Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 21 juin 2022 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous poursuivons ce matin nos auditions avec la commission des lois, présidée par François-Noël Buffet, sur les incidents survenus au Stade de France le 28 mai dernier.

Nous recevons aujourd'hui en visioconférence M. Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA, et M. Julien Zylberstein, directeur des affaires européennes et de la gouvernance de l'Union des associations européennes de football.

Cette audition était indispensable afin de compléter notre information sur les différents dysfonctionnements intervenus au cours de la journée du 28 mai dernier.

Le rôle de l'UEFA est essentiel à maints égards, puisque c'est l'autorité responsable de l'organisation de la compétition, celle qui édite la billetterie et négocie les partenariats marketing. C'est évidemment l'UEFA qui attribue le titre au vainqueur de la compétition.

Vous pourrez utilement nous préciser votre rôle dans la journée du 28 mai comme dans sa préparation et nous détailler vos rapports avec la Fédération française de football (FFF), qui, à certains égards, agit comme votre délégataire.

Les auditions menées jusqu'à présent nous ont déjà permis d'identifier plusieurs dysfonctionnements qui concernent les services de l'État et les transporteurs publics. Nous avons pu mettre en lumière plusieurs fautes, qu'il s'agisse de l'absence de parcours de délestage à la sortie de la gare du RER D, des décisions intempestives de redirection des flux de passagers entre les lignes B et D ou de l'absence d'anticipation de la présence d'un important contingent de délinquants qui a semé le chaos parmi les spectateurs.

Ces incidents ne relèvent bien sûr pas de la responsabilité de l'UEFA. Si nous avons souhaité vous auditionner, c'est pour en savoir plus sur la façon dont a été prise la décision de déplacer la finale de la Champions League de Saint-Pétersbourg à Paris. Qui a pris cette décision, à l'UEFA et au sein des autorités françaises ? Le court délai de préparation a-t-il été un sujet de préoccupation clairement identifié lors de la prise de décision ? A-t-on procédé à l'évaluation des difficultés d'organiser une telle compétition en seulement trois mois avant de choisir la ville chargée de succéder à Saint-Pétersbourg ? D'autres villes étaient-elles candidates ?

Parmi les problèmes identifiés dans le champ de compétence de l'UEFA, figure en particulier la décision d'éditer 20 000 billets sous format papier à destination des supporters de Liverpool et environ 6 000 autres à destination des supporters du Real de Madrid.

Le risque de fraude en présence de billets papier est connu. Pourquoi avoir pris ce risque dans le contexte d'une finale délocalisée ? Avez-vous identifié des mouvements suspects concernant la vente de billets frauduleux dans les jours qui ont précédé la finale ?

Une autre difficulté relevant de l'UEFA concerne la décision que vous auriez prise - j'insiste sur le conditionnel - d'exiger un contrôle de validité des billets au niveau des points de préfiltrage. Ce double contrôle de sécurité et des billets s'est révélé être à l'origine d'une partie des engorgements. N'avez-vous pas sous-évalué ce risque en exigeant ce contrôle, alors que la présence de nombreux spectateurs britanniques était prévisible ? On sait que les supporters de Liverpool ont l'habitude de se déplacer en grand nombre pour accompagner leur équipe jusqu'à l'entrée du stade.

Je vous laisse la parole pour un propos liminaire d'une quinzaine de minutes maximum, après quoi le président Buffet et nos collègues vous interrogeront à leur tour.

Debut de section - Permalien
Julien Zylberstein, directeur des affaires européennes et de la gouvernance de l'UEFA

Au nom de l'UEFA, nous souhaitons tout d'abord vous remercier de nous permettre de contribuer à vos travaux. Nous voyons cette audition comme une étape très importante, attendue par toutes et tous, particulièrement par les supporters.

Comme vous le savez, nous avons commandité notre propre enquête, confiée à un ancien ministre des sports de la République du Portugal, M. Tiago Brandão Rodrigues, qui est, comme vous, parlementaire. Nous aurons sûrement l'occasion de revenir sur cette enquête indépendante.

