Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).
Après avoir rappelé que la réforme des retraites sera vraisemblablement étudiée par le Parlement à l'automne prochain, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le financement du système de retraites intéresse la commission des finances au premier plan car il modifie profondément l'équilibre des finances publiques. Selon les données publiées par le Conseil d'orientation des retraites (COR) le 14 avril 2010, le système des retraites, dans son ensemble, devra faire face à un besoin de financement annuel compris entre 40 et 48 milliards d'euros en 2020 et entre 71 et 115 milliards d'euros en 2050.
La réforme du système de retraite doit être replacée dans la problématique plus large du financement de la protection sociale et des différentes politiques publiques menées par l'Etat. Face aux déficits de la branche maladie et au défi de la prise en charge de la dépendance, définir la part des ressources nationales à consacrer au financement des retraites, et plus largement aux dépenses liées au vieillissement, représente un enjeu important. La portée d'une réforme purement « paramétrique » du système de retraite (modification de l'âge de départ à la retraite, de la durée de cotisation, du montant de cotisation ou du niveau de pensions) doit être appréciée au vu de l'ampleur des besoins de financement de la branche vieillesse. Si la résorption totale des besoins de financement est recherchée, la réforme devra nécessairement conduire à s'interroger sur une réforme globale du mode de financement de la protection sociale. Se pose également la question du rôle du Fonds de réserve des retraites (FRR). Le FRR ne sera en effet vraisemblablement pas en mesure d'accomplir la tâche pour laquelle il a été créé, à savoir dégager des réserves financières suffisantes jusqu'en 2020 pour lisser jusqu'en 2040 l'évolution des taux de cotisation aux régimes éligibles au fonds. L'idée d'une utilisation anticipée du fonds a été avancée.
a tout d'abord rappelé l'importance du choc démographique que représente le départ à la retraite des générations du baby-boom d'après guerre. Actuellement, les départs annuels à la retraite s'élèvent à plus de 700.000 par an contre 400.000 il y a quelques années. Ce choc durable se traduira dans la dégradation du ratio actifs/retraités estimé à 1,21 actif pour un retraité en 2050 contre 1,82 en 2006. Cette situation a été aggravée par la crise financière qui a soustrait au régime général d'importantes recettes et, par conséquent, rend nécessaire la définition d'un nouveau schéma de financement sept ans plus tôt que prévu. S'agissant des différents scenarios adoptés par le Conseil d'orientation des retraites (COR) pour actualiser les besoins de financement du système, il convient de noter d'une part que la première hypothèse de travail, fondée notamment sur un taux de chômage à long terme de 4,5 %, est optimiste, et d'autre part que les prévisions à horizon 2050 ne sont pas fiables.
Elle a également rappelé les principaux apports des réformes précédentes, en observant que la réforme de 1993 a permis de contenir le déficit du système de retraite pendant dix ans en accroissant substantiellement les ressources par l'augmentation du taux de la contribution sociale généralisée (CSG), et en modifiant le niveau des pensions. En 2003, la durée de cotisation a été allongée de manière à accroître les ressources du système.
s'est demandé dans quelle mesure le succès du dispositif adopté en faveur des carrières longues n'a pas remis en cause les objectifs financiers de la réforme de 2003.
a reconnu que le coût de la mesure a été particulièrement élevé ces dernières années atteignant 2,4 milliards d'euros en 2008, ce chiffre devant néanmoins diminuer en 2010 pour s'établir à 1,6 milliard d'euros. Elle a estimé qu'il aurait été préférable de raisonner en termes de pénibilité et non de carrière longue.
