Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Réunion du 26 novembre 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • redevance
  • télévision

La réunion

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Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de l'intersyndicale de France Télévisions sur le projet de loi organique n° 1208 rectifié (AN) relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et sur le projet de loi n° 1209 (AN) relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Debut de section - Permalien
Marc Chauvelot, secrétaire général du Syndicat national des régions de télévision-Confédération générale du travail (SNRT-CGT) France 3

a tout d'abord rappelé la forte mobilisation des personnels de l'audiovisuel public les 13 février, 18 juin et 25 novembre derniers, qui témoigne des craintes que suscite le projet de loi.

Le modèle économique qu'il propose apparaît en effet fort fragile :

- l'annonce de la suppression de la publicité a d'ores et déjà plongé France Télévisions dans une spirale déficitaire ;

- la dotation supplémentaire de 150 millions d'euros ouverte en cours d'année suffira à peine à maintenir les entreprises concernées à flot ;

- pour 2009, la commission dite « Copé » avait estimé le manque à gagner lié à la suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures du matin à 450 millions d'euros. Pour l'heure, malgré les diverses mesures prévues ou annoncées et compte tenu des coûts supplémentaires induits par la production de programmes supplémentaires aux heures où était diffusée de la publicité, estimés à 70 millions d'euros, le manque à gagner pour France Télévisions demeure de l'ordre de 100 à 150 millions d'euros ;

- cette estimation prend en compte l'impact des amendements proposés à l'Assemblée nationale, qui viennent diviser par deux le produit de la taxe sur la publicité et diminuer très fortement le rendement de la taxe pesant sur le chiffre d'affaires des opérateurs du secteur des communications électroniques ;

- elle intègre également la baisse prévisible des recettes liées à la vente d'espaces publicitaires diffusés en journée sur les chaines de service public, les entreprises privées du secteur ayant d'ores et déjà adopté une stratégie agressive sur ce segment ;

- elle comprend aussi les coûts liés à la création d'une entreprise unique, qui ne se traduira pas seulement par des gains de productivité, mais qui supposera également une harmonisation sociale et salariale, ainsi qu'un effort de formation pour permettre la mobilité des personnels au sein de l'entreprise unique, soit au total des dépenses supplémentaires de 70 millions d'euros ;

- un emploi équivalent à près de 70 000 euros, une baisse du budget de France Télévisions d'un montant de 140 millions d'euros se traduirait par 2000 suppressions d'emplois, cet ordre de grandeur fournissant un bon point de repère pour évaluer les effets de la réforme en l'état.

Après avoir indiqué qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la réforme proposée apparaissait particulièrement hasardeuse, M. Marc Chauvelot s'est déclaré favorable à l'indexation de la redevance, tout en s'étonnant de la volonté affichée par le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique de neutraliser les effets de cette indexation.

De même, le passage de la diffusion analogique à la diffusion numérique génèrera des économies qui doivent être utilisées pour financer le développement de la télévision publique, et non reversées, d'une manière ou d'une autre au budget de l'État.

a ensuite évoqué les pistes permettant à la télévision publique de dégager des recettes nouvelles :

- les droits de détention des oeuvres, qui pour l'heure vont essentiellement aux producteurs privés, devraient bénéficier avant tout aux chaines publiques qui ont financé la plus grande partie de l'investissement initial. L'audiovisuel public pourrait ainsi développer une véritable politique patrimoniale au lieu de voir ces droits lui échapper au bout de deux diffusions. C'est au demeurant une telle politique que des chaînes comme la British Broadcasting Corporation (BBC) ont su développer, cette dernière en tirant désormais 21 % de ses recettes ;

- l'amendement proposé par M. Christian Kert au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, qui prévoit l'éclatement des guichets uniques d'achat prévus par la réforme, n'est pas acceptable. Si la diversité des programmes suppose des guichets éditoriaux multiples, la constitution d'une entreprise unique est l'occasion pour les chaines publiques de dégager de vraies marges de négociation économique.

a enfin souligné les limites des arguments développés en faveur de la nomination des présidents des sociétés nationales de programme par le pouvoir exécutif. Ils reviennent en effet à reconnaître que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) n'a qu'une indépendance toute relative. Aussi ce pouvoir devