Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 2 novembre 2022 à 14h00

Résumé de la réunion

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  • prélèvement
  • ressources
  • ressources propres
  • subventions

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Nous commençons notre réunion de cet après-midi par l'examen du rapport spécial relatif à la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 25).

Je donne la parole à M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial à 24,5 milliards d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Comme chaque année, le projet de loi de finances fournit une évaluation du prélèvement sur recettes du budget de l'État qui est versé au profit de l'Union européenne. Plus largement, l'examen de l'article fixant le montant de ce prélèvement est l'occasion de faire le point sur les relations financières de la France avec l'Union européenne.

Avant de vous présenter mon rapport, je voudrais insister sur les limites méthodologiques de cet exercice.

Tout d'abord, comme chaque année, le calendrier budgétaire qui s'applique concomitamment en France et à l'échelle européenne fait que le montant sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer constitue, si j'ose dire, « une évaluation de l'évaluation ». Dès lors, avant même son examen, l'article 25 du projet de loi de finances était dépassé, puisque quelques jours seulement après la parution des documents budgétaires, la Commission européenne a présenté un budget rectificatif supplémentaire pour 2022. Elle a également modifié son projet de budget pour 2023 par lettre rectificative, alors que ce projet initial était soumis au trilogue entre Commission, Conseil et Parlement européen. Une telle procédure est traditionnelle, mais la lettre rectificative revêt cette année une ampleur particulière. En effet, au printemps, le choix avait été fait de reporter à l'automne la traduction sur le budget de l'Union des conséquences de l'agression russe de l'Ukraine et de la crise énergétique qui en a résulté, source principale d'une inflation d'un niveau que nous avions oublié, à savoir 10 % dans l'ensemble de l'Union en septembre.

Au total, ce n'est que le 11 novembre, au mieux, que nous connaîtrons le montant exact du budget de l'Union européenne pour 2023. Le Gouvernement tirera les conséquences sur le montant du prélèvement sur recettes au cours de la suite de la discussion budgétaire, comme il l'avait fait l'année dernière en nouvelle lecture, mais sans doute pour un montant nettement supérieur.

Ma seconde limite méthodologique porte sur ce qui est communément appelé les « retours » dont bénéficie la France au titre des politiques européennes. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, j'avais souligné que la France restait l'un des principaux bénéficiaires en volume des dépenses de l'Union européenne, en deuxième place derrière la Pologne. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous présenter des chiffres plus récents, car, comme l'indique le jaune annexé au projet de loi de finances de cette année, « En l'absence de données actualisées par la Commission à temps pour la publication de ce jaune au titre de l'année 2021, [...] les données 2021 seront retracées dans le jaune annexé au projet de loi de finances 2024 ».

J'en viens maintenant au coeur de mon rapport.

Je rappelle rapidement que le montant du prélèvement sur recettes constitue l'élément essentiel de la participation de la France au budget européen, auquel il faut ajouter les droits de douane nets pour obtenir le montant total de notre contribution. La France prend toute sa place au sein d'autres mécanismes - extrabudgétaires - européens, qui dépendent d'autres missions budgétaires. Comment ne pas penser, cette année, à la Facilité européenne pour la paix (FEP), particulièrement sollicitée depuis le déclenchement de l'agression russe en Ukraine ? Les crédits qui concernent la FEP sont inscrits aux budgets dédiés à l'action extérieure de l'État et à la défense.

J'en reviens au prélèvement sur recettes proprement dit, dont la part assise sur le revenu national brut, qui constitue en quelque sorte la variable d'ajustement, représente désormais entre les deux tiers et les trois quarts du total.

L'année dernière, nous avions évoqué les perspectives budgétaires de l'Union européenne pour les années à venir, en soulignant la croissance prévisible du prélèvement sur recettes du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 à celui des années 2021-2027. Cette augmentation a été évaluée à 7 milliards d'euros par an environ.

Néanmoins, l'exécution budgétaire 2022 montre, à ce jour, une diminution de plus de 1,4 milliard d'euros. Cette diminution est le signe d'une conjoncture plus favorable, dont les effets bénéfiques en termes de recettes sont supérieurs aux dépenses supplémentaires notamment liées à la crise ukrainienne. Au demeurant, les effets du retour d'une inflation forte ne sont pas forcément ceux que l'on attend : elle se traduit parfois par une diminution des crédits de paiement, car elle conduit au report ou à l'annulation de certains programmes.

Pour 2023, l'évaluation du montant du prélèvement laisse apparaître une légère diminution par rapport à la prévision actualisée pour 2022, soit 24,586 milliards d'euros au lieu de 24,942 milliards d'euros. Ce chiffre ne tient pas compte de la lettre rectificative du 5 octobre, qui prévoit une augmentation du budget de l'Union de 758 millions d'euros en crédits d'engagement et de 2,39 milliards d'euros en crédits de paiement.

Vous trouverez dans la note de présentation une analyse détaillée de l'évolution des restes à liquider, dont l'accroissement, année après année, souligne la difficulté persistante à engager rapidement les crédits, le retard au démarrage se répercutant sur l'ensemble du cadre financier pluriannuel. De manière générale, et cela est vrai également pour la politique de cohésion et des fonds structurels, la mobilisation des crédits alloués à la France n'est pas encore suffisamment forte. Des montants importants de crédits du CFP 2014-2020 sont encore non consommés alors qu'ils doivent l'être d'ici fin 2023.

Je voudrais profiter de l'examen du montant du prélèvement sur recettes pour faire le point sur l'instrument NextGenerationEU, dont le principal support est la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR).

Comme vous le savez, NextGenerationEU est principalement financé par les deux volets de la facilité pour la reprise et la résilience - subventions pour 390 milliards d'euros en valeur 2018 et prêts pour 360 milliards d'euros -, auxquels il convient d'ajouter des financements supplémentaires des programmes de l'Union, à hauteur de 83,1 milliards d'euros. La France, comme d'autres pays qui bénéficiaient de conditions de financement sur les marchés plus favorables que celles de l'Union, a fait le choix de ne pas recourir au volet prêts de la FRR. L'enveloppe de subventions pré-allouée à chaque État membre a été établie sur la base d'une clé d'allocation prenant en compte à la fois des critères structurels reflétant la fragilité relative des économies - taux de chômage, évolution du revenu national brut... - et des critères dynamiques reflétant l'impact conjoncturel de la crise sanitaire. Ce dernier critère sert à calculer la part variable des allocations nationales, qui représente 30 % du total.

C'est en application de ces règles que les enveloppes nationales de subventions ont été modifiées par la Commission le 30 juin dernier. La France ayant enregistré une croissance plus forte que prévu au cours de la période 2020-2021, son enveloppe a été revue à la baisse de 1,9 milliard d'euros, soit un peu plus de 4 % du total de ce dont elle devait bénéficier au titre de la FRR. Pour les mêmes raisons, la Belgique et les Pays-Bas ont vu leur enveloppe diminuer d'un montant voisin, ce qui représente respectivement une baisse de 25 % et 20 % du montant initial. À l'inverse, l'Espagne et l'Allemagne vont bénéficier d'une augmentation de 10 % de leur enveloppe, ce qui représente un surcroît de subventions égal respectivement à 7,7 et 2 milliards d'euros.

Selon les informations que j'ai pu recueillir, cette diminution ne devrait pas entraîner d'abandon d'opérations prévues dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR). Il nous faudra néanmoins rester vigilants sur ce point, car la Commission européenne n'a pas encore indiqué comment se fera cet ajustement.

