Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 9 juin 2022 à 16h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • billet
  • billets papier
  • club
  • demandé
  • football
  • liverpool
  • match
  • supporter
  • événement

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

président de la commission des lois. – Monsieur le maire, nous vous remercions d’avoir répondu à l’invitation de nos deux commissions du Sénat. Permettez-moi de souligner, avec le président de la commission de la culture, Laurent Lafon, et l’ensemble des parlementaires ici présents, combien nous regrettons les circonstances dans lesquelles nos amis britanniques et leurs familles se sont retrouvés à l’occasion de la finale de la Ligue des champions.

Nous vous recevons en votre qualité d’élu britannique, mais également de témoin des événements et de supporter de football. Nous croyons savoir que vous assistez régulièrement aux matchs de Liverpool ; je me souviens de temps anciens où le football français a beaucoup subi les qualités exceptionnelles d’un joueur nommé Kevin Keegan... Vous êtes en mesure de comparer les organisations et les ressentis à l’occasion des matchs. Vous avez indiqué dans la presse et sur les réseaux sociaux avoir vous-même été victime de vols au cours de cette soirée. Sur tous ces éléments, nous attendons votre témoignage.

Depuis le 28 mai dernier, la police française a mis en place un formulaire de dépôt de plaintes sur le site de l’ambassade de France, afin de permettre la poursuite de ceux qui ont commis des infractions. Auriez-vous des suggestions à nous adresser à cet égard ?

Debut de section - Permalien
Steve Rotheram, maire de la métropole de Liverpool

– Je remercie le Sénat français de m’avoir invité. Monsieur le président, je crois que vous montrez un peu votre âge, avec la référence à Kevin Keegan !

Les fans de Liverpool peuvent effectivement remplir un formulaire. Mais ce n’est pas un formulaire de plainte contre le traitement de la police lui-même. Pour moi, c’est l’une des plus grandes injustices, car il s’agit de l’un des plus grands maux dont ils ont souffert.

Le formulaire permet de saisir des informations. Mais l’important est de savoir comment celles-ci seront traitées une fois collectées. Pour ma part, je le remplirai. Je note qu’il doit être envoyé par voie postale en France. Pourtant, il serait nettement plus facile d’avoir à remplir un formulaire en ligne, afin de permettre un véritable suivi des plaintes envoyées.

Les supporters se réjouissent d’un tel engagement de la part des autorités françaises, mais il existe des doutes quant à la méthode de collecte des données et à l’utilisation qui en sera faite.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

président de la commission des lois. – Pourriez-vous nous raconter précisément ce que vous avez vécu le soir du match ?

Debut de section - Permalien
Steve Rotheram, maire de la métropole de Liverpool

– La nuit précédente et le jour du match, j’étais à Paris. Les Parisiens étaient très accueillants. Ils nous faisaient sentir que nous étions comme chez nous. Je crois d’ailleurs que beaucoup d’entre eux souhaitaient la victoire de Liverpool, puisque le Real Madrid avait gagné contre Paris en 8e de finale.

Mais, lorsque je suis sorti du métro pour aller vers le Stade de France, j’ai vraiment constaté un changement d’atmosphère. La journée de rêve s’est transformée progressivement en journée de cauchemar. On m’avait prévenu qu’il y avait des groupes de pickpockets bien organisés. J’en ai malheureusement été victime.

Même si, sur le moment, j’ai vécu cela difficilement - on m’a volé mes papiers, mes cartes, mon téléphone, mon billet d’entrée -, ma préoccupation immédiate a été de savoir quoi faire. Ce qui m’est arrivé n’est vraiment pas grand-chose par comparaison avec ce qui est arrivé à d’autres personnes, qui ont été victimes de vols beaucoup plus violents.

