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La crise du Covid-19 nous pousse à examiner les capacités d'action de nos institutions. Le Président Larcher a d'ailleurs engagé, avant même cette crise sanitaire, une démarche sur la poursuite de la décentralisation et ce en parallèle de la démarche « 3D » du Gouvernement. Pour être un des deux co-rapporteurs, avec Philippe Bas, le Président de la commission des Lois, Philippe Bas, du groupe de travail qui nourrit cette démarche, je peux témoigner de l'intensité de ce travail. Nous avons comme fil conducteur le retour d'expérience de cette crise sanitaire et l'audition d'aujourd'hui s'inscrit également dans cette démarche.
L'épidémie a interrogé les capacités de coordination et d'action des Agences régionales de santé (ARS) avec les acteurs du territoire, qu'ils soient étatiques, sanitaires ou et, naturellement, les collectivités territoriales. Nous n'entendons naturellement évidemment pas, à ce stade, faire le procès des ARS, d'autant qu'une commission d'enquête fera le point des responsabilités des uns et des autres dans la gestion de cette crise. C'est justement pour éviter qu'elles servent de boucs émissaires que nous n'avons pas convié de représentant des ARS, lesquelles demeurent en outre accaparées par la sortie progressive de la crise.
Notre délégation souhaite examiner les conséquences des choix des organisations territoriales effectués dans le domaine de la santé depuis la création des ARS en 2009. L'objectif à l'époque était de décloisonner le système de santé mais aussi de maîtriser les dépenses de santé. Ces agences remplaçaient les anciennes Agences régionales d'hospitalisation, créées en 1996, ainsi que les services déconcentrés du ministère de la Santé. Peut-on dire que la loi dite Bachelot à l'origine de la création des ARS a retiré le pouvoir des médecins, notamment des chefs de service, pour les transférer aux directeurs d'hôpital en privilégiant une approche gestionnaire ? Ce n'est pas mon point de vue et j'ai pu constater que les systèmes précédents avaient atteint leurs limites. Le rôle d'un directeur ne peut être limité à une démarche gestionnaire, sans vision, et beaucoup dépendent des consensus pouvant se créer entre les divers acteurs.
Tout n'a pas toujours été négatif, mais nous sommes passés d'un système perfectible à un système « à la française » dont nous constatons aujourd'hui les limites. S'agissant du rapport avec les territoires, cette loi prévoyait notamment la mise en place d'instances de coordination, dont les conseils de surveillance des ARS. Lors de l'examen au Parlement de cette loi de 2009, un certain nombre de propositions, notamment sénatoriales, n'avaient pas été prises en compte et cela elles auraient pu éventuellement permettre un meilleur équilibre.
Les ARS sont aujourd'hui vu comme trop distantes des territoires. Elles associeraient trop peu les acteurs locaux, seraient trop bureaucratiques et trop fragiles en cas de crise, et la coordination avec l'ensemble des acteurs, sans autorité réellement reconnue, aurait été défaillante. Nos invités, MM. Jean-Louis Thiériot, député de Seine-et-Marne ; Dominique Dhumeaux, maire de Fercé-sur-Sarthe ; Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin ; Frédéric Pierru, sociologue, chargé de recherche au CNRS, et Jean de Kervasdoué, économiste de la santé, professeur émérite au CNAM, vont donc nous éclairer sur ces différents points.
Je veux d'abord préciser que je m'exprime en tant qu'observateur et praticien mais que je ne suis pas un spécialiste des questions de santé. Néanmoins, comme ancien président de département et comme conseiller départemental pendant la crise, je vous propose de vous faire part de mon retour d'expérience, avant de vous suggérer quelques pistes d'amélioration.
Avant toute de chose, je veux à nouveau rendre hommage aux soignants, comme nous le faisons tous. Les éventuelles critiques que je formulerais ne sont évidemment pas destinées au corps médical ou paramédical, qui fut exceptionnel.
J'ai constaté durant cette crise que les ARS étaient inadaptées à la gestion de l'urgence. J'ai pu l'observer d'abord lors de la crise des liée aux masques. Les ARS ont été dépassées sur le plan logistique. Totalement perdues, elles furent ont été incapables de gérer les flux, les livraisons et les stocks et nous avons dû pallier leurs insuffisances pour fournir les pharmaciens.
La difficulté à faire remonter les informations illustre aussi le fait que ces structures soient dépassées. Les Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) nous transmettaient, au préfet et à moi-même, des problèmes décomptes quotidiens. Les ARS nous assuraient qu'un seul décès, et non dû au Covid, avait eu lieu, et nous découvrions dans Le Parisien la semaine suivante que 17 décès s'étaient en fait produits. Il a fallu que ce soit le département qui finisse par faire remonter à l'État les informations concernant ces établissements de santé.
Enfin, les ARS souffrent d'un juridisme permanent et du principe de précaution poussé à l'extrême. Ainsi, lorsqu'il fallait agir vite, nous entendions le doux bruissement des parapluies s'ouvrant, au lieu de la mise en oeuvre des actions nécessaires.
Les ARS ne sont donc pas une des structures adaptées pour gérer l'urgence. Au niveau départemental, Lle problème au niveau départemental du dualisme entre le préfet et l'autorité de santé n'aide pas. Dans une situation de crise, il est absolument indispensable que la décision soit centralisée. Le problème ne s'est pas posé au niveau des directeurs d'hôpitaux mais bien à celuiau niveau des ARS, instances de coordination.
Mon sentiment est que la carte hospitalière ne peut pas être gérée par une instance administrative ou une agence déconcentrée de l'État, mais qu'elle doit impérativement être décentralisée. En Allemagne, ces éléments sont gérés par les Länder. Sans responsabilité politique, nous arrivons à une vision technocratique des choses, alors que les seules capables de comprendre réellement les besoins d'un territoire, ce sont les collectivités territoriales. Je ne me prononcerai pas à ce stade sur le niveau de décentralisation souhaitable. Mon ancienne casquette de président départemental me fait plutôt pencher plutôt pour le département ; . Lles régions XXL rendent les choses plus compliquées.
L'autre point qui me semble fondamental dans cette nouvelle organisation de la santé, c'est la nécessité de coopérer efficacement avec le secteur privé, que ce soit la médecine de ville, la médecine libérale ou les cliniques. Lors de la crise, alors que tout le monde devait tirer dans le même sens, j'ai assisté à l'une absence totale de coordination avec les médecins libéraux, les infirmières libérales ou les cliniques, auxquelles aucun patient n'était envoyé alors même que les hôpitaux étaient sous tension.
Dans le cadre de l'agenda rural, mission à laquelle j'avais participé avec quatre de mes collègues, nous avions déjà alerté le Gouvernement sur la difficulté que nous connaissions, nous élus, pour comprendre le rôle des ARS et sur les liens inexistants entre nous et ces structures, loin de tout et inaccessibles pour le moindre dialogue.
