Nous examinons ce matin le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, sur le rapport de Bernard Delcros.
Aucun amendement n'a été déposé sur ce texte, qui comprenait initialement quatre articles et en comprend désormais six après son examen en première lecture à l'Assemblée nationale.
Le projet de loi qui nous est soumis vise à ratifier six ordonnances - quatre dans sa version initiale - prises sur le fondement de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020. Au total, 62 ordonnances avaient été prises dans le cadre de cette loi afin de répondre aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Rappelons que le Gouvernement est toujours tenu de déposer un projet de loi de ratification des ordonnances prises, mais non de l'inscrire à l'ordre du jour du Parlement. En l'absence de ratification, une ordonnance demeure valide juridiquement, mais elle ne revêt qu'une valeur réglementaire, ce qui permet d'en contester ses dispositions devant le juge administratif. Dans ces conditions, pourquoi le Gouvernement a-t-il fait inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la ratification de ces quatre ordonnances ?
Une disposition bien particulière et importante a motivé ce choix : la réorganisation de la Banque publique d'investissement, Bpifrance, proposée à l'article 3 du texte. Le Gouvernement avait déjà tenté de procéder à cette ratification au sein de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (loi ASAP), ce que le Conseil constitutionnel avait censuré pour cause d'absence de lien avec les dispositions initiales du projet de loi.
Deux raisons principales expliquent que le Gouvernement tienne à conférer une valeur législative à la réorganisation de Bpifrance. La première est d'ordre juridique. La réorganisation opérée me semble d'une ampleur plus large que le champ de l'habilitation que nous avions accordée en mars dernier. Compte tenu de son caractère structurant pour les activités de Bpifrance, le Gouvernement veut se protéger de tout recours devant le juge administratif sur ce fondement. La seconde est d'ordre plus opérationnel. L'opération affecte les activités d'établissement de crédit exercées par Bpifrance. Or ce domaine s'inscrit dans un cadre extranational : la supervision relève de la Banque centrale européenne et les acteurs étrangers ne s'embarrassent pas des subtilités du régime français des ordonnances et veulent être assurés de la sécurité juridique de l'opération.
Cette réorganisation, autorisée par l'ordonnance du 17 juin 2020, est effective depuis fin décembre, avec les décisions des assemblées générales extraordinaires et un arrêté du ministre de l'économie et des finances.
Depuis la création de la Banque publique d'investissement en 2012, sa structure reposait sur une société holding, Bpifrance SA, chapeautant trois entités principales : Bpifrance Financement, établissement de crédit ; Bpifrance Participations, entité intervenant en fonds propres ; enfin, Bpifrance Assurance Export.
Comme l'a souligné le superviseur bancaire, cette organisation était structurellement déséquilibrée du point de vue des fonds propres. C'est un point de préoccupation ancien : un rapport de la Cour des comptes de 2016 alertait déjà sur la nécessité de renforcer les fonds propres de Bpifrance Financement pour assurer le respect des ratios de solvabilité prévus par la réglementation bancaire.
La réorganisation opérée vise à surmonter cette difficulté, au moyen d'une fusion-absorption de Bpifrance SA par l'établissement de crédit Bpifrance Financement, devenu la société de tête. L'intérêt de cette opération est double : d'une part, elle permet à l'établissement de crédit de bénéficier de la consolidation de Bpifrance Participations et ainsi de multiplier par plus de cinq le montant de ses fonds propres, de 4 milliards à environ 25 milliards d'euros, accroissant ainsi ses capacités de financement de l'économie ; d'autre part, elle simplifie l'organisation et la gouvernance de la structure.
Je veux évoquer deux effets de cette réorganisation. Le premier concerne la détention du capital. Jusqu'à présent, la société de tête était intégralement publique, avec un actionnariat partagé également entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations. La filiale Bpifrance Financement était détenue à 91 % par la société de tête et à 9 % par des investisseurs privés, essentiellement des banques françaises. L'absorption par Bpifrance Financement de la société de tête se traduit par une modification des conditions de détention : désormais, 98,6 % du capital est détenu à parité par l'État et la Caisse des dépôts et consignations ; 1,4 % par des investisseurs privés.