La journée qui a précédé le match était vraiment fantastique ; en revanche, l’organisation autour du stade et l’attitude de la police ont très rapidement transformé ce beau moment en une journée négative.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

président de la commission de la culture. – Je me joins aux propos du président Buffet et vous exprime à mon tour nos regrets : ce qui aurait dû être un bel événement sportif a malheureusement donné lieu à des débordements inacceptables dont un grand nombre de supporters de Liverpool ont été victimes. Le président Buffet rappelait les exploits de Kevin Keegan : de fait, nous sommes nombreux en France à apprécier ce beau club de Liverpool. Pour ma part, c’est Kenny Dalglish que j’ai en mémoire. C’est dire l’estime que nous avons pour votre club.

Un certain nombre de points suscitent des incompréhensions des deux côtés de la Manche, en particulier la question de la billetterie papier, qui, depuis quelques jours, donne lieu à bien des débats. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, non pas la ville de Liverpool, mais son club a demandé à disposer de billets papier ? Est-ce une pratique régulière ?

Debut de section - Permalien
Steve Rotheram, maire de la métropole de Liverpool

– Je vais répondre à votre question parce que vous me l’avez posée, mais je veux dire qu’on a utilisé cette question des billets pour créer ensuite une fausse version des faits.

Les fans de Liverpool assistent à de nombreux matches de foot à l’extérieur et il n’y a jamais eu de problème avec les billets. Pour moi, le problème, c’est que certains scanners ont rejeté des billets valides, ce qui a créé de longues files d’attente. C’est un moyen dont on s’est servi pour faire des fans de Liverpool des boucs émissaires. Du côté du Real Madrid, ce sont des tickets électroniques qui ont été utilisés ; pourtant, il y a aussi eu des problèmes. Donc, ces accusations contre les fans sont fausses : c’est à la sortie des stations de transport en commun que la situation a commencé à dégénérer. M. Darmanin et Mme Oudéa-Castéra ont livré une version fausse en parlant de 30 000 à 40 000 faux billets, et ce uniquement pour servir la version des autorités françaises.

Ce n’est pas la première fois qu’on fait des fans des bouc émissaires : c’est ce qui s’est également passé après le match d’Hillsborough, qui avait fait 97 morts. C’est donc un sujet vraiment sensible.

Cette idée de reporter la faute sur les fans s’est fait jour dès le début : pour cela, on a utilisé les images. Pourtant, les fans sont arrivés avec trois heures d’avance. Manifestement, ce n’était pas suffisant. Quand donc auraient-ils dû arriver pour que les choses se passent bien ?

Ensuite, on a mis en cause les fans sans billet. Là encore, ce sont de fausses accusations. Les propos de M. Darmanin, qui évoquait 40 000 fans sans billet, ne reposent sur aucune preuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

président de la commission de la culture. – Cela fait partie des points que nous examinons avec la plus grande attention. Ce matin, nous avons auditionné le préfet de police et, cette après-midi, les responsables de la Fédération française de football. Le Sénat a bien l’intention de mettre à plat tous les dysfonctionnements et d’identifier les responsabilités des uns et des autres. N’ayez aucun doute sur notre volonté de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté.

Ma question visait non pas à mettre l’accent sur tel ou tel problème, mais à lever certaines incompréhensions qui ont pu naître des deux côtés de la Manche. Et il est vrai que cette question des billets papier nous interroge un peu. Je me permets donc de vous reposer la question : pourquoi cette demande de billets papier du côté de Liverpool ? Madrid a formulé des demandes similaires, mais en moins grand nombre. Pour lever toute ambiguïté, je veux préciser que, en France, nous ne connaissons pas forcément cette pratique consistant, pour de nombreux supporters, à se déplacer à l’étranger à l’occasion d’un match alors même qu’ils ne disposent pas de billet. Pouvez-vous nous indiquer si c’est là quelque chose d’habituel chez les supporters de Liverpool, pour une finale ou un match de qualification ?