Je suis sapeur-pompier de profession et j'ai été surpris, au début de la crise, que le Gouvernement fasse le choix de s'appuyer sur les ARS alors que l'État finance depuis 2008dispose des zones de défense et de sécurité, qui sont souvent mises en place justement pour gérer ce type de crise et qui n'ont pas du tout été alertées ou utilisées. Cela explique les difficultés pour les préfets et les ARS de travailler ensemble durant la crise, les préfets n'étant pas habitués à dialoguer avec les ARS. Les services de l'État fonctionnent parfois en silo et n'ont pas coutume de partager leurs expériences et leurs problématiques. Les préfets nous ont ainsi alertés sur les difficultés à travailler avec les ARS ou les directions académiques durant la crise.
Nous nous sommes rapprochés des maires ruraux pour connaître leur vision des ARS avant et pendant la crise. Force est de constater que personne n'a de contact avec les ARS, si l'on n'est pas un élu disposant d'un centre hospitalier sur son périmètre. Ce manque de contact contribue à rendre les décisions de ces agences difficilement applicables. Ces décisions font le plus souvent des dégâts dans nos territoires : comme, par exemple, l'obligation d'avoir deux médecins pour installer une maison de santé pluridisciplinaire sur un territoire, contre un seul auparavant. Dans un territoire dépourvu de médecins, imposer deux médecins généralistes pour constituer une maison de santé, est évidemment la solution idoine pour qu'aucune maison de santé ne puisse se mettreêtre mise en place.
En échangeant, il ressort un sentiment d'opacité dans les décisions prises par les des ARS. Cela rend d'autant plus difficile le rôle des maires, surtout dans les zones les plus touchées, où les élus n'ont jamais pu obtenir un pourcentage du nombre de personnes contaminées. Cela aurait toutefois permis aux élus locaux d'être encore plus réactifs.
Les ARS n'étaient pas faites pour gérer une telle crise. Le ministère de la Santé, qui ne connaissait que ces structures, s'est toutefois appuyé sur elles comme il ne connaissait que ces structures. S'il fallait demain il fallait corriger certaines choses, une solution serait d'intégrer les élus dans le mode de fonctionnement des ARS. Aujourd'hui, les seuls élus présents sont ceux des communes où des centres hospitaliers sont en place. Nous souhaiterions être intégrés dans les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les réunions d'ARS au niveau départemental, pour apporter notre regard et partager nos difficultés dans le cadre de l'accès aux soins. Dans mon département, le nombre de médecins généralistes est nettement inférieur à la moyenne nationale, et plus de la moitié de ces médecinsd'entre eux ont plus de 60 ans. Or on sait aujourd'hui que lorsque quatre médecins partent à la retraite, seulement deux arrivent. La téléconsultation pourrait être une solution mais l'ARS avait bloqué ce système, déverrouillé durant la crise mais qui risque d'être à nouveau bloqué, alors qu'il est intéressant a minima pour le renouvellement d'ordonnances basiques pour désengorger les salles d'attente. C'est à travers notre présence dans ces instances que nous pourrons faire valoir les besoins de nos administrés et faire en sorte que les ARS deviennent enfin des vrais outils de santé publique.
Plus que les ARS, je critique leur mauvaise naissance. Lors de la loi les élaborant, il y a eu deux conflits : un avec la Caisse nationale d'assurance maladie, qui souhaitait garder la main sur la médecine libérale, et un autre avec les préfets, qu'on voit resurgir à l'occasion de cette crise. Les ARS n'ont jamais eu la main sur la médecine libérale et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a conservé son pré carré. Cela constitue une forme de péché originel. Les ARS devaient avoir la main sur tout le système de soins et elles ne contrôlent en fait que le seul hôpital. Ce contrôle est en outre étroitement bordé par l'échelon national. Les ARS sont donc des colosses entravés, qui, dans le domaine médico-social, partagent leurs compétences avec les collectivités territoriales.
Les préfets ont effectivement mal vécu l'installation d'ARS qui leur échappaient, alors qu'ils avaient auparavant l'autorité sur les précédentes structures. Lors de l'élaboration de la loi, il y a eu notamment un conflit sur la veille et la sécurité sanitaire, et particulièrement sur la surveillance épidémiologique. Les préfets souhaitaient conserver la main sur le volet sécurité sanitaire géré par les ARS. Là encore, la solution privilégiée fut a été celle d'un armistice bancal, comme nous l'avons constaté lors de cette crise. Cette crise a donc révélé les malfaçons originelles des ARS. C'est la raison pour laquelle je trouverais fort dommage d'en faire des boucs émissaires.
La territorialisation des politiques de santé a constitué un leurre. Dans la loi hôpital, patients, santé, territoires (HPST), le mot « territoire » est employé 71 fois en 87 pages, dans la loi Tourenne Touraine de 2016, il est utilisé 106 fois en 111 pages, et dans la dernière loi du 26 mars 2019, il y est fait référence 110 fois en 94 pages. Nous constatons donc une véritable inflation de l'utilisation de la notion de territoire. Cela est d'autant plus surprenant que la réalité de l'évolution de la gouvernance du système de santé est celle de la centralisation croissante. Les dernières lois ont été faites pour contourner les élus locaux, perçus comme des freins à la restructuration hospitalière. La difficulté rencontrée par les élus locaux pour nouer des contacts avec les ARS ne constitue donc pas une anomalie puisque c'était le coeur des lois successives. C'est également la raison pour laquelle les préfets ont été dépossédés au profit des directeurs généraux d'ARS. Il ne faut donc pas se laisser abuser par l'incantation de territorialisation, qui ne correspond en rien aux logiques inhérentes aux plus récentes transformations de notre système de santé.
En parallèle, nous avons également assisté à une centralisation concernant la médecine libérale via l'action de la CNAM. Les délégations départementales ont été délibérément vidées de leur contenu. Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, expliquait que l'objectif était de ne pas reproduire le modèle préfectoral des Directions départementale des l'action Affaires sanitaires sociales (DDASS) et de recentraliser au siège dans la mesure du possible.
Il me semble donc que l'on vit a vu, lors de cette crise, l'évanescence de l'État sanitaire infrarégional. Cela a naturellement été renforcé par les grandes régions.
J'aurais deux pistes d'évolution. Il ne s'agit pas seulement de réformer les ARS, mais l'ensemble du cadre. Il faudrait soit leur donner donner un réel pouvoir décisionnel, ce qui nécessiterait une montée en charge du fonds d'intervention régional dont les crédits ne cessent de stagner, soit . L'autre solution serait de donner aux délégations départementales de vrais moyens humains, d'expertise et décisionnels pour pouvoir conduire une réelle politique territoriale de santé. Un modèle plus révolutionnaire serait de s'inspirer du modèle anglais et de donner la main à une structure qui gérerait l'ensemble de l'offre de soins dans un périmètre d'environ 60 000 habitants, que ce soit sur la médecine libérale, l'hôpital, le médico-social et ou la prévention, et ce en assurant la représentation des élus locaux dans ces structures de pilotage des politiques de santé, le tout naturellement dans un cadre fixé à l'échelon national.