Contrairement à une information relayée par les médias, en France et à l'étranger, l'UEFA n'a jamais exprimé la moindre réserve ou réticence à propos de cette audition, bien au contraire. De manière proactive, nous avons pris l'attache des secrétariats de vos commissions pour être entendus le plus rapidement possible. Les administrateurs pourront vous le confirmer.

Nous travaillons étroitement et dialoguons de manière permanente avec les pouvoirs publics, aux échelles européenne et nationale. C'est le cas sur le plan opérationnel, pour l'organisation d'événements, comme sur le plan institutionnel. Parmi nos partenaires figurent la Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne, le Comité européen des régions ou encore le Conseil de l'Europe.

J'insiste sur cette dernière institution. Un important volet de nos travaux conjoints concerne la mise en oeuvre de la convention de Saint-Denis, signée en marge de l'Euro 2016, au Stade de France. Nous avons été un élément moteur de son développement et jouons aujourd'hui un rôle de premier ordre pour sa mise en application. Nous sommes d'ailleurs un membre historique de son comité de suivi.

La convention de Saint-Denis est l'aboutissement de décennies de travail avec nos partenaires européens. Aujourd'hui, elle constitue très vraisemblablement l'instrument juridiquement contraignant le plus abouti à l'échelle internationale pour ce qui concerne la sécurité, la sûreté et les services des événements sportifs majeurs. Elle permet notamment une collaboration structurée entre les différents acteurs compétents : pouvoirs publics, organisateurs d'événements et organisations de supporters.

À ce titre, je souligne que nous entretenons d'excellents rapports avec Football Supporters Europe (FSE), que, sauf erreur de ma part, votre commission entendra cette après-midi. FSE et ses membres sont des partenaires stratégiques de l'UEFA et nous sommes en contact quotidien avec eux.

Nous entretenons également d'excellents rapports avec les autorités françaises, qu'il s'agisse du Gouvernement ou des parlementaires. Nous avons assuré ensemble l'organisation de l'Euro 2016. Nous avons également été heureux de contribuer à divers travaux parlementaires. Je pense notamment à deux rapports datant de 2013 : celui du sénateur Jean-François Humbert, sur l'Union européenne et le sport, et celui du sénateur Dominique Bailly, sur l'éthique du sport. En 2016, nous avons également été entendus par le vice-président de la commission de la culture du Sénat, David Assouline, dans le cadre d'une mission que le Premier ministre lui avait confiée sur le sport à la télévision en France.

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, il a été décidé de ne plus organiser la finale de la Ligue des champions à Saint-Pétersbourg. Tout le monde est convenu que c'était une excellente décision, prise en un temps record.

Dès lors, il fallait trouver au plus vite une solution de repli : chaque jour comptait pour organiser cet événement.

Nous devions remplir un certain nombre de critères. Il nous fallait un stade d'une capacité de 70 000 places, libre le 28 mai et toute la semaine précédente pour que l'on ait le temps de tout préparer sur place, dans une ville facile d'accès, avec une grande capacité de logements, et dans un pays ayant l'expérience nécessaire pour accueillir de grands événements sportifs.

Sur cette base objective et opérationnelle, Paris semblait la ville idéale et le Stade de France le stade idéal. D'ailleurs, à ce moment-là, nous n'avions quasiment aucune autre option. Il n'existe pas tant de stades de plus de 70 000 places en Europe répondant à nos différents critères. Le stade de Wembley aurait été idéal, mais il n'était pas libre à cette date.

Nous connaissons bien le Stade de France : nous y avons organisé sans problème plusieurs matchs de l'Euro 2016, dont la finale, et plusieurs finales de la Ligue des champions. La dernière d'entre elles remonte à 2006, car nous sommes attachés au principe de rotation.

J'y insiste, cette solution semblait parfaite. Elle revêtait également une forte valeur symbolique, Paris étant capitale de l'Union européenne de janvier à juin 2022. Tout le monde a salué cette décision.