Elle a attiré l'attention sur le déficit cumulé actuel du système de retraites qui requiert des solutions rapides et différentes de celles appelées à permettre la prise en charge du financement futur des pensions. Ce déficit appelle un élargissement du financement de la protection sociale, qui devrait, selon elle, être poursuivi en distinguant davantage les risques financés sur une base contributive et ceux financés sur le fondement de la solidarité nationale. Il convient d'une part, d'éviter d'asseoir exclusivement l'effort sur les salaires et d'autre part, de réfléchir à des bases nouvelles d'imposition comme par exemple une TVA sociale affectée.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui s'interrogeait sur les risques de délocalisation de l'activité en cas de prélèvement supplémentaire, Mme Danièle Karniewicz a précisé qu'il est impératif de trouver de nouvelles ressources car le niveau de pension des salariés du secteur privé ne peut pas être revu à la baisse. A cet égard, il serait opportun de définir un « bouclier retraites » afin de garantir à l'ensemble des actifs un revenu minimum et de restaurer un climat de confiance.
a remarqué que selon de nombreux observateurs, le niveau de vie des retraités français est un des plus élevés en Europe.
a indiqué que de nombreux pays européens ont pris des mesures défavorables aux retraités. Elle a souligné qu'agir sur ce paramètre dans le cadre de la future réforme représente un risque pour le pacte social français. Si le niveau de vie moyen des retraités français peut paraître satisfaisant d'un point de vue statistique, il convient de noter que celui-ci ne s'apprécie pas à l'aune des seules pensions versées par les régimes obligatoires, et qu'une moyenne masque d'importantes disparités. A cet égard, la question des petites retraites ne doit pas être éludée. Les taux de remplacement varient fortement en fonction du niveau de cotisation et du parcours professionnel. Un taux qui serait inférieur à 50 % ne serait pas acceptable.
a indiqué que les principes du minimum contributif ou des pensions de réversion peuvent inspirer différentes solutions. Toutefois, le coût du bouclier peut varier sensiblement en fonction du seuil retenu, ce qui nécessite des simulations qui pourraient être demandées par le Parlement.
s'est interrogé sur les possibilités de calculer un salaire de référence. Mme Danièle Karniewicz a estimé que si cet exercice est relativement aisé pour les salariés du secteur privé, il est plus compliqué pour les fonctionnaires. Elle a insisté sur la nécessité de dégager un consensus sur l'organisme payeur et de mutualiser les règles de fonctionnement du « bouclier retraites » entre l'ensemble des régimes. Elle a également jugé essentiel que cette réforme puisse redonner confiance aux jeunes actifs, ce qui nécessite une transparence totale sur l'ensemble des modifications engagées.
En réponse à M. Jean-Jacques Jégou qui s'interrogeait sur le calendrier de la réforme, elle a indiqué qu'il est indispensable de prendre des décisions dès cette année car les changements structurels ne produisent leurs effets que de manière progressive.
Réagissant à la remarque de M. Jean Arthuis, président, concernant le traitement de la pénibilité du travail dans le cadre de la réforme, elle a observé qu'a priori la problématique de la pénibilité est liée à celle des conditions de travail. Sa prise en compte financière ne peut être fondée que sur la solidarité nationale. Une réflexion pourrait être engagée sur le périmètre de l'allocation pour adulte handicapé.
Après avoir fait remarquer que l'urgence financière actuelle résulte en partie de la crise économique et financière, Mme Nicole Bricq s'est interrogé sur un possible amalgame entre la nécessité de traiter le déficit actuel et l'obligation de garantir le financement futur du système de retraite.
a confirmé que le déficit actuel du régime général nécessite de nouvelles ressources, et qu'à cet égard un impôt de consommation pourrait être envisagé car cet catégorie de prélèvement repose sur une assiette large et est d'un rendement élevé.
a jugé alarmants les chiffres présentés par le COR et s'est étonné de cette situation alors même que la France possède un des meilleurs taux de fécondité d'Europe. Il s'est interrogé sur l'opportunité de modifier la durée de cotisation et a souhaité avoir des précisions sur l'âge de départ des femmes à la retraite.
Après avoir confirmé que l'âge de départ à la retraite des femmes est en moyenne plus élevé que celui des hommes, Mme Danièle Karniewicz a expliqué que modifier le nombre d'annuités n'est pas opportun : d'une part, ce n'est pas rentable à court terme car les générations actuelles qui partent à la retraite ont validé de longues durées de cotisation ; d'autre part, cela pénalisera les jeunes actifs qui entrent de plus en plus tardivement sur le marché du travail. Les générations nées après 1974 connaissent en moyenne un déficit de cotisation de sept trimestres avant l'âge de 30 ans par rapport à leurs aînés. Elle a en revanche insisté sur la nécessité de mieux prendre en compte les parcours professionnels des actifs et de comptabiliser notamment les périodes de stages.
