutefois une avancée, que, pragmatique, je salue. De même, je me félicite que la commission des lois accepte le principe d'une mission d'information pour compléter la réflexion, ce qui pourrait aboutir sur des évolutions législatives et réglementaires dans un second temps. Après l'expérimentation, pour une durée de trois ans, de l'utilisation de caméras individuelles par les sapeurs-pompiers, le Sénat montre à nouveau qu'il est en pointe sur ces questions. M. Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), m'a confirmé tout l'intérêt qu'il portait à la démarche du Sénat. Je profite aussi de la présence du ministre pour rappeler que cette procédure de législation en commission permet au Gouvernement de travailler plus étroitement avec le Sénat. Il est important, en effet, que nous trouvions ensemble des solutions pour garantir la sécurité de nos protecteurs. Les sapeurs-pompiers de France méritent notre attention et la reconnaissance du travail qu'ils accomplissent.
Je salue votre ouverture d'esprit et le caractère constructif de votre démarche pour aboutir à une solution aussi consensuelle que possible, comme nous aimons à le faire au Sénat. Votre proposition de loi constitue l'amorce d'un travail de longue haleine. Vous accueillez favorablement les propositions de notre rapporteur ; elles s'inscrivent sur un autre plan que vos propositions mais poursuivent exactement le même objectif de faciliter les poursuites pénales en cas d'agression.
Je tiens à remercier Patrick Kanner d'avoir déposé cette proposition de loi. S'il existe un débat sur l'opportunité juridique du dispositif proposé, reconnaissons que ce texte a l'immense mérite de soulever la bonne question : celle de la sécurité de nos sapeurs-pompiers. En tant que chambre des territoires, le Sénat ne saurait ignorer l'augmentation intolérable des agressions dont ils sont victimes.
En 2017, 2 813 agressions ont été déclarées, contre 2 280 en 2016, soit une augmentation de 23 % en une seule année ! Et l'augmentation est encore plus vertigineuse sur une longue période : depuis 2008, le nombre d'agressions déclarées a augmenté de 213 % pour l'ensemble des sapeurs-pompiers.
Il s'agit souvent d'actes de délinquance qui empoisonnent le quotidien des pompiers et traduisent une haine aveugle et profonde de tout uniforme. Il s'agit aussi de confrontations de plus en plus régulières avec des individus à risque, dans le cadre des activités croissantes de secours à personnes. Je fais ici référence aux malades atteints de certains troubles mentaux et dont l'instabilité est une vraie menace pour les pompiers qui les secourent. Le phénomène touche le monde urbain, périurbain, rural.
Non seulement ces agressions mettent en danger nos sapeurs-pompiers, mais elles nuisent à l'attractivité de toute une profession - ou d'un engagement lorsqu'il s'agit des volontaires.
La proposition de loi de Patrick Kanner vise à faciliter le dépôt de plainte des sapeurs-pompiers agressés. Elle tend à rendre ce dépôt anonyme afin de prémunir le sapeur-pompier victime d'éventuelles représailles de la part son agresseur. Elle s'inspire des dispositions récemment introduites dans le code de procédure pénale pour garantir l'anonymat des enquêteurs de la police, de la gendarmerie ou des douanes dans les actes de procédure qu'ils établissent.
L'idée de renforcer la protection dont doivent légitimement bénéficier les sapeurs-pompiers est bonne. Néanmoins, les travaux menés et les auditions que j'ai conduites, auxquelles Patrick Kanner a participé, ont révélé certaines faiblesses profondes. La première d'entre elles est juridique puisque l'anonymat du plaignant fait obstacle à l'exercice plein et entier des droits de la défense reconnus à la partie en cause. Certes, cette proposition prévoit un mécanisme de levée d'anonymat, mais il ne semble pas en mesure de compenser l'atteinte à ces droits tels qu'ils sont conjointement garantis par la Constitution et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Il n'existe d'ailleurs aucune procédure similaire en droit français. Seuls les enquêteurs qui bénéficient déjà de l'anonymat dans les actes de procédures peuvent jouir d'un prolongement de cet anonymat s'ils doivent se constituer partie civile. Un doute persiste néanmoins sur la constitutionnalité et la conventionalité de ces dispositions encore très récentes.
Ces raisons ont conduit notre commission à s'opposer à l'adoption d'un dispositif relativement similaire lors de l'examen du projet de loi « Justice » il y a à peine quelques semaines. En cohérence, et pour les mêmes raisons, je pense que notre commission ne peut pas adopter les dispositions telles qu'elles sont rédigées.
Néanmoins, nous ne pouvons pas rester indifférents au problème capital que cette proposition de loi soulève.