L'ordonnance retient à cet effet une contrainte plus souple, en fixant un plancher de 95 % à la détention publique. Le Gouvernement indique que ce pourcentage a été retenu en amont de l'opération, pour préserver une certaine souplesse tant que les valorisations respectives n'étaient pas définitivement arrêtées. J'ai donc interrogé l'administration sur l'opportunité de modifier le plancher à l'aune de la participation finalement constatée ; il m'a été répondu que cette modification ne semblait pas utile et ralentirait l'adoption définitive du texte. Nous pourrons déposer un amendement en séance pour interroger le Gouvernement sur ses intentions en la matière.
Le second effet de cette réorganisation concerne les modalités d'intervention de Bpifrance et leurs effets sur les comptes publics. Jusqu'à présent, la société de tête était comptabilisée au sein des administrations publiques, comme organisme divers d'administration centrale (ODAC), de même que Bpifrance Participations. Tout endettement était donc comptabilisé dans la dette selon les critères de Maastricht. Seul Bpifrance Financement, en tant qu'établissement de crédit dont le capital était en partie détenu par des investisseurs privés, ne relevait pas du périmètre des administrations publiques.
L'opération modifie cet état de fait : désormais, l'entité de tête n'est plus comptabilisée comme une administration publique. La conséquence est d'importance : Bpifrance pourra s'endetter dans des conditions favorables, grâce à la garantie de l'État, sans que cela soit comptabilisé dans les indicateurs maastrichtiens. Un premier emprunt de 3 milliards d'euros est déjà prévu, ce qui permettra de renforcer le soutien à l'économie.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié le fond de ces dispositions, procédant uniquement à des améliorations rédactionnelles de l'ordonnance relative à Bpifrance en introduisant un article 3 bis.
L'article 1er ratifie l'ordonnance du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité, à savoir celle qui a prolongé la durée d'existence de ce fonds jusqu'à la fin de l'année 2020 et a complété les modalités du contrôle de l'administration sur le versement des aides octroyées. De façon cohérente, l'Assemblée nationale a complété cet article afin de ratifier l'ensemble des ordonnances relatives au fonds de solidarité, à commencer par celle qui a prévu sa création le 25 mars 2020. Elle a également introduit un nouvel article 1er bis pour corriger une erreur de référence.
L'article 2 ratifie l'ordonnance du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique. Cette ordonnance adapte temporairement le droit de la commande publique sur trois points, afin de soutenir les petites et moyennes entreprises. Deux de ces mesures ont été reprises de façon pérenne dans la loi ASAP ; la plus importante visait à permettre aux entreprises en difficulté du fait de la crise de répondre aux marchés publics.
Enfin, l'article 4 ratifie l'ordonnance du 17 juin 2020 relative à l'octroi d'avances en compte courant aux entreprises en difficulté par divers véhicules de capital investissement. Cette ordonnance relève temporairement la part de leur actif que ces fonds peuvent prêter aux entreprises dont ils sont actionnaires. Ce plafond est relevé de 15 % à 20 %, ou 30 %, selon qu'ils sont ou non ouverts aux investisseurs particuliers.
Pour conclure, au bénéfice des observations que j'ai formulées, je vous propose d'adopter ce projet de loi sans modification à ce stade, de manière à sécuriser juridiquement la réorganisation de Bpifrance dans le sens des recommandations de la Cour des comptes.
Merci pour cet exposé très clair. Qu'en est-il du périmètre de ce texte au sens de l'article 45 de la Constitution ?
En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution adopté par la Conférence des présidents, en vue du dépôt des amendements de séance, je vous propose de considérer qu'entrent dans le périmètre du projet de loi les dispositions ayant pour objet de mettre en oeuvre les mesures prévues à l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.
EXAMEN DES ARTICLES
Articles 1er, 1er bis (nouveau), 2, 3, 3 bis (nouveau) et 4
Les articles 1er, 1er bis, 2, 3, 3 bis et 4 sont successivement adoptés sans modification.
Le projet de loi est adopté sans modification.
Le périmètre du projet de loi est adopté.
Nous poursuivons notre ordre du jour avec l'examen de la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement, sur le rapport d'Albéric de Montgolfier. Dix amendements ont été déposés sur ce texte, qui comprend un article unique, en vue de l'élaboration du texte de notre commission.