Après avoir demandé quelles sont les principales évolutions des systèmes étrangers, M. Gérard Longuet s'est interrogé sur les limites du système de retraite par répartition et a regretté que la durée des études ne soit pas prise en compte alors même qu'elle permet un accès à des emplois mieux rémunérés assortis de cotisations sociales plus élevées.
a souligné que le système de retraite par répartition n'a pas vocation à gommer les inégalités issues de parcours professionnels différents. A ce titre, les écarts de salaire en entreprises, notamment entre hommes et femmes, ne relèvent pas de la problématique des retraites. S'agissant des réformes opérées à l'étranger, elle a mis en garde contre le faux attrait de l'épargne retraite qui ne peut être qu'un complément du système de retraite mais non son fondement. Elle a souligné que certains pays comme l'Allemagne ont davantage de capacités à se projeter dans l'avenir et à adopter des mesures préservant l'apparition d'un déficit. L'Allemagne a ainsi décidé de repousser l'âge de départ à la retraite de 65 ans à 67 ans. Elle a enfin expliqué que si l'exemple de la Suède est souvent cité compte tenu de la réforme systémique réalisée avec l'adoption d'un régime par comptes notionnels, il n'est pas possible d'envisager une telle évolution du système français car elle demande du temps et des réserves financières. A titre d'exemple, la réforme de 1993 commence à peine à produire ses effets, dix-sept ans plus tard.
En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui s'interrogeait sur le rôle du fonds de réserve des retraites, elle a confirmé que le FRR ne pourra pas remplir la mission pour laquelle il a été créé, ce qui rend indispensable une réforme permettant de pallier cet état de fait. Une utilisation anticipée du fonds peut être envisagée ; toutefois il convient au préalable de prendre les mesures qui permettront un financement pérenne du système de retraites. L'utilisation du FRR ne peut pas être assimilée à une dispense de réforme.
S'agissant des exonérations de charges sociales qui sont en partie compensée par l'Etat, il convient d'être particulièrement prudent car une remise en cause de cette politique pourrait avoir un impact négatif sur la situation de l'emploi. Néanmoins, les allègements généraux créent un problème de financement de la protection sociale et favorisent un écrasement des grilles salariales ainsi que la création de « trappe à bas salaire ».
a estimé qu'il convient de cibler davantage les exonérations de charges sur les bas salaires.
a souligné la nécessité de privilégier la transparence et la lisibilité dans la conduite de la réforme des retraites.
a insisté sur la nécessité d'adopter non seulement des mesures en faveur du financement futur du système de retraites, mais aussi des dispositions de nature à traiter le déficit cumulé du régime général et du FSV qui, à la fin 2009, était estimé aux alentours de 28 milliards d'euros.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance et MM. Yves Chevalier et Antoine de Salins, membres du directoire du Fonds de réserve pour les retraites (FRR).
Avant d'aborder la problématique du « Rendez-vous 2010 » sur les retraites et le rôle du FRR, M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites, a présenté la stratégie d'investissement du Fonds mise en oeuvre depuis juin 2004. Il a rappelé que les trois premières années de gestion ont permis d'enregistrer des résultats positifs avant que les crises financière de 2007 puis économique de 2008 ne provoquent une chute de la valeur des actifs. Le rebond de 2009 a cependant permis au FRR d'absorber une partie de l'impact des crises. Le montant des actifs s'établit aujourd'hui à 34,5 milliards d'euros (30,3 milliards d'abondements et 4,2 milliards de valeur créée). Nonobstant les fortes fluctuations enregistrées par les actifs du Fonds, il a insisté sur la performance réalisée qui fait apparaître un taux annualisé de création de valeur de 3,1 % au 31 mars 2010, net de tous frais de gestion et financiers.