Quand nous sommes arrivés à la conclusion que le choix de Paris s'imposait, le président de l'UEFA s'est entretenu avec le Président de la République, jeudi 24 février dans l'après-midi, pour l'informer de notre décision. M. Macron a compris la situation et a confirmé que l'État français apporterait son soutien à l'organisation de cet événement. Le Président Macron et le Gouvernement français n'ont jamais fait de lobbying pour accueillir cette finale.

Vendredi 25 février en début de matinée, la FFF a été informée par téléphone de ce choix, qu'elle a accueilli favorablement.

Peu après - à dix heures, le même jour -, s'est tenue, par visioconférence, une réunion extraordinaire du comité exécutif de l'UEFA. Ce comité exécutif, dont la FFF est membre, a validé le choix à l'unanimité, sans le représentant russe, bien sûr.

Habituellement, la phase de planification et de préparation d'une finale de la Ligue des champions de l'UEFA se déroule sur trente-six mois. Dans cet intervalle, plusieurs visites d'inspection, réunions de travail et autres événements tests peuvent être organisés pour assurer la préparation du site.

En raison du changement de site, cette phase préparatoire a dû être accélérée et ajustée en fonction d'autres événements déjà planifiés au Stade de France.

Je le répète, nous connaissons bien le Stade de France. De plus, la FFF a l'habitude d'organiser de grands événements. Il aurait été plus difficile d'organiser cette finale, avec un délai de trois mois, dans un autre stade et avec un autre organisateur. Londres n'était pas disponible. En parallèle, de nombreux événements sont prévus en Allemagne, en particulier l'Euro 2024 et la Champions League en 2025. En Espagne, deux stades répondaient à nos critères, mais l'un était occupé et l'autre était en travaux.

Vous l'avez rappelé, plus de 100 000 personnes ont afflué au Stade de France. Or les transports publics, ô combien importants, ont posé différents problèmes. Du fait de la grève du RER B, beaucoup de supporters se sont reportés sur le RER D : plus de 37 000 personnes sont venues par le RER D, contre 9 000 pour la finale de la coupe de France, avant d'être orientées directement vers l'entrée 3 du périmètre de sécurité supplémentaire.

Un certain nombre de faux billets ont été détectés aux entrées 2 et 3 du périmètre de sécurité peu après leur mise en service. Ainsi, les stadiers ont pu croire que les stylos détecteurs utilisés pour vérifier l'authenticité des billets étaient défectueux, ce qui a ralenti le processus, les stadiers vérifiant chaque billet papier à plusieurs reprises.

À la mi-temps, les transports publics nous ont informés que 30 000 personnes se dirigeaient vers Paris. Beaucoup de personnes présentes sur place avaient bel et bien de faux billets, voire n'avaient pas de billet du tout.

Aux abords du stade, la circulation était saturée en permanence par les supporters et par divers véhicules. La sécurité s'en trouvait également menacée. Pour les groupes, l'accès aux parkings était, en principe, bloqué à partir de dix-neuf heures.

En matière de sûreté et de sécurité, le plan de déploiement des stadiers s'est principalement inspiré de celui de la finale de la coupe de France organisée le 7 mai 2022.

Avant le match, l'évaluation menée par nos équipes de sûreté et de sécurité et par la responsable de la sécurité a mis au jour un risque élevé d'invasion du terrain par des supporters sans billet ou détenteurs de billets contrefaits. Afin d'anticiper ces risques, plusieurs mesures ont été prises, notamment une opération de communication pour que les supporters sans billet s'abstiennent de venir au Stade de France.

Quelque 1 700 stadiers ont été déployés sur place. Malheureusement, la plupart d'entre eux ne parlaient ni anglais ni espagnol, ce qui a posé problème pour dialoguer avec les supporters des deux équipes.

Les tourniquets ont été ouverts à dix-huit heures après avoir fait l'objet d'une vérification finale de la part de l'UEFA et de la FFF. Les activités opérationnelles n'ont été fluides, conformément au plan opérationnel, que pendant trente minutes seulement. D'une part, l'aggravation de la situation au niveau de l'entrée 3 du périmètre de sécurité supplémentaire, de l'autre, l'arrêt périodique des contrôles préalables visant à identifier les supporters sans billet, ont eu pour conséquence la formation d'une foule comprenant de nombreux supporters sans billet. Cette situation a permis à des bandes locales de venir errer devant le stade.

À dix-huit heures cinquante-deux, la première infraction a été constatée au niveau des tourniquets de la porte Y.

Globalement, aux tourniquets, les flux sont restés très faibles : on a comptabilisé au maximum 6 000 personnes toutes les quinze minutes. À ce rythme, il faut plus de trois heures pour remplir le stade. Or notre hypothèse de travail était de quatre-vingt-dix minutes, avec 12 500 personnes toutes les quinze minutes.

À partir de dix-huit heures cinquante-deux, des flots de supporters se sont succédé devant différentes portes du stade, perturbant le flux des spectateurs. La présence d'un nombre considérable de supporters sans billet ou sans vrai billet a entraîné de graves problèmes de sécurité.

Face aux problèmes constatés au niveau des portes, on a décidé la fermeture des tourniquets, victimes d'un engorgement massif. Le chef des stadiers au niveau de chaque porte a été informé d'une procédure opérationnelle standard consistant à fermer les portes en cas d'infraction. Le but ultime de la fermeture des tourniquets était d'éviter de dépasser la capacité maximale de plus de 4 %. En pareil cas, il aurait fallu arrêter le match pour raisons de sécurité.

À mesure que les supporters s'accumulaient devant les tourniquets, en particulier de supporters sans billet, les fermetures de tourniquets se sont multipliées. Elles ont permis de réduire avec efficacité le flux de personnes tentant de franchir le périmètre de sécurité lors du pic d'activité opérationnelle.

En salle de contrôle, le centre de coordination du site insistait sur la nécessité d'augmenter le flux. À plusieurs reprises, on a tenté de rouvrir les tourniquets, mais il a fallu les fermer de nouveau face à la pression exercée par les spectateurs, avec ou sans billet.

À partir de vingt heures, la FFF a demandé un soutien policier au niveau des tourniquets. La police est arrivée après un certain laps de temps ; sans son soutien pour maintenir l'ordre public, les stadiers auraient difficilement gardé le contrôle des tourniquets, dès lors que l'entrée 3 du périmètre de sécurité n'était plus opérationnelle.

La police de Merseyside avait informé l'UEFA que 50 000 à 70 000 supporters de Liverpool feraient le déplacement et que le nombre de supporters sans billet pourrait atteindre 50 000. Leur point de rencontre était situé cours de Vincennes, à Paris, près de la place de la Nation.

La projection de la finale sur écran géant avait été prévue, avec l'approbation des autorités, pour ces supporters sans billets. Au total, ce point de rencontre a accueilli 44 000 personnes. L'UEFA et les deux clubs ont communiqué à plusieurs reprises pour garantir une bonne rotation entre les supporters entrants et sortants.

Le jour du match, cinquante « gardes-supporters » de Liverpool ont été envoyés du stade vers les parkings des gares situées à proximité des points de rencontre des supporters de Liverpool. En effet, la plupart des supporters présents dans ces gares ne disposaient pas de billets pour le match.

J'en viens aux conséquences des billets papier.

Chaque club gère sa billetterie selon ses propres procédures et en fonction des habitudes de ses supporters. Or, au fil des discussions, il est apparu que les systèmes de billetterie mis à disposition par l'UEFA ne répondaient pas à toutes les exigences de Liverpool et du Real de Madrid. Ils auraient, à tout le moins, exigé beaucoup d'adaptations de la part des clubs.

En conséquence, le club de Liverpool a fortement insisté pour garder le contrôle de ses processus de vente et demandé à l'UEFA de lui délivrer des billets papier.

Le Real de Madrid a accepté de gérer une partie de ces ventes selon les procédures de billetterie de l'UEFA. Ainsi, des billets numériques ont été émis, représentant 60 % de l'ensemble. Le reste était imprimé sur papier.

Ces billets sont imprimés sur des papiers sécurisés répondant aux normes de sécurité les plus élevées possible, réservées, en principe, aux billets de banque.

