Mission d'information Sous-utilisation des fonds européens

Réunion du 12 juin 2019 à 16h10

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Je vous prie de bien vouloir excuser notre retard, mais nous assistions à la lecture dans l'hémicycle de la déclaration de politique générale par M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Nous procédons aujourd'hui à notre deuxième audition depuis le début de nos travaux. Il était important pour nous de vous entendre, Madame Marigeaud, afin que vous puissiez nous fournir un cadre technique. Je vous remercie d'avoir accepté cette invitation.

Rattachée au Premier ministre, et agissant de façon indépendante et collégiale, la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), que vous présidez, est chargée d'exercer, pour la France, les missions confiées aux autorités d'audit prévues par la réglementation européenne relative aux fonds européens. Vous définissez l'organisation et l'orientation de l'ensemble des contrôles et veillez à l'établissement et à l'exécution des programmes de vérification. Vous adressez aux autorités impliquées dans la gestion et le contrôle des fonds, notamment les collectivités territoriales, et aux ministères concernés toute recommandation nécessaire pour améliorer les systèmes de gestion et de contrôle. Vous leur proposez les mesures appropriées pour remédier aux déficiences constatées et êtes informée des suites qui y sont données.

La CICC est notamment compétente pour le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds de cohésion et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

On le voit, les compétences de la CICC sont éminemment techniques. Nous comptons cependant sur vous pour rendre ces aspects intelligibles...

En effet, notre mission d'information entend porter un regard politique sur une question qui, au-delà de ses aspects techniques, concerne directement le développement de nos territoires. La politique de cohésion concrétise la solidarité entre les États membres et illustre la valeur ajoutée européenne.

Au regard des compétences de la commission que vous présidez, quel bilan dressez-vous de la programmation en cours ? La situation de notre pays est-elle vraiment caractérisée par une sous-utilisation chronique des fonds européens ou l'analyse est-elle à nuancer ? Quelle est la situation particulière des outre-mer ? Quelle appréciation portez-vous sur les propositions de la Commission européenne pour le prochain cadre financier pluriannuel ? Comment pourrait-on améliorer la gestion des fonds européens ? Telles sont quelques-unes des questions qui intéressent notre mission d'information.

Nous vous avons adressé un questionnaire qui peut constituer le fil conducteur de votre intervention. Je vous propose de vous donner la parole pour un propos liminaire d'une quinzaine de minutes, puis j'inviterai mes collègues, en commençant par notre rapporteure, Colette Mélot, à vous poser des questions.

Cette audition est ouverte au public et à la presse et sera diffusée en direct sur le site Internet du Sénat. Elle fera également l'objet d'un compte rendu publié.

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Merci, Madame la Présidente. Je suis accompagnée par M. André Leprince-Granger, qui est notre chef de pôle « régions ». Je vais essayer de faire preuve de pédagogie, car nous sommes dans un système un petit peu complexe.

Notre première mission concerne l'architecture globale du système de contrôle de la régularité des fonds européens. Comme vous le savez déjà, les fonds dépendent des services de la Commission, mais les tâches liées à l'exécution budgétaire sont déléguées aux États membres qui remplissent les obligations de contrôle et d'audit prévues par le règlement financier et les règlements sectoriels. Je ne vous citerai pas en détail les articles pour alléger le propos, mais nous tenons à votre disposition, bien sûr, les références nécessaires.

Pour protéger les intérêts financiers de l'Union, les États membres nomment les autorités de gestion et les autorités de contrôle. Ils les supervisent et procèdent à des contrôles, ex ante et ex post.

En France, nous avons trois pôles : l'autorité de gestion, qui est chargée de la gestion du programme opérationnel conformément aux principes de bonne gestion financière ; l'autorité dite de certification, qui certifie, comme son nom l'indique, les demandes de paiement et les comptes des autorités de gestion ; enfin, l'autorité d'audit, qui est chargée du bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle et des programmes opérationnels. C'est le rôle de la CICC.

Pour le FSE et le FEDER, la fonction d'autorité de gestion est également assurée par les régions.

La fonction d'autorité de certification est assurée par la DGFIP sur l'ensemble du territoire pour l'ensemble de ces fonds, sauf pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Nous vous communiquerons un organigramme détaillant toute cette organisation assez complexe.