Vous trouverez dans la note de présentation le calendrier prévisionnel des demandes de versement ainsi qu'un tableau présentant des exemples de cibles et jalons atteints par la France à l'appui de sa demande de premier versement. On peut dire que la France s'est pleinement approprié le processus de validation. Elle a été, peu de temps après l'Espagne, le deuxième pays à avoir présenté un PNRR et à avoir obtenu un préfinancement et une première tranche de subventions.

Pour en terminer avec la FRR, je vous rappelle que la Commission a présenté un nouveau plan, nommé RePowerEU (« redonner de la puissance à l'Union européenne »), afin d'assurer son indépendance vis-à-vis des énergies fossiles russes d'ici 2027 et, avant cela, de réduire de deux tiers les importations de gaz russe dès cette année. Pour atteindre ces objectifs, les États membres auront la possibilité de modifier leur PNRR ou d'y consacrer une part des dotations de la politique de cohésion ou des fonds de la politique agricole commune (PAC). La Commission a également proposé qu'un surcroît de subventions, à hauteur de 20 milliards d'euros, soit financé par la mise aux enchères, dans le cadre du système d'échange de quotas d'émission (SEQE), des quotas actuellement détenus dans la réserve de stabilité du marché.

Cette proposition me permet d'évoquer un second point de vigilance pour les années à venir, c'est-à-dire la question toujours non résolue des nouvelles ressources propres. La Commission devait présenter, au cours du premier semestre 2021, des propositions en ce sens. Jusqu'à présent, ce dossier a simplement fait l'objet d'un rapport d'étape ainsi que d'une première délibération lors du Conseil Ecofin du 17 juin 2022. En tout état de cause, il est exclu que ces nouvelles ressources puissent être mises en oeuvre d'ici début 2023.

En outre, l'introduction de ces nouvelles ressources propres permettrait de dégager jusqu'à 17 milliards d'euros de recettes annuelles au cours de la période 2026-2028 ; mais cette recette demeurerait inférieure aux besoins de financement liés, d'une part, au remboursement du plan de relance européen, pour 15 milliards d'euros annuels, et, d'autre part, à la mise en place du Fonds social pour le Climat, pour 9,7 milliards d'euros en moyenne chaque année, sans oublier la nouvelle ambition affichée en matière énergétique à travers RePowerEU.

Au troisième trimestre 2023, la Commission européenne devrait formuler de nouvelles propositions. Celles-ci devraient inclure une nouvelle proposition d'assiette harmonisée pour l'impôt sur les sociétés (« BEFIT »), projet évoqué, sous une autre forme, dès le début des années 2000. Il s'agissait alors de parvenir à une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (Accis) au sein de l'Union.

Quoi qu'il en soit, gardons en mémoire qu'en l'absence de ressources propres solides, la France serait appelée en remboursement de la part subventions de la FRR, à hauteur d'environ 2,4 milliards d'euros par an.

Mes chers collègues, concernant le prélèvement sur recettes, en l'état actuel des données disponibles, je recommande à la commission l'adoption sans modification de l'article 25 du projet de loi de finances pour 2023. Cet article n'a pas été modifié par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je remercie le rapporteur spécial. Je salue la présence de Jean-François Rapin, membre de notre commission mais également président de la commission des affaires européennes.

On parle beaucoup de ce sujet, qui ne fait pas forcément consensus dans l'opinion.

Sur la question des ressources propres, on a l'impression qu'il y a une difficulté à trouver les dispositifs adéquats dans des temps raisonnables. Certes, les crises obligent à mettre entre parenthèses la recherche de solutions, mais n'est-ce pas le moment de s'interroger sur les moyens à mettre en oeuvre pour que l'Europe donne aux différents peuples européens le sentiment d'être davantage à leurs côtés pour faire face à leurs besoins concrets ?

Quelles sont les chances d'aboutir, sous quels délais et à hauteur de quels moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Merci au rapporteur spécial pour sa présentation.

Le rapport sur la participation de la France au budget de l'Union européenne est, finalement, un exercice convenu. La question des ressources propres est fréquemment évoquée à Bruxelles, où l'on sent très nettement une complexification des enjeux européens et des sujets d'affrontement.

La présidente du Parlement européen, Mme Roberta Metsola, a déclaré récemment qu'il fallait revoir les éléments du cadre financier pluriannuel. Elle l'a dit dans des termes assez pragmatiques, appelant non pas forcément à une contribution complémentaire, mais à un rééquilibrage entre postes budgétaires. Pour ma part, je considère qu'un rééquilibrage entre postes impliquera nécessairement, à terme, une contribution plus importante.

En effet, le CFP, défini de manière convenue en pleine pandémie, sur la base de quatre ou cinq projets, devra, à un moment, prendre en considération la guerre en Ukraine et les autres lourdes problématiques d'aujourd'hui, au-delà de la seule facilité pour la reprise et la résilience.

La France contribue au financement des programmes spatiaux européens de l'Agence spatiale européenne sur un poste spécifique de la mission recherche et enseignement supérieur - c'est d'ailleurs, aujourd'hui, la seule contribution pour l'espace de cette mission, puisqu'une grande partie de cette contribution relève désormais du ministère des armées. Mais comment va-t-on intégrer dans le futur la fin de la contribution russe ? Je pense que personne n'a la réponse pour le moment...

Ce matin, le président de la commission a affirmé que nous étions dans une grande incertitude conjoncturelle qui ne nous permet pas de disposer d'une vision budgétaire correcte. Je pense que l'on peut avoir les mêmes déconvenues s'agissant du prélèvement sur les recettes au profit de l'Union européenne, même si l'on est dans un cadre convenu. Nous devons être attentifs.

Ce qui m'a surtout marqué, c'est la déclaration pugnace de Roberta Metsola sur la nécessité de revoir les grandes lignes du CFP à contribution égale, ce dont je doute, je le répète.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je félicite le rapporteur spécial pour la qualité de ses analyses.

Monsieur le rapporteur, vous avez annoncé que le montant du prélèvement sur recettes versé par la France devrait sans doute être révisé prochainement. Avez-vous une idée du montant supplémentaire qui pourrait être sollicité ?

J'ai noté qu'il faudra avoir consommé la totalité des crédits qui ont été alloués au titre du CFP 2014-2020, soit 27,5 milliards d'euros, pour la fin 2023. A-t-on une idée des montants non consommés que l'on devrait rendre à Bruxelles ?

Une partie des ressources propres, pour lesquelles le rapporteur évoque le chiffre d'environ 17 milliards d'euros par an, reviennent-elles aux États-membres ou la totalité est-elle conservée par la Commission pour les actions propres de l'Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Merci au rapporteur spécial pour la qualité de son travail.

Mon interrogation porte sur les perspectives : les choses fluctuent d'une année sur l'autre, avec un certain nombre d'incertitudes.

Se pose la question de la participation de la France par rapport aux autres États-membres et du retour sur cette participation.

Je veux également évoquer la complexité de la gestion des fonds européens. De nombreuses collectivités territoriales mettent parfois des années à percevoir certaines aides européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Merci à notre rapporteur spécial.

Je vais moi aussi évoquer les ressources propres, pour lesquelles on est en train de décaler sensiblement le calendrier. Les décisions prises entreront-elles dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 ou dispose-t-on pour après ?