Debut de section - Permalien
Steve Rotheram, maire de la métropole de Liverpool

– Merci d’avoir clarifié votre question. Il faudrait la poser directement au club de Liverpool. Si le problème trouve son origine dans ces billets papier, alors pourquoi lui avoir donné la possibilité d’y recourir, de préférence à des billets électroniques ? En tout cas, puisque de tels billets sont, semble-t-il, autorisés, je ne comprends pas vraiment le sens de votre question. D’autant que les fans du Real Madrid qui utilisaient des billets électroniques ont, eux aussi, rencontré des problèmes pour entrer dans le stade, puisque les scanners ont connu également des dysfonctionnements avec ceux-ci.

La situation aurait-elle été encore plus chaotique si les fans de Madrid n’avaient pas eu de billets électroniques ? Je ne sais pas, il est difficile de répondre à cette question.

Londres est facilement accessible depuis Liverpool ; ensuite, on rejoint Paris en une heure trente, grâce au tunnel sous la Manche. C’est ce qu’ont fait les fans du club, mais sans la moindre intention d’entrer dans le Stade de France ; ils voulaient simplement profiter de l’atmosphère. Les dizaines de milliers de supporters qui se sont rassemblés au sein des fan zones se sont extrêmement bien comportés, ils ont fait la fête, ils se sont amusés, ils ont profité de l’événement : ceux qui ne pouvaient pas aller au stade ont regardé le match sur des écrans géants.

Peut-être les autorités françaises ou les autorités du football ne voulaient-elles pas que ces fans voyagent... Pour ma part, j’estime que chacun a le droit de se déplacer et de profiter de l’atmosphère d’un match à l’extérieur du stade. Et puis, simplement, ces fans pensaient être les bienvenus et voulaient éprouver le sens de l’hospitalité du peuple français. Ce qui est une bonne chose.

Je n’accuse absolument personne, mais, dans certains cas, les supporters de Liverpool qui n’avaient pas de ticket ont été quelque peu trompés : dire qu’ils ont tenté de pénétrer dans le stade quoi qu’il en coûte, c’est simplement faux ! Où ces 40 000 personnes ont-elles disparu ? Elles se sont évanouies dans le métro, juste après le coup d’envoi ? Cela m’intéresserait de le savoir !

D’où sort ce chiffre de 40 000 faux billets ? C’est un calcul qu’on a fait au dos d’un paquet de cigarettes ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

président de la commission des lois. – Monsieur le maire, pour être très précis s’agissant de la question des billets papier, il nous a été dit que l’usage dans une telle compétition était d’utiliser des billets électroniques et que, pour la finale, les Espagnols avaient effectivement demandé 6 000 billets papier pour un usage interne au club, si je puis dire, puisque ces billets étaient destinés à ses invités. Le club de Liverpool, quant à lui, a demandé un plus grand nombre de billets papier, certains d’entre eux s’étant par la suite révélés faux, d’après ce qui a été constaté. Une enquête judiciaire est en cours pour faire la lumière sur cette affaire, ce qui est parfaitement normal. Nous avons demandé à la Fédération française de football - en réalité, c’est l’UEFA qu’il faudrait interroger - pourquoi il avait été dérogé, pour les deux clubs, à cette règle du billet électronique. Ce n’est pas le seul problème, tant s’en faut, nous sommes bien d’accord, mais c’est une question que l’on se pose.

Monsieur le maire, quelle était l’ambiance autour de vous lorsque vous avez rejoint le stade ? On nous dit qu’il vous a été demandé de passer par-dessus les grilles pour entrer dans l’enceinte, ce qui nous semble effrayant. Nous voudrions comprendre : y avait-il beaucoup de monde, exerçant une pression très forte ? ou bien la foule était-elle plus clairsemée, mais le climat extrêmement violent ?

Debut de section - Permalien
Steve Rotheram, maire de la métropole de Liverpool

– Avant de vous relater dans quel contexte on m’a demandé d’escalader la grille, j’aimerais revenir sur votre première question, celle sur les billets.