Dès l'origine, le FRR a défini une stratégie de placement à long terme dans la mesure où aucun décaissement ne devrait intervenir avant 2020. En dépit du contexte actuel de crise très dure, il a été décidé de maintenir le même cap, tout en procédant, en raison de la chute des marchés en actions, à des ajustements à la baisse des actifs fondés sur la performance. Ainsi, la répartition du portefeuille a évolué, entre 2006 et 2009, avec une réduction de 60 % à 45 % de la part des titres en actions, une augmentation de 30 % à 45 % de la part des placements obligataires et le maintien de 10 % d'actifs de diversification (dont 5 % dans l'immobilier et 5 % en matières premières).
Les résultats ainsi obtenus confortent la politique d'investissement du Fonds qui vise à optimiser le rendement des investissements tout en permettant la préservation entre 2020 et 2040 de la valeur réelle des abondements reçus depuis la création du Fonds. Il s'agira, dans une optique de clarification du passif, de rendre possibles des décaissements linéaires permettant, a minima, de restituer l'ensemble des abondements perçus augmentés de l'inflation. Dans ce cadre, le portefeuille de référence est piloté en respectant une répartition des titres acquis prévoyant environ 55 % d'actifs de performance et 45 % d'actifs de « taux ». Le conseil de surveillance définit des bandes de fluctuations autour de ces chiffres, l'allocation effective étant arrêtée par le directoire après avis du comité stratégique d'investissement du conseil. La mise en oeuvre de la politique d'investissement repose sur plusieurs principes :
- une diversification dans la répartition sectorielle des actions ainsi que dans leur répartition géographique avec toutefois une surpondération des placements en France et dans la zone euro. A cet égard, M. Raoul Briet a précisé, en réponse à M. Jean Arthuis, président, que les actifs exposés du fait de la crise sont de l'ordre de 800 à 900 millions d'euros, dont 200 millions d'euros d'encours « subprime », 300 millions d'euros en actions sur le marché grecque, ainsi que des investissements au Portugal et en Espagne ;
- le recours à des mandats de gestion externes, au nombre d'une quarantaine, portant sur des objectifs précis ;
- une gestion à faible coût qui représente 20 points de base à rapporter aux 34,6 milliards d'euros d'actifs du Fonds.
Abordant la mission du FRR dans le contexte de la réforme des retraites, M. Raoul Briet a souligné que l'aggravation sensible des besoins de financement de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) d'ici 2020, telle que décrite dans les nouvelles projections du Conseil d'orientation des retraites, résulte essentiellement de la révision des hypothèses économiques établies en 2003. Celles-ci se sont révélées d'emblée trop optimistes puis ont été démenties dans les faits par la crise. Il en résulte un tarissement du financement du Fonds dans la mesure où celui-ci devait bénéficier des excédents du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), eux-mêmes chiffrés sur la base d'une hypothèse de réduction du taux de chômage à 4,5 % dès 2005. Outre les aléas économiques et l'excès d'optimisme des prévisions, il a souligné que l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du « Babyboom » produit un choc démographique qui explique, pour une large part, l'aggravation de 1,5 à 2 milliards d'euros par an des besoins de financement de la CNAV entre 2020 et 2040, quels que soient les scénarios.
a annoncé qu'à l'horizon 2020, les actifs du FRR devraient s'établir à 87 milliards d'euros courants sur la base d'une hypothèse de rendement du portefeuille de 6,3 %. Il a estimé que le Fonds reste dans une perspective à long terme un élément de réponse appréciable et un outil pertinent pour couvrir une partie significative du besoin de financement additionnel, même s'il ne doit pas être considéré comme une solution au problème global de financement des retraites. A cet égard, il a appelé à un débat sur la place du Fonds dans la réforme des retraites.