Naturellement, ces critères de sécurité ont évolué avec le temps. Toutefois, un élément de sécurité utilisé depuis de nombreuses années s'est révélé particulièrement robuste : il n'a jamais été copié ni falsifié jusqu'à ce jour. Il s'agit d'une encre spéciale appliquée sur une zone spécifique du billet. Cette encre réagit au contact de stylos chimiques, déployés sur les périmètres de sécurité extérieure du stade et distribués aux agents de sécurité chargés de procéder à la prévérification des billets. Si le papier réagit au contact du stylo, il est considéré comme authentique et le billet est considéré comme valide.

Même si cette fonctionnalité n'a jamais été falsifiée, l'UEFA a continué de l'améliorer. Ainsi, après la finale de la Ligue des champions de 2019, l'encre réactive au stylo chimique a été appliquée non plus sur une ligne continue, mais sur un motif en pointillés.

De tels éléments renforcent la sécurité des contrôles. Lors de la finale de Paris, comme lors de nombreuses autres finales très courues de l'UEFA, les billets contrefaits ressemblaient visuellement aux billets authentiques, mais ne présentaient pas ces éléments de sécurité. Il reste donc possible de contrôler les billets au périmètre extérieur.

En plus de l'encre réactive, le billet de la finale de Paris comportait le trophée de la Ligue des champions gravé en relief. Cet élément était aisé à vérifier à l'aide du doigt, les faux billets ne présentant aucun relief perceptible. Il était donc possible, même sans stylo chimique à portée de main, de reconnaître un billet contrefait.

Bien qu'il ne soit pas possible de quantifier les billets contrefaits ayant atteint le périmètre du stade, on peut supposer qu'ils ont été plus nombreux lors de la finale de Paris que lors des finales précédentes.

Tous les éléments de sécurité des billets imprimés et mobiles visent à réduire les risques de contrefaçon. Reste que des groupes organisés sont déterminés à mettre en oeuvre tous les moyens pour accéder au stade.

Le soutien apporté par l'UEFA en matière de billetterie mobile était conçu pour réduire le risque de contrefaçon ; il représente la solution la plus innovante du marché à l'heure actuelle.

S'agissant enfin des problèmes de sécurité après le match, les médias, comme certains invités de l'UEFA et membres du personnel, ont signalé que des bandes de délinquants avaient créé un environnement hostile autour de Saint-Denis. Celui-ci s'est traduit notamment par des agressions, vols et intimidations à l'encontre des supporters, en particulier sur la ligne 13.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Alors que la compétition était prévue avec une billetterie électronique, propre à sécuriser les opérations, pourquoi avoir accepté, pour la finale, que les clubs distribuent des billets papier ? Une raison particulière vous a-t-elle conduits à revenir sur votre doctrine ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

En 2016, nous avons commencé à développer un système exclusivement digital. Son élaboration a pris du temps, car de nombreux tests ont été nécessaires. C'est pourquoi les deux types de billets ont jusqu'à présent coexisté.

Nous voulions, pour la première fois, ne recourir qu'aux billets digitaux. Nous avons travaillé pendant un an avec l'Association européenne des clubs et Football Supporters Europe, qui étaient d'accord avec cet objectif.

Les deux finalistes, à qui reviennent plus de la moitié des billets de la finale, n'étaient pas très favorables au tout digital, pour les raisons que j'ai précédemment développées. Trois semaines environ avant la rencontre, nous avons discuté fortement avec eux : nous nous sommes entendus sur une part de billets papier, car il s'agissait pour ces deux clubs, surtout pour Liverpool, de la seule manière de vendre des billets à leurs supporters.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Les supporters de Liverpool n'ont-ils jamais utilisé de billets électroniques lors des matchs précédant la finale ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Les matchs précédant la finale ne sont pas organisés par l'UEFA, mais par le club hôte de la rencontre.