Comment cela s'articule-t-il avec tous les plans de transition écologique ? Où en est-on de l'extension à l'aviation et au transport maritime des échanges de quotas d'émissions ? Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est-il cadré par rapport à toutes les annonces effectuées en matière de transition écologique - Fit for 55, etc. ?

Y voit-on déjà clair sur la manière dont tout cela peut être accepté par le reste du monde sans sanctions ou mesures en rétorsion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Merci au rapporteur spécial pour ses éclairages. Le sujet est plutôt complexe, et les articulations entre instruments ne sont pas toujours évidentes à saisir.

Le rapporteur spécial a rappelé que la France était le deuxième bénéficiaire des crédits européens, en particulier au travers de la PAC, mais également de NextGenerationEU, pour lequel elle a renoncé à utiliser les facilités offertes par les prêts européens au regard de sa capacité à se financer dans de meilleures conditions sur le marché.

L'ensemble des restes à liquider correspondent pratiquement à deux années de budget européen. Les ordres de grandeur disent tout de même quelque chose sur la capacité à activer ces financements spécifiques, avec un retard qui n'arrive pas à être résorbé d'année en année. Pour suivre ce dossier depuis maintenant quatre ou cinq ans, je m'aperçois que les niveaux restent les mêmes : autour de 300 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien. Ce décalage n'est pas sans conséquence sur les dynamiques économiques.

Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 a été établi dans un contexte qui n'est plus celui que nous connaissons aujourd'hui : en seulement quelques années, la situation a évolué dans de nombreux domaines : pandémie, guerre en Ukraine, inflation et perspectives de coopération européenne qui en découlent, problématiques environnementales et transitions dans lesquelles nous allons devoir nous engager à un rythme accéléré.

S'agissant de la FRR, notre pays a utilisé la facilité relative aux subventions, mais n'a pas saisi les possibilités offertes par l'emprunt européen, puisque les conditions n'étaient pas suffisamment favorables. Néanmoins, pour l'ensemble de ce plan de relance, la question du remboursement des dettes contractées par l'Europe va se poser. Si l'on n'avance pas plus rapidement sur la mise en oeuvre des ressources propres, il en résultera des charges complémentaires pour les États membres et pour notre pays en particulier.

Il est urgent d'avancer sur le marché carbone et le mécanisme d'ajustement carbone, mais aussi sur la taxe sur les transactions financières, l'homogénéisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, la taxation du numérique et, peut-être, sur les crypto-actifs, ainsi que sur la taxation temporaire des surprofits, même si l'on voit bien les difficultés à trouver un accord malgré les orientations qui ont été définies.

Il est vraiment nécessaire de s'atteler à cette question des ressources propres, qui, on le mesure bien, ne peut trouver de solution qu'à l'échelle européenne.

En conclusion, en l'état actuel des informations dont nous disposons, qui devront être précisées dans les semaines qui viennent, et au regard des engagements de la France, l'évaluation qui nous est présentée apparaît acceptable. Nous sommes donc favorables à l'article 25.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Félicitations à notre rapporteur spécial pour son rapport.

Dans un langage tout sénatorial, le rapport évoque une utilisation des crédits « perfectible ». Pourriez-vous préciser ce point ?

Alors que Margaret Thatcher tapait sur la table pour réclamer son chèque, il semblerait que la France ait son chèque, mais oublie de le porter à la banque !

Quel est le volume des crédits qui nous sont alloués mais que nous ne consommons pas ? Avez-vous une idée de ce que l'on pourrait faire pour parvenir à consommer ces crédits européens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

L'utilisation des crédits est perfectible, mais est-elle d'ores et déjà en voie d'amélioration ? C'est un problème récurrent, que nous évoquons quasiment chaque année...

Quelles sont les mesures mises en place au niveau de l'État, par exemple au niveau du secrétariat général des affaires européennes (SGAE), pour améliorer la consommation de ces crédits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Quel montant ces crédits représentent-ils ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

M. le rapporteur général a évoqué les difficultés à trouver des dispositifs en matière de ressources propres. À ce jour, trois ressources se dessinent, qui pourraient connaître une traduction concrète dès 2023 : celle concernant le marché européen carbone, avec un SEQE en train de faire consensus ; celle du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui fait également consensus ; celle qui concerne la fiscalité internationale sur les bénéfices de certaines entreprises, qui est désormais évoquée au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20, mais apparait pour l'instant bloquée notamment du fait des élections de mi-mandat aux États-Unis.

Ces trois ressources devraient normalement connaître une issue positive, mais, telles qu'elles sont calibrées, elles ne suffiront pas à assumer le financement du plan de relance et du fonds social pour le climat. Il faudra donc en trouver d'autres. La Commission s'est engagée à en proposer d'ici au troisième trimestre de l'année prochaine.

Il n'y a donc pas lieu de s'affoler en l'état, même si l'ardoise pour la France pourrait être de 2,4 milliards d'euros par an à partir de 2028.

Je suis totalement d'accord avec les commentaires de Jean-François Rapin : il est vrai que, lorsque le cadre financier pluriannuel a été construit, on n'avait anticipé ni la guerre en Ukraine ni l'inflation. Sans doute y aura-t-il des modifications - on nous en annonce déjà une très prochainement.

Monsieur Canévet, madame Lavarde, l'exercice n'est pas terminé puisque le solde de la programmation 2014-2020 sera établi en 2023. Il est donc difficile de savoir combien de crédits seront rendus, mais la trajectoire est moins mauvaise que la précédente. Elle n'est pas pour autant satisfaisante.

Monsieur Laménie, il y a eu des progrès, puisque le nombre de programmes opérationnels qui ont été mis en oeuvre en France pour dépenser ces crédits, notamment les fonds structurels, a diminué. Désormais, ce sont les nouvelles grandes régions qui ont la main sur ces programmes opérationnels. Avec les années, elles se sont formées, elles ont appris, mais il est toujours difficile de solder une ancienne programmation pour s'en approprier une nouvelle. C'est un travail énorme pour les porteurs de projet et plus encore pour les autorités de gestion.

Monsieur Canévet, les 17 milliards d'euros ne suffiront pas : il en faudra 24 pour financer la FRR et le fonds social pour le climat. Cela fait partie des propositions que fera la Commission européenne au troisième trimestre de l'année prochaine. Tant que l'on reste dans les généralités, tout le monde est d'accord, mais quand on entre dans le détail des mesures proposées, les choses se compliquent.

Monsieur Vincent Capo-Canellas, l'aviation sera-t-elle touchée par les quotas carbone comme peuvent l'être, aujourd'hui, le ciment, la construction ou le transport routier ? Le sujet est sur la table, mais rien n'est décidé. L'Allemagne, par exemple, n'est pas très favorable à une taxation trop forte car elle est un pays très exportateur et craint, demain, un retour de balancier, par exemple de la Chine. Il n'y a pas d'accord à ce jour.

Je partage les analyses de M. Joly.

Monsieur Bilhac, oui, l'utilisation des crédits est perfectible. Certains responsables français voulaient transformer la règle du dégagement d'office de N+3 à N+2 pour obliger les porteurs de projet et les autorités de gestion à consommer plus vite, mais les porteurs de projet n'y sont pas du tout favorables. Cette solution calendaire satisfait la question sur le plan intellectuel, mais pas forcément sur le plan opérationnel. Ce sont les porteurs de projet qui ont la main. Dans mon département, j'observe que le préfet et le président de conseil départemental se plaignent d'avoir des millions de crédits de subventions non consommés car ils restent en l'attente des factures. Le retard pris pour l'exécution des opérations n'est pas un problème proprement européen : il concerne également l'État et des départements.

