Conjointement avec la commission des affaires économiques, la commission a procédé à l'audition de M. Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault.
a tout d'abord rappelé que l'audition qui allait se dérouler intéressait également le groupe d'études sur l'automobile, ainsi que le groupe de travail sur les biocarburants constitué au sein de la commission.
s'est félicité d'une telle audition et a déclaré en attendre une meilleure compréhension de la globalisation de l'économie mondiale.
Il a fait état des propos élogieux à l'égard de l'alliance entre Renault et Nissan, qu'il avait entendus récemment, lors d'une mission, au Japon, d'une délégation de la commission des finances.
Dans un exposé liminaire, M. Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault, a alors dressé un bilan de l'évolution de la situation de son groupe, au vu des derniers résultats connus de celui-ci et des perspectives qui s'offraient à lui.
Il a rappelé qu'en 2005 :
- les ventes mondiales de Renault avaient dépassé 2.500.000 unités, progressant de 1,7 % ;
- son chiffre d'affaires avait augmenté de 1,9 % et son résultat net, grâce, surtout, à ses entreprises associées et notamment Nissan, de 18,7 %.
Mais il a souligné aussi que la marge opérationnelle (3,2 % du chiffre d'affaires) s'était dégradée, reculant de 38 %.
Il a alors estimé que ces résultats étaient, dans l'ensemble, plutôt médiocres, et témoignaient de la fragilité actuelle de l'entreprise.
Il a fait valoir ensuite que le groupe disposait cependant d'atouts très appréciables avec, notamment, le succès de l'alliance conclue avec Nissan, une recherche dynamique (au premier rang en France pour le dépôt des brevets), un bilan financier sain, sans endettement excessif, une réactivité, un niveau technique et des capacités de mobilisation remarquables dont témoignaient tant les succès obtenus en Formule 1 que de nombreuses implantations projetées ou en cours à l'étranger (Afrique du Sud, Inde, Iran, etc.).
a également évoqué la confiance des marchés financiers envers le groupe, rappelant qu'avec Nissan, il figurait au cinquième rang des constructeurs automobiles pour le nombre de véhicules vendus.
Mais il a reconnu les faiblesses de son entreprise qui, a-t-il remarqué, constituaient autant d'« opportunités de progrès » et résidaient, notamment dans une déclinaison de modèles incomplète (absence de véhicules de sport et loisirs ou de haut de gamme...), des coûts d'investissement insuffisamment maîtrisés et compétitifs, une image de marque et une fiabilité à améliorer et, enfin, des résultats trop dépendants des performances réalisées en France et en Europe.
a alors fait mention des objectifs du contrat 2009 du groupe, dont l'ambition est de positionner durablement Renault comme le constructeur automobile généraliste européen le plus rentable, par, notamment, une progression :
- de la qualité des produits et services (qui conduira à placer la future Laguna parmi les trois meilleures de son segment en qualité de produit et de service) ;
- du nombre de véhicules vendus (+ 800.000 entre 2005 et 2009) ;
- de la profitabilité (avec une marge opérationnelle de 6 % à atteindre en 2009).
Il a également cité l'ambition de son entreprise de parvenir à compléter sa gamme de produits, à réduire ses coûts et à continuer à perfectionner ses différents modèles, notamment en termes de sécurité, pour laquelle Renault figure déjà au premier rang européen et aussi, grâce aux technologies alternatives, du point de vue écologique.
Il a, enfin, rappelé que ce plan avait été bien accueilli par l'ensemble des salariés du groupe et devait permettre à Renault de s'adapter à un marché mondial particulièrement difficile et concurrentiel.
Il a conclu en avançant que si 2006 ne devait pas être, pour le groupe, une très bonne année, les perspectives pour la période allant de 2007 à 2009 s'annonçaient meilleures.