En effet, le FRR doit contribuer à financer les retraites futures à compter de 2020 pour les seuls régimes relevant du secteur privé (CNAV et régime social des indépendants). Sur ce point, il a souligné que l'élargissement à d'autres régimes du bénéfice des ressources du Fonds n'est pas prévu dans l'état actuel du droit. Par ailleurs, si le « Rendez-vous 2010 » fixe des objectifs dont les effets s'appliqueront au-delà de 2020, il conviendra de définir le rôle précis assigné au FRR et sa participation au financement des retraites. Dans cette éventualité, M. Raoul Briet a insisté sur le fait que si le FRR est un levier utile pour accompagner et compléter temporairement le financement des retraites, il ne peut à lui seul dispenser les pouvoirs publics d'une réforme structurelle. C'est pourquoi, il a estimé que pour conserver au FRR toute sa pertinence politique et financière, son utilisation doit être lisible et prévisible à long terme afin d'adapter en conséquence sa politique de placement financier. Il apparaît nécessaire de déterminer de manière précise et ferme le calendrier des décaissements qui seront demandés au FRR à compter de 2020.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Raoul Briet a précisé que les règles d'utilisation des fonds conditionnent l'efficacité du FRR dans la mesure où celui-ci a été conçu comme un instrument transitoire et non permanent, son existence n'étant prévue que jusqu'à épuisement des actifs.
En réponse à Mme Nicole Bricq qui s'est interrogée, d'une part, sur la légitimité d'un éventuel report, de 2020 à 2030, du terme du mandat de gestion confié au FRR, d'autre part, sur la tentation formulée par certains parlementaires de la majorité d'utiliser les fonds avant l'échéance de 2020, M. Raoul Briet a tout d'abord indiqué que toute modification de la date de décaissement des fonds prévue à partir de 2020 doit faire l'objet d'une intervention du législateur. Ensuite, il a considéré qu'une utilisation précipitée et opportuniste des fonds présenterait un risque d'épuisement du portefeuille sur une faible période, ce qui serait contreproductif eu égard à la mission de « lissage » à long terme du financement des retraites confiée au FRR.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui s'est interrogé sur la prise en compte des actifs du FRR dans le déficit maastrichtien, M. Raoul Briet a indiqué que le résultat comptable annuel du Fonds n'impacte pas en diminution la dette publique française et qu'en tout état de cause la comptabilisation au titre du déficit public ou maastrichtien des abondements versés au FRR ne serait pas pertinente.
a confirmé que tout débat sur l'utilisation du Fonds avant 2020 nécessite une loi et mis en garde contre la tentation d'utiliser les ressources du FRR pour apurer dès à présent les quelque 30 milliards d'euros de dettes non reprises par la CADES (à fin 2009), qui pourrait conduire le Gouvernement et les partenaires sociaux à s'exonérer de réformes structurelles.
a considéré que le schéma d'utilisation du FRR doit être clarifié dans la mesure où ses actifs n'ont pas vocation à financer des dettes passées qui concernent en outre également les autres branches, maladie et famille, et qui excèderaient largement ses moyens. Il a rappelé que toute utilisation anticipée du Fonds entrerait en contradiction avec l'objectif de consolidation à long terme du financement des retraites.
s'est interrogé sur le risque que fait peser le marché sur la performance du Fonds et a relevé que son utilité se limite aux seules périodes où ses placements produisent un rendement supérieur au coût de l'emprunt, dans la mesure où son abondement annuel n'est permis qu'au prix d'un accroissement du déficit de l'Etat.
a admis que la stratégie de gestion des actifs du FRR doit produire un rendement supérieur au coût de la ressource publique pour qu'il soit considéré comme un outil légitime et efficace. C'est pourquoi, avec l'accord des partenaires sociaux, le Fonds complète ses placements en taux par des investissements en actions. Cette stratégie doit permettre d'atteindre un taux de performance de 6,3 % à l'horizon 2020, à condition que les crises ne se succèdent pas d'ici là.
a expliqué que le placement en actions à long terme présente une espérance de rendement supérieur aux valeurs obligataires dans la mesure où l'investisseur bénéficie d'une prime de risque. Dans la mesure où le FRR n'a pas de contrainte de liquidité avant 2020, la stratégie du Fonds demeure pertinente tant que les marchés en actions ne perdent pas 100 à 200 points de base tous les cinq ans.
En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui s'est inquiété de l'impact de la crise de la dette souveraine de certains Etats tels que la Grèce et, tout récemment, l'Espagne sur la capacité d'adaptation de la stratégie du Fonds, M. Antoine de Salins a précisé que trois milliards d'encours en actions et obligations, soit 10 % du portefeuille du FRR, concernent les pays membres du « Club méditerranée » (Grèce, Italie, Espagne et Portugal), mais aussi la Grande-Bretagne et l'Irlande.