Nous avons le devoir de remettre chaque année à la Commission européenne un document très précis, très formaté, qui est un avis sur les comptes annuels, un avis sur la légalité et la régularité des dépenses contenues dans les comptes annuels et un avis sur le fonctionnement du système de gestion et de contrôle. Si vous voulez, ce sont trois sous-parties d'un avis général, qui accompagne un rapport annuel de contrôle commentant la gestion du programme concerné. La forme et le contenu de ce rapport sont évidemment encadrés par des guidances, les guides de la Commission. Nous vous avons fait passer des notes d'orientation de la Commission reprenant ses préconisations.

Le rôle de la CICC est d'approuver ce que l'on appelle le RAC, le rapport annuel de contrôle. C'est un des axes forts de notre activité, et nous nous prononçons sur ce document par le biais d'un collège, dont je vous expliquerai la composition ultérieurement. S'ensuit un dialogue avec la Commission européenne, avec des observations, des contre-observations, qui se terminent par un quitus sur la vision complète d'une année d'exécution d'un programme opérationnel. Tout cela est très codifié.

La Commission européenne peut également nous contrôler, c'est-à-dire qu'elle vient faire en France des audits dits de réassurance pour voir comment nous fonctionnons. Pour cela, nous sommes en relation avec quatre directions de la Commission : la DG régions ; la DG emploi ; la DG outre-mer ; la DG mer.

La Commission peut aussi décider de venir auditer une autorité gestionnaire sans regarder notre propre travail. C'est ce qu'elle a fait d'ailleurs récemment avec la Guadeloupe. Nous en sommes pour l'instant au rapport provisoire. Cela peut prendre plusieurs mois.

Les autorités de gestion peuvent être questionnées de nouveau par les auditeurs de la Cour des comptes européenne. Il s'agit pour celle-ci de contribuer à la déclaration d'assurance, la DAS globale relative à un exercice donné, ainsi qu'à l'appréciation spécifique sur une rubrique particulière du budget de l'Union, qui est intitulée « cohésion économique, sociale et territoriale ».

Nous sommes en charge de 58 programmes opérationnels, ce qui est considérable. Il y en a en fait 59, mais celui de Saint-Martin est en suspens, pour les raisons que l'on peut comprendre. Ces 58 programmes opérationnels sont divisés en 37 programmes régionaux, 8 programmes nationaux et 13 programmes inter-régions, lesquels sont des programmes dits de coopération territoriale.

La France est responsable de l'audit de ces treize programmes, ce qui entraîne une mécanique complexe.

En ce qui concerne les structures de la CICC, nous distinguons le collège, les auditeurs nationaux et les auditeurs régionaux.

Au fur et à mesure du développement des fonds européens, les différentes inspections générales (IGF, IGAS, IGA, etc.) ont mis en place des procédures de contrôle et une équipe d'inspecteurs s'est de facto spécialisée sur ces sujets. Le collège de la CICC est le successeur de cette équipe : il regroupe des inspecteurs de l'État, des personnalités qualifiées et des représentants d'organismes intéressés à ces questions, notamment des régions. Toute la production dont je vous ai parlé à l'instant est examinée par le collège, et le président du collège signe les documents avant leur envoi à Bruxelles.

Les auditeurs nationaux relèvent des ministères qui contrôlent les programmes nationaux et nous collaborons avec eux, ainsi qu'avec les inspections générales - nous pouvons notamment leur déléguer certains audits.

Les auditeurs régionaux sont, depuis 2014, dans une situation singulière. Ces petites équipes, composées d'une à sept personnes selon les régions, sont placées fonctionnellement sous mon autorité, mais hiérarchiquement sous celle des régions - ce sont elles qui les rémunèrent. Leur spécificité n'a certainement pas été prise en compte au moment de la décentralisation de la gestion des fonds européens. Dans les régions, les audits sont également réalisés par des prestataires extérieurs, choisis par appels d'offres, ce qui apporte de la souplesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Ce n'est guère l'impression de souplesse qui transparaît de vos propos...

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

En fait, les besoins d'audit varient selon le lieu et la période, si bien qu'il ne serait pas vraiment pertinent de recruter trop de personnes directement. Le recours à des prestataires extérieurs apporte de la souplesse au dispositif. Au total, 69 équivalents temps plein exercent en région.

Enfin, nous sommes évidemment en relation avec les autorités gestionnaires des fonds et avec les autorités certificatrices, comme la direction générale des finances publiques (DGFIP).

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Pourriez-vous nous donner une appréciation globale sur la gestion des fonds européens ?

