Je suis heureux de vous présenter les propositions du rapport que j'ai remis aux pouvoirs publics à la suite d'une lettre de mission du Président de la République, portant sur deux points : tout d'abord redonner au Grand Palais sa cohérence à la fois dans son aspect immobilier et dans sa programmation, ensuite doter la France d'un opérateur de niveau international en combinant les atouts de la Réunion des musées nationaux (RMN) et du Grand Palais. J'ai constitué des groupes de travail internes et communs au Grand Palais et à la RMN pour étudier aussi bien les problèmes immobiliers que les problèmes de stratégie. J'ai associé des personnalités du monde de la culture et des médias, représentant notamment les musées nationaux mais aussi les musées régionaux et les centres d'art et de création, ainsi que des personnalités internationales.
La première problématique abordée dans le rapport est relative au bâtiment du Grand Palais. L'établissement public éponyme créé il y a quelques années a été chargé de gérer l'ensemble du bâtiment abritant aujourd'hui trois entités : le Grand Palais, les Galeries et enfin le Palais de la découverte (appelé palais d'Antin) aujourd'hui regroupé dans un autre établissement public qu'est « Universciences » avec la Cité des sciences et de l'industrie. C'est cette division physique entre le Palais de la découverte et la Nef, et une absence de cohérence globale dans la programmation qui ont frappé les pouvoirs publics.
J'ai regardé plus en détail l'état immobilier du bâtiment. Une rénovation de la verrière a été effectuée et une partie des fondations a été refaite en même temps pour un montant d'environ 100 millions d'euros. Mais d'autres travaux d'urgence subsistent (toitures des Galeries nationales du Palais de la découverte, mise aux normes de sécurité, accessibilité aux personnes à mobilité réduite, etc.) et coûteraient environ 150 millions d'euros.
Au-delà de l'évaluation des travaux nécessaires, j'ai souhaité rechercher ce qui pourrait rendre le Grand Palais plus attractif et ainsi contribuer au financement des travaux. Nous avons choisi plusieurs options :
- supprimer les cloisonnements actuels et créer des entrées et issues supplémentaires afin de ne constituer qu'un seul ERP (établissement recevant du public) faisant passer la jauge, c'est-à-dire la capacité d'accueil, de 11 000 à 20 000 visiteurs ;
- réaménager de manière plus rationnelle les espaces d'exposition en utilisant les galeries de part et d'autre de la Nef pour augmenter la superficie exploitable et le caractère modulable du dispositif. Le coût de ces travaux correspond à une grande partie de la différence entre le coût global de 236 millions d'euros estimés pour l'ensemble du projet et les 150 millions déjà évoqués ;
- réaménager la Nef et ses sous-sols. Ces derniers devraient être transformés pour former une base logistique moderne, tandis qu'une régulation thermique de la Nef permettrait d'étendre les périodes de son utilisation et accroître ainsi sa rentabilité ;
- redonner au bâtiment intermédiaire entre la Nef et le palais d'Antin sa fonction originaire en en faisant un espace mutualisé pour les accueils, la billetterie, la cafétéria, la boutique, la librairie, mais aussi pour des auditoriums et des espaces numériques dédiés aux thèmes des arts et de la science.
La deuxième problématique concerne la modélisation économique. On peut estimer que grâce à une meilleure utilisation des bâtiments et un accroissement du public et donc à une rentabilisation des investissements réalisés, la capacité d'autofinancement doublera, permettant ainsi de financer un peu plus de la moitié du coût global du projet, à condition que l'État maintienne un financement à hauteur de 120 millions d'euros. Je précise que les travaux ne pourront commencer qu'avec un concours d'architecture.
Quant au fonctionnement du futur établissement public qui constitue la troisième problématique, il convient de noter que la RMN a subi une profonde transformation avec les détachements successifs des musées du Louvre, d'Orsay, de Versailles, Fontainebleau puis bientôt du musée Picasso. Le terme de « réunion » ne représente plus la réalité de cet établissement dont les fonctions tournent autour de quatre pôles : l'organisation d'expositions sur l'ensemble du territoire, l'activité des boutiques qui réalisent 50 % du chiffre d'affaires, les éditions et la photographie. L'agence photographique de la RMN a d'ailleurs été choisie pour devenir le « pôle agrégateur » souhaité par les pouvoirs publics pour numériser et valoriser l'ensemble du patrimoine photographique de l'État.