Ce texte ne va pas soulever des foules en délire ! Il ne va pas révolutionner notre droit positif. Essayons néanmoins d'en tirer le meilleur parti.
Cette proposition de loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement a été déposée par notre collègue députée Valéria Faure-Muntian. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et le texte a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale la semaine dernière.
Cette initiative est ancienne : elle reprend un dispositif introduit par amendement au Sénat par plusieurs collègues des groupes Les Républicains et La République En Marche dans le projet de loi « Pacte » mais cette disposition avait été censurée comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. L'origine de ce dispositif devrait faciliter son adoption par notre assemblée ; par cohérence avec notre position d'alors, je vous proposerai, non de le rejeter, mais de l'amender.
Sur le fond, ce texte structure les professions de courtiers en assurance et en opérations de banque et services de paiement. Son article unique met en place un système d'adhésion obligatoire à des associations professionnelles agréées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Ces associations seront principalement chargées d'accompagner ces professionnels, de leur fournir un service de médiation et de vérifier certaines conditions d'accès et d'exercice de leur activité.
Ce système s'inspire de celui qu'avait instauré la loi de sécurité financière du 1er août 2003 pour les conseillers en investissements financiers, système dont l'Autorité des marchés financiers (AMF) m'a dressé un bilan positif lors des auditions.
Ces associations de courtiers existent déjà ; six à huit d'entre elles estiment être prêtes à être agréées. L'entrée en vigueur de la réforme, initialement prévue pour le 1er janvier 2021, a été reportée au 1er avril 2022 par nos collègues députés pour tenir compte du décalage du calendrier lié à la crise.
Quel regard porter sur cette proposition de loi ? Je veux d'abord indiquer les problèmes qu'elle ne réglera pas ; ils sont importants et l'on ne doit pas nourrir de faux espoirs à cet égard.
Premièrement, ce texte n'apportera pas de solution aux dysfonctionnements de la libre prestation de services. Plusieurs assureurs étrangers dont les polices étaient souscrites par des particuliers ou des professionnels en France ont connu des défaillances, notamment dans le domaine de la construction ou de l'assurance automobile ; on relève même des cas frauduleux. De fait, le droit européen interdit de soumettre à une adhésion obligatoire les courtiers exerçant en France, au titre de la libre prestation de service ou de la liberté d'établissement. Des courtiers étrangers pourront donc continuer d'exercer en France sans être soumis aux dispositions de cette proposition de loi.
Deuxièmement, ce texte ne mettra pas fin aux pratiques commerciales déloyales parfois observées dans ce secteur. En effet, les associations professionnelles ne seront pas habilitées à contrôler le respect des pratiques de vente et du devoir de conseil vis-à-vis des clients. Le système proposé diffère sur ce point de celui qui est en vigueur pour les conseillers en investissements financiers, qui peuvent être contrôlés à ce titre par l'association à laquelle ils adhèrent. Le règlement général de l'AMF impose même un contrôle sur place de chacun des membres au moins une fois tous les cinq ans. Il n'y a rien d'équivalent dans cette proposition de loi, parce que ce serait contraire au droit européen, qui ne permet pas aux autorités publiques de déléguer aussi largement leurs pouvoirs de contrôle dans le champ de l'assurance. Seule l'ACPR peut effectuer ces contrôles.
En dépit de ces deux limites, je pense que ce texte représente un pas dans la bonne direction. En effet, si les courtiers font l'objet d'un encadrement croissant au niveau européen, grâce à la directive du 20 janvier 2016 sur la distribution d'assurances, les conditions d'exercice qui leur sont imposées sont peu contrôlées. Ainsi, l'ACPR réalise environ 70 contrôles par an, alors que 24 470 courtiers et 32 557 intermédiaires en opérations de banque et services de paiement sont immatriculés à l'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance (Orias). Cette faiblesse du contrôle s'explique par une extrême atomisation du secteur, entre des agents généraux très encadrés, des courtiers déjà adhérents à des associations et d'autres beaucoup moins solides. Le turnover est immense - on relève près de 11 000 non-renouvellements chaque année ! -, l'inscription à l'Orias est très aisée et les exigences d'accès à la profession sont souvent peu respectées.