Il est nécessaire aujourd'hui de clarifier les rôles entre l'État et les acteurs locaux. La crise du Covid a mis en relief ce que nous ressentions au quotidien dans l'action sanitaire, à savoir l'inadaptation de l'ARS aux besoins de santé et médico-sociaux des territoires. Cela n'est évidemment pas une question de personnes. Tous les salariés des ARS s'investissent pleinement lors de cette crise. Eux-mêmes déplorent l'organisation de leurs services.
Cela ne fonctionne pas, tout d'abord du fait d'un problème de périmètre. Les grandes régions sont inadaptées. Dans la région Grand Est, nous comptons dix départements. C'est trop grand et trop éloigné pour être efficace : je disais récemment que je voyais plus régulièrement la ministre de la Santé que mon directeur d'ARS ! Mes collègues présidents de département m'informaient également n'avoir pas échangé depuis plus d'un an avec leur directeur d'ARS. Lorsque l'on sait le rôle crucial que jouent les départements, notamment en termes desur le plan médico-social, on constate à quel point ce périmètre est inadapté. Il traduit par ailleurs une méconnaissance des réalités territoriales.
En organisant des périmètres élargis, on a créé des concurrences entre les Centres hospitaliers universitaires (CHU). Le CHU de Nancy et le CHU de Strasbourg sont en tension, avec des déplacements de services sans tenir compte des réalités locales. Des problèmes sont nés là où il n'y en avait pas.
Lors de la crise, nous avons dû agir avec la société civile et avec les acteurs locaux pour pallier les carences des ARS, notamment concernant les masques. Sans nousnotre action, nous aurions à devrions déplorer des décès supplémentaires et certains professionnels de santé auraient dû se mettre en retrait. Nous n'avons pas seulement livré les EHPAD, mais aussi les hôpitaux. De vrais besoins n'étaient pas couverts, et la logistique comme l'agilité étaient territoriales et donc portées par les élus locaux.
J'ai pu assurer un lien quotidien avec les EHPAD de mon département, car nous nous étions organisés en amont. Cela m'a permis de connaître tous les jours l'état sanitaire de chaque EHPAD : les personnels touchés, les et pensionnaires touchés, le nombre de décès,... Nous avons constaté que bien souvent les ARS, bien souvent, n'avaient pas connaissance de ces indicateurs. Le lien direct entre les établissements et les ARS n'existe pas.
Le système administratif est à la fois coûteux et construit essentiellement autour du contrôle administratif. Le directeur du CHU m'expliquait que deux ou trois membres de son personnel consacraient leur temps à répondre à des questionnaires administratifs de l'ARS. Ces démarches sont très cloisonnées. Il manque une approche globale des enjeux sanitaires et des dépenses sanitaires. Un hôpital de proximité a par exemple mis en place un service de chimiothérapie. Ce système avait représentait un certain coût pour cette clinique mais l'ARS n'a pas tenu compte des coûts de déplacement dans le coût global de ce service de santé. Il revenait moins cher de mettre en place un service de chimiothérapie décentralisé dans cette clinique que de faire se rendre les patients à Strasbourg. Mais, sans cette vision globale, il a été recommandé de fermer ce service. Pour les EHPAD, un double travail administratif perdure, alors que les besoins en personnel humain sont les plus urgents dans ces établissements.
Les besoins sanitaires du médico-social ne sont par ailleurs pas pris en considération. Dans le cas des troubles du comportement psychique des enfants placés par exemple, nous n'avons pu obtenir aucune réponse sanitaire. Cela traduit, là encore, l'inadaptation des ARS pour répondre aux besoins quotidiens du médico-social.
Nous attendons de l'État qu'il fixe les objectifs de santé à partir des réalités sanitaires de notre pays et qu'il valorise financièrement et statutairement les soignants. Pour relever les enjeux publics de santé, seule la sphère publique territoriale me semble toutefois capable. J'entends par sphère publique territoriale le département, au regard des compétences qu'il exerce déjà. C'est ensuite le bloc local : communes et intercommunalités. Les maires doivent retrouver un pouvoir d'action en la matière. Nous avons également besoin des services déconcentrés de l'État.
Les élus me semblent plus aptes à gérer ces enjeux que les agents de l'État, responsables devant leur hiérarchie et non devant les concitoyens. Les attentes en termes de réactivité et d'agilité sont donc bien plus importantes. Quand un agent de l'ARS visite un EHPAD, il vérifie le bon fonctionnement administratif et le respect des normes par l'établissement. Un élu va également accomplir cette mission mais va égalementil ira aussi au contact du personnel, des pensionnaires et de leurs familles car il les connaît. Il est sur le terrain et constate plus rapidement ce qui dysfonctionne dans les organisations.
Il est nécessaire d'organiser la gestion de la santé à partir des territoires. Il faut donner un rôle de chef de filât file aux départements pour mieux coordonner le sanitaire et le médico-social. Tout cela devra naturellement se faire en lien avec le bloc local et avec les services déconcentrés de l'État. Je crois que le préfet doit reprendre la main sur les ARS. Il faut que nous développions par ailleurs des contrats locaux de santé médico-sociaux et sociaux. Il est nécessaire de décloisonner ces trois problématiques en lien également avec les établissements privés. Il faut ensuite réduire le périmètre des ARS pour garantir une connaissance départementale. Il faut enfin redonner des pouvoirs décisionnels aux délégués départementaux.
En tant que transfrontalier, je constate que le coût de la santé est bien plus faible en Allemagne alors que les moyens alloués sont les mêmes. Le coût administratif est plus faible car il est organisé territorialement. Nous avons envoyé des patients à Brest, à plusieurs centaines de kilomètres, plutôt qu'à Karlsruhe, à quelques dizaines de kilomètres, comme
Même si ?
cela a d'ailleurs été le cas à terme. En nous s'organisant à l'échelle transfrontalière, nous aurions pu être encore plus réactifs face à la crise que nous avons vécue ici.
Nous devons avoir conscience du coût du service public et du rendu du service public. Il faut revenir à des taxes et des impôts territorialisés. Le consentement à l'impôt est impossible si nos concitoyens ne perçoivent pas le lien entre leurs contributions et la qualité du service qui leur est rendu.
Enfin, dans la perspective de la loi 3D, j'ai proposé au Premier Mministre que les missions de l'ARS soient déléguées à la future Collectivité européenne d'Alsace, d'abord sous forme de délégation puis dans une perspective définitive.
La médecine dans le monde se spécialise. Il existe aujourd'hui 220 spécialités médicales, contre une dizaine auparavant. Nous avons tous pu constater durant cette crise que, pour certaines prises en charge de maladies lourdes, seuls les grands hôpitaux étaient en capacité de les assurer.