Je pose la question aux autorités françaises et à l’UEFA : si la délivrance de billets papier aux supporters de Liverpool était problématique, alors pourquoi l’ont-ils fait ? S’il y avait un problème avec les scanners ou les stylos chimiques, pourquoi l’ont-ils fait ? On a dit que 66 % des faux billets étaient détenus par des supporters de Liverpool. Or je suis convaincu que, sur cette masse de billets, certains étaient authentiques et qu’ils ont été rejetés par les appareils de contrôle. Ce chiffre de 66 % est-il exact ? Je n’en suis pas certain. S’il l’est, cela signifie à tout le moins que 34 % des faux billets étaient détenus par des supporters du Real Madrid - des billets électroniques !

Il semblerait que les supporters de Liverpool aient vu un plus grand nombre de leurs billets rejetés que les supporters de Madrid ; pour autant, cela signifie qu’un grand nombre de billets électroniques détenus par les supporters de Liverpool auraient également été rejetés. C’est ce qui a créé toutes ces queues et suscité tous ces problèmes.

Cette affaire de billets, c’est en fait une manière pour les autorités françaises de ne pas prendre à bras-le-corps les raisons fondamentales pour lesquelles autant de problèmes sont survenus autour du stade.

Pour ce qui est de mon cas personnel, comme des milliers d’autres supporters, lorsque nous sommes sortis de la station de train, nous avons marché en empruntant un grand boulevard, balisé par des barrières. Après avoir parcouru plusieurs centaines de mètres, nous avons été bloqués par des véhicules de police et nous nous sommes retrouvés face à des membres des forces de l’ordre, matraque à la main. C’est là qu’ils ont demandé aux gens de passer par-dessus ces barrières, assez hautes, pour rejoindre la partie piétonne. Pour ce faire, il fallait déposer ses effets personnels. Et c’est de ce laps de temps qu’ont profité les pickpockets pour agir. C’est ce qui m’est arrivé.

À ce moment-là, il n’était aucunement question d’entrer dans le stade. C’est là qu’est le malentendu, l’incompréhension. Des agents de police m’ont aidé à rejoindre l’enceinte sportive et à obtenir un billet de remplacement.

M. Michel Savin. – Comme beaucoup de mes collègues, je regrette les propos qui ont été tenus à l’égard de votre ville et de ses habitants à la suite des événements qui se sont déroulés au Stade de France. Les actes de délinquance et d’agression survenus aux entrées et aux sorties du match sont également regrettables.

Je voudrais avoir votre avis sur les propos qu’a tenus le ministre de l’intérieur devant les sénateurs lors de son audition, et que je reprends mot pour mot : « Nous nous sommes attendus, avec Liverpool, à des problèmes. On pensait que les problèmes viendraient du hooliganisme et des mouvements de foule violents. Ils ne sont pas venus de là, ils sont venus de faux billets, et c’est sans doute une explication de ce qui s’est passé samedi soir. »

À l’entendre, les débordements et les actes de délinquance qui se sont déroulés autour du stade étaient dus à la présence de milliers de supporters de Liverpool sans billet ou munis de faux billets.

Nous essayons depuis le début de nos auditions d’obtenir une transparence sur les chiffres annoncés, notamment concernant les 30 000 à 40 000 spectateurs sans billet ou munis de faux billets. C’est un point important, car les images diffusées à la télévision à 21 heures ne montrent pas un tel attroupement devant le Stade de France. De plus, la SNCF a publié un communiqué indiquant qu’elle n’avait pas relevé de surplus de voyageurs après 21 heures. La question reste donc entière.

Par ailleurs, quelle est la réaction du maire et des habitants de Liverpool en voyant que l’on essaie de faire peser la responsabilité des événements sur la présence nombreuse de supporters anglais, tout en faisant abstraction des actes de délinquance et d’agression survenus autour du stade ?

– Pour revenir sur le témoignage de M. Darmanin, il s’attendait à des problèmes, à ce que des hooligans soient là. Cependant, je peux vous assurer que, s’il y avait eu un match à Wembley, il n’y aurait pas eu beaucoup de fans de Liverpool.