Une première série de questions a alors été posée à M. Carlos Ghosn par :
au nom de la commission des finances, au sujet de l'avenir des biocarburants et des difficultés des sous-traitants de l'industrie automobile, confrontés à la hausse du coût des matières premières ;
- M. Gérard Cornu, président du groupe d'études sur l'automobile, à propos, d'une part, de la conquête de marchés extérieurs, en particulier de l'énorme marché chinois, à partir de celui de la France et, d'autre part, des technologies alternatives à celles reposant sur l'utilisation du pétrole ;
concernant la plausibilité d'une divergence persistante entre l'évolution des cours de l'action Renault, en hausse, et celle de la marge opérationnelle, en baisse, de l'entreprise, ainsi que les solutions permettant de limiter les émissions de gaz à effet de serre (biocarburants, pile à combustible) ;
qui s'est inquiété de la situation en Seine-Maritime des usines Renault (Sandouville, Cléon...) et de leurs fournisseurs, et s'est interrogé, d'une part, sur la poursuite de la participation de Renault aux compétitions de Formule 1 et, d'autre part, sur l'avenir de la filière éthanol en France, par comparaison avec le Brésil ;
qui, après avoir évoqué le problème global des délocalisations d'activités économiques depuis la France, a souligné la difficulté, pour l'entreprise et ses sous-traitants, d'atteindre les importants objectifs de réduction des coûts fixés au groupe par sa présidence. Le président Jean Arthuis s'est également enquis des perspectives d'avenir de la voiture électrique.
a fait valoir, en réponse à ces différentes questions, que :
- les relations entre les constructeurs et leurs fournisseurs étaient essentielles et leurs rentabilités respectives liées, comme l'avaient montré les exemples japonais et américains. Il n'existait pas de constructeur qui réussisse au détriment de ses fournisseurs. Il ne fallait donc pas désespérer les sous-traitants mais les motiver afin qu'ils parviennent à une réduction de leurs coûts et à une augmentation de leur profitabilité. Cette baisse des prix était identique à celle imposée par la concurrence. Elle était donc indispensable et possible ;
- Renault, qui avait privilégié l'Inde, devait choisir le bon moment pour s'implanter en Chine où Nissan jouait, pour le moment, un rôle pionnier, s'agissant d'un investissement important en ressources humaines et long à rentabiliser et d'un marché ouvert, ce qui, a priori, devait empêcher l'émergence d'un champion national chinois (à la différence de ce qui s'était produit au Japon ou en Corée du Sud, qui avaient, en leur temps, protégé leur marché intérieur) ;
- la baisse de la marge opérationnelle des constructeurs automobiles s'expliquait par les hausses, qui ne pouvaient pas être répercutées sur les clients, non seulement des coûts des matières premières mais aussi de ceux dus à des normes de sécurité et de lutte contre la pollution de plus en plus exigeantes ;
- le maintien de la participation de Renault aux compétitions de Formule 1, dont la retransmission télévisée constituait, pour un constructeur, la plus grande vitrine du monde, dépendrait de la qualité des performances en la matière ;
- l'expérience du marché, et notamment du véhicule hybride, montrait que le public ne voulait pas d'une voiture propre qui soit, en même temps, chère. Tandis que l'usage des biocarburants, auquel il croyait beaucoup, ne supposait qu'une modification mineure des moteurs existants, la pile à combustible et les véhicules électriques correspondaient à une rupture à la fois technologique et en termes de performances. Les délais et le coût des recherches nécessaires pour rendre l'automobile économiquement et commercialement acceptable, supposaient des collaborations entre plusieurs constructeurs.