Avec le système proposé, les associations pourront désormais vérifier que les conditions d'exercice sont remplies, en particulier l'obligation d'offrir un service de médiation, de se former régulièrement et de souscrire à une garantie financière adéquate. C'est particulièrement nécessaire dans ce secteur très atomisé, où la plupart des acteurs sont des entrepreneurs individuels ou des TPE. L'obligation d'adhésion devrait par ailleurs permettre de limiter le turnover et de décourager les projets professionnels les moins aboutis.
Comme il ne s'agit pas d'embêter inutilement les professions déjà très encadrées, les agents généraux sont exclus du champ de l'obligation d'adhésion, y compris pour leurs activités accessoires de courtier. En effet, les assureurs opèrent déjà une sélection stricte des candidats à la profession d'agent général, leur imposent des obligations de formation bien supérieures au minimum requis par le droit européen et les auditent régulièrement.
Il me semble donc, compte tenu des contraintes du droit européen, que l'équilibre trouvé permettra de structurer la profession, sans excès de zèle.
Toutefois, cette proposition de loi gagnerait à évoluer sur deux principaux aspects ; je vous proposerai donc d'amender le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.
Le premier point d'amélioration possible concerne le contrôle de l'honorabilité des dirigeants et de leurs salariés, c'est-à-dire de l'absence de condamnations pénales. Actuellement, l'Orias tient un registre des intermédiaires et dispose à ce titre d'un accès automatisé et sécurisé au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour vérifier l'honorabilité des dirigeants. En l'état, la proposition de loi imposerait pourtant aux associations agréées de demander les documents justifiant de l'honorabilité des dirigeants et salariés, ce qui représenterait une charge non négligeable, pour un niveau de garantie plus faible. Il est en effet aisé de fournir un faux extrait de casier judiciaire. Il me paraît donc préférable de confier l'ensemble du contrôle des conditions d'honorabilité des dirigeants et salariés à l'Orias.
Certains souhaiteraient aller plus loin en confiant la totalité des missions des associations à l'Orias, mais cela ne me semble pas souhaitable. D'abord, la gouvernance de l'Orias n'est pas adaptée. En effet, les assureurs et les banques sont très présents tant à la commission d'immatriculation qu'au conseil d'administration de cet organisme. Ensuite et surtout, l'Orias n'est outillé que pour effectuer le contrôle à l'entrée de conditions objectives. Il ne peut vérifier ni l'adéquation de la formation, ni la proportionnalité des garanties financières aux risques pris ; il ne peut proposer ni un accompagnement ni un service de médiation à la profession. Ce sont bien les associations qui ont vocation à effectuer ces missions, comme c'est le cas pour les conseillers en investissements financiers.
Le deuxième aménagement que je souhaite apporter concerne les domaines pour lesquels le droit européen interdit de confier aux associations des pouvoirs de contrôle, à savoir la fourniture de conseils, les pratiques de vente et la prévention des conflits d'intérêts. Pour ces derniers, je vous proposerai de permettre aux associations agréées d'édicter des recommandations à l'égard de leurs membres. Cette évolution permettrait aux associations de promouvoir les bonnes pratiques professionnelles et commerciales, sans pour autant créer d'obligations pour leurs adhérents.
Sous le bénéfice de ces deux aménagements et de six autres amendements rédactionnels ou de cohérence que je vous présenterai plus brièvement, je vous proposerai d'adopter cette proposition de loi.
Enfin, en application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la conférence des présidents, je suggère d'inclure dans le périmètre de la proposition de loi toutes les dispositions relatives aux conditions d'accès et d'exercice de leur profession applicables aux courtiers d'assurance ou aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, ainsi qu'à leurs mandataires.
Merci pour votre intéressante présentation de ce texte certes limité dans son objet, mais qui peut s'avérer utile.
Ce texte peut paraître secondaire par son ampleur, mais le nombre d'immatriculations non renouvelées montre bien la fragilité de ce secteur. Il convient aussi d'adresser un message aux sociétés de banque et d'assurance ; il paraît illogique d'autoriser la commercialisation de contrats sans procéder à un contrôle même minimal des activités de courtage. Il faudrait peut-être inviter ces sociétés à être plus sourcilleuses. Cela dit, je partage totalement la position de notre rapporteur.