En ce qui concerne la blockchain, notre système reste quasi unique au monde, même si certains clubs disposent d'un système similaire. Les supporters d'un club sont souvent porteurs d'une carte valable pour l'ensemble de la saison, en sorte qu'une billetterie blockchain n'est pas vraiment nécessaire. Aujourd'hui, la plupart des clubs recourent aux billets papier, aux cartes saison et au print at home.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le club de Liverpool assure que des détenteurs de billets valides ont vu leur billet contrôlé comme invalide. Est-ce matériellement possible ?

Par ailleurs, pourquoi le contrôle de la validité des billets a-t-il été fait en même temps que le préfiltrage. Est-ce l'UEFA qui a demandé cette organisation ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Le périmètre de sécurité supplémentaire à l'extérieur du stade était conçu pour que les personnes sans billet ou munies d'un faux billet n'accèdent pas aux tourniquets, qui, au Stade de France, sont directement sur les barrières du stade et précèdent le contrôle des objets et la fouille au corps - alors que, dans la procédure standard, les spectateurs sont fouillés avant les tourniquets.

En ce qui concerne le contrôle des billets digitaux, le bluetooth du téléphone doit être ouvert au passage des beacons, sans quoi le QR Code n'est pas activé. Certaines personnes n'avaient pas de bluetooth ou sont passées à un endroit où aucun beacon n'a capté leur QR Code. Reste qu'une procédure manuelle permettait aux stadiers d'activer un QR Code.

Les vérifications faites après le match ont montré qu'environ 2 700 détenteurs d'un billet valide n'avaient pas pu entrer, soit parce qu'ils n'étaient jamais arrivés jusqu'aux tourniquets, soit parce qu'une autre personne, détentrice d'un faux billet, était déjà entrée avec le même QR Code.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Les autorités françaises étaient-elles présentes lors de vos discussions avec les deux clubs sur l'organisation de la billetterie ? Dans l'affirmative, ont-elles émis des réserves sur les billets papier ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Les autorités n'étaient pas présentes lors des discussions avec les clubs sur le système de billetterie. Elles l'étaient, en revanche, à la réunion qui s'est tenue avec les finalistes le lendemain de leur qualification : nous avons bien précisé à cette occasion que la billetterie serait à la fois électronique et imprimée.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Aviez-vous été alertés, avant le match, de l'ampleur du phénomène de faux billets ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Des personnes ont toujours cherché à assister au match sans billet. Après avoir constaté que de faux billets étaient vendus sur internet, nous avons organisé deux ou trois réunions avec le club de Liverpool. La police anglaise est également intervenue pour fermer quelques sites impliqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Informées de la mise en place d'une double billetterie lors de la réunion dont vous venez de parler, les autorités françaises ont-elles émis des réserves ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Je n'ai pas moi-même participé à toutes les réunions, mais lors des réunions auxquelles j'étais présent aucune réserve n'a été formulée.

Nous n'en sommes pas encore au tout digital : le recours au billet papier reste fréquent pour de nombreux événements.

Au demeurant, ce n'est pas seulement le billet papier qui a provoqué le chaos aux portes du stade. Les causes sont multiples : grève des transports, mauvaise réaction des stadiers et des forces de l'ordre, présence de délinquants, flux très important de personnes sans billet ou avec un faux billet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Merci, monsieur le directeur général, de prendre la peine de nous parler en français.

Depuis la finale, quel est l'état de vos relations avec les présidents des clubs finalistes, plus que mécontents de ce qui s'est passé ?

Vous avez déclaré que vous auriez préféré Wembley. Pourriez-vous nous en expliquer la raison ?

Enfin, le retard supérieur à une demi-heure du coup d'envoi a-t-il eu des incidences financières en ce qui concerne les annonceurs ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Nous avons un bon contact avec les présidents du Liverpool FC et du Real Madrid. Il est clair qu'ils ne sont pas contents du déroulement de la finale. Nos équipes collaborent étroitement, d'autant que ces clubs sont très souvent qualifiés en finale. Notre approche est neutre et au service des clubs.

S'agissant des recettes publicitaires, aucune demande de remboursement n'a été formulée à ce jour. Les contrats prévoient l'éventualité d'un coup d'envoi retardé.