À plusieurs égards, cela explique peut-être la façon dont les policiers ont abordé ce match et peut-être aussi certains problèmes que l’on a constatés. J’ai vu des policiers qui, d’une certaine façon, cherchaient des problèmes, n’en trouvaient pas, se regroupaient, et menaçaient plusieurs personnes avec leurs matraques. S’il y avait vraiment eu des incidents graves nécessitant de recourir à la force de la police, on aurait des images. Il y a toutes sortes de façons d’obtenir ce genre de vidéo de nos jours. Les gens ont des téléphones portables, nous pourrions donc avoir ce genre de preuve ou d’image.

Je crois que M. Darmanin a essayé de tromper non seulement le public français, mais aussi les médias dans le monde entier.

Dans mon pays, les responsables politiques aiment bien parfois voir la vérité à leur façon – notre Premier ministre lui-même aussi, d’ailleurs ! Mais cela n’excuse en aucun cas les autorités françaises, qui ont conçu une campagne pour reporter la faute sur d’autres et trouver des boucs émissaires. Les fans de Liverpool, c’est finalement une excuse assez pratique pour dévier l’attention de la mauvaise préparation de l’événement.

Je me suis rendu plusieurs fois en France pour des matchs et n’ai jamais vu un tel échec en matière d’ordre public et d’organisation policière.

En ce qui concerne les billets, je n’ai aucun doute sur le fait qu’il y aura toujours un certain nombre de faux billets dans les grands événements sportifs à travers le monde. Toutefois, le chiffre de 40 000 billets a été véritablement ridiculisé. Ensuite, les autorités françaises ont annoncé comme chiffre 2 500 faux billets seulement. Je ne sais pas s’il s’agit d’un grand nombre par rapport à la capacité du Stade de France, mais il s’agit en tout cas d’un nombre bien inférieur à celui de 40 000 qui avait été annoncé initialement. Ce n’est donc absolument pas vrai, c’est même ridicule de dire qu’il y avait un aussi grand nombre de faux billets ! Si la situation n’était pas sérieuse, j’en rirais véritablement.

En tout cas, il y a vraiment eu un problème d’organisation et de communication. Heureusement, cela a été contré par l’attitude vraiment exemplaire et exceptionnelle des fans de Liverpool, certains d’entre eux étant arrivés plus de trois heures à l’avance au stade. Les supporters se sont entraidés, et ont assuré eux-mêmes l’ordre à l’extérieur du stade, en quelque sorte.

L’affirmation consistant à dire qu’on peut utiliser des gaz lacrymogènes pour ramener l’ordre est fausse aussi. Pour moi, c’est un moyen non pas de ramener l’ordre, mais de disperser les gens dans toutes les directions, ce qui peut provoquer d’ailleurs des blessures graves. Il n’y avait donc aucun contrôle, et les services de police se sont complètement effondrés.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Dans la lignée des propos du président Buffet et du président Lafon, je tiens à souligner combien nous regrettons de voir ce fiasco français expliqué par nos ministres par le comportement des Anglais.

Je note d’ailleurs que l’Angleterre a prouvé à la France, à travers l’organisation du Jubilé de la Reine, sa capacité à anticiper de grands événements. Aucun incident n’est en effet survenu à cette occasion, alors que des milliers d’Anglais ont participé aux différentes festivités planifiées. Vous avez donc prouvé le bon comportement des Anglais, trois jours après les événements du Stade de France, à nos ministres qui ne veulent pas assumer leur fiasco.

Vous avez prononcé une phrase qui m’a peinée, lorsque vous avez dit que votre journée de rêve s’était transformée en cauchemar. Comment ne pas être touché par cette phrase ?

Vous avez par ailleurs bien fait d’insister sur les fan zones. Pour m’être trouvée à Paris le vendredi et le samedi, je puis confirmer qu’il y avait un très bon climat. Aucun problème n’est survenu dans les fan zones à Paris. Les supporters anglais, espagnols et français savent donc se comporter correctement.

