Au cours d'une séance tenue dans la soirée, la commission a entendu la suite de la communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le dispositif de suppression de la taxe professionnelle (préfiguration de l'amendement de seconde partie du projet de loi de finances pour 2010).
a rappelé les positions déjà adoptées par la commission des finances, devant permettre de résoudre la contradiction entre les effets du barème de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et les disparités territoriales dans la répartition des bases de cette cotisation :
- la mise en place d'un régime territorialisé, dit « micro », de répartition de la CVAE pour les communes et intercommunalités. Cette répartition prendrait en compte, pour chaque territoire, l'ensemble des bases de valeur ajoutée des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros, auxquelles serait appliqué un taux moyen national de CVAE ;
- la création d'un régime de répartition péréquateur, dit « macro », pour les départements et les régions.
Plusieurs difficultés sont toutefois apparues dans l'application de ces propositions :
- d'une part, les communes et intercommunalités où le taux de CVAE résultant du barème serait supérieur au taux moyen national seraient perdantes dans l'application du dispositif de répartition « micro » ;
- d'autre part, ce dispositif « micro » de répartition ne serait pas nécessairement péréquateur, certaines des communes et intercommunalités les moins prospères - par exemple, dans les départements les plus industriels ou les communes rurales n'ayant qu'une usine importante sur leur territoire - pourraient également se révéler perdantes.
a alors proposé un nouveau dispositif, présentant les caractéristiques suivantes :
- le principe d'une base de valeur ajoutée territorialisée avec un seuil de 152 500 euros serait maintenu ;
- cette base se verrait appliquer un taux uniforme d'imposition de 1,5 % ;
- les entreprises continueraient toutefois à acquitter la cotisation selon les modalités résultant du barème d'imposition voté en première partie de la loi de finances ;
- la différence entre l'application d'un taux uniforme de 1,5 % et les cotisations des entreprises ferait l'objet d'un dégrèvement à la charge de l'Etat ;
- enfin, le principe de la cotisation minimale de 250 euros serait maintenu.
Certes, l'Etat demeurerait contributeur fiscal local mais ce dispositif serait neutre budgétairement à court terme, le coût du dégrèvement, évalué à 4,1 milliards d'euros en 2011, s'imputant intégralement sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle que l'Etat aurait dû verser aux collectivités territoriales. Du point de vue des collectivités territoriales, la part relative du produit fiscal serait donc plus importante à l'issue de la réforme.
Les avantages du dispositif proposé sont nombreux : l'application d'un taux uniforme aux entreprises permettrait de remédier aux effets résultant des disparités en termes de structure économique des territoires, les entreprises ne verraient pas leur imposition augmenter, l'Etat assumerait l'entière responsabilité de l'allègement de la fiscalité des entreprise et, enfin, les collectivités territoriales se verraient affecter une plus grande part de produit fiscal, ce qui améliorerait la réforme au regard du respect du principe constitutionnel d'autonomie financière.
Par rapport à une dotation de compensation indexée sur l'inflation, le dégrèvement n'entraînerait pour l'Etat qu'un faible coût budgétaire, égal au taux de progression du produit intérieur brut en volume. Ce coût doit être relativisé eu égard aux gains fiscaux réalisés par l'Etat en période de croissance économique. Par ailleurs, il sera toujours possible de modifier le barème de la cotisation.
a estimé que ce dispositif permet de « sortir par le haut » du débat sur la répartition des ressources fiscales entre collectivités territoriales. En effet, toutes les collectivités se verraient attribuer un produit supplémentaire de CVAE résultant du dégrèvement. Les départements pourraient ainsi transférer plus facilement une part de CVAE au « bloc communal ».
Le « bloc communal » bénéficierait, en application de ce dispositif, d'un remboursement de dégrèvement de CVAE supérieur au montant de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, ce qui nécessitera le transfert à l'Etat de ressources fiscales à hauteur de 580 millions d'euros. Les départements et les régions, quant à eux, verraient le dégrèvement s'imputer intégralement sur la dotation de compensation qui leur serait versée.