On va rentrerNous allons entrer dans la phase du vieillissement de la génération du baby-boom, qui commence en 1947. L'âge de l'entrée dans la dépendance commence à 83 ans. Cette génération va donc entrer en situation de dépendance en 2030 et on va passer de six à onze millions de personnes de plus de 75 ans.
Il est nécessaire, pour comprendre la situation actuelle, de dresser un bref panorama historique. Notre période est celle de la fin de la démocratie sociale. Inventée en 1945, elle a de fait disparu dans le domaine de la maladie, à part la mutualité sociale agricole. Les autres caisses ne jouent plus aucun rôle. Doit-on conserver tout cet appareil très compliqué de caisses d'assurance maladie ? La CNAM n'a été créée qu'en 1967. Auparavant, il était possible de négocier les tarifs au niveau local. Par ailleurs, l'étatisation progressive du système de soins sans s'en donner les moyens est problématique. L'État est à la fois omniprésent et déliquescent. L'État intervient d'abord par les statuts. Le titre « cadre de la fonction publique » est au demeurant un tribut très élevé que la gauche de l'époque a payé au Parti Communiste, et il me paraît nécessaire d'en sortir. Il faut établir des conventions collectives, d'autant qu'il n'existe dans le secteur médico-social aucune menace sur l'emploi. Des statuts de droit privé pourraient donc être développés, y compris pour des médecins. Aujourd'hui, Ddans le système hospitalier public, aujourd'hui un réanimateur est payé comme un biologiste, où qu'il travaille. Tout cela n'est pas raisonnable.
Cette crise a en effet révélé le problème de l'excès de centralisme que beaucoup ont souligné. Malheureusement, celui-ci s'est avéré être un frein très fort, particulièrement en début de crise, un frein très fort notamment en ce qui concernepour l'acheminement des masques.
Le point le plus fondamental est celui de la coordination. Je constate que l'échelon départemental permet une agilité nécessaire en période de crise. En Ardèche, Nnous avons pu organiser en Ardèche de manière hebdomadaire, au niveau de la préfecture, des échanges réguliers entre parlementaires, maires ruraux et autres acteurs du territoire pour mettre le doigt surpointer des sujets défaillants. Cela nous a permis de pouvoir nous ajuster de façon pratique et pragmatique. Le dialogue fut a été fluidifié par la coordination assurée par le préfet, que ce soit avec la mise en place de centres spécifiques ou d'acheminements plus réguliers. Il faut de la coordination et de la clarté et définir qui doit être leader dans la crise.
Les projets régionaux de santé ont souvent manqué de co-constructions et de concertations avec l'ensemble des collectivités. Nombre d'entre elles ne les ont pas adoptés, sans aucune conséquence induite, et le Projet régional de santé (PRS) s'est appliqué en tant que tel. Il faut réintroduire de la démocratie sociale dans l'élaboration des PRS et des contrats locaux de santé. Cela est nécessaire notamment dans le cadre du rapprochement du secteur de la santé et du médico-social. L'échelon départemental semble idéal pour constituer une interface intelligente dans les territoires. Dans le contexte, souhaitez-vous une révision des pratiques de concertation et des pratiques contractuelles à l'échelle des territoires ?
Beaucoup d'entre nous se souviennent de votre excellente tribune dans Lle Figaro , le 9 avril dernier, Monsieur. Thiériot, dans laquelle vous évoquiez l'efficacité allemande et son rapport avec les moyens mis en oeuvre, rapport qui interpelle. Nous avons l'impression que ce n'est pas à l'heure actuelle la ligne privilégiée pour le futur « Ségur de la Santé ». Votre autorité en la matière nous pousse à vous demander quelles sont les propositions de base que vous feriez si vous étiez appelé à intervenir devant le « Ségur de la Santé ».
N'êtes-vous pas étonné de l'absence des collectivités locales dans cette concertation nationale, puisque nous sommes probablement autant devant un problème d'organisation de notre pays que d'un sujet touchant à la santé ?
J'émettrai juste un bémol sur la question de la territorialisation de l'impôt. Les Allemands n'ont pas d'impôt territorialisé et ils sont pourtant efficaces. Je ne suis donc pas convaincu que cela soit une bonne piste, mais ce sujet pourra être débattu ailleurs.
J'ai le sentiment que, depuis quelques années, deux mondes s'affrontent sur le plan de la santé, et qu'un a pris le dessus sur l'autre. D'un côté nous avons le monde du papier, des normes, de la gestion, des chiffres et du traitement collectif de la santé ; et d'une l'autre côté, nous avons le monde de la santé, du stéthoscope, de la parole, de l'écoute et de l'humain. Cela est très dommageable. Je ne voudrais pas qu'on oublie la suradministration au niveau national. Elle existe naturellement au niveau local, et cela plombe les ARS. Les conséquences sont importantes en termes de veille et de sécurité sanitaires. Néanmoins, au niveau national, les acteurs sont également multiples et tout cela ne fonctionne pas de manière fluide. Les décisions nationales sont aussi prises pour induire des tiraillements locaux. Nous constatons des incohérences et une absence de cohésion. Il faut se poser la question d'une simplification à l'échelon national, de regroupements d'instance et de clarification des missions.
Le sujet prégnant est celui du contrôle. Le monde sanitaire est aujourd'hui régi par le protocole, la norme et le budget. Le seul discours annuel est celui du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Cela est particulièrement symbolique : on évoque la santé uniquement par le prisme du projet de loi de financement de la sécurité socialePLFSS. Dans les différents PLFSS, l'équité face aux soins a été mise en difficulté, notamment d'un point de vue territorial avec la désertification médicale et les fermetures de maternités.
Par ailleurs, Lle privé n'est par ailleurs pas assez intégré dans la prise en charge sanitaire. Les ARS se préoccupent beaucoup du public et délaissent le secteur privé.
Entre ces deux mondes, gestionnaire et de terrain, il faudrait trouver une manière de faire fonctionner les choses. Cela passe par une baisse de la suradministration. Il est également nécessaire d'accepter que la santé a un coûtcoup. Lorsque l'on fait des choix d'économie, il faut être transparent avec les citoyens. Or le budget est déterminé au niveau national. Ces économies ne doivent pas sacrifier l'équité face aux soins et la qualité de la prise en charge des citoyens qui, à mon sens, se dégrade, avec notamment avec lesa pénuries de médicaments.
Depuis une vingtaine d'années, Jje propose à tous les gouvernants depuis une vingtaine d'années d'étudier sérieusement le système d'un forfait annuel. Je ne suis pas pour imposer la généralisation de la capitation mais pour étudier son introduction partielle. Il me paraît plus noble de rémunérer un médecin pour suivre un suivi des malades plutôt que pour effectuer des actes. Ce système mixte baisse considérablement les prescriptions au Danemark ou en Irlande du Nord. Un généraliste prescrit en effet généralement quatre fois ses honoraires.