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Il existe plusieurs types d'audits. Chaque année, nous tirons au sort les opérations qui donneront lieu à un audit, mais nous procédons aussi à des audits plus larges, que ce soit sur les comptes, le suivi ou les systèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Vos procédures semblent rodées et approfondies, mais est-ce que le système vous semble adapté en ce qui concerne l'utilisation des fonds ? Vient-il plutôt faciliter les choses ou les ralentir ? De nombreux porteurs de projets évoquent la complexité des procédures et les lenteurs ; ils en viennent parfois à abandonner à cause de cela... Qu'en pensez-vous ?

Par ailleurs, disposez-vous d'un comparatif entre les pays de l'Union européenne ? Il est évident que les cultures administratives sont différentes entre les États membres. Est-ce que la France est « compétitive » de ce point de vue ? Les contrôles sont-ils équivalents dans tous les pays ? Sommes-nous rapides et efficaces ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je suis perplexe en vous entendant, et le tableau que vous dressez me semble effrayant. Étions-nous obligés, en France, de mettre une telle complexité dans les missions de contrôle de la CICC ? Comment des porteurs de projets pourraient-ils ne pas être rebutés ? Pourquoi l'un des fonds ne fait-il pas partie de cette organisation spécifique ? Les régions doivent se doter d'équipes allant jusqu'à six personnes pour obtenir ce à quoi elles ont droit. Il faut déjà une personne ne serait-ce que pour comprendre ce tableau ! Or les fonds sont sous-utilisés. Comment vulgariser cette organisation incompréhensible ? Les régions ne peuvent pas toutes y consacrer six collaborateurs...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

L'important, c'est que cela soit facile pour les porteurs de projets. Nous devons être facilitateurs pour les collectivités territoriales et les acteurs privés. Pour l'instant, sur le terrain, c'est très compliqué, surtout pour les acteurs privés, s'ils ne bénéficient pas du soutien d'une grosse structure. Résultat : les possibilités offertes par les fonds européens sont méconnues. Il est difficile, aussi, de monter les dossiers, faute d'ingénierie territoriale. Le délai d'instruction de ces dossiers est long, et s'y ajoutent des retards de paiement. Ainsi, on me disait récemment que des apiculteurs ayant bénéficié des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) 2016 n'ont toujours pas été payés en 2019 ! Et un couple ayant ouvert il y a plus d'un an un restaurant en zone rurale, dans le Cantal, n'a toujours pas reçu la subvention promise. Comment simplifier les choses ? Il faut rendre le système plus réactif et plus facile pour le porteur de projet. Actuellement, en mars, seuls 15 % des crédits de LEADER ont été engagés, et 5 % payés. La France ajoute-t-elle de la complexité ?

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Je représente une autorité d'audit, que les porteurs de projets ne voient pas : nous ne freinons rien et ne pouvons pas assouplir les choses pour eux. Ce n'est qu'au cas où une opération auditée a posteriori le réclame que nous nous adressons aux porteurs de projet. Il faut réduire le nombre de programmes en France car nous en avons plus que partout ailleurs en Europe - juste avant l'Italie. C'est pour cela que nous avons tant de structures à gérer.

M. André Leprince-Granger, chef de pôle « régions » à la CICC. - D'où ce tableau abscons ! En France, nous avons choisi d'avoir une autorité d'audit unique.

Quand nous constatons que des fonds ont été utilisés irrégulièrement, dans des proportions qui dépassent le taux d'erreur fixé par la Commission européenne et qui est le même partout en Europe, l'argent versé est retiré, mais il est restitué à la région, qui peut le réutiliser - même s'il est plus difficile de trouver des projets en fin de période. La lenteur de la mécanique et les chevauchements de programmation font que, pour la période 2014-2020, on peut dépenser jusqu'en 2023-2024. D'ailleurs, notre activité s'accroît depuis un an... Cet effet de calendrier explique en partie la sous-consommation.

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Nous ne sommes pas des spécialistes de la qualité des projets, nous ne faisons que les contrôler. Il y a eu de la lenteur dans l'habilitation et la désignation des autorités gestionnaires, car il y a eu un double boom : la décentralisation des fonds et la création de ces autorités gestionnaires qui n'existaient pas auparavant. Par exemple, une région a choisi de ne nous livrer son document d'organisation qu'à partir du moment où elle disposerait de son nouvel organigramme. Ce type de problématiques est désormais derrière nous. L'expérience nous aidera, et l'on constate déjà une professionnalisation de la connaissance de ces processus. La Commission européenne prévoit d'accélérer la désignation des autorités qui auront déjà été auditées et qu'elle connaît.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Est-ce qu'il est dans votre compétence d'évaluer les exigences de l'Europe dans le contrôle des fonds et les exigences que l'administration française produit à l'égard des utilisateurs des fonds ? N'en fait-on pas trop, en France, dans l'application de ces exigences européennes ?