Wembley a une capacité d'accueil supérieure - 88 000 personnes. Il est toujours préférable d'avoir le stade le plus grand possible pour une affiche comme Real Madrid - Liverpool, afin qu'un plus grand nombre de supporters puissent assister au match. En outre, Wembley a été utilisé plus récemment pour des finales. C'est le seul avantage par rapport au Stade de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Dans le cadre de l'enquête diligentée par l'UEFA, l'ensemble des acteurs impliqués dans l'organisation de la soirée du 28 mai vont-ils être auditionnés ?

Par ailleurs, le dédommagement des supporters de Liverpool sera-t-il assumé en totalité par l'UEFA, ou bien la Fédération française de football sera-t-elle sollicitée ?

Depuis ces événements, un débat s'est fait jour en France sur le recours à l'intelligence artificielle, voire à la reconnaissance faciale, pour mieux gérer les flux de circulation lors de ce type d'événements à risque. Quelle est la position de l'UEFA à cet égard ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Notre politique est très claire en matière de billetterie : nous allons dédommager tous les détenteurs d'un billet valide n'ayant pas pu accéder au stade. C'est à nous que cela revient, et la FFF n'a pas à y participer.

En ce qui concerne les technologies dont vous parlez, nous avons mis en place des groupes de travail. La situation est compliquée par le fait que la finale se tient chaque année dans un pays différent et que les législations diffèrent. Nous sommes donc encore loin de mettre en oeuvre de tels systèmes, mais nous n'y sommes pas opposés.

Quant à notre enquête, je vous confirme que tous les acteurs seront interrogés et tous les sujets abordés. Les travaux commencent dès cette semaine.

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

L'enquête devant durer au moins trois mois, ce devrait être dans le courant de septembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Monsieur le directeur général, je ne crois pas que vous ayez répondu à la question sur le double filtrage, qui ne semble pas être une pratique habituelle. Quelles raisons vous ont conduits à organiser ce double filtrage ?

Par ailleurs, des chiffres assez précis nous ont été communiqués concernant le nombre de faux billets détectés. De votre côté, avez-vous une estimation en la matière ?

En outre, il semblerait qu'il y ait eu un problème non seulement avec les billets papier, mais aussi avec les billets électroniques. Le confirmez-vous ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Effectivement, j'ai oublié d'évoquer la question du « double filtrage ». En réalité, on ne peut pas vraiment parler d'un « double filtrage ». En première instance, la police demande aux spectateurs ayant un sac à dos ou un gros sac de le déposer à la consigne. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un filtrage.

En seconde instance, on vérifie la validité du billet pour entrer dans le périmètre du stade. C'est à ce niveau qu'on détecte les vrais et les faux billets.

On le sait aujourd'hui, environ 2 600 faux billets ont été présentés aux tourniquets. Nous avons d'ores et déjà enquêté concernant les adresses indiquées par le QR code. Normalement, les faux billets n'arrivent pas au niveau du tourniquet. Cela signifie que le nombre de faux billets était supérieur à 2 600, sans pour autant atteindre, comme cela a été évoqué en France quelques jours après les événements, le nombre de 30 000 ou 40 000. Selon nous, il était de quelques milliers.

Les billets électroniques et la technologie blockchain sont plus sûrs que les billets papier, car il est difficile de les falsifier en amont. Le QR code n'est activé qu'à certains endroits précis. Sur l'écran du smartphone, le temps est décompté, à l'aide d'un petit minuteur. Si vous faites une capture d'écran, ce décompte disparaît. Il est donc très difficile de falsifier un billet électronique comportant ce type de minutage.

La difficulté, c'est que certaines personnes détentrices d'un vrai billet n'ont pas mis en marche leur Bluetooth, ce qui ne leur a pas permis d'activer leur billet en passant dans la zone permettant l'activation.

À l'avenir, il deviendra extrêmement difficile de faire la capture d'écran d'un billet, grâce à l'introduction d'un nouveau système.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Monsieur le directeur général, vous nous avez expliqué tout à l'heure les critères retenus pour le choix de la ville qui accueillerait cette finale. Paris paraissait donc le lieu idéal.