Sans remettre en cause la politique d'investissement du Fonds, M. Jean Arthuis, président, s'est demandé s'il ne serait pas pertinent de renforcer les investissements en France, qui ne représentent que 20 % du portefeuille en actions du FRR, afin d'orienter la ressource vers le financement de l'économie nationale.
a rappelé que la logique patrimoniale du Fonds nécessite une diversification des actifs, y compris sur le plan géographique, et précisé que la part relative des sommes investies sur des valeurs françaises est en tout état de cause surpondérée car elles représentent 12 % du portefeuille global du FRR au lieu de 4 % si aucune priorité en faveur des titres français n'avait été retenue.
En réponse à M. Philippe Dallier qui s'est inquiété de la crise de confiance des français dans la pérennité du régime de retraite que ne manquerait pas de susciter un retournement des marchés à la veille des décaissements prévus à partir de 2020, M. Raoul Briet a admis qu'il est politiquement difficile de justifier qu'un aléa économique pèse sur le financement des retraites mais a toutefois indiqué que la structure du Fonds sera de moins en moins exposée aux risques à mesure que l'échéance se rapprochera.
La commission a enfin procédé à l'audition de M. Benoît Coeuré, directeur général adjoint, économiste en chef, et de M. Nicolas Carnot, sous-directeur des politiques sociales et de l'emploi, à la direction générale du Trésor (DGT) du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
a, tout d'abord, présenté le cadrage macroéconomique retenu par le Conseil d'orientation des retraites (COR) pour l'actualisation de ses projections sur les besoins de financement des systèmes de retraite. Ce cadrage est un exercice indispensable - pour déterminer les prévisions de recettes des régimes de retraites à l'horizon 2030-2050 -, mais complexe compte tenu des incertitudes qui pèsent sur les prévisions de croissance à long terme dans le contexte de crise économique.
Les effets de la crise sur la croissance potentielle et la croissance réelle peuvent en effet transiter par trois canaux différents : le ralentissement des investissements, la modification de la productivité globale des facteurs de production et donc de la productivité du travail à long terme, et enfin l'augmentation du chômage structurel.
En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Benoît Coeuré a précisé que l'hypothèse de croissance potentielle retenue dans les projections du COR pour la période 2009-2013, soit 1,7 % par an, est également celle qui sous-tend le programme de stabilité 2010-2013 présenté par la France à la Commission européenne.
Les trois scenarios macroéconomiques envisagés par le COR combinent deux facteurs : d'une part, la productivité du travail à long terme et, d'autre part, le taux de chômage structurel.
S'agissant du premier facteur, deux hypothèses sont retenues : un taux annuel de progression de la productivité du travail à long terme de 1,8 % dans le meilleur des scenarios contre 1,5 % dans le scenario le plus défavorable. Ces projections sont à comparer à la dégradation tendancielle des gains de productivité constatée depuis le début des années 1980. En particulier, il est à noter que sur la période 2001-2007, soit avant la crise, l'augmentation de la productivité du travail a été de 1,5 % par an en moyenne, ce qui tend à montrer que même le taux le plus défavorable retenu par le COR est relativement optimiste compte tenu de la crise économique de 2008 et de son impact durable sur la croissance.
a précisé que ces hypothèses tiennent compte de la « tertiarisation » de l'économie française. En effet, le développement du secteur des services a pour conséquence le ralentissement de la progression tendancielle de la productivité du travail.
En ce qui concerne le second facteur, le COR retient également deux hypothèses : un taux de chômage de long terme de 4,5 % à l'horizon 2030-2050 dans le cadrage macroéconomique le plus favorable, contre 7 % dans le pire des scenarios.
En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Benoît Coeuré a relativisé le caractère optimiste de l'hypothèse de chômage la plus haute, indiquant que, dans ce scenario, est envisagée une stabilisation du chômage structurel à 7 % jusqu'en 2050 en dépit d'un retour de la croissance sur longue période.