La France a le talent de pervertir les bonnes idées et cela s'est constaté avec les maisons de santé. Avec une consultation facturée à 24 euros, les maisons de santé ne peuvent pas durablement fonctionner. Il faut donc étudier un système financier et juridique permettant aux différents professionnels de santé, surtout dans les zones rurales, de travailler ensemble dans un bâtiment commun sans que ceux-ci soient nécessairement subventionnés par les collectivités locales.
Pour S'agissant de l'hôpital, celui-ci il doit devenir une institution comme les autres, avec un vrai président due conseil d'administration. Or, aujourd'hui, le président du conseil d'administration n'a en réalité aucun pouvoir, mais le directeur
Phrase à compléter
est le maître du jeu. Un vrai président, avec la responsabilités civile et pénale, devrait être nommé localement et celui-ci nommerait alors un directeur et un médecin chef. C'est là aussi une particularité française. Nos hôpitaux sont à la fois corporatistes, car les médecins élisent le président de la Commission médicale d'établissement (CME), et bureaucratiques, comme car l'État intervient sans cesse. Dans tous les pays occidentaux que je connais, le médecin chef est nommé par le président du conseil d'administration et non élu par ses pairs.
Nous avons l'exemple des centres de lutte contre le cancer, qui sont à la fois des établissements de droit privé mais aussi propriétés de l'État. On peut tout à fait imaginer une généralisation de ce statut.
La France est incapable de revoir les 8 000 nomenclatures d'actes médicaux. Tout cela n'est pas raisonnable.
Je terminerai par le sujet de la santé mentale. Cette question doit être gérée à l'échelon local. En Suède, la décentralisation est particulièrement importante : et chaque citoyen suédois sait combien il paye pour sa santé, et une compensation nationale est mise en place en fonction de critères économiques, d'âge et de sexe. Il faut donner à l'échelon local les possibilités de recruter, de gérer et de définir des tarifs. Cela ne s'envisage qu'avec l'introduction au préalable d'une certaine autonomie politique et financière.
Quel que soit notre territoire, nous avons tous constaté les mêmes problèmes : la lourdeur de l'organisation actuelle, la difficulté à coordonner les actions de santé, l'impossibilité de concilier la santé publique et les libéraux,... Quand on vaLorsque nous repenserons l'organisation de notre système de santé, on nous ne pourronsa pas avoir apporter une réponse unique applicable uniformément sur le territoire national. Dans certains endroits, la région sera le territoire plus pertinent, dans d'autres, le département., À l'échelle de la métropole du Grand Paris, cela ne peut être à l'évidence le département. Le manque de moyens qu'a connu le département de Seine-Saint-Denis, alors qu'il est couvert par l'AP-HP, rend inimaginable que le futur système de santé soit partout piloté par le département. Il va falloir penser cette réorganisation en intégrant la diversité de nos territoires, en regardant les modèles les plus adaptés et en favorisant les coopérations avec les collectivités territoriales.
La région Grand Est a connu une polémique importante, avec les propos d'un directeur d'ARS confirmant les plans de suppression de postes entérinés par le passé. Il semble que les politiques hospitalières d'hier ne pourront pas se maintenir demain, compte-tenu à la fois des failles que la crise a révélées et du « Ségur de la Santé » ouvert le 25 mai dernier par le Premier ministre. Pensez-vous que les différents plans d'économie d'avant-crise doivent désormais être considérés comme caducs ?
Dans ce contexte, il apparaît nécessaire que l'État parle d'une seule voix, notamment en temps de crise, parle d'une seule voix, et que le donneur d'ordre soit unique. Que pensez-vous de l'idée de regrouper sous l'autorité du préfet de département l'ensemble des services déconcentrés aujourd'hui autonomes ?
Les critiques ont été nombreuses, durant la crise, contre les réformes successives ayant conduit, depuis la loi HPST, à une « bureaucratisation » de l'hôpital et à sa direction par des responsables administratifs plus que médicaux. Diriez-vous que la création des ARS par cette même loi participe de la même logique ? Quelles propositions d'évolution faites-vous pour ces structures, douze ans après leur création ? Selon moi, Lle nombre de collaborateurs dans les ARS dépasse pour moi l'entendement.
La question ne se limite pas en effet aux ARS mais concerne l'architecture de l'ensemble du système de santé. Celui-ci doit être repensé. On compte 34% de personnels administratifs sont présents dans le système public de santé, contre 21% en Allemagne. Cela fait, outre-Rhin, 100 000 soignants de plus au contact des malades.
Le deuxième impératif est celui de la coordination. Il faut arrêter de travailler en tuyau d'orge d'orgue. J'ai vu, lors de cette crise, la difficulté lors de cette crise pour faire travailler ensemble les médecins rouges et les médecins blancs.
La coordination implique la nécessité d'un chef de filât réellement efficace. Sur la question des EHPAD, lorsque l'ARS gère les soins, que le département gère l'hébergement, et que vous en ajoutantez parfois les syndicats de communes, mais qu'aucun n'a d'autorité sur le directeur d'établissement, vous en arrivez à une situation de au chaos comme telle que je l'ai connue sur mon territoire. Une directrice mise en place par l'ARS recrutait tant de contractuels qu'un dépassement budgétaire était à craindre et que des déclarations URSSAF ont été omises. L'organisation ne peut être uniforme mais je pense que le département demeure, sauf exception, l'échelon idéal.
J'insisterai enfin sur la nécessité de souplesse, d'expérimentation et de territorialisation des mesures. La télémédecine a été empêchée par des raisons réglementaires, alors que nous souffrons tous de la prolifération des déserts médicaux. Les maisons médicales ne peuvent ouvrir. Nous devons faire preuve d'audace et de simplification. Le but est celui de la souplesse, et cela passe donc par des conventions collectives qui sont plus adaptées aux besoins des territoires et donc des aux habitants.
Je doute que la loi 3D puisse régler ces problèmes de répartition de compétences. Je doute d'ailleurs qu'elle aboutisse et je préfère donc ne pas m'appuyer sur cette espérance.
Le Gouvernement a commis, à mon sens, une erreur stratégique en traitant d'abord la question des hôpitaux dans son « Ségur de la santé ». L'accès aux soins dans nos territoires est l'une des clés pour répondre aux problèmes de fonctionnement de nos hôpitaux. Les services d'urgence sont engorgés. Cela s'explique souvent car la médecine de ville n'est pas en capacité de répondre à l'ensemble des demandes de nos administrés. Les médecins sont de moins en moins capables d'accueillir de nouveaux patients. Il me semble indispensable que ce sujet soit intégré à ce Ségur, qui doit apporter des solutions à nos territoires.
En période de crise, nos administrés se sont emparés de l'outil de téléconsultation. Nous, maires ruraux, sont sommes favorables au développement de cet outil pour afin de permettre des consultations rapides pour les actes médicaux limités. Les ARS pourraient conserver quelques mécanismes mis en place durant cette crise pour permettre aux téléconsultations de fonctionner demain et éviter les blocages qu'elles opposaient auparavant.