C'est pourquoi, avec l'accord de Patrick Kanner, je vous propose de substituer un nouveau dispositif à celui qui était initialement prévu. Il s'agirait de faciliter l'anonymat, non plus des victimes, mais des témoins d'agressions de sapeurs-pompiers. Cet anonymat est actuellement prévu par le code de procédure pénale pour les témoins de crimes ou de délits punis de plus de trois ans de prison. Notre amendement permettrait le recours à cette procédure pour toute infraction, dès lors qu'elle est commise sur un sapeur-pompier volontaire ou professionnel. Elle viserait ainsi l'ensemble des agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers, même les plus mineures, telles que l'outrage.
Conscient que cet amendement ne peut être la seule réponse à un problème bien plus large, j'appelle également de mes voeux la création d'une mission d'information. Elle permettrait d'analyser tous les aspects de ce problème complexe, de faire le point sur l'efficacité des dispositifs existants et de proposer des solutions efficaces pour endiguer ces agressions insupportables.
Merci monsieur le rapporteur de cette intervention très complète et de votre créativité. Vous apportez des solutions pertinentes !
Je salue ce texte dont j'approuve l'intention. Dans certains quartiers, les sapeurs-pompiers subissent des insultes, des jets de pierres et doivent faire face à des attaques. Ce sont des conditions très dures et inacceptables. Je suis donc d'accord avec vous : nous devons trouver des moyens pour mieux les protéger. Cependant, même si nous partageons l'esprit de ce texte, il ne semble pas en mesure de répondre à cette préoccupation.
Il vise en effet à permettre aux sapeurs-pompiers victimes d'infractions dans l'exercice de leurs fonctions de ne pas s'identifier par leur nom et prénom, mais par un matricule. Ce dispositif s'inspire directement de celui mis en place dans la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique et qui offre la possibilité aux policiers, aux gendarmes et aux douaniers de s'identifier par les matricules dans certaines conditions précisées, et uniquement pour des actes de police judiciaire, le but étant de protéger ces agents contre des menaces ou des représailles de la part des personnes mises en cause.
Le dispositif prévu dans la proposition de loi n'est en rien similaire à celui mis en place pour les policiers, les gendarmes et les douaniers. J'ajoute qu'il présente en l'état deux problèmes : d'une part, il n'est pas vraiment applicable, car il demeure incomplet, et aucune procédure n'est prévue pour qu'un magistrat puisse anonymiser une plainte ; d'autre part, il ne permet pas de respecter les droits de la défense.
Un droit à l'anonymisation strictement encadré a été donné aux policiers, aux gendarmes et aux douaniers pour deux raisons : d'abord parce qu'ils sont auteurs d'actes de procédure ; ensuite parce que des gages sérieux ont été accordés pour protéger les droits de la défense. En effet, les magistrats continuent à avoir accès au nom de l'agent et toute partie conserve le droit à demander le nom de l'enquêteur, sur autorisation expresse du juge.
Dans le présent texte, aucune de ces conditions n'est réunie. Même si les sapeurs-pompiers sont exposés, ils ne sont pas des enquêteurs ou des auteurs d'actes de procédure ; ils sont plutôt des victimes. Porter plainte est toujours un acte engageant, qui expose nécessairement. Il faut évidemment protéger les victimes, mais permettre une exception systématique pour les sapeurs-pompiers, c'est ouvrir la porte à d'autres exceptions systématiques. Demain, ce seront les enseignants, les agents des caisses d'allocations familiales (CAF) et les bailleurs sociaux qui demanderont des régimes dérogatoires. Cela pourrait in fine prêter à bien des dérives et serait extrêmement préjudiciable pour les droits de la défense. Nous ne souhaitons pas poser les fondements d'une société où chacun, face à la justice, aurait un matricule !
Au-delà même de cette pente glissante, je souligne que les sapeurs-pompiers sont d'ores et déjà des victimes plus protégés que les autres puisque la commission d'une infraction à leur encontre dans l'exercice de leurs fonctions est plus sévèrement réprimée que si elle était effectuée à l'encontre d'un simple citoyen.
Enfin, si la proposition de loi était votée, nous ne disposerions pas à l'heure actuelle des dispositifs nécessaires pour pouvoir la mettre en place. Je sais que votre commission a été sensible à ces arguments et qu'un amendement unique a été présenté afin de changer l'objet du texte et créer un régime dérogatoire pour les témoins d'agression de sapeurs-pompiers.
Cet amendement est toutefois susceptible de poser un problème d'égalité puisqu'il ne prend pas en compte tous les sapeurs-pompiers : il ne concerne que des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, et ne mentionne pas les sapeurs-pompiers militaires -essentiellement la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et les marins-pompiers de Marseille. De plus, la modification proposée du code procédure pénale conduirait à créer des statuts spécifiques pour chaque catégorie de la population. À l'heure actuelle, le témoin d'un délit ou d'un crime passible de plus de trois ans d'emprisonnement sur un sapeur-pompier peut déjà bénéficier d'une protection. Je ne suis donc pas convaincu de l'effet utile de l'amendement.