Madame Lavarde, nous sommes dans une chaîne, où chacun a son rôle à jouer. Ce n'est pas parce que l'on préside une autorité de gestion que l'on peut, d'un coup de baguette magique, obtenir des résultats des porteurs de projet.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 25 du projet de loi de finances pour 2023.

Présidence de M. Claude Raynal, président -

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Mes chers collègues, les 10 et 11 octobre derniers, une délégation de la commission des finances du Sénat s'est rendue à Prague pour assister à la conférence interparlementaire semestrielle dite « article 13 ». Pour mémoire, l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prévoit, en effet, le principe d'une conférence réunissant « les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d'autres questions » régies par ce traité.

Ce rendez-vous semestriel nous donne donc l'occasion d'échanger sur les enjeux budgétaires, économiques et financiers de l'Union. La commission des finances y représente donc le Sénat. Notre délégation était composée de moi-même, de Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial en charge du suivi de notre contribution au budget de l'Union européenne, et de Stéphane Sautarel. Le rapporteur général et notre collègue Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, étaient excusés, ainsi que nos homologues de l'Assemblée nationale, en raison d'un agenda particulièrement chargé.

Les thèmes des échanges avaient été déterminés conjointement entre le Parlement européen et les deux chambres du Parlement de la République tchèque, qui exerce jusqu'à la fin de l'année la présidence du Conseil de l'Union européenne. Trois sessions de débats ont ainsi été organisées, autour des thèmes suivants : la mise en oeuvre de la « facilité pour la reprise et la résilience », c'est-à-dire le principal dispositif du plan de relance européen ; les coûts de l'indépendance énergétique ; le renforcement de la résilience économique de l'Europe.

Le débat sur le plan de relance européen a été l'occasion pour de nombreux parlementaires d'exprimer une certaine inquiétude quant au faible rythme de décaissement des fonds européens dans le cadre du dispositif de relance et de résilience. Si la France a déjà reçu près d'un tiers des montants prévus et se place en deuxième position derrière l'Espagne, certains États n'ont au contraire, à ce stade, reçu aucun des financements prévus de la part de l'Union européenne, dont le montant représente parfois jusqu'à 5 % de leur PIB. La plupart du temps, ce retard est lié à la complexité de la procédure de validation de ces fonds et de leur utilisation - à l'exception notable de la Hongrie, dont les fonds sont bloqués en raison de tensions liées au respect de l'État de droit dans le pays. J'ai pour ma part appelé l'attention de nos homologues et de la Commission européenne sur la question du remboursement de ce plan de relance, à compter de 2028 - autrement dit demain. Dans cette perspective, les États membres s'étaient entendus en juillet 2020 sur la nécessité d'introduire de nouvelles ressources propres pour l'Union européenne, dont les recettes devront être consacrées à ce remboursement. La Commission européenne a présenté, fin décembre 2021, plusieurs propositions en ce sens, qui n'ont malheureusement toujours pas abouti. La réponse de la Commission européenne a simplement consisté à rappeler que les réflexions étaient en cours à ce sujet et que, à défaut de nouvelles ressources propres, les contributions nationales seraient augmentées au prorata de la part de chaque État membre dans le revenu de l'Union européenne, ce que nous savons tous.

D'autres participants, à commencer par l'Allemagne, se sont interrogés sur le devenir des fonds non utilisés dans le cadre du plan de relance, qui devraient in fine représenter plusieurs centaines de milliards d'euros. Une partie de ces fonds devrait être réutilisée pour le financement du nouveau plan européen pour l'indépendance énergétique de l'Europe, baptisé « REPowerEU » et présenté par la Commission européenne en mai dernier. D'autres sources de financement pour REPowerEU sont en cours d'étude par la Commission européenne au travers des outils existants, tels que le fonds de la politique de cohésion, le fonds européen agricole pour le développement rural, le fonds pour l'innovation ou bien encore la Banque européenne d'investissement, mais nous n'en savons pas plus à ce stade. Quelques jours avant notre conférence, la possibilité d'un nouvel emprunt commun pour financer le plan REPowerEU avait été évoquée dans les médias par deux commissaires européens, MM. Paolo Gentiloni et Thierry Breton, respectivement commissaire à l'économie et commissaire au marché intérieur. Cette idée a semble-t-il depuis été enterrée, notamment en raison de l'opposition de l'Allemagne, qui a décidé de faire cavalier seul en annonçant son propre plan de résilience énergétique à 200 milliards d'euros...

S'agissant de l'indépendance énergétique, notre collègue Stéphane Sautarel est intervenu pour rappeler la nécessité de réviser les conditions de fixation du prix européen de l'énergie et de mettre en place un plafonnement du prix du gaz au niveau européen, en particulier du gaz utilisé pour la production d'électricité, à l'instar des mesures déjà mises en place au niveau national par l'Espagne et par le Portugal. Il s'agit d'une proposition poussée par le Gouvernement français et appuyée par tous les acteurs français du secteur, en particulier par EDF et par la Commission de régulation de l'énergie. Malheureusement, certains pays comme l'Allemagne et les Pays-Bas y étant opposés, le texte approuvé lors du dernier Conseil européen n'évoque pas l'engagement de mettre une telle mesure en place, même s'il y est mentionné la volonté que la Commission européenne présente des propositions sur ce sujet.

Cette conférence a enfin été l'occasion d'évoquer plus largement le renforcement de la résilience économique de l'Europe et la préparation aux crises futures. La Commission européenne a rappelé que l'objectif de 2 % d'inflation demeurait d'actualité. Des réflexions sont actuellement en cours afin de déterminer les outils de politique budgétaire qui pourraient être mis en oeuvre au niveau européen pour lutter contre l'inflation, même si les marges de manoeuvre dans ce domaine demeurent limitées et si le principal outil européen en la matière demeure bien entendu la politique monétaire. La Commission nous a également indiqué que le projet de réforme du TSCG devrait être présenté très prochainement, dans le courant du mois de novembre.

Au final, qu'il s'agisse du plan de relance européen, de l'indépendance énergétique ou de la lutte contre l'inflation, ces échanges ont témoigné du moment charnière - un de plus... - dans lequel se situe l'Union européenne. L'ordre du jour de cette conférence a permis de mettre en exergue les principaux défis économiques et budgétaires que devra affronter l'Union dans les prochaines années, même si la portée politique de cette conférence demeure réduite dès lors que l'on n'y adopte pas de conclusions.

Cela dit, pour avoir participé à quelques conférences « article 13 », je dois dire qu'elle n'a été ni la plus mauvaise ni la plus inutile.

Il était intéressant d'écouter les collègues de pays beaucoup plus en difficulté que nous sur les sujets de l'énergie ou de l'inflation - ces questions sont parfois vécues très douloureusement. Nous avons pu noter une inquiétude assez profonde et des demandes réitérées d'une plus grande solidarité européenne.

Cette réunion a été magnifiquement organisée par les autorités tchèques : le déroulé était vif, le programme riche, et les tables rondes intéressantes. Par rapport à d'autres conférences « article 13 », beaucoup plus formelles, auxquelles nous avons pu participer par le passé, celle-ci donnait envie de continuer à poursuivre le suivi de ces conférences, même si les avancées qui peuvent en découler ne sont jamais définitives, puisque leur rôle n'est pas législatif.