Cette crise alerte également sur le sort de nos aînés. Nous n'avons pas tiré les leçons de la canicule de 2003. Il nous faut dès maintenant réfléchir dès maintenant à un accueil de nos ainés différent de celui des EHPAD qui a montré ses limites. L'Association des maires ruraux de France (AMRF) réfléchit à un nouveau modèle, et nous pensons que la solution doit passer par la mise en place de logements adaptés au vieillissement au sein même de leur commune.
L'option d'une décentralisation du système de santé fut a été explorée au milieu des années 80, et les élus locaux n'en ont pas voulu. L'État a également repris la main car les élus locaux ont préféré un rôle d'influenceur des préfets plutôt que de supporter la responsabilité politique du pilotage de ce système de santé. Je vous prie de bien vouloir excuser l'expression mais, selon certains élus, : « décentraliser la santé, c'est décentraliser les emmerdes ».
La'option de la décentralisation me paraît être une option très difficile aujourd'hui, étant donné ce qui a été mis en place depuis des années. Cela pose en outre des problèmes redoutables dans un contexte de déséquilibres territoriaux croissants. Sur un enjeu aussi sensible que la santé, où les inégalités en termes d'accès aux soins sont les inégalités les moins bien tolérées par le corps social, je pense que d'qu'aller vers une option de'une balkanisation balkanisation/décentralisation serait particulièrement compliqué. Les pays ayant opéré une décentralisation, notamment l'Espagne, ont d'ailleurs connu une expérience amère.
L'option de la décentralisation et de l'unification me semble à la fois plus probable et plus souhaitable. L'unification passe par une levée des ambiguïtés et par la fin d'un système bancal où chacun conserve son pré carré. Il faut mettre fin à la diarchie dyarchie assumée entre l'assurance maladie qui régule la médecine libérale, et l'État qui se charge de l'hôpital. Le « Ségur de la santé » est en réalité un « Ségur de l'hôpital ». On ne parle pour l'instant que de l'hôpital, ce que je conçois sur un plan politique comme un moyen de neutraliser la contestation hospitalière jusqu'à l'été.
Unifier les tutelles au niveau national et clarifier la répartition entre les 14 donneurs d'ordre est indispensable. Il est également nécessaire d'aller vers la déconcentration :. Ccentraliser au maximum dans les centres régionaux au sein des grandes régions n'est plus praticable. Il faut trouver un échelon pratique de proximité, qu'il s'agisse du département ou d'un échelon infra-départemental, en redéployant par exemple les délégations départementales et en les dotant de réels pouvoirs, tout en réarticulant l'ensemble du système.
Il conviendra par ailleurs de régler les conflits entre les directeurs généraux d'ARS et les préfets. Les ARS doivent-elles revenir dans le giron des préfets ? Cela est envisageable mais il faut trancher cette question. Enfin, il faut évidemment associer le plus étroitement possible les élus locaux le plus étroitement possible à ces structures de proximité.
Nous avons peut-être, nous les élus, manqué de maturité lors de l'éventuelle prise en charge du système de santé dans les années 80, mais nous sommes aujourd'hui en capacité de le faire. Dans les territoires qui le souhaitent, je pense qu'il faut expérimenter une décentralisation du volet santé, médico-social et social, qui doit à mes yeux être décloisonné.
Il faut bien évidemment s'assurer que `un niveau de soins équitable soit garanti pour l'ensemble des citoyens un niveau de soins équitable soit garanti. C'est là où on peut attendre l'engagement de l'État au titre de ses devoirs de péréquation, d'évaluation et de soutien. L'État doit compenser les difficultés que les collectivités pourraient rencontrer pour faire face à cet enjeu.
Je partage, par contreen revanche, cette volonté de déconcentration. Lorsqu'était évoqué l'enjeu de coordination durant la crise, j'ai constaté en Alsace qu'un travail en bonne intelligence entre préfet, président de département et président des maires du territoire était possible et permettait de dégager des réponses rapides et agiles, tout en restant chacun à sa place. Mais cela nécessite de développer un vrai lien de qualité. J'avais d'ailleurs dit au Premier Mministre que c'est cette sphère territoriale déconcentrée, décentralisée et co-organisée qui a du sens.
Il faut s'inspirer des belles expériences en matière de contrats locaux de santé à l'échelle de vie de nos concitoyens. À l'aune de ces constats de carences, mais aussi de réussites sanitaires, nous devons formuler des propositions sensées où dans lesquelles les acteurs locaux puissent s'engager. Dans mon territoire, c'est l'intercommunalité qui a acheté des locaux pour construire des cliniques. Il y a un profond engagement local.
Concernant la territorialisation de l'impôt, si l'on veut que le citoyen accepte le coût de la santé, nous devons lui montrer les résultats liés à ce coût en termes d'actions de proximité. Les sommes colossales à l'échelle nationale ne parlent pas à nos citoyens.
La suradministration de notre pays est un vrai problème. On dénombre aujourd'hui 1 200 agences d'État, qui coûtent 60 milliards à notre pays. La multiplicité des acteurs dans le secteur de la santé empêche toute fluidité. En déconcentrant et décentralisant l'action sanitaire sur les territoires, on s'éviterait toutes ces dépenses administratives.
Concernant le déficit d'équité sanitaire que vous évoquiez, il incombe à l'État d'être le garant de l'd'une offre de santé de qualité sur l'ensemble des territoires. Le préalable demeure toutefois de témoigner une confiance à ces territoires, et c'est si et seulement si le territoire est en difficulté que l'État se doit d'agir.
J'espère que la loi 3D permettra des réelles expérimentations sur des territoires qui sont prêts à s'engager. J'ai parfois peur que, comme par le passé, le Gouvernement fasse semblant de faire de la décentralisation. Au regard des situations diverses de notre territoire, une décentralisation permettrait cependant de faire avancer l'action publique. Il n'y a pas de réponse unique territoriale et la loi 3D pourrait traduire cette expression.
Il faut enfin permettre de faire évoluer le droit du travail sur les accueillants familiaux. J'ai eu l'occasion d'évoquer le sujet avec les divers ministres de la Santé qui se sont succédé. Il faut qu'on puisse déployer plus amplement les outils permettant le maintien à domicile et cela suppose la revalorisation de tous ces métiers.
Vos interventions nourriront le projet de loi 3D mais également les travaux du Sénat. Le Président Larcher s'est engagé à des propositions sénatoriales sur ce que devrait être la poursuite de la décentralisation et donc de la déconcentration. Ce travail devrait aboutir à la sortie des municipales et nous oeuvrons sans relâche pour le finaliser avec l'ensemble des groupes du Sénat.
Je ne pense pas, malheureusement, que nous soyons prêts malheureusement pour une entière décentralisation. Nous sommes en revanche mûrs pour nous adapter à la réalité locale, d'une part, et à avoir d'autre part un État qui fonctionne.