J'ai déposé un amendement de suppression de l'article unique de ce texte. L'exécutif s'était en effet engagé à simplifier les choses dans tous les domaines, mais on crée ici encore une strate supplémentaire ! Certes, l'ACPR ne fait pas assez de contrôles, parce qu'elle n'en aurait pas les moyens. On nous dit que l'Orias ne peut améliorer la procédure d'inscription, malgré le turnover constaté. Je m'attendais à ce que cette organisation reconnue par la profession étende ses fonctions, sans qu'il soit besoin de créer une strate supplémentaire.
Toutefois, après avoir échangé avec notre rapporteur, mon avis a un peu évolué. Par exemple, la médiation dont sont redevables les courtiers ne peut être offerte par l'Orias ; ce texte a l'avantage de la mettre en place par le biais des associations.
Le montant des cotisations qui pourrait s'élever à 500 euros par courtier pour ces associations est tout de même assez gênant. Les courtiers font attention à leurs dépenses et à leurs charges ; ils devront récupérer cette somme sur leurs clients. Si le but de ce texte était de combattre les sociétés « bidon » venant de Gibraltar ou d'ailleurs qui ont causé de grandes difficultés dans le bâtiment, c'est un échec : on ne lutte pas contre ces courtiers étrangers. Je suis déçu de ce décalage entre l'objectif de départ et le texte qui nous est proposé.
Je ne vois pas de réelle plus-value à ce texte, qui pose plus de questions qu'il n'en résout. Le faible nombre de contrôles effectués par l'ACPR nous interpelle ! J'ai bien entendu les arguments sur les missions de médiation et de formation, mais il y a déjà deux organismes, l'Orias et l'ACPR, qui ne fonctionnent pas à pleine puissance. Pourquoi ne pas renforcer leurs missions, plutôt que de créer un nouvel intermédiaire ? Par ailleurs, ceux d'entre nous qui espéraient une meilleure protection des consommateurs restent sur leur faim. En mettant en place l'obligation d'adhérer à ces associations, on va renforcer un marché oligopolistique, ce qui est rarement bénéfique pour les consommateurs ! De ce fait, mon avis sur ce texte, même amendé, est plus que réservé.
Je saisis cette occasion pour revenir sur les mesures de la loi « Pacte » dans le domaine de l'assurance. J'avais défendu des amendements visant à garantir la transférabilité des contrats d'assurance-vie. L'Assemblée nationale avait ensuite restreint ces mesures, passant d'une transférabilité totale à une transférabilité partielle, au sein de la même société d'assurance. Or il semblerait que cette transférabilité n'ait pas été réellement mise en oeuvre ; les clients ne sont pas informés de cette possibilité. Notre commission pourrait-elle se pencher sur ce problème, même si cela n'entre pas dans le périmètre de ce texte ?
L'idée est intéressante ; l'évaluation a posteriori de tels éléments de la loi « Pacte » entre dans les attributions de notre commission. Je peux cependant vous faire savoir, par mon expérience personnelle, que certains assureurs font d'ores et déjà état de cette information à leurs clients, même si ce n'est peut-être pas le cas général.
J'ai été convaincu par notre rapporteur. Cette proposition de loi va dans le bon sens pour les assurés. En revanche, je me méfie toujours des adhésions obligatoires à des associations, dont le coût peut vite augmenter. Comment leur gouvernance sera-t-elle organisée ? L'État y jouera-t-il un rôle ? Quant à la cotisation obligatoire, la somme de 500 euros par courtier sera énorme pour certains et minime pour d'autres ; une cotisation proportionnelle au chiffre d'affaires me paraîtrait plus juste.
Je suis également préoccupé par les dérives auxquelles peut mener la liberté d'organisation des associations. Il faudrait éviter un tarif unique et permettre la concurrence. Plusieurs offres seront-elles à la disposition des courtiers ? Par ailleurs, il y a une certaine incohérence dans ce que nous propose le Gouvernement. La dernière loi de finances supprime l'obligation d'adhérer à un organisme de gestion agréé (OGA), intermédiaire pourtant utile entre le professionnel et l'administration fiscale ; aujourd'hui, on introduit une nouvelle strate ! J'ai bien compris qu'elle amenait quelques garanties supplémentaires, je suivrai notre rapporteur dans l'adoption de ce texte, mais il y a tout de même un problème de cohérence.