Debut de section - Permalien
André Leprince-Granger

Il est difficile de répondre à cette question. Le cadre est le même pour tous. Au fil des programmations, on constate que le contrôle s'est intensifié, même si les exigences n'ont pas changé : légalité et régularité des dépenses. La question est ensuite de savoir quels sont les dispositifs mis en place au niveau des gestionnaires et des autorités de contrôle.

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Vous voulez savoir s'il y a une sur-règlementation. Mais lorsque nous retoquons une opération, c'est souvent parce que les contrôles sont insuffisants au regard des exigences européennes et des check lists ! L'exigence de transparence et de régularité a augmenté. Selon nous, c'est dû au fait que le Parlement européen saisit de plus en plus la Cour des comptes européenne. Celle-ci multiplie les rapports. Si elle observe quelque chose dans un pays, elle émet des remarques ; la Commission en prend acte, les généralise et cela se répercute sur les autres pays. La France est aussi très observée par Bruxelles pour les aides d'État et les marchés publics. Les autorités de gestion sont aussi montées en puissance. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les exigences de contrôle sur les fonds français étaient bien moindres que celles sur les fonds européens. Dès lors, l'exigence très méticuleuse imposée par l'Europe constitue un choc culturel. Lorsque l'on alloue une subvention, il faut produire des justificatifs, des factures pour chaque dépense. C'est tout ce que demande Bruxelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

En France on ne sait pas faire simple ! J'ai vu pour un fonds LEADER de 8 000 euros, l'administration demander, après coup, le compte rendu du conseil municipal qui a élu le maire pour vérifier qu'il avait été correctement élu ! Que la France fasse simplement ce que veut Bruxelles, mais pas plus ! Chaque administration ajoute des exigences et rajoute une couche. J'ai été maire, président de communauté de communes et du comité de pilotage d'une région : j'ai été content de voir les contrôleurs des commissions de contrôle spécialisées en fonds européens arriver : les problèmes ont disparu. Auparavant, de nombreux paiements étaient bloqués parce que l'administration française ne comprenait pas tout.

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Il nous appartient juste d'évaluer les comptes au regard de la norme, non de juger. Toutefois, on constate une difficulté dans la gestion des fonds européens en France. Les fonds européens, en effet, semblent plutôt destinés à des projets d'une certaine taille, conduits par des gestionnaires capables de les porter, de les suivre dans la durée, de constituer la piste d'audit qui consiste à garder la trace des factures, des appels d'offre, des marchés conclus. C'est pour cela que certaines régions n'accordent déjà plus de subventions inférieures à un certain seuil. Si une petite association doit recruter quelqu'un pour suivre un projet, cela n'est pas viable ! Nous préconisons de cibler les fonds européens sur certains axes, avec des techniciens capables de suivre les dossiers, et de réserver les fonds français à des structures plus légères qui ne peuvent pas faire face à ces exigences.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Mais, outre l'aspect politique, cela pose la question de l'appropriation de la question européenne par les territoires. Cela reviendrait à mettre une croix sur le programme LEADER, justement destiné à soutenir le développement économique ou social de territoires ruraux qui luttent contre la désertification. L'Europe doit aussi montrer qu'elle est un acteur du développement territorial. Si les subventions européennes ne sont destinées qu'à de grandes structures, il y aura une éviction des plus petites. Ainsi, nombre de PME renoncent à postuler pour des aides à la recherche et celles-ci sont attribuées à de grands consortiums. Mais, alors, il ne faut pas s'étonner de la montée d'un vote anti-européen ! Pourtant, lorsque les programmes LEADER soutiennent des projets de coopération, les résultats en termes d'adhésion à l'Europe sont probants. Il y a un problème d'ingénierie. Plutôt que d'évincer les petites structures, peut-être faut-il plutôt créer des modalités d'ingénierie adaptées. Vous soulignez aussi l'importance de développer une culture du contrôle, en amont du projet : plus on intervient en amont, moins on a de problèmes.