La réunion est close à 14 h 50.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Nous commençons notre réunion de cet après-midi par l'examen du rapport spécial relatif à la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 25).

Je donne la parole à M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial à 24,5 milliards d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Comme chaque année, le projet de loi de finances fournit une évaluation du prélèvement sur recettes du budget de l'État qui est versé au profit de l'Union européenne. Plus largement, l'examen de l'article fixant le montant de ce prélèvement est l'occasion de faire le point sur les relations financières de la France avec l'Union européenne.

Avant de vous présenter mon rapport, je voudrais insister sur les limites méthodologiques de cet exercice.

Tout d'abord, comme chaque année, le calendrier budgétaire qui s'applique concomitamment en France et à l'échelle européenne fait que le montant sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer constitue, si j'ose dire, « une évaluation de l'évaluation ». Dès lors, avant même son examen, l'article 25 du projet de loi de finances était dépassé, puisque quelques jours seulement après la parution des documents budgétaires, la Commission européenne a présenté un budget rectificatif supplémentaire pour 2022. Elle a également modifié son projet de budget pour 2023 par lettre rectificative, alors que ce projet initial était soumis au trilogue entre Commission, Conseil et Parlement européen. Une telle procédure est traditionnelle, mais la lettre rectificative revêt cette année une ampleur particulière. En effet, au printemps, le choix avait été fait de reporter à l'automne la traduction sur le budget de l'Union des conséquences de l'agression russe de l'Ukraine et de la crise énergétique qui en a résulté, source principale d'une inflation d'un niveau que nous avions oublié, à savoir 10 % dans l'ensemble de l'Union en septembre.

Au total, ce n'est que le 11 novembre, au mieux, que nous connaîtrons le montant exact du budget de l'Union européenne pour 2023. Le Gouvernement tirera les conséquences sur le montant du prélèvement sur recettes au cours de la suite de la discussion budgétaire, comme il l'avait fait l'année dernière en nouvelle lecture, mais sans doute pour un montant nettement supérieur.

Ma seconde limite méthodologique porte sur ce qui est communément appelé les « retours » dont bénéficie la France au titre des politiques européennes. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, j'avais souligné que la France restait l'un des principaux bénéficiaires en volume des dépenses de l'Union européenne, en deuxième place derrière la Pologne. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous présenter des chiffres plus récents, car, comme l'indique le jaune annexé au projet de loi de finances de cette année, « En l'absence de données actualisées par la Commission à temps pour la publication de ce jaune au titre de l'année 2021, [...] les données 2021 seront retracées dans le jaune annexé au projet de loi de finances 2024 ».

J'en viens maintenant au coeur de mon rapport.

Je rappelle rapidement que le montant du prélèvement sur recettes constitue l'élément essentiel de la participation de la France au budget européen, auquel il faut ajouter les droits de douane nets pour obtenir le montant total de notre contribution. La France prend toute sa place au sein d'autres mécanismes - extrabudgétaires - européens, qui dépendent d'autres missions budgétaires. Comment ne pas penser, cette année, à la Facilité européenne pour la paix (FEP), particulièrement sollicitée depuis le déclenchement de l'agression russe en Ukraine ? Les crédits qui concernent la FEP sont inscrits aux budgets dédiés à l'action extérieure de l'État et à la défense.

J'en reviens au prélèvement sur recettes proprement dit, dont la part assise sur le revenu national brut, qui constitue en quelque sorte la variable d'ajustement, représente désormais entre les deux tiers et les trois quarts du total.

L'année dernière, nous avions évoqué les perspectives budgétaires de l'Union européenne pour les années à venir, en soulignant la croissance prévisible du prélèvement sur recettes du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 à celui des années 2021-2027. Cette augmentation a été évaluée à 7 milliards d'euros par an environ.

Néanmoins, l'exécution budgétaire 2022 montre, à ce jour, une diminution de plus de 1,4 milliard d'euros. Cette diminution est le signe d'une conjoncture plus favorable, dont les effets bénéfiques en termes de recettes sont supérieurs aux dépenses supplémentaires notamment liées à la crise ukrainienne. Au demeurant, les effets du retour d'une inflation forte ne sont pas forcément ceux que l'on attend : elle se traduit parfois par une diminution des crédits de paiement, car elle conduit au report ou à l'annulation de certains programmes.

Pour 2023, l'évaluation du montant du prélèvement laisse apparaître une légère diminution par rapport à la prévision actualisée pour 2022, soit 24,586 milliards d'euros au lieu de 24,942 milliards d'euros. Ce chiffre ne tient pas compte de la lettre rectificative du 5 octobre, qui prévoit une augmentation du budget de l'Union de 758 millions d'euros en crédits d'engagement et de 2,39 milliards d'euros en crédits de paiement.

Vous trouverez dans la note de présentation une analyse détaillée de l'évolution des restes à liquider, dont l'accroissement, année après année, souligne la difficulté persistante à engager rapidement les crédits, le retard au démarrage se répercutant sur l'ensemble du cadre financier pluriannuel. De manière générale, et cela est vrai également pour la politique de cohésion et des fonds structurels, la mobilisation des crédits alloués à la France n'est pas encore suffisamment forte. Des montants importants de crédits du CFP 2014-2020 sont encore non consommés alors qu'ils doivent l'être d'ici fin 2023.

Je voudrais profiter de l'examen du montant du prélèvement sur recettes pour faire le point sur l'instrument NextGenerationEU, dont le principal support est la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR).

Comme vous le savez, NextGenerationEU est principalement financé par les deux volets de la facilité pour la reprise et la résilience - subventions pour 390 milliards d'euros en valeur 2018 et prêts pour 360 milliards d'euros -, auxquels il convient d'ajouter des financements supplémentaires des programmes de l'Union, à hauteur de 83,1 milliards d'euros. La France, comme d'autres pays qui bénéficiaient de conditions de financement sur les marchés plus favorables que celles de l'Union, a fait le choix de ne pas recourir au volet prêts de la FRR. L'enveloppe de subventions pré-allouée à chaque État membre a été établie sur la base d'une clé d'allocation prenant en compte à la fois des critères structurels reflétant la fragilité relative des économies - taux de chômage, évolution du revenu national brut... - et des critères dynamiques reflétant l'impact conjoncturel de la crise sanitaire. Ce dernier critère sert à calculer la part variable des allocations nationales, qui représente 30 % du total.

C'est en application de ces règles que les enveloppes nationales de subventions ont été modifiées par la Commission le 30 juin dernier. La France ayant enregistré une croissance plus forte que prévu au cours de la période 2020-2021, son enveloppe a été revue à la baisse de 1,9 milliard d'euros, soit un peu plus de 4 % du total de ce dont elle devait bénéficier au titre de la FRR. Pour les mêmes raisons, la Belgique et les Pays-Bas ont vu leur enveloppe diminuer d'un montant voisin, ce qui représente respectivement une baisse de 25 % et 20 % du montant initial. À l'inverse, l'Espagne et l'Allemagne vont bénéficier d'une augmentation de 10 % de leur enveloppe, ce qui représente un surcroît de subventions égal respectivement à 7,7 et 2 milliards d'euros.

Selon les informations que j'ai pu recueillir, cette diminution ne devrait pas entraîner d'abandon d'opérations prévues dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR). Il nous faudra néanmoins rester vigilants sur ce point, car la Commission européenne n'a pas encore indiqué comment se fera cet ajustement.