Quel est le coût pour les finances publiques ? Notre attention a été attirée sur la charge financière que représentera la création d'une association professionnelle. J'ai entendu parler de 500 euros ; est-ce tout ? Il faudra bien des moyens humains, fonciers, etc. Ce texte est-il compatible avec le droit européen ? Le rapporteur a déjà partiellement répondu aux inquiétudes sur ce point. L'entrée en vigueur est prévue le 1er avril 2022. Il faut prévoir le temps de la navette, de la saisine éventuelle du Conseil constitutionnel... Est-ce un délai raisonnable ?
Bien sûr, les agents d'assurances et les gros courtiers n'ont pas besoin de cette proposition de loi. Celle-ci vise simplement à discipliner quelque peu ce secteur. L'ACPR a insisté sur le rôle des associations pour accompagner les courtiers dans les évolutions réglementaires. Et c'est vrai que, pour un petit courtier isolé, en entreprise individuelle, il n'est pas forcément évident de se tenir au courant sans être membre d'une association. La conséquence peut être qu'ils se trompent dans le conseil apporté à leur client. Être adhérent d'une association, c'est disposer d'une information fiable en temps réel, et accroître son professionnalisme.
Le secteur est très diversifié, et très atomisé. L'AMF a tiré un bilan très positif de ce qui s'est passé pour les conseillers en investissement financier (CIF), qui sont depuis longtemps sous ce régime d'adhésion obligatoire à une association. D'où l'idée de le transposer aux acteurs visés par la proposition de loi. Actuellement, il suffit d'une inscription sur un registre, sans aucune vérification du respect des exigences de formation ou de médiation. Or, on peut ne pas être au courant des dernières évolutions réglementaires. La réforme aura pour effet de discipliner et d'organiser un peu le secteur, sans prétendre être la panacée.
Le montant des cotisations n'est pas connu à l'avance, puisqu'il y a une liberté d'association. Mais les niveaux actuels des cotisations aux associations existantes démarrent autour de 250 euros et sont bien variables selon la taille de la structure. Le montant moyen de 500 euros a été évoqué en audition. On prévoit qu'entre six et huit associations seront agréées.
Est-ce le rôle de l'ACPR, ou de l'Orias ? C'est la première fois que je vois une structure refuser des moyens supplémentaires ! L'ACPR nous a dit que ce n'était pas son rôle, puisque sa mission est le contrôle prudentiel et la résolution. Elle ne peut pas faire de la médiation ou de l'accompagnement. Elle doit contrôler, réguler, vérifier les ratios de solvabilité des banques et des assurances... Elle n'est pas là pour apporter un conseil à des membres. On peut regretter qu'il y ait si peu de contrôles, mais cela s'explique sans doute par le très grand nombre de petits courtiers. De même, l'Orias est un simple registre, qui ne peut pas tout faire.
Le président a apporté une première réponse à la question de Christine Lavarde, qui sort du champ de ce texte. J'ai engagé un travail assez ambitieux sur la protection de l'épargnant avec Jean-François Husson. Cette question est plus que jamais d'actualité avec la baisse des rendements, l'extrême volatilité des marchés et les particuliers qui ont du temps en ce moment et vont sur internet... Et c'est un enjeu considérable, qui peut inclure la transférabilité des contrats d'assurance-vie. Nous serons sans doute amenés à y revenir.
Claude Nougein m'interroge sur la gouvernance. Il s'agit d'associations loi 1901, qui jouissent donc de la liberté d'organisation. Il faut tout de même un agrément de l'ACPR. Le coût d'adhésion devrait rester limité. L'idée d'une proportionnalité entre le coût de l'adhésion et le chiffre d'affaires n'est pas absurde, puisque c'est ce qui se pratique pour le conseil en investissements financiers. Une association peut très bien prévoir une cotisation de base et une cotisation proportionnelle en fonction du chiffre d'affaires. C'est l'ACPR qui contrôlera la gouvernance et le financement. L'intérêt est de créer un premier filtre de contrôle. En tous cas, l'ACPR et l'Orias valident cette réforme et pensent qu'elle permettra d'organiser un secteur qui ne l'est aucunement aujourd'hui.