Vous venez aussi de nous confirmer que la Fédération française de football, qui a dû organiser cette rencontre en trois mois, au lieu de bénéficier des trente-six mois habituels, n'a pas été consultée, ce qui est assez surprenant, mais simplement informée du choix du Président de la République.

Ma première question est donc simple : le fait de s'adresser directement au chef de l'État et non pas à la fédération constitue-t-il la procédure habituelle pour l'organisation d'une telle rencontre ?

Deuxième question, pouvez-vous nous confirmer que le report de la rencontre censée débuter à vingt et une heures est dû à la présence de 30 000 à 40 000 supporters anglais sans billet ou détenant de faux billets, qui seraient venus s'ajouter aux 10 000 supporters de Liverpool n'étant pas encore entrés dans le stade ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Dans le processus standard, on lance un appel aux fédérations pour organiser une finale. Si ces dernières témoignent de leur intérêt, elles reçoivent un dossier technique à remplir, après avoir contacté les autorités, afin d'apporter toutes les garanties nécessaires. Ensuite, le comité exécutif choisit la ville où sera organisée la finale.

Dans le cas qui nous occupe, nous ne disposions que de trois mois pour préparer l'événement. Nous avons donc mis au point un processus spécial. Nous avons examiné quelles fédérations pouvaient organiser un tel événement dans un temps très court. Paris a été considérée comme l'endroit idéal.

Nous avons demandé directement à la présidence de la République si les autorités donnaient leur accord et leur soutien à cette rencontre. Nous avons ensuite reçu le soutien de la Fédération française de football, puis celui du président Macron.

À partir des statistiques transmises par l'ensemble des transports publics, qu'il s'agisse des taxis ou des bus de supporters, on peut estimer qu'il y avait un peu moins de 75 000 spectateurs dans le stade, et 25 000 personnes autour du stade, en particulier des supporters de Liverpool. En effet, les supporters espagnols du Real Madrid étaient dans le stade bien avant le match.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Concernant la grève du RER B, il semble que les dernières décisions aient été prises la veille du match, au cours d'une réunion entre la préfecture de police et les deux organismes de transport, la RATP et la SNCF, afin de réorienter de manière importante les flux de voyageurs sur la ligne D du RER.

Avez-vous été associés à cette réunion et avez-vous été informés du fait que l'essentiel des voyageurs arriverait par le RER D ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Non, nous n'avons pas été informés. Dans la salle de contrôle du stade, nous avons appris que de nombreux supporters arrivaient par le RER D, ce qui a pris tout le monde par surprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Le jour de la finale, les différents acteurs présents au poste de commandement ont été surpris de voir que les supporters arrivaient massivement par le RER D ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Pour ma part, je n'ai pas été tout de suite dans la salle de contrôle.

Nous avions prévu que la plupart des supporters arriveraient par le RER B. En effet, le périmètre de sécurité supplémentaire 3 était plus important que le périmètre de sécurité supplémentaire 2, destiné aux supporters arrivant par le RER D.

Nous avons dirigé trop tard les supporters descendant du RER D vers le périmètre de sécurité 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Monsieur le directeur, plus de trois semaines après les événements, quels enseignements en tirez-vous, en particulier en vue des futures finales ? Quelles mesures auraient dû être prises et ne l'ont pas été ?

Debut de section - Permalien
Martin Kallen, directeur général de l'UEFA Events SA

Il est peut-être un peu tôt pour répondre. Nous attendons en effet le rapport indépendant. Nous prendrons un certain nombre de mesures, sur lesquelles nous communiquerons plus tard.

À l'avenir, nous souhaitons travailler le plus possible avec des billets numériques. Certes, certains billets papier seront édités pour un petit nombre de personnes.

Nous avons également l'intention de travailler sur les périmètres de sécurité, ainsi que sur une meilleure communication entre les acteurs du match, afin de mettre en place un système permettant d'être informés en permanence de la situation dans le stade et autour du stade.