Vous avez raconté votre expérience personnelle. Avez-vous ressenti, chez les supporters que vous avez pu croiser, un sentiment d’insécurité autour du Stade de France du fait des hordes de délinquants qui les attendaient pour les dépouiller ? Plusieurs supporters victimes d’actes de délinquance vous ont-ils donné leur témoignage ?

Sachez que nous sommes nombreux à soutenir votre démarche et à comprendre ce que vous dites aujourd’hui.

– Je m’étais rendu en France avec de grandes attentes, je voulais vraiment voir un spectacle, mais finalement j’étais trop désespéré pour aller m’asseoir dans le stade. J’ai donc regardé l’événement de l’extérieur. J’ai ensuite exprimé mes préoccupations à de nombreux invités importants ou à des personnes à l’extérieur.

Je crois que vous avez tout à fait raison, madame. Il y a eu, bien sûr, de nombreuses célébrations très joyeuses, des démonstrations de camaraderie. De nombreuses personnes ont aimé ces moments avant le match ; mais les choses ont dégénéré, elles dégénéraient dès que l’on s’approchait du stade.

Cela tenait vraiment au manque de présence policière, ou alors, ensuite, à des interventions policières trop musclées.

Pour remettre les choses dans leur contexte, j’étais aussi présent au match de 2014 entre Lille et Everton, et les mêmes tactiques étaient utilisées par la police à l’époque. Ce n’est pas le genre de tactique auquel les Britanniques sont habitués. L’une des choses que nous faisons bien, au Royaume-Uni, c’est que nous avons l’habitude de faire la queue. Généralement, les gens respectent le protocole, les règles non écrites de la file d’attente. C’est exactement ce qui s’est passé aux alentours du Stade de France : les gens faisaient la queue patiemment. Or aucune information n’a été donnée aux fans pour leur expliquer combien de temps il leur faudrait attendre pour entrer dans le stade.

Il n’y avait pas vraiment de stadiers présents pour orienter les gens vers la bonne file d’attente, leur permettant d’atteindre le tourniquet qu’ils devaient utiliser. Il n’y avait pas non plus de contrôle préliminaire des billets.

Pour moi, cette expérience a vraiment été totalement décevante. Cela ne va pas complètement entacher ce que je pense de la France. Je viens souvent en vacances en France et me suis toujours senti très bien accueilli. Toutefois, s’il s’agissait pour quelqu’un de sa première expérience de la France et de sa première rencontre avec la police française, je ne suis pas sûr qu’il aimerait y revenir.

C’est pourquoi il est important que la vérité émerge, et non pas les mensonges qui sont relayés par des personnes qui occupent pourtant une position de pouvoir et devraient donc se comporter différemment.

Il faudrait une enquête indépendante qui fasse toute la lumière sur ce qu’il s’est passé. Vous pourriez, au Sénat, analyser la question dans son ensemble et en tirer des enseignements. Un match France-Danemark a eu lieu la semaine suivante, et, une fois encore, certaines personnes ont eu des difficultés à entrer dans le stade. Il me semble donc que des enseignements n’ont pas encore été tirés des événements, et que les problèmes intrinsèques à leur organisation n’ont pas encore été analysés.

M. Jean-Jacques Lozach. – Notre état d’esprit n’est pas de montrer du doigt les supporters de Liverpool, mais de savoir précisément ce qui s’est passé dans la soirée du 28 mai.

Dans certaines circonstances, les mots prennent un intérêt particulier. Tout le monde exprime des regrets : le préfet de police l’a fait ce matin, suivi des représentants de la Fédération française de football (FFF) tout à l’heure. Cependant, personne n’a encore formulé d’excuses.

Monsieur le maire, attendez-vous des excuses de la part des autorités publiques françaises, comme certains l’ont demandé ?