Il n'y aura pas de coût pour les finances publiques, monsieur Capus. Le seul coût sera celui de l'adhésion à une association. La proposition de loi est conforme à la directive, car l'ACPR reste l'autorité de contrôle. D'autres structures coopèrent pour la vérification des conditions d'exercice, ce qui est permis par le droit européen, mais le contrôle des pratiques commerciales relèvera toujours exclusivement de l'ACPR. La réforme ne remet pas en cause la liberté d'établissement et la libre prestation de services. Les déboires de l'assurance construction sont bien connus. Le problème ne sera pas résolu par ce texte, qui n'empêchera pas les courtiers étrangers peu sérieux de travailler en France.
J'ai reçu quatre courriels d'une association professionnelle qui est opposée à cette proposition de loi : nous sommes bien démarchés ! Le secteur du courtage en immobilier, location ou achat et vente, ne semble pas être concerné par ce texte. Ne faudrait-il pas l'inclure ?
J'ai auditionné le président de cette association, qui était au départ favorable et s'oppose à présent au texte. Il souhaitait confier ces missions à l'ACPR et à l'Orias, mais c'est impossible, pour les raisons réglementaires que j'ai rappelées. Les agents immobiliers et leurs mandataires ne sont pas dans le champ de la proposition de loi, sauf s'ils exercent en tant qu'intermédiaires en crédits immobilier, c'est-à-dire en tant qu'intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement.
EXAMEN DES ARTICLES
Article unique
Suite à mes échanges avec le rapporteur, je retire mon amendement COM-1.
L'amendement COM-1 est retiré.
L'amendement COM-2 restreint le champ des missions qui seraient confiées aux associations agréées. Je vous proposerai une rédaction alternative, car je considère que ce n'est pas à une association de vérifier le casier judiciaire, d'autant que l'Orias est déjà équipé pour effectuer ce contrôle. En revanche, le droit européen n'interdit pas aux associations de vérifier le respect d'exigences professionnelles et organisationnelles. Mon amendement reprend les termes mêmes de la directive sur les assurances. Je propose à Mme Vermeillet de se rallier à mon amendement.
Mon amendement COM-3 précise que la mission de vérification exercée par l'association professionnelle s'étend aux exigences organisationnelles. Par cohérence, je reprends la rédaction de l'article 10 de la directive sur la distribution d'assurances.
L'amendement COM-3 est adopté.
Mon amendement COM-4 confie à l'Orias le contrôle de l'honorabilité, c'est-à-dire du bulletin n° 2 du casier judiciaire, pour les dirigeants et les salariés. L'Orias dispose déjà du tuyau sécurisé, et automatisé, pour le faire, et le fait déjà pour les dirigeants. Il ne serait pas opportun de charger davantage les associations, qui seraient ensuite tentées d'augmenter leurs cotisations. Comme le tuyau existe déjà à l'Orias, cet amendement ne tombe pas sous le coup de l'article 40 : il s'agit d'une simple charge de gestion.
Mon amendement COM-5 prévoit que l'association agréée puisse notifier à l'ACPR ou aux autres institutions professionnelles le refus d'adhésion d'un courtier d'assurance ou d'un intermédiaire en opérations de banque et de services de paiement. C'est déjà prévu en cas de retrait d'office de la qualité de membre, et cela permettrait d'alerter l'ACPR ou une autre association dans le cas où un intermédiaire contreviendrait de manière particulièrement grave aux conditions requises pour s'inscrire auprès d'une association professionnelle. Si un truand ou un filou veut entrer dans le système, autant que l'ACPR, qui déjà n'exerce que peu de contrôles par an, soit prévenue !
L'amendement COM-5 est adopté.
Par souci de cohérence et de simplification, mon amendement COM-6 aligne le champ des règles établies pour les associations sur la définition de leur mission.
L'amendement COM-6 est adopté.
Mon amendement COM-7 donne aux associations la possibilité de promouvoir les bonnes pratiques professionnelles et commerciales. Ce n'est pas contraignant, mais l'un des intérêts des associations est d'informer leurs membres sur les évolutions réglementaires et législatives, qui sont permanentes et peuvent être difficiles à suivre si l'on n'est pas membre d'un réseau.
L'amendement COM-7 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-8 est adopté.
L'amendement de précision COM-9 est adopté.
L'amendement de cohérence COM-10 est adopté.
L'article unique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le périmètre de la proposition de loi est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
TABLEAU DES SORTS
La réunion est close à 11 h 05.