Par ailleurs, créer des sous-catégories en fonction des missions, c'est prêter le flanc à un code de procédure pénale à la carte, qui perdrait sans doute son caractère d'universalité et évoluerait au gré des circonstances ou des revendications.
Enfin, je ne suis pas convaincu de la constitutionnalité de cet amendement. Le législateur a prévu un seuil de trois ans pour la protection des témoins parce qu'il respecte le principe de proportionnalité édicté par le Conseil constitutionnel. Déroger à ce seuil sans justification particulière serait s'exposer à une possible censure de celui-ci.
Je ne dis pas qu'il ne faut rien faire pour protéger les sapeurs-pompiers des agressions, bien au contraire ! Mais pour ce faire, il convient plutôt selon moi de continuer à appliquer les dispositions existantes. Il convient notamment d'en renforcer l'application. Il nous faut assurer un accueil privilégié des sapeurs-pompiers au sein des commissariats et des brigades de gendarmerie. Des instructions ont été données en ce sens. Par ailleurs, dans une circulaire du 13 mars 2018, le ministre de l'intérieur a demandé à ce que des mesures soient prises pour faciliter et inciter le dépôt de plainte des sapeurs-pompiers victimes d'agressions. Je citerai, notamment, le dépôt de plainte sur rendez-vous, éventuellement au centre de secours, la domiciliation du sapeur-pompier victime à la direction du service d'incendie et de secours, la protection fonctionnelle ou encore - nous y veillons - le suivi de la réponse pénale en lien très étroit avec les parquets.
Par ailleurs, un télégramme ministériel du 14 septembre 2018 a rappelé que ces objectifs devaient être poursuivis avec la plus grande rigueur. Ces mesures sont aujourd'hui mises en place dans le cadre des protocoles interservices départementaux, qui prévoient une coopération opérationnelle accrue entre les forces de sécurité intérieure - police et gendarmerie - et les pompiers : échanges d'informations, possibilité de s'appeler de manière réactive en cas de difficultés, points de regroupement avant une intervention dans un secteur sensible. Ces conventions, que nous rappelons très régulièrement aux préfets, donnent satisfaction.
Enfin, je sais que nous pouvons compter sur l'intransigeance des parquets face à ces attaques particulièrement odieuses. Plusieurs condamnations à des peines de prison ferme ont été prononcées ces dernières semaines pour des agressions de sapeurs-pompiers.
En tout état de cause, j'ai la conviction que ce texte, même amendé, n'est pas la bonne solution. Il présente plus de dangers que de pistes d'avenir. En l'état, il ne permettra pas d'assurer une meilleure protection des sapeurs-pompiers. Certes, je déplore comme vous l'augmentation des agressions à leur encontre, mais je rappelle que leur taux de plaintes demeure significatif. Les pompiers ne craignent donc pas de porter plainte par peur des représailles. Comptez néanmoins sur notre détermination pour appliquer l'ensemble des mesures existantes afin d'assurer une meilleure protection des sapeurs-pompiers, ainsi que celles à venir, puisque nous avons évoqué le déploiement des caméras-piétons.
Premier élément positif, nous partageons un même constat et une même inquiétude, qui ne peuvent pas rester sans réponse. J'entends que le Gouvernement, conscient du problème, a renouvelé un certain nombre d'instructions et a sensibilisé les parquets à la question. Nous n'ignorons pas les difficultés juridiques posées par l'article unique de la proposition de loi. C'est pourquoi le rapporteur a souhaité présenter un amendement. Le travail n'est pas abouti, ce sera tout l'enjeu de la navette et du débat législatif. Je suis sensible à votre objection sur les sapeurs-pompiers militaires. J'invite le rapporteur à faire une proposition pour tenir compte de votre remarque. J'entends vos réserves, mais j'espère que nous parviendrons à les surmonter.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez précisé que les pompiers bénéficiaient déjà d'un certain nombre de garanties. Il s'agit d'en apporter une nouvelle. L'amendement vise à répondre à une situation spécifique où les témoins d'une agression sont le plus souvent des sapeurs-pompiers eux-mêmes. On ne peut donc nous opposer l'argument de la rupture d'égalité. Je suis tout à fait disposé à rectifier l'amendement, monsieur le président, pour supprimer la mention « professionnel ou volontaire », même s'il s'agit d'une reprise des termes déjà utilisés par le code pénal. Il semble que le juge entend cette expression comme désignant également les sapeurs-pompiers sous statut militaire.