Il a rappelé qu'un débat avait eu lieu au sein du COR sur les hypothèses macroéconomiques, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) souhaitant notamment retenir des taux de progression de la productivité du travail plus faibles.
Pour répondre à M. Jean-Jacques Jégou qui s'est interrogé sur le différentiel de productivité du travail dans le secteur industriel et le secteur tertiaire, M. Nicolas Carnot a indiqué qu'il y a cinq à dix ans, l'évolution tendancielle de la productivité du travail dans le secteur secondaire était compris entre 3 % et 3,5 % par an contre une fourchette comprise entre 0 % et 1 % dans le domaine des services. L'ordre de grandeur devrait être le même aujourd'hui.
Pour conclure le débat sur la désindustrialisation et l'impact de la crise économique sur l'outil industriel français, ouvert par M. Edmond Hervé, M. Aymeri de Montesquiou et M. Jean Arthuis, président, M. Benoît Coeuré a indiqué que plusieurs politiques publiques contribuent au maintien d'une industrie manufacturière en France, notamment le crédit d'impôt recherche et la réforme de la taxe professionnelle. Si, comme l'a souligné M. Jean Arthuis, président, le crédit d'impôt recherche peut faire l'objet d'abus qui doivent être corrigés, l'administration fiscale manque cependant aujourd'hui de recul sur le fonctionnement de ce dispositif.
Abordant la question du coût du vieillissement, M. Benoît Coeuré a indiqué que s'agissant des dépenses de retraite, leur dynamique s'explique par des flux de retraités plus nombreux - en raison de l'arrivée de la génération du baby boom à l'âge de la retraite -, ainsi que par l'allongement de l'espérance de vie. L'écart entre l'espérance de vie à soixante ans et l'âge moyen de liquidation des droits à la retraite est ainsi passé de 15 à 23 ans entre 1970 et 2008. L'augmentation du nombre de retraités et l'allongement de la durée de perception des retraites expliquent ainsi une croissance des pensions plus rapide que le produit intérieur brut (PIB).
En réponse à M. Yann Gaillard, il a précisé qu'il n'existe aucune corrélation entre l'évolution de l'espérance de vie, d'une part, et l'évolution de l'âge moyen de liquidation, d'autre part, qui dépend des paramètres pris en compte pour le calcul des droits à la retraite.
En ce qui concerne les dépenses de santé, elles sont également historiquement plus dynamiques que le PIB, même si l'écart de croissance annuelle entre, d'une part, la consommation de soins et, d'autre part, la richesse nationale s'est réduit depuis 1993 : alors qu'il était de 3 points en moyenne sur la période 1961-1993, il a été de 0,5 point en moyenne sur la période 1994-2008. Cette tendance s'explique par les différentes réformes mises en oeuvre dans le domaine de l'assurance maladie.
Il a enfin attiré l'attention sur le ratio de dépendance démographique, c'est-à-dire le rapport entre, d'une part, le nombre de personnes inactives âgées de moins de 20 ans et de plus de 60 ans et, d'autre part, le nombre de personnes actives âgées de 20 à 60 ans. A long terme, la hausse de ce ratio entraîne un « conflit de répartition » entre les actifs et les inactifs pour le partage des gains de productivité. Afin de faire face à ce défi, il convient de stimuler la croissance potentielle, à savoir augmenter les gains de productivité (grâce au progrès technique et aux réforme structurelles) et baisser le chômage structurel (en favorisant l'emploi des jeunes et des seniors). Il convient également de saisir les opportunités du vieillissement et notamment les gisements de croissance et d'emplois qu'il peut offrir dans certains secteurs (industrie médicale, services à la personne, tourisme). Ces emplois correspondront cependant moins à des créations nettes qu'à des transferts d'un secteur à un autre.
a indiqué, confirmant les propos de Mme Nicole Bricq, que le taux d'activité des femmes est une donnée importante à prendre en considération dans les moyens devant permettre d'accroître la croissance potentielle, même si le taux d'activité des femmes en France est déjà parmi les plus élevés.