La commission des finances avait validé une hausse de l'attribution de CVAE au « bloc communal », pour la porter à une fraction comprise entre 27 % et 30 % du produit total. Etant donnée l'augmentation du produit global de la CVAE permise par le dispositif du dégrèvement, une hausse réduite à 26,5 % de cette fraction pourrait être envisagée ainsi que, parallèlement, le transfert, du « bloc communal » aux départements, d'une part, de la fraction régionale de la taxe foncière sur les propriétés bâties restant affectée au niveau communal dans le texte transmis au Sénat et, d'autre part, de la moitié du produit de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau pour sa part « énergie », soit un transfert total de l'ordre du milliard d'euros.
a souligné les mérites du dispositif proposé. Celui-ci présente l'avantage de la simplicité en s'affranchissant d'un barème et de modalités de répartition du produit de la CVAE complexes. Le coût du dégrèvement serait limité pour l'Etat. Enfin, le produit de la CVAE serait reversé, pour 25 % aux régions, pour 26,5 % au « bloc communal » et pour 48,5 % aux départements, sans qu'un transfert de taxe d'habitation aux départements soit nécessaire.
après avoir félicité le rapporteur général pour l'ingéniosité du dispositif proposé, s'est interrogé sur le risque que l'Etat ne soit tenté de réduire le taux d'imposition à la CVAE pour compenser les effets du dégrèvement.
a souhaité que soient rappelées les modalités d'imposition des artisans à la cotisation foncière des entreprises (CFE), votées en première partie du projet de loi de finances.
a précisé que les artisans ne sont pas exonérés de CFE mais seulement de CVAE. L'amendement voté en première partie a eu pour objectif de traiter de manière identique les artisans indépendants et ceux exerçant sous le régime de société. Seules les modalités d'application de la CFE aux professions libérales soumises au régime des bénéfices non commerciaux sont particulières puisque, pour celles qui emploient moins de cinq salariés, l'assiette d'imposition à la CFE est égale à 5,5 % de leurs recettes fiscales.
a rappelé que le Sénat a souhaité que les artisans soient assujettis à la CFE mais qu'ils bénéficient d'une réduction de leurs bases d'imposition, selon les mêmes modalités que pour leur imposition actuelle à la taxe professionnelle.
a relevé l'intérêt potentiel du dispositif proposé. Il a cependant souhaité que de nouvelles simulations soient communiquées aux membres de la commission. Il a regretté la précipitation dans laquelle est conduite la réforme de la taxe professionnelle. En effet, le temps réduit dont disposent les parlementaires ne permet pas d'examiner l'ensemble des hypothèses envisageables. Enfin, il a estimé que, en dépit de leurs imperfections, les dégrèvements sont préférables à de simples dotations de l'Etat dans la mesure où ils sont dynamiques.
Réagissant aux propos de M. Jean-Claude Frécon, M. Jean Arthuis, président, a déclaré que l'organisation de réunions régulières a toutefois permis d'affiner progressivement la réflexion commune des membres de la commission.
Après avoir observé qu'un travail réalisé sous une contrainte de temps conduit à de meilleurs résultats, M. Gérard Longuet a formulé trois observations générales :
- le fait d'asseoir les recettes fiscales locales sur la valeur ajoutée constitue un progrès, dans la mesure où cette assiette est répartie sur l'ensemble du territoire et où son dynamisme résulte de l'activité économique ;
- le choix d'un taux non modulable pour la CVAE a, sur le plan des principes, le mérite d'apporter aux entreprises une sécurité appréciable ;
- dans le cas où la politique économique du Gouvernement conduirait à favoriser tel ou tel secteur d'activité, les ressources des collectivités territoriales ne seraient pas affectées.