Le problème de la RMN réside dans l'ambiguïté de son positionnement par rapport aux autres musées. Les statuts de la RMN et des autres musées prévoient des liens obligatoires entre eux pour certaines activités pourtant en déclin depuis une dizaine d'années. Ce constat rend nécessaire la mutualisation des activités entre la RMN et ses partenaires et la modernisation de la gestion de la RMN pour favoriser un univers plus concurrentiel. En outre, j'ai fait trois propositions :
- la création d'une direction scientifique ;
- une plus grande autonomie dans chacune des activités aujourd'hui rattachées à une même direction ;
- la possibilité de filialisation d'un certain nombre d'activités, comme cela a été proposé dans le cadre de l'appel d'offres pour la délégation de service public pour la gestion du musée du Luxembourg.
La commission de la culture n'a pas de droit de regard en ce qui concerne le musée du Luxembourg, ce que je regrette. Je m'en suis d'ailleurs ému auprès du président du Sénat.
Sur le plan juridique il n'existe pas de difficulté particulière à la création d'un nouvel établissement public par fusion du Grand Palais et de la RMN, ces deux institutions appartenant à la même catégorie juridique. D'autres étapes sont bien évidemment indispensables, au rang desquelles la consultation des instances représentatives du personnel et du comité technique paritaire du ministère. Nous espérons que la signature du décret permettant la mise en place du nouvel établissement public interviendra avant le 1er janvier 2011.
L'avenir du Grand Palais est une question essentielle qui nécessitera des investissements très importants. Parfois les élus de province sont agacés lorsque se multiplient les projets parisiens au détriment des projets sur le reste du territoire, mais je crois qu'il nous faut ici dépasser cet agacement car les propositions que vous nous avez présentées constituent une chance pour la capitale et, au-delà, pour la France. A titre personnel, je trouve préoccupante la « guerre de tranchées » entre les deux occupants évoquée dans certains articles de presse, et suis choqué par ces débuts de polémique, alors que nous pouvons valoriser un ensemble extraordinaire au profit de la nation toute entière.
Je signale que, compte tenu des perspectives budgétaires angoissantes pour 2011, les demandes doivent être exprimées avant fin juin 2010. Je vous souhaite la même réussite pour ce projet complexe que pour celui que vous avez conduit dans vos précédentes fonctions à Radio France.
Je souhaite qu'on ne néglige pas la province, où existent des monuments équivalents aux monuments nationaux, même s'ils n'en ont pas la dénomination, et qui sont souvent en déshérence.
L'articulation entre le Grand Palais et le Palais de la découverte doit permettre de rassembler culture et culture scientifique. La fusion entre le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l'industrie pose des questions qui ne sont pas toutes résolues. Dans de tels rapprochements, les spécificités des deux entités doivent être respectées si l'on veut aller de l'avant et rassembler élus et citoyens autour du projet. Ceci est nécessaire car la culture scientifique, notamment, est budgétairement maltraitée.
Ce projet est nécessaire. Après les grands investissements d'infrastructures, il faut maintenant achever ce projet complexe. J'aimerais vous poser plusieurs questions :
- que devient le Centre d'accueil de la presse internationale ?
- où en est le travail de programmation financière, sachant qu'elle doit s'envisager sur le moyen terme et que vous avez la chance de disposer de plus de 50 % de ressources propres ? Qui le réalise ? Quel est le calendrier ? Il faut un grand concours d'architecture : quand serez-vous en état de le lancer ?
- qui sera le maître d'ouvrage ?
- la relation avec l'espace public environnant sera-t-elle prise en compte ? Ceci est essentiel et doit s'effectuer avec la Ville de Paris.
Je suis très attaché aux institutions qui, comme la RMN et le Centre des monuments nationaux (CMN), mutualisent leurs moyens et permettent aux établissements de travailler en réseau, l'idée étant aussi que les plus forts viennent renforcer les plus faibles.
Alors que certains évoquent une « guerre de tranchées » et qu'une synergie est nécessaire entre l'art et la culture scientifique, et donc entre le Grand Palais et le Palais de la découverte, il conviendra de mettre en oeuvre de bonnes pratiques. Je pense, par exemple, à la réflexion collective, conduite à Barcelone, sur la notion du temps, qui a permis d'exposer des oeuvres de Dali ainsi que des instruments de mesure du temps. Or, on observe un déséquilibre entre le Palais de la découverte, lieu dépositaire d'une mémoire collective, et le Grand Palais, magnifique geste architectural qu'il faudra « habiter ». La circulation transversale entre les deux établissements ne me semble pas mûre.
L'émotion liée à la création d'Universciences, avec le rapprochement du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie, résulte en partie des différentes origines et traditions des personnels concernés. Ce rapprochement, qui a beaucoup de sens en matière de diffusion de la culture scientifique, doit encore être davantage expliqué aux personnels. Mme Claudie Haigneré et moi-même dialoguons beaucoup et nous devons expliciter à ces derniers la nature exacte des propositions architecturales. Aucun mètre carré d'espace ne sera retiré aux surfaces dédiées tant aux expositions qu'aux expériences et manipulations. En revanche, les surfaces seront rationalisées afin de donner au bâtiment intermédiaire, mutualisé, un rôle de lien entre le Grand Palais et le Palais de la découverte.