Cela nécessite pour les territoires de pouvoir recruter, pouvoir innover, pouvoir contracter et de pouvoir payer. Nous en sommes très loin aujourd'hui. Il n'est pas possible de pouvoir recruter en dehors des statuts ou de pouvoir innover en dehors des nomenclatures. Jusqu'où peut-on aller dans cette liberté ?
Suite à l'affaire du sang contaminé, les gouvernants n'ont plus voulu avoir en direct la responsabilité des agences. Celles-ci sont donc « en roue libre » et passent leur temps à se protéger. En effet, une de nos particularités françaises réside dans la responsabilité civile et mais aussi pénale des fonctionnaires. Cette surprotection et ces normes folles qui s'imposent à tous proviennent en partie de cette spécificité.
Le ministère de la Santé se caractérise curieusement par son faible nombre de médecins. Les experts du de ce ministère de la Santé sont surtout des experts juridico-administratifs. L'expertise en santé publique est donc particulièrement absente, et cela ce qui se traduit par cette incapacité à mener opérationnellement la gestion des masques mais aussi celle ou des tests. Les machines adaptées étaient dans les services des vétérinaires. Ceux-ci sont très doués en virologie mais il a fallu un mois pour prendre le décret adapté pour leur permettantre de réaliser des tests. La liste de ces absurdités administratives est encore longue. Nous constatons une surdétermination protectrice de l'État et des fonctionnaires. Les ARS n'assument aucune responsabilité et cela retombe in fine sur les élus locaux, particulièrement ceux des communes rurales.
La situation implique que l'on réforme nos pratiques et qu'on ne s'arrête pas à l'examen des symptômes, mais qu'on remonte jusqu'aux causes.
Je remercie l'ensemble des intervenants pour leur participation à cette table ronde. Je demande à mes collègues de bien vouloir rester présents car nous allons aborder le second point à l'ordre du jour qui concerne la table ronde que nous avions organisée le 5 mars dernier, juste avant la pandémie. Cette table ronde va faire l'objet d'un rapport actualisé à l'aune de cette crise sanitaire. Ce rapport, qui a pour thème : « les communes face à l'inflation des prix de l'immobilier, » et s'interroge sur les moyens d'action dont elles disposent pour réguler le marché. La table ronde avait réuni les représentants des plates-formes de location saisonnière (notamment Airbnb), un professeur d'économie spécialiste de l'immobilier, et un élu, le maire de Suresnes. Elle avait bien illustré l'inflation des prix de l'immobilier ces dernières années. Les conclusions du mini rapport que je vais vous présenter en sont donc issues, et ont été actualisées au cours de la période de confinement.
Il va de soi qu'un certain nombre d'observations, de constats et de pistes de réflexion mériteront évidemment d'être réévaluées et confirmées dans les prochains mois pour conserver toute leur pertinence. La crise sanitaire liée à l'épidémie de cCovid-19 a plongé le marché de l'immobilier dans l'incertitude, comme beaucoup de secteurs de l'économie.
On ne sait pasignore encore quelle sera l'ampleur des restrictions au crédit de la part des banques : l'Observatoire Crédit Logement CSA table sur 220 000 ménages qui pourraient être exclus de l'accès aux crédits immobiliers d'ici à 2021. Quel en sera l'impact sur la demande de logement ? Cela est difficile à prévoir.
Ce que l'on sait d'ores et déjà, c'est qu'avec le confinement le secteur a connu une paralysie historique : 120 000 professionnels de l'immobilier étaient ont été au chômage technique.
Comme vous, je constate, ici et là, dans nos territoires, des dynamiques contradictoires : les demandes de maison avec jardin explosent ; des habitants se disent prêts à quitter les grandes métropoles pour avoir plus d'espace ; et puis, inversement, l'inadaptation des transports en commun et les risques sanitaires associés conduisent certains à se rapprocher des centres -villes.
Juste avant le déclenchement de la crise sanitaire, l'année 2019 avait été celle de tous les records : des taux d'emprunt historiquement faibles, une explosion des transactions immobilières, et, bien sûr, des prix en constante augmentation, ce qui avait d'ailleurs motivé notre table ronde de début mars. En à peine 10 dix ans, les prix à l'achat ont augmenté de 61 % à Paris, 62 % à Lyon, 25 % à Strasbourg et même 79 % à Bordeaux. Certaines villes où les prix sont plus raisonnables sont toutefois restées attractives, comme Mulhouse par exemple.
Si le marché de l'immobilier se portait bien, il y a toutefois eu quelques dommages collatéraux :
- les difficultés à se loger :... Jje pense aux jeunes ménages primo-accédants et aux familles ;
- l'éloignement forcé des centres villes : ... Jje pense aux foyers modestes, qui subissent l'augmentation des temps de transport, l'impact sur les rythmes de vie, etc. ;
- la dévitalisation de certains territoires en relégation économique :... le marché a en effet exacerbé les disparités territoriales entre centres villes, périphéries, zones rurales ;
J'évoque tous ces aspects sans compter les effets récents des plateformes de location saisonnière, accusées de muséifier nos centres, de faire disparaitre le commerce de proximité, ou encore d'entrainer la fermeture d'écoles suite à l'exode des familles avec enfants. Les représentants de ces plateformes ont d'ailleurs eu l'occasion, lors de notre table ronde, de répondre à certaines accusations qu'elles considèrent comme injustifiées.
Comment expliquer en tout cas un tel niveau de prix ? Tout simplement par le dynamisme de la demande, comme l'avait fait remarquer fort justement notre collègue Alain Richard : « l'immobilier est un produit de marché » soumis à l'offre et à la demande. Tant que la demande excédera l'offre, les prix seront tirés vers le haut. »
Une telle demande s'explique d'abord le dynamisme économique de certains territoires : les métropoles notamment, avec des effets en cascade. Je pense à Paris, qui a dépassé la barre des 10 000 euros le mètre carré, causant une flambée des prix en première et deuxième couronnes et ce sans compter le retour des expatriés après le Brexit.
Il y a ensuite l'amélioration des réseaux de transport. Je pense notamment à Bordeaux ou Brest, dont où les prix ont augmenté subitement avec le déploiement de lad'une Ligne à grande v itesse (LGV).
II y a également des raisons financières : les taux sont bas, les banques prêtes prêtent sur de plus longues durées, des volumes plus importants, et sans exiger de gros apports... bBref, les marchés ont solvabilisé la demande.
Et puis, il y a enfin des causes démographiques : la population française gagne des habitants et; les structures familiales évoluent : avec les divorces, la monoparentalité, le célibat, sont autant de phénomènes qui alimentent la demande de logement, ; sans compter les gains d'espérance de vie qui maintiennent une demande forte des personnes âgées.... Or tous ces phénomènes ne sont pas arrivés à maturité.
Au total, nous devons loger en moyenne 350 000 habitants supplémentaires chaque année...