Debut de section - Permalien
André Leprince-Granger

Notre mission historique était les audits de système. Les audits d'opération, très approfondis sur les dépenses déclarées, sont très récents et ne datent que de la période 2007-2013. Les administrations ne s'y sont pas encore adaptées. Cela explique pourquoi on a un retard en matière d'ingénierie. De même, en France, à la différence d'autres pays, on n'a pas confié la gestion des fonds européens à des entités spécialisées. Ils ont été gérés par les préfectures, puis par les régions. Beaucoup d'erreurs s'expliquent par le fait que le service administratif qui a instruit un dossier n'est pas celui qui a une culture européenne car il ne connaît pas les normes européennes. On peut donc parler de choc culturel.

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Il y a en effet un apprentissage. L'essentiel est d'éviter de changer à nouveau les règles. Si vous voulez aller au plus fin pour distribuer des subventions à des petits porteurs pour favoriser l'infusion dans les territoires, alors il faut réfléchir à une forme de mutualisation de l'ingénierie. Il faut créer, au sein des administrations avec des personnes dédiées, des structures d'appui qui accompagnent les petits porteurs de projets. L'Europe, d'ailleurs, finance l'assistance technique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Certains pays ont des autorités de contrôle décentralisées et par programme. Est-ce plus efficace ?

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Il ne m'appartient pas de porter un jugement. La Commission européenne est toujours un peu inquiète face à ce modèle. On compte par exemple 25 autorités de contrôle en Italie, même si une autorité centrale s'efforce d'harmoniser les pratiques. En France, on compte 25 équivalents temps plein au niveau central et 69 en région. Il n'est pas certain que le modèle italien soit gage d'économies... En Allemagne, on compte une autorité de contrôle par Land, avec une autorité centrale. Je ne sais pas si ce modèle est plus efficace. Les autres pays comptent une ou deux autorités. En Espagne, outre l'autorité nationale, on a une autorité pour les Canaries. Il en va de même en Finlande, avec une autorité centrale et une autorité dans le nord-ouest du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Vous semblez préconiser le renforcement des équipes d'auditeurs régionaux en relation avec vous, tout en améliorant l'articulation entre les autorités fonctionnelles et hiérarchiques ?

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Des progrès peuvent être réalisés à la marge. L'audit n'est pas un frein, qu'il s'agisse de faible ou de forte consommation. Notre contrôle ne freine pas le porteur de projet et ne concerne que l'autorité régionale. Nous n'intervenons qu'après coup. Si nous constatons qu'une opération s'est mal passée, nous retirons la subvention dans les comptes, mais elle est réaffectée l'année suivante dans la réserve du programme et peut être réutilisée. Sans doute, en effet, pouvons-nous compléter les équipes, ici ou là, d'un ou deux équivalents temps plein. Mais nous n'aspirons pas à être une machine dévorante ; un seul contrôleur toutefois ne suffit pas. Il faut aussi tenir compte du déploiement sur plusieurs années de la programmation : en début de programmation, comme les dépenses étaient faibles, les régions ont estimé, à juste titre, qu'elles n'avaient pas à payer quelqu'un à se tourner les pouces. Désormais certaines recrutent pour compléter les équipes. J'examine les charges de travail et alerte les autorités de gestion dès lors que les opérations deviennent conséquentes, mais la plupart ont anticipé en passant des contrats avec des prestataires extérieurs spécialisés sur les fonds européens. En tout cas, nos difficultés internes à l'audit ne rétroagissent pas sur les porteurs de projet.

Debut de section - Permalien
André Leprince-Granger

Cela dépend de la complexité du projet, cela peut aller jusqu'à 15 jours pour un dossier compliqué.

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Cela dépend aussi du choix de la région. Pour le Fonds social européen, certaines régions font des projets comprenant plusieurs milliers de formations. Nous ne pouvons évidemment pas contrôler chaque formation et nous procédons alors par sondages pour vérifier que les gens étaient présents, qu'ils ont bien signé la feuille de présence, qu'ils étaient bien éligibles à la formation, que les enseignants étaient présents, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

C'est un contrôle ex post qui n'interfère pas avec le projet.

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Exactement.

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Comme le paiement a déjà été fait, il s'agit en cas de manquement, d'obtenir la restitution de l'argent.

Debut de section - Permalien
André Leprince-Granger

La question du paiement commence à intéresser la Cour des comptes européenne. Le règlement général prévoit un délai de 90 jours entre la demande du bénéficiaire et le paiement. Mais ce délai n'est pas respecté dans la majorité des cas, souvent à cause du bénéficiaire qui ne fournit pas les éléments demandés.

Debut de section - Permalien
Martine Marigeaud, présidente de la CICC

Le paiement est suspendu tant que le bénéficiaire n'a pas répondu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Je vous remercie.

La réunion est close à 17h25.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site Internet du Sénat.