En outre, nous devons préserver la spécificité du Palais de la découverte et dialoguer afin d'établir des approches communes aux deux établissements sur des thèmes précis. Ainsi par exemple, la saison 2013-2014 devrait permettre au Grand Palais d'organiser une exposition sur la beauté animale pendant que le Palais de la découverte mettra en avant l'intelligence animale.
Compte tenu des délais nécessaires pour la réalisation des travaux, la circulation du public dans ce bâtiment commun n'est envisageable qu'à compter de 2017-2018.
Ce projet est certes francilien mais, compte tenu de l'extension des surfaces d'exposition - qui passeront de 3 500 à 6 000 m2 -, je souhaite développer la coproduction d'événements avec des musées territoriaux et des centres d'art et de création en région. Il s'agit de concevoir ab initio des expositions comportant deux déclinaisons, l'une en région et l'autre au niveau national.
S'agissant du budget pour 2011, il est rassurant de savoir que sur le budget global des deux institutions confondues, d'environ 140 millions d'euros, l'on compte seulement 20 millions d'euros de subventions de fonctionnement. En effet, la nouvelle institution génère des recettes commerciales substantielles et qui devraient encore augmenter.
Pour ce qui concerne la programmation et le financement des travaux, l'évolution du coût de ces derniers - de 135 millions d'euros hors taxes - est le résultat d'un dialogue entre les services, l'inspection générale des finances et un cabinet d'études extérieur. Je cherche à obtenir du Gouvernement l'autorisation d'entamer une phase de programmation plus fine, d'une année, avant de lancer un concours d'architecture puis de constituer le dossier d'appel d'offres aux entreprises. Dans ces conditions, les travaux devraient raisonnablement commencer en 2013 ou 2014, les études et démarches préalables étant financées sur ressources propres. L'impact budgétaire réel ne se fera donc sentir qu'à compter de cette date.
La question se pose de savoir si nous n'aurions pas intérêt à resserrer le calendrier et, par conséquent, à suspendre la totalité des activités pendant une certaine période. Je pencherais plutôt pour cette solution mais d'autres préfèrent un étalement des travaux dans le temps.
J'attends du Gouvernement :
- la publication, en temps utile, du décret permettant la mise en place de la nouvelle institution au 1er janvier 2011 ;
- l'autorisation de lancement de la phase de programmation plus fine, destinée à éclairer l'avenir.
S'agissant des relations avec l'espace public environnant et avec la Ville de Paris, j'ai rencontré tous les interlocuteurs concernés et je relève un fort consensus en faveur d'une redynamisation du territoire concerné. Toutefois, le terrain d'assiette de l'établissement appartient à la Ville de Paris et il existe une divergence d'appréciation sur les conséquences de cette situation. La Ville a proposé de vendre ce terrain, principe qu'avait accepté le cabinet de l'ancien ministre Aillagon, le montant demandé étant de 23,5 millions d'euros.
Le centre d'accueil de la presse étrangère est aujourd'hui hébergé au rez-de-chaussée du Grand Palais mais une réflexion doit être conduite en vue de mieux valoriser les espaces concernés, afin qu'ils contribuent à la rentabilité générale du projet, sans le dénaturer.
Enfin, je précise que l'établissement assumera lui-même la responsabilité de maître d'ouvrage.
Je trouve choquant que la Ville de Paris, qui a beaucoup bénéficié des travaux conduits au Grand Palais, demande que l'établissement lui rachète le terrain. Il me semble, au contraire, que l'on serait fondé à demander à la Ville d'en faire l'apport.
Nous pourrions envisager, mes chers collègues, de visiter les espaces ainsi décrits par M. Jean-Paul Cluzel, afin de nous faire une idée plus précise du projet d'établissement.
Jean-Claude Carle est élu vice-président de la commission en remplacement de M. Michel Thiollière.
Jean-François Humbert est désigné rapporteur de la proposition de loi n° 441 (2009-2010) de Mme Marie-Christine Blandin, relative aux oeuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle.
La commission examine les amendements au texte de la commission pour la deuxième lecture de la proposition de loi n° 364 (2009-2010), modifiée par l'Assemblée nationale, visant à encadrer la profession d'agent sportif.
La commission adopte les avis suivants :
La commission demande à être saisie pour avis du projet de loi n° 2280 (AN) de réforme des collectivités territoriales, dont la commission des lois est saisie au fond.
Elle nomme M. Jacques Legendre rapporteur pour avis de ce projet de loi.