Une deuxième série de questions a alors été posée au président-directeur général de Renault, M. Carlos Ghosn, par :
qui a souhaité obtenir des précisions sur les brevets déposés par le groupe, l'échéance de la rentabilité de la pile à combustible, et l'évolution de la part de l'Etat dans le capital de Renault ;
sur la situation de la SNR (société nationale de roulements), filiale de Renault implantée à Annecy ;
au sujet, évoqué ensuite par M. André Ferrand, de l'importance de la poursuite des activités de Renault Trucks, filiale de Volvo, notamment dans la région Rhône-Alpes ;
concernant la politique d'investissement et de recherche du groupe et les moyens de sécuriser la composition du capital de celui-ci ;
sur la façon dont Renault se donnait « les moyens de sa politique », notamment pour financer les nouveaux modèles et les activités de Formule 1 ;
à propos de l'absence de projets d'investissements nouveaux de l'entreprise en France et de l'avenir du site de Sandouville ;
concernant les investissements de Renault en Roumanie (modèle Logan) et l'expérimentation menée en matière de sécurité routière (assistance à la conduite, limitations de vitesse en traversée d'agglomérations) ;
- M. Daniel Reiner, s'agissant des obstacles actuels à l'implantation du groupe en Iran ;
sur les moyens d'assurer en France la croissance et l'emploi et sur la récente modification de la taxe sur les véhicules de société (TVS), à savoir sa modulation en fonction des émissions de gaz carbonique.
En réponse, M. Carlos Ghosn a indiqué que :
- le capital du groupe devait rester ouvert. La sortie de l'Etat, qui détient 15 %, de celui-ci ne mettrait pas aujourd'hui l'entreprise en péril, même si le rôle des pouvoirs publics dans son développement avait été bénéfique dans le passé. Ses performances et la qualité de son management constituaient pour le groupe la meilleure façon de préserver son indépendance et de se prémunir contre d'éventuelles tentatives extérieures de prises de contrôle ;
- les véhicules à pile à combustible ne seraient pas rentables avant 2015, le développement du recours à l'hydrogène, déjà plus ou moins techniquement maîtrisé, ne pourrait être possible qui si son coût baissait de 90 % et si la question de l'alimentation en hydrogène était réglée ;
- la société SNR, pour rester compétitive, envisageait un partenariat avec l'entreprise japonaise NTN (New Technology Network), fournisseur de Nissan, préservant sa contribution à l'activité économique de la Haute-Savoie. Il s'agissait donc d'un mariage entre fournisseurs de l'Alliance ;
- l'avenir de l'activité poids lourd du groupe dépendait du partenariat avec Volvo, dont Renault, comme actionnaire, respectait la culture et le management, conformément à la pratique qui avait contribué au succès de l'alliance avec Nissan ;
- Renault se donnerait les moyens de sa politique par une réduction du coût de ses investissements, aujourd'hui deux fois plus élevé que celui de Honda, et par une augmentation de ceux liés à l'enrichissement de la gamme ;
- le fait que Renault réalise 50 % de son bénéfice en France était un facteur de vulnérabilité, ce qui impliquait d'augmenter la profitabilité du groupe à l'étranger. Il ne s'agissait donc pas de substituer aux sites français des sites étrangers, mais d'éviter de dépendre d'un seul pays.
a donc estimé que l'entreprise avait intérêt à préserver sa profitabilité sur le marché français, en évitant des erreurs telles que celles ayant accompagné la conception et le lancement du modèle Modus, tout en améliorant ses résultats à l'étranger.
Il a indiqué que le projet d'implantation du groupe en Iran suivait son cours aussi bien que possible compte tenu de la situation actuelle de ce pays et que le succès, inattendu et ne résultant pas d'une stratégie délibérée, de la Logan en Europe de l'Ouest constituait une opportunité à exploiter.
En réponse à la question de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, sur la TVS, il a regretté que les constructeurs français n'aient pas été consultés ou même informés, et a observé que les constructeurs nationaux étaient davantage respectés et écoutés par les pouvoirs publics au Japon où ils détiennent plus de 90 % des parts de marché, qu'en France.
Répondant enfin à une dernière question de M. Gérard Longuet, il a indiqué que c'était en Inde ou en Chine qu'il conseillerait à un jeune d'aller apprendre son métier, dans le contexte d'un marché de plus en plus globalisé. Il a, par ailleurs, estimé que le système français de distribution de véhicules automobiles, composé en majorité d'entreprises familiales très attentives aux souhaits de la clientèle, méritait d'être préservé même s'il fallait améliorer encore et homogénéiser la qualité de ses services.