Mais, par ailleurs, l'offre ne suit pas : car on ne construit pas suffisamment : les mises en chantier ont baissé de 6 % l'année dernierère, avant même la crise du Covid.
L'offre est également mal répartie : on construit trop dans certaines zones et pas suffisamment en zones tendues. Sur ce point, il faudra sans doute réorienter les dispositifs de défiscalisation en oeuvre depuis trente ans. Ils ont trop souvent favorisé la construction dans des zones où l'offre était déjà abondante.
Alors que faire ? Comment mieux réguler le marché ? C'est une question que devront bientôt se poser de nombreux maires, nouvellement élus ou réélus ou qui le seront d'ici fin juin.
Le rapport dresse quelques pistes de réflexion. Je les rappelle très vitesuccinctement :
1. Encourager les mises en chantier bien sûr, : celace qui permet de doper l'offre ;
2. Mieux aménager le territoire pour que la population soit mieux répartie : cela permet d'élargir l'offre ;
3. Lutter contre les logements vacants : cela permetafin de réinjecter de l'offre sur le marché ;
4. Réhabiliter les logements anciens dégradés :, notamment dans les centres villes et les centres bourgs. : o Outre l'aspect revitalisation, cela permet de renouveler l'offre.
C'est donc en agissant prioritairement sur l'offre que l'on pourra limiter l'inflation immobilière. À l'inverse, jusqu'à présent les politiques de restriction de la demande ont montré leurs limites. Je pense au renforcement des contraintes à l'égard des plateformes : elles payent la taxe de séjour, elles permettent à des propriétaires d'arrondir leur fins de mois, tout cela est positif, mais, en réalité, ces contraintes n'ont que peu d'impact sur les prix de la pierre, et elles touchent surtout le marché de la location.
Je pense également à l'encadrement des prix des loyers. Mais, même en zone tendue, cela n'a pas enrayé l'augmentation des prix à l'achat... lLes pParisiens le savent très bien !
Je pense enfin à la fiscalité sur l'immobilier. On a récemment créé l'impôt sur la fortune immobilière, ce qui la n'a pas eu d'effet très probant sur les prix. Bref, nos politiques publiques n'ont pas démontré d'efficacité réelle pour enrayer l'inflation des prix du logement.
Nous venons de traverser une crise sanitaire inédite... Oon peut en craindre ldes effets, y compris sur l'immobilier, mais on peut penser que le marché restera soutenu par 2 piliers structurels qui alimentent la hausse des prix à savoir : d'une part, une demande de logement qui excède le stock d'offre et, d'autre part, des investisseurs qui s'orientent vers des actifs jugés plus sûrs, surtout dans un contexte d'incertitude boursière en temps de crise économique. Cela est particulièrement vrai dans le contexte actuel ; où on peut lire que les épargnants risquent d'être touchés par leau lendemain de la crise. Tout cela poussera naturellement à privilégier des choix plus sûrs, notamment dans le domaine de l'immobilier.
Voilà ce qu'on pouvait dire sur cette table ronde qui visait à ouvrir le débat. Il reste à en approfondir les constats. Nous allons avoir quelques échanges dans l'instant. Ce rapport pourrait constituer un pré-rapport prélude à un l'approfondissement de cette question. Je vous remercie de votre patience, mes chers collègues.
Cette table ronde avait été assez longue et passionnante. Quelques-uns des sujets avaient été évoqués et méritent, à mon sens, d'être observés de manière plus précise. Je tiens d'abord à rappeler que la question du logement n'est pas qu'une question quantitative. On a souvent tendance à la traiter comme telle de manière prioritaire notamment dans les Programmes locaux de l'habitat (PLH), alors qu'en réalité un S chéma de Cohérence Territoriale (SCoT) ou un Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) nourrissant des objectifs qualitatifs en termes de logement sont très importants. Le logement, c'est une politique globale d'aménagement du territoire.
L'indépendance alimentaire est essentielle pour la question de l'offre et de la construction en périphérie. C'est donc la préservation des terres agricoles qui est également cruciale. On risque de se retrouver encore face à une situation de grande tension entre le besoin de développement des territoires d'accueil et le besoin de préservation de certaines terres agricoles. La politique du « zéro artificialisation nette » est donc partie prenante dans la politique du logement.
La question de l'urbanisation est également primordiale. Jouir d'un espace extérieur a été un élément essentiel durant le confinement. Cela illustre la nécessité d'une politique de logement de qualité et non uniquement de quantité. Il faut donc développer des outils fiscaux adaptés pour favoriser une politique de logement plus qualitative et mieux adaptée aux besoins. Les ilots de chaleur urbains, par exemple, ont par exemple été créés de toute pièce. C'est l'exemple à ne pas suivre. Le confinement a montré qu'il était vital de bénéficier d'un espace extérieur. La densification urbaine ne va pas être envisageable à tous crins et n'importe comment. Il faut équilibrer le développement des territoires.
Il serait intéressant d'observer l'impact de cette crise du coronavirus et du confinement sur le comportement des Français en matière de logement à l'avenir. La possibilité de télétravailler, que nous avons expérimentée à très grande échelle, va peut-être ralentir le phénomène de métropolisation. Je pense en effet qu'on n'arrêtera pas cette tendance lourde qui génère d'importants besoins en logement. Certains auront peut-être néanmoins envie de respirer et de vivre différemment.
J'ai le sentiment que nous avons déjà un peu tout essayé pour aborder cette question des prix de l'immobilier : des niches fiscales, des documents réglementaires assouplis, de nouvelles formules permettant de dissocier la propriété du foncier de la propriété du bâti pour tenter de faire baisser le prix de l'acquéreur, les emprunts sur 25 ans... Je ne sais pas ce qui, en dehors d'une mise en adéquation de l'offre et de la demande, pourrait ralentir cette flambée des prix de l'immobilier. Tant que nous aurons ce décalage entre la demande d'un côté et l'offre, toujours trop faible, de l'autre, je crains que nous ne ferions fassions que courir après des solutions qui ne pourront êtreseraient que des pansements sur une jambe de bois.
Il convient néanmoins de relativiser. Cette problématique est immense dans certains territoires, notamment bien évidemment pour laen région Île-de-France. Dans certains territoires, faute de demande, il n'existe pas de tension sur le logement et les prix en viennent même à décroître. C'est bien le différentiel entre l'offre et la demande qui explique le prix de l'immobilier sur un territoire.
La massification de la réhabilitation du logement est un point important. Un logement réhabilité et accessible aux normes peut être considéré comme un logement neuf.
Je vous propose d'autoriser la publication du rapport.
La publication du rapport est autorisée.
Pour finir conclurenotre réunion, je vous rappelle notre réunion la semaine prochaine avec tout d'abord une audition du ministre de l'Intérieur, sous des formes qui restent à définir, suivie d'une communication d'étape sur le rapport relatif à l'ingénierie territoriale.
La téléconférence est close à 12 heures.