– Je crois que des excuses complètes sont nécessaires, mais pas seulement de la part des autorités françaises. L’Union européenne des associations de football (Union of European Football Associations – UEFA) a aussi une grande responsabilité.

J’ai parlé précédemment d’une enquête supposément indépendante. Pour qu’elle remplisse les objectifs qu’elle devrait remplir, il faudrait que les deux clubs de football y soient représentés, ainsi que des personnes qui ont vécu les événements de l’extérieur, car ce sont ces expériences qui peuvent orienter l’enquête et permettre de tirer les enseignements de cette débâcle.

Nous pourrions comprendre ainsi comment protéger à l’avenir les événements sportifs et les supporters, pour qu’ils ne se retrouvent pas dans la situation dans laquelle se sont retrouvés les fans de Liverpool ce soir-là – et peut-être aussi les fans du Real Madrid, même si je n’étais pas de leur côté.

Il y a eu beaucoup de spéculations, et beaucoup de choses ont été dites par des personnes qui ne comprennent pas la situation car elles ne l’ont pas vécue. Or, croyez-moi, c’était vraiment une situation difficile.

Pour une personne de mon âge, qui a déjà vécu des expériences traumatisantes par le passé lors de matchs de football en Angleterre, cela réveille de très mauvais souvenirs. Je détesterais que d’autres fans doivent vivre ce que les fans de Liverpool ont déjà vécu.

Je ne veux pas dire quelles conclusions devraient être tirées avant que l’enquête ne soit menée. Je crois en revanche que la plus grande part des responsabilités ne doit pas simplement tomber sur la police et les organisateurs. L’UEFA doit aussi répondre à des questions.

M. Jean-Jacques Lozach. – Le club de Liverpool a-t-il systématisé ou non la billetterie électronique ? Les autorités judiciaires de Liverpool ont-elles diligenté une enquête sur la fraude dans ce domaine ?

Les supporters anglais peuvent déposer plainte à Liverpool auprès de policiers français dépêchés sur place. Y en a-t-il beaucoup qui le font ?

M. Stéphane Piednoir. – Je compatis pour cette soirée malheureuse et regrette que des supporters anglais aient pu découvrir la France sous cet angle.

Les responsables de la fédération française de football avaient classé ce match au même niveau que la finale de la Coupe de France. Qu’en pensez-vous ? Quelles relations le club de Liverpool et le Real Madrid entretiennent-ils ?

Des informations ont-elles été données aux supporters détenteurs ou non de billets sur les précautions à prendre et les moyens à emprunter pour se rendre au Stade de France ? Savaient-ils qu’il y avait une grève ?

Les clubs anglais ont un passé en termes de hooliganisme assez important pour que l’on prenne des mesures préventives. Que pensez-vous du fait que, faute d’une réquisition avant l’expiration de la période de conservation de sept jours, les images de vidéoprotection autour du Stade de France ont été écrasées automatiquement ?

M. Guy Benarroche. – Je vous parle depuis Marseille, qui, comme Liverpool, est une grande ville du foot européen. Sachez que vous pouvez compter sur le soutien de beaucoup de supporters marseillais.

Votre propre expérience ou les témoignages que vous avez pu recueillir nous intéressent. La justification par la police de l’usage de gaz lacrymogènes sur des supporters anglais calmes et munis de billet repose sur le fait qu’il y aurait eu un risque d’écrasement pour ces supporters bloqués par des contrôles à cause de leur faux billet ou de stylos qui ne fonctionnaient pas. Vous, ou vos administrés qui vous auraient livré leur témoignage, êtes-vous passés par ce cheminement ayant créé un goulot d’étranglement ? Confirmez-vous que les forces de l’ordre ont laissé passer la foule pour ensuite dégager les tourniquets, où elle s’était massée ?