Vous trouverez dans la note de présentation le calendrier prévisionnel des demandes de versement ainsi qu'un tableau présentant des exemples de cibles et jalons atteints par la France à l'appui de sa demande de premier versement. On peut dire que la France s'est pleinement approprié le processus de validation. Elle a été, peu de temps après l'Espagne, le deuxième pays à avoir présenté un PNRR et à avoir obtenu un préfinancement et une première tranche de subventions.

Pour en terminer avec la FRR, je vous rappelle que la Commission a présenté un nouveau plan, nommé RePowerEU (« redonner de la puissance à l'Union européenne »), afin d'assurer son indépendance vis-à-vis des énergies fossiles russes d'ici 2027 et, avant cela, de réduire de deux tiers les importations de gaz russe dès cette année. Pour atteindre ces objectifs, les États membres auront la possibilité de modifier leur PNRR ou d'y consacrer une part des dotations de la politique de cohésion ou des fonds de la politique agricole commune (PAC). La Commission a également proposé qu'un surcroît de subventions, à hauteur de 20 milliards d'euros, soit financé par la mise aux enchères, dans le cadre du système d'échange de quotas d'émission (SEQE), des quotas actuellement détenus dans la réserve de stabilité du marché.

Cette proposition me permet d'évoquer un second point de vigilance pour les années à venir, c'est-à-dire la question toujours non résolue des nouvelles ressources propres. La Commission devait présenter, au cours du premier semestre 2021, des propositions en ce sens. Jusqu'à présent, ce dossier a simplement fait l'objet d'un rapport d'étape ainsi que d'une première délibération lors du Conseil Ecofin du 17 juin 2022. En tout état de cause, il est exclu que ces nouvelles ressources puissent être mises en oeuvre d'ici début 2023.

En outre, l'introduction de ces nouvelles ressources propres permettrait de dégager jusqu'à 17 milliards d'euros de recettes annuelles au cours de la période 2026-2028 ; mais cette recette demeurerait inférieure aux besoins de financement liés, d'une part, au remboursement du plan de relance européen, pour 15 milliards d'euros annuels, et, d'autre part, à la mise en place du Fonds social pour le Climat, pour 9,7 milliards d'euros en moyenne chaque année, sans oublier la nouvelle ambition affichée en matière énergétique à travers RePowerEU.

Au troisième trimestre 2023, la Commission européenne devrait formuler de nouvelles propositions. Celles-ci devraient inclure une nouvelle proposition d'assiette harmonisée pour l'impôt sur les sociétés (« BEFIT »), projet évoqué, sous une autre forme, dès le début des années 2000. Il s'agissait alors de parvenir à une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (Accis) au sein de l'Union.

Quoi qu'il en soit, gardons en mémoire qu'en l'absence de ressources propres solides, la France serait appelée en remboursement de la part subventions de la FRR, à hauteur d'environ 2,4 milliards d'euros par an.

Mes chers collègues, concernant le prélèvement sur recettes, en l'état actuel des données disponibles, je recommande à la commission l'adoption sans modification de l'article 25 du projet de loi de finances pour 2023. Cet article n'a pas été modifié par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je remercie le rapporteur spécial. Je salue la présence de Jean-François Rapin, membre de notre commission mais également président de la commission des affaires européennes.

On parle beaucoup de ce sujet, qui ne fait pas forcément consensus dans l'opinion.

Sur la question des ressources propres, on a l'impression qu'il y a une difficulté à trouver les dispositifs adéquats dans des temps raisonnables. Certes, les crises obligent à mettre entre parenthèses la recherche de solutions, mais n'est-ce pas le moment de s'interroger sur les moyens à mettre en oeuvre pour que l'Europe donne aux différents peuples européens le sentiment d'être davantage à leurs côtés pour faire face à leurs besoins concrets ?

Quelles sont les chances d'aboutir, sous quels délais et à hauteur de quels moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Merci au rapporteur spécial pour sa présentation.

Le rapport sur la participation de la France au budget de l'Union européenne est, finalement, un exercice convenu. La question des ressources propres est fréquemment évoquée à Bruxelles, où l'on sent très nettement une complexification des enjeux européens et des sujets d'affrontement.

La présidente du Parlement européen, Mme Roberta Metsola, a déclaré récemment qu'il fallait revoir les éléments du cadre financier pluriannuel. Elle l'a dit dans des termes assez pragmatiques, appelant non pas forcément à une contribution complémentaire, mais à un rééquilibrage entre postes budgétaires. Pour ma part, je considère qu'un rééquilibrage entre postes impliquera nécessairement, à terme, une contribution plus importante.

En effet, le CFP, défini de manière convenue en pleine pandémie, sur la base de quatre ou cinq projets, devra, à un moment, prendre en considération la guerre en Ukraine et les autres lourdes problématiques d'aujourd'hui, au-delà de la seule facilité pour la reprise et la résilience.

La France contribue au financement des programmes spatiaux européens de l'Agence spatiale européenne sur un poste spécifique de la mission recherche et enseignement supérieur - c'est d'ailleurs, aujourd'hui, la seule contribution pour l'espace de cette mission, puisqu'une grande partie de cette contribution relève désormais du ministère des armées. Mais comment va-t-on intégrer dans le futur la fin de la contribution russe ? Je pense que personne n'a la réponse pour le moment...

Ce matin, le président de la commission a affirmé que nous étions dans une grande incertitude conjoncturelle qui ne nous permet pas de disposer d'une vision budgétaire correcte. Je pense que l'on peut avoir les mêmes déconvenues s'agissant du prélèvement sur les recettes au profit de l'Union européenne, même si l'on est dans un cadre convenu. Nous devons être attentifs.

Ce qui m'a surtout marqué, c'est la déclaration pugnace de Roberta Metsola sur la nécessité de revoir les grandes lignes du CFP à contribution égale, ce dont je doute, je le répète.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je félicite le rapporteur spécial pour la qualité de ses analyses.

Monsieur le rapporteur, vous avez annoncé que le montant du prélèvement sur recettes versé par la France devrait sans doute être révisé prochainement. Avez-vous une idée du montant supplémentaire qui pourrait être sollicité ?

J'ai noté qu'il faudra avoir consommé la totalité des crédits qui ont été alloués au titre du CFP 2014-2020, soit 27,5 milliards d'euros, pour la fin 2023. A-t-on une idée des montants non consommés que l'on devrait rendre à Bruxelles ?

Une partie des ressources propres, pour lesquelles le rapporteur évoque le chiffre d'environ 17 milliards d'euros par an, reviennent-elles aux États-membres ou la totalité est-elle conservée par la Commission pour les actions propres de l'Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Merci au rapporteur spécial pour la qualité de son travail.

Mon interrogation porte sur les perspectives : les choses fluctuent d'une année sur l'autre, avec un certain nombre d'incertitudes.

Se pose la question de la participation de la France par rapport aux autres États-membres et du retour sur cette participation.

Je veux également évoquer la complexité de la gestion des fonds européens. De nombreuses collectivités territoriales mettent parfois des années à percevoir certaines aides européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Merci à notre rapporteur spécial.

Je vais moi aussi évoquer les ressources propres, pour lesquelles on est en train de décaler sensiblement le calendrier. Les décisions prises entreront-elles dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 ou dispose-t-on pour après ?