Il a ensuite présenté les travaux du sous-groupe « Vieillissement » du Comité de politique économique qui comparent, au sein de l'Union européenne, les conséquences du vieillissement de la population sur les dépenses de retraites, de santé, de dépendance, de chômage et d'éducation. Ces travaux montrent que le vieillissement de la population devrait avoir un impact moins important en France que dans le reste de l'Union européenne : le vieillissement de la population devrait entraîner des besoins sociaux supplémentaires de l'ordre de 2,7 points de PIB entre 2007 et 2060 en France contre plus de 4,5 points de PIB en moyenne dans l'Union européenne. Cependant, cette donnée doit être analysée au regard de deux éléments :
- d'une part, le poids actuel des dépenses liées au vieillissement est plus élevé en France que dans le reste de l'Union européenne ;
- d'autre part, une part importante de ces dépenses n'est dès aujourd'hui pas financée. Les « pressions » à la hausse des dépenses liées au vieillissement viennent à la fois des retraites (+1 point de PIB), des dépenses de santé (+1,2 point de PIB) et de la dépendance (+0,8 point), sans que des gains massifs ne puissent être espérés de la diminution du chômage (-0,3 point).
Pour conclure sur le coût lié au vieillissement de la population, M. Benoît Coeuré a insisté sur la forte sensibilité du besoin de financement en la matière aux hypothèses macroéconomiques retenues. Une augmentation de 1,5 an de l'espérance de vie au delà de l'hypothèse retenue pour cette variable accroîtrait ainsi de 25 % le besoin de financement.
Sur la question du lien entre le vieillissement de la population et la soutenabilité des finances publiques, il a indiqué que deux problèmes se cumulent :
- d'une part, un problème de court terme qui provient de la situation actuelle des finances publiques de la France : le déficit structurel de 2009 est trop creusé pour envisager une stabilisation la dette ;
- d'autre part, un problème de long terme dû au dynamisme futur des dépenses liées au vieillissement de la population : les dépenses de retraites, de santé et de dépendance devraient progresser plus rapidement que les ressources d'ici à 2050.
Poursuivant son analyse, il a indiqué que la soutenabilité peut s'apprécier par l'estimation de l'ajustement structurel qu'un pays doit réaliser aujourd'hui de manière pérenne pour stabiliser sa trajectoire de dette à long terme compte tenu du dynamisme des dépenses liées au vieillissement. Cet ajustement correspond à l'indicateur « S2 » utilisé par la Commission européenne dans son évaluation de la soutenabilité des finances publiques des Etats-membres. Cet indicateur, encore appelé « écart de soutenabilité », correspond à la somme de deux termes : d'une part, la position budgétaire initiale qui correspond à l'écart du solde primaire structurel actuel à celui stabilisant la dette et, d'autre part, le coût de long terme du vieillissement qui correspond au coût actualisé des dépenses liées au vieillissement sur le long terme. Or l'ajustement structurel inscrit dans le programme de stabilité de la France ne suffit pas à restaurer entièrement la soutenabilité des finances publiques de la France à cause du coût de long terme du vieillissement. Pour y parvenir, la réforme des retraites devra avoir un impact équivalent à 1,6 point de PIB, ce qui n'est pas irréaliste au regard de l'effet de la réforme des retraites de 2003. Celle-ci a eu un impact équivalent à 1,5 point de PIB (1 point de PIB par effets directs et 0,5 point de PIB de façon indirecte par son effet sur la croissance potentielle).
En réponse à Mme Nicole Bricq, il a indiqué que le 2 juin prochain, la France transmettra à la Commission européenne les conclusions de la deuxième conférence sur les déficits publics qui se tiendra le 20 mai. En revanche, il sera trop tôt pour que la France communique des données sur la réforme des retraites. Dans le domaine de la sécurité sociale, la Commission européenne sera néanmoins très attentive aux mesures concrètes que la France entend mettre en oeuvre pour assurer le respect d'un objectif national des dépenses d'assurance maladie inférieur à 3 %.
s'est interrogé sur le fait qu'à aucun moment, au cours de la présentation qui venait d'être faite, n'a été abordée la question des recettes des régimes de retraites.
Un débat s'est enfin engagé sur le coût du dispositif dit « des longues carrières » introduit par la réforme des retraites de 2003.