– Concernant les faux billets, ce sera à l’enquête de déterminer l’ampleur du phénomène. Mais je suis convaincu que le nombre réel sera bien inférieur à 40 000. Il y aura toujours de faux billets, des gens qui veulent entrer sans billet valable. Mais on le voit dans les vidéos : ceux qui ont essayé d’entrer sans billet étaient des Français ! Et pourtant, personne en Angleterre ne les accuse pour ce qui s’est passé. Ce qui a manqué, ce sont des stadiers, des forces de l’ordre et une organisation adéquate.

Le Gouvernement français s’accroche à sa version des faits pour détourner l’attention du problème fondamental : une organisation défaillante à l’extérieur du stade. Les policiers avaient l’air plus préparés pour faire face à des émeutes qu’à un match de foot.

Quant au hooliganisme, il participe du même écran de fumée. Bien entendu, il y a eu dans le passé des cas comme dans la plupart des fédérations nationales de foot. Mais ce n’est pas une maladie anglaise. Comparez la Premier League avec d’autres pays dans le monde : il y a plutôt moins d’arrestations qu’ailleurs. Les gens vont au match pour soutenir leur équipe, pas pour faire du hooliganisme.

Les gens étaient-ils au courant de la grève ? Oui. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont arrivés bien en avance. Des fans qui vont au stade trois heures avant le coup d’envoi, ce n’est pas si fréquent ! Cela montre à quel point ils avaient envie de voir ce match.

Les grilles ont été fermées alors que des gens munis de billets valables étaient encore à l’extérieur, et on leur a demandé de passer par d’autres tourniquets. On se rendra compte bientôt que le mythe des faux tickets provient d’un mauvais fonctionnement des scanners. Mais ce n’est pas à moi d’en tirer les conclusions. Un billet qui avait été donné à un ami par un joueur de Liverpool a été rejeté par la machine !

Les images de vidéosurveillance auraient été détruites ? C’est vraiment inquiétant ! Je ne peux pas comprendre comment c’est possible, après un événement aussi important. Si c’est vrai, cela montre très clairement qu’il y a un vrai problème avec ce que l’on aurait pu découvrir sur ces images. Je suis choqué.

Monsieur le sénateur de Marseille, je suis allé souvent dans votre ville. Nous accueillons les supporters marseillais avec plaisir.

Effectivement, à Liverpool, les gens m’arrêtent dans la rue et m’expliquent ce qui leur est arrivé. Les exemples de vols sont nombreux.

Sur l’usage indiscriminé de gaz lacrymogène, j’ai entendu ce qu’a dit le préfet de police : il aurait été utilisé pour éviter que les gens ne soient écrasés. Mais ce n’est pas ainsi que l’on contrôle les foules : au contraire, en les faisant courir de tous côtés, on perd tout contrôle. Cela montre l’incompréhension de la situation. J’en ai parlé avec un responsable policier en Angleterre : il m’a dit qu’il n’avait rien vu d’aussi grave dans toute sa carrière.

Il faut comprendre ce qui s’est passé, aller au fond des choses, savoir pourquoi les forces de l’ordre françaises ont cru qu’elles seraient confrontées au hooliganisme. C’est sans doute une erreur d’appréciation en haut de l’échelle, alors que la plupart des supporters sont allés au stade pour célébrer une équipe formidable.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

président de la commission de la culture. – Merci très sincèrement de votre participation à cette audition. Il était très important pour nous d’échanger avec vous, non seulement pour connaître la vérité, mais aussi pour vous assurer que nous ferons tout pour que la nature des incidents dont les supporters de Liverpool ont été victimes soit analysée ; enfin, pour vous dire notre sympathie et notre amitié pour le club et la ville de Liverpool. Nous regrettons profondément ces événements.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

président de la commission des lois. – Je m’associe aux propos du président Lafon. Ce que nous avons appris à propos des images de vidéoprotection nous interpelle. Nous allons vérifier la réalité de la situation immédiatement. S’il s’avérait que l’autorité compétente n’en a pas demandé la conservation, cela poserait un très grave problème.

Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 17 h 20.