Enfin, M. Gérard Longuet s'est interrogé sur les conséquences éventuelles du dispositif proposé sur le budget de l'Etat.
a indiqué que l'accroissement de l'assiette de l'impôt, c'est-à-dire de la valeur ajoutée des entreprises redevables, conduira mécaniquement à augmenter le montant des dégrèvements payés par l'Etat aux collectivités territoriales.
a estimé que le franchissement par certaines entreprises des seuils prévus par le barème d'imposition voté en première partie de la loi de finances pourrait nuancer ce processus, puisqu'elles deviendraient directement contributrices. Le surplus de recettes issu du dépassement par les entreprises du seuil de 500 000 euros de chiffre d'affaires devrait équilibrer le coût, pour le budget de l'Etat, de la dynamique globale de l'assiette. Il a toutefois souligné qu'une évaluation plus précise de ce double effet est nécessaire.
a rappelé que le « bloc communal » devrait bénéficier selon le nouveau dispositif envisagé d'un dégrèvement de CVAE d'environ 830 millions d'euros, en remplacement de la compensation proposée initialement par le Gouvernement, soit un montant de 580 millions d'euros de recettes supplémentaires. Alors que cette compensation pourrait se voir indexée sur l'inflation, les dégrèvements tendront, pour leur part, à évoluer au rythme de la croissance du PIB. La question de l'écart de taux entre la valeur ajoutée et l'évolution des prix est un enjeu qui n'est pas vraiment significatif : ainsi, une croissance de 2 % en volume produirait pour l'Etat un surcoût de l'ordre de 80 millions d'euros.
a observé que le risque budgétaire est ainsi minime, surtout au regard du montant total de l'effort financier de l'Etat envers les collectivités territoriales, qui représente 97,5 milliards d'euros en 2010 à périmètre constant (hors réforme de la taxe professionnelle). En outre, dans le cas où l'Etat souhaiterait récupérer le surcoût qui resterait à sa charge au terme du système de dégrèvements proposé, il dispose de nombreux instruments pour y parvenir. Au total, les conséquences éventuelles du dispositif proposé sur le budget de l'Etat apparaissent donc supportables.
a souligné que le développement d'entreprises de taille intermédiaire, restant sous le seuil d'imposition de 500 000 euros, aura également un impact sur le budget de l'Etat puisqu'il augmentera le montant des dégrèvements à sa charge.
a cependant précisé que rien n'empêchera l'Etat de réviser le barème d'imposition s'il le juge utile.
a indiqué que le produit attendu de la nouvelle CFE, soit 5,5 milliards d'euros, sera réduit par le régime spécifique d'abattement au profit du foncier industriel institué, à l'initiative de la commission, en première partie. Le Sénat ayant porté celui-ci de 15 % à 35 %, la réduction des recettes fiscales du « bloc communal » pourrait être sensible.
et M. Philippe Marini, rapporteur général, ont évalué cet impact à 200 millions d'euros environ, qui feront l'objet d'une compensation.
a fait valoir que le futur plafonnement de l'imposition des entreprises à 3 % de la valeur ajoutée aura à moyen terme des conséquences importantes sur le produit fiscal dégagé. Enfin, il a souhaité que le tableau de répartition du fonds de garantie soit actualisé en fonction des nouvelles hypothèses de travail de la commission.
a rapproché le futur plafonnement à 3 % de la CVAE et de la CFE de l'actuel plafonnement à la valeur ajoutée de la taxe professionnelle à 3,5 %. Elle a souhaité savoir si le futur plafonnement sera lui aussi partiellement pris en charge par les collectivités territoriales, sous la forme d'un ticket modérateur.
a rappelé que la commission a déjà envisagé la suppression du ticket modérateur lors de sa précédente réunion.
a précisé que le futur plafonnement à 3 % sera intégralement compensé par l'Etat sous la forme de dégrèvements pris en charge au profit des collectivités territoriales.