Il est important de protéger les pompiers et de leur donner la possibilité de s'exprimer, mais tout cela ne suffira pas. La vraie question est : pourquoi en sommes-nous là ? J'ai été moi-même victime de ces jeunes de banlieue. Il faut s'attaquer au mal et réinstaller la loi, l'autorité et la règle dans les quartiers. À défaut, on pourra écrire toutes les lois que l'on veut, on n'y arrivera pas ! Cherchons les causes d'un tel échec et trouverons des solutions. La police, la gendarmerie, les pompiers, les enseignants protègent l'ensemble des habitants des quartiers et travaillent pour eux. Ce sont aussi ces habitants qui demandent le retour à la paix.
Je propose de rectifier l'amendement COM-1 et de supprimer la mention « professionnel ou volontaire » pour lever toute ambiguïté. Il devient ainsi l'amendement COM-1 rectifié. Il s'agit bien de donner la possibilité d'anonymiser les témoins d'une agression à l'encontre de tout sapeur-pompier, quel que soit son statut. J'approuve les remarques de Jacqueline Eustache-Brinio. Les auditions que nous avons menées témoignent du désarroi des pompiers qui sont pacifiques, malgré leur uniforme, et ont pour seul souci de porter secours. Par ailleurs, même lorsqu'ils sont agressés, ils continuent le plus souvent leur mission de secours. Parmi les solutions proposées, je ne voudrais pas que nous dérivions sur le terrain dangereux de l'armement, car c'est une piste parfois envisagée.
Pour le RDSE, cet article, certes fragile, est hautement symbolique. Nous sommes rassurés par la création d'une mission d'information, car nous avons tous à coeur de protéger nos forces de sécurité intérieure et nos sapeurs-pompiers. Dans les zones de non-droit, terrains de jeu des dealers, de nombreuses agressions ont lieu. Au-delà des sapeurs-pompiers, l'ensemble des habitants demande l'anonymisation des témoignages. C'est une réflexion qu'il faudra mener pour mieux protéger nos concitoyens.
M. le secrétaire d'État a évoqué le risque de « contagion » vers d'autres professions en lien avec le public : enseignants, travailleurs sociaux, infirmiers, médecins dans les hôpitaux. Mais malheureusement, on en est là ! Ne pas prendre en compte ce problème serait ne pas être à la hauteur de nos responsabilités. La proposition de loi n'est pas une solution d'appel : elle exprime la volonté du Sénat de trouver des solutions juridiques pour protéger les sapeurs-pompiers. Laissons le Conseil constitutionnel faire son travail s'il a envie de censurer le texte. La création d'une mission d'information est utile. Les sapeurs-pompiers doivent savoir que la Haute Assemblée prend en considération leur situation qui se dégrade. Ne bradons pas notre message !
La plupart des agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers n'ont pas forcément lieu dans les quartiers et dans des contextes de violences urbaines. Elles se produisent surtout en raison d'un état de détresse sociale ou psychologique, voire en marge des accidents de la route. Néanmoins, vos remarques demeurent pertinentes. D'où le protocole qui prévoit des zones de regroupement dans certains quartiers afin d'y entrer avec les forces de police ou de gendarmerie. C'est tout le sens de la politique de reconquête républicaine des quartiers que nous menons. Il s'agit pour nous d'y être beaucoup plus présents et de créer des partenariats de sécurité, y compris en engageant des actions de médiation et de sensibilisation. Je citerai l'initiative des marins-pompiers de Marseille, qui recrutent des jeunes issus des quartiers pour faciliter leurs actions. Le ministère de l'intérieur met un point d'honneur à déployer ce genre de dispositif.
L'amendement rectifié prend en compte une de nos remarques. Quoi qu'il en soit, les dérogations évoquées par M. le rapporteur pour les sapeurs-pompiers portent surtout sur la notion de circonstance aggravante. Cet amendement constituerait une première dérogation à la règle selon laquelle on ne peut témoigner sous X que pour des infractions dont le quantum de peine est de trois ans minimum. Elle ne vaudrait que pour les pompiers. Je maintiens donc ma position, car un tel amendement porterait une atteinte injustifiée aux droits de la défense, mais surtout au principe de proportionnalité et d'égalité. Avis défavorable.
L'amendement COM-1 rectifié est adopté.
L'article unique de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Je me félicite de la création de la mission d'information.
Je précise que nous suivons d'heure en heure la situation d'un jeune sapeur-pompier de vingt-et-un ans, brûlé à 50 % ce matin dans un incendie à Aulnay-sous-Bois, qui a fait un mort. Le pronostic vital est engagé.
J'exprime la solidarité de la commission des lois du Sénat à ce jeune homme et à sa famille.