Comment cela s'articule-t-il avec tous les plans de transition écologique ? Où en est-on de l'extension à l'aviation et au transport maritime des échanges de quotas d'émissions ? Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est-il cadré par rapport à toutes les annonces effectuées en matière de transition écologique - Fit for 55, etc. ?

Y voit-on déjà clair sur la manière dont tout cela peut être accepté par le reste du monde sans sanctions ou mesures en rétorsion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Merci au rapporteur spécial pour ses éclairages. Le sujet est plutôt complexe, et les articulations entre instruments ne sont pas toujours évidentes à saisir.

Le rapporteur spécial a rappelé que la France était le deuxième bénéficiaire des crédits européens, en particulier au travers de la PAC, mais également de NextGenerationEU, pour lequel elle a renoncé à utiliser les facilités offertes par les prêts européens au regard de sa capacité à se financer dans de meilleures conditions sur le marché.

L'ensemble des restes à liquider correspondent pratiquement à deux années de budget européen. Les ordres de grandeur disent tout de même quelque chose sur la capacité à activer ces financements spécifiques, avec un retard qui n'arrive pas à être résorbé d'année en année. Pour suivre ce dossier depuis maintenant quatre ou cinq ans, je m'aperçois que les niveaux restent les mêmes : autour de 300 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien. Ce décalage n'est pas sans conséquence sur les dynamiques économiques.

Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 a été établi dans un contexte qui n'est plus celui que nous connaissons aujourd'hui : en seulement quelques années, la situation a évolué dans de nombreux domaines : pandémie, guerre en Ukraine, inflation et perspectives de coopération européenne qui en découlent, problématiques environnementales et transitions dans lesquelles nous allons devoir nous engager à un rythme accéléré.

S'agissant de la FRR, notre pays a utilisé la facilité relative aux subventions, mais n'a pas saisi les possibilités offertes par l'emprunt européen, puisque les conditions n'étaient pas suffisamment favorables. Néanmoins, pour l'ensemble de ce plan de relance, la question du remboursement des dettes contractées par l'Europe va se poser. Si l'on n'avance pas plus rapidement sur la mise en oeuvre des ressources propres, il en résultera des charges complémentaires pour les États membres et pour notre pays en particulier.

Il est urgent d'avancer sur le marché carbone et le mécanisme d'ajustement carbone, mais aussi sur la taxe sur les transactions financières, l'homogénéisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, la taxation du numérique et, peut-être, sur les crypto-actifs, ainsi que sur la taxation temporaire des surprofits, même si l'on voit bien les difficultés à trouver un accord malgré les orientations qui ont été définies.

Il est vraiment nécessaire de s'atteler à cette question des ressources propres, qui, on le mesure bien, ne peut trouver de solution qu'à l'échelle européenne.

En conclusion, en l'état actuel des informations dont nous disposons, qui devront être précisées dans les semaines qui viennent, et au regard des engagements de la France, l'évaluation qui nous est présentée apparaît acceptable. Nous sommes donc favorables à l'article 25.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Félicitations à notre rapporteur spécial pour son rapport.

Dans un langage tout sénatorial, le rapport évoque une utilisation des crédits « perfectible ». Pourriez-vous préciser ce point ?

Alors que Margaret Thatcher tapait sur la table pour réclamer son chèque, il semblerait que la France ait son chèque, mais oublie de le porter à la banque !

Quel est le volume des crédits qui nous sont alloués mais que nous ne consommons pas ? Avez-vous une idée de ce que l'on pourrait faire pour parvenir à consommer ces crédits européens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

L'utilisation des crédits est perfectible, mais est-elle d'ores et déjà en voie d'amélioration ? C'est un problème récurrent, que nous évoquons quasiment chaque année...

Quelles sont les mesures mises en place au niveau de l'État, par exemple au niveau du secrétariat général des affaires européennes (SGAE), pour améliorer la consommation de ces crédits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Quel montant ces crédits représentent-ils ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

M. le rapporteur général a évoqué les difficultés à trouver des dispositifs en matière de ressources propres. À ce jour, trois ressources se dessinent, qui pourraient connaître une traduction concrète dès 2023 : celle concernant le marché européen carbone, avec un SEQE en train de faire consensus ; celle du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui fait également consensus ; celle qui concerne la fiscalité internationale sur les bénéfices de certaines entreprises, qui est désormais évoquée au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20, mais apparait pour l'instant bloquée notamment du fait des élections de mi-mandat aux États-Unis.

Ces trois ressources devraient normalement connaître une issue positive, mais, telles qu'elles sont calibrées, elles ne suffiront pas à assumer le financement du plan de relance et du fonds social pour le climat. Il faudra donc en trouver d'autres. La Commission s'est engagée à en proposer d'ici au troisième trimestre de l'année prochaine.

Il n'y a donc pas lieu de s'affoler en l'état, même si l'ardoise pour la France pourrait être de 2,4 milliards d'euros par an à partir de 2028.

Je suis totalement d'accord avec les commentaires de Jean-François Rapin : il est vrai que, lorsque le cadre financier pluriannuel a été construit, on n'avait anticipé ni la guerre en Ukraine ni l'inflation. Sans doute y aura-t-il des modifications - on nous en annonce déjà une très prochainement.

Monsieur Canévet, madame Lavarde, l'exercice n'est pas terminé puisque le solde de la programmation 2014-2020 sera établi en 2023. Il est donc difficile de savoir combien de crédits seront rendus, mais la trajectoire est moins mauvaise que la précédente. Elle n'est pas pour autant satisfaisante.

Monsieur Laménie, il y a eu des progrès, puisque le nombre de programmes opérationnels qui ont été mis en oeuvre en France pour dépenser ces crédits, notamment les fonds structurels, a diminué. Désormais, ce sont les nouvelles grandes régions qui ont la main sur ces programmes opérationnels. Avec les années, elles se sont formées, elles ont appris, mais il est toujours difficile de solder une ancienne programmation pour s'en approprier une nouvelle. C'est un travail énorme pour les porteurs de projet et plus encore pour les autorités de gestion.

Monsieur Canévet, les 17 milliards d'euros ne suffiront pas : il en faudra 24 pour financer la FRR et le fonds social pour le climat. Cela fait partie des propositions que fera la Commission européenne au troisième trimestre de l'année prochaine. Tant que l'on reste dans les généralités, tout le monde est d'accord, mais quand on entre dans le détail des mesures proposées, les choses se compliquent.

Monsieur Vincent Capo-Canellas, l'aviation sera-t-elle touchée par les quotas carbone comme peuvent l'être, aujourd'hui, le ciment, la construction ou le transport routier ? Le sujet est sur la table, mais rien n'est décidé. L'Allemagne, par exemple, n'est pas très favorable à une taxation trop forte car elle est un pays très exportateur et craint, demain, un retour de balancier, par exemple de la Chine. Il n'y a pas d'accord à ce jour.

Je partage les analyses de M. Joly.

Monsieur Bilhac, oui, l'utilisation des crédits est perfectible. Certains responsables français voulaient transformer la règle du dégagement d'office de N+3 à N+2 pour obliger les porteurs de projet et les autorités de gestion à consommer plus vite, mais les porteurs de projet n'y sont pas du tout favorables. Cette solution calendaire satisfait la question sur le plan intellectuel, mais pas forcément sur le plan opérationnel. Ce sont les porteurs de projet qui ont la main. Dans mon département, j'observe que le préfet et le président de conseil départemental se plaignent d'avoir des millions de crédits de subventions non consommés car ils restent en l'attente des factures. Le retard pris pour l'exécution des opérations n'est pas un problème proprement européen : il concerne également l'État et des départements.

Madame Lavarde, nous sommes dans une chaîne, où chacun a son rôle à jouer. Ce n'est pas parce que l'on préside une autorité de gestion que l'on peut, d'un coup de baguette magique, obtenir des résultats des porteurs de projet.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 25 du projet de loi de finances pour 2023.

Présidence de M. Claude Raynal, président -

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Mes chers collègues, les 10 et 11 octobre derniers, une délégation de la commission des finances du Sénat s'est rendue à Prague pour assister à la conférence interparlementaire semestrielle dite « article 13 ». Pour mémoire, l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prévoit, en effet, le principe d'une conférence réunissant « les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d'autres questions » régies par ce traité.

Ce rendez-vous semestriel nous donne donc l'occasion d'échanger sur les enjeux budgétaires, économiques et financiers de l'Union. La commission des finances y représente donc le Sénat. Notre délégation était composée de moi-même, de Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial en charge du suivi de notre contribution au budget de l'Union européenne, et de Stéphane Sautarel. Le rapporteur général et notre collègue Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, étaient excusés, ainsi que nos homologues de l'Assemblée nationale, en raison d'un agenda particulièrement chargé.

Les thèmes des échanges avaient été déterminés conjointement entre le Parlement européen et les deux chambres du Parlement de la République tchèque, qui exerce jusqu'à la fin de l'année la présidence du Conseil de l'Union européenne. Trois sessions de débats ont ainsi été organisées, autour des thèmes suivants : la mise en oeuvre de la « facilité pour la reprise et la résilience », c'est-à-dire le principal dispositif du plan de relance européen ; les coûts de l'indépendance énergétique ; le renforcement de la résilience économique de l'Europe.

Le débat sur le plan de relance européen a été l'occasion pour de nombreux parlementaires d'exprimer une certaine inquiétude quant au faible rythme de décaissement des fonds européens dans le cadre du dispositif de relance et de résilience. Si la France a déjà reçu près d'un tiers des montants prévus et se place en deuxième position derrière l'Espagne, certains États n'ont au contraire, à ce stade, reçu aucun des financements prévus de la part de l'Union européenne, dont le montant représente parfois jusqu'à 5 % de leur PIB. La plupart du temps, ce retard est lié à la complexité de la procédure de validation de ces fonds et de leur utilisation - à l'exception notable de la Hongrie, dont les fonds sont bloqués en raison de tensions liées au respect de l'État de droit dans le pays. J'ai pour ma part appelé l'attention de nos homologues et de la Commission européenne sur la question du remboursement de ce plan de relance, à compter de 2028 - autrement dit demain. Dans cette perspective, les États membres s'étaient entendus en juillet 2020 sur la nécessité d'introduire de nouvelles ressources propres pour l'Union européenne, dont les recettes devront être consacrées à ce remboursement. La Commission européenne a présenté, fin décembre 2021, plusieurs propositions en ce sens, qui n'ont malheureusement toujours pas abouti. La réponse de la Commission européenne a simplement consisté à rappeler que les réflexions étaient en cours à ce sujet et que, à défaut de nouvelles ressources propres, les contributions nationales seraient augmentées au prorata de la part de chaque État membre dans le revenu de l'Union européenne, ce que nous savons tous.

D'autres participants, à commencer par l'Allemagne, se sont interrogés sur le devenir des fonds non utilisés dans le cadre du plan de relance, qui devraient in fine représenter plusieurs centaines de milliards d'euros. Une partie de ces fonds devrait être réutilisée pour le financement du nouveau plan européen pour l'indépendance énergétique de l'Europe, baptisé « REPowerEU » et présenté par la Commission européenne en mai dernier. D'autres sources de financement pour REPowerEU sont en cours d'étude par la Commission européenne au travers des outils existants, tels que le fonds de la politique de cohésion, le fonds européen agricole pour le développement rural, le fonds pour l'innovation ou bien encore la Banque européenne d'investissement, mais nous n'en savons pas plus à ce stade. Quelques jours avant notre conférence, la possibilité d'un nouvel emprunt commun pour financer le plan REPowerEU avait été évoquée dans les médias par deux commissaires européens, MM. Paolo Gentiloni et Thierry Breton, respectivement commissaire à l'économie et commissaire au marché intérieur. Cette idée a semble-t-il depuis été enterrée, notamment en raison de l'opposition de l'Allemagne, qui a décidé de faire cavalier seul en annonçant son propre plan de résilience énergétique à 200 milliards d'euros...

S'agissant de l'indépendance énergétique, notre collègue Stéphane Sautarel est intervenu pour rappeler la nécessité de réviser les conditions de fixation du prix européen de l'énergie et de mettre en place un plafonnement du prix du gaz au niveau européen, en particulier du gaz utilisé pour la production d'électricité, à l'instar des mesures déjà mises en place au niveau national par l'Espagne et par le Portugal. Il s'agit d'une proposition poussée par le Gouvernement français et appuyée par tous les acteurs français du secteur, en particulier par EDF et par la Commission de régulation de l'énergie. Malheureusement, certains pays comme l'Allemagne et les Pays-Bas y étant opposés, le texte approuvé lors du dernier Conseil européen n'évoque pas l'engagement de mettre une telle mesure en place, même s'il y est mentionné la volonté que la Commission européenne présente des propositions sur ce sujet.

Cette conférence a enfin été l'occasion d'évoquer plus largement le renforcement de la résilience économique de l'Europe et la préparation aux crises futures. La Commission européenne a rappelé que l'objectif de 2 % d'inflation demeurait d'actualité. Des réflexions sont actuellement en cours afin de déterminer les outils de politique budgétaire qui pourraient être mis en oeuvre au niveau européen pour lutter contre l'inflation, même si les marges de manoeuvre dans ce domaine demeurent limitées et si le principal outil européen en la matière demeure bien entendu la politique monétaire. La Commission nous a également indiqué que le projet de réforme du TSCG devrait être présenté très prochainement, dans le courant du mois de novembre.

Au final, qu'il s'agisse du plan de relance européen, de l'indépendance énergétique ou de la lutte contre l'inflation, ces échanges ont témoigné du moment charnière - un de plus... - dans lequel se situe l'Union européenne. L'ordre du jour de cette conférence a permis de mettre en exergue les principaux défis économiques et budgétaires que devra affronter l'Union dans les prochaines années, même si la portée politique de cette conférence demeure réduite dès lors que l'on n'y adopte pas de conclusions.

Cela dit, pour avoir participé à quelques conférences « article 13 », je dois dire qu'elle n'a été ni la plus mauvaise ni la plus inutile.

Il était intéressant d'écouter les collègues de pays beaucoup plus en difficulté que nous sur les sujets de l'énergie ou de l'inflation - ces questions sont parfois vécues très douloureusement. Nous avons pu noter une inquiétude assez profonde et des demandes réitérées d'une plus grande solidarité européenne.

Cette réunion a été magnifiquement organisée par les autorités tchèques : le déroulé était vif, le programme riche, et les tables rondes intéressantes. Par rapport à d'autres conférences « article 13 », beaucoup plus formelles, auxquelles nous avons pu participer par le passé, celle-ci donnait envie de continuer à poursuivre le suivi de ces conférences, même si les avancées qui peuvent en découler ne sont jamais définitives, puisque leur rôle n'est pas législatif.

La réunion est close à 14 h 50.