s'est interrogé sur les conséquences de l'évolution de l'imposition des centrales nucléaires sur les ressources perçues par les collectivités territoriales. Il a souhaité, en particulier, en connaître les conséquences pour les communes dites « concernées » au titre des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP).
a observé que le produit de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) serait lui aussi partagé entre les collectivités territoriales, mais à un niveau national.
a jugé nécessaire d'approfondir ce point et d'évaluer les futurs retours résultant de l'IFER.
a déclaré que le montant du fonds de garantie, fixé à 4 milliards d'euros, baisserait progressivement en cas d'adoption du dispositif proposé par le rapporteur général. Il a ensuite estimé qu'une telle évolution conduirait à réduire d'autant la péréquation que ce fonds devait assurer entre les collectivités territoriales selon le premier projet présenté par le Gouvernement. Il s'est donc interrogé sur les nouveaux mécanismes de redistribution qui pourraient être envisagés.
a contesté le rôle péréquateur du fonds de garantie, dans la mesure où celui-ci vise surtout à compenser les pertes de ressources des collectivités territoriales induites par la suppression de la taxe professionnelle. Il a ensuite insisté sur l'apport important du Parlement à cette réforme s'agissant du lien entre les territoires et les recettes fiscales, en faisant valoir que cette territorialisation accentuée doit s'accompagner d'une actualisation des politiques de péréquation.
a relevé l'existence de quatre projets successifs de réforme : celui du Gouvernement, celui de l'Assemblée nationale, la première version du projet de la commission et, enfin, sa seconde version proposée par le rapporteur général. Il a souhaité que les membres de la commission puissent disposer rapidement de simulations sur les conséquences de la mise en oeuvre de ce dernier dispositif. Enfin, il a jugé nécessaire d'inscrire dans la deuxième partie de la loi de finances une clause de rendez-vous en 2010 sur la question de la réforme de la péréquation.
a invité les membres de la commission à s'en tenir, pour le moment, à l'objet du texte en discussion : la suppression de la taxe professionnelle en vue d'alléger la fiscalité des entreprises tout en veillant au meilleur ajustement possible du niveau des compensations aux collectivités territoriales. Les autres débats concernant la réforme des collectivités doivent avoir lieu ultérieurement.
a toutefois estimé indispensable de débattre de l'avenir du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France (FSRIF), dont une partie des ressources est assise sur les bases de taxe professionnelle.
a souhaité que la question du FSRIF soit prise en compte dans la réflexion de la commission.
a rappelé que la réforme repose sur la garantie d'une compensation des bases fiscales des collectivités territoriales de 2009. Il s'est inquiété du risque de remise en cause de cette logique en cas de débat simultané sur la péréquation. Il a cependant indiqué que le fonds de compensation pourrait se voir attribuer un rôle péréquateur après 2014.
a jugé nécessaire d'ouvrir le débat sur la réforme de la péréquation avant 2014.
a privilégié une refondation de la péréquation par la réforme des dotations plutôt que par l'adoption d'une redistribution complexe appuyée sur la fiscalité et la variation des compensations. Il a, en outre, proposé d'intégrer le FSRIF actuel à la dotation de solidarité urbaine (DSU).
a souligné à son tour les mérites du dispositif proposé par le rapporteur général, en insistant sur le lien satisfaisant entre les territoires et l'imposition. Il a déploré cependant l'utilisation massive de dégrèvements qui continueront à faire de l'Etat le premier contribuable local. En outre, il s'est interrogé sur la ventilation du futur produit de l'IFER s'agissant notamment des centrales nucléaires, dont la présence est très inégalement répartie sur le territoire.
a insisté sur sa proposition d'attribuer la moitié des recettes issues de l'IFER aux départements ce qui réduirait son produit pour les communes concernées.
s'est interrogée sur l'impact du dispositif envisagé par le rapporteur général sur la fiscalité des entreprises.
a relevé la neutralité absolue de ce dispositif pour ce qui concerne le niveau d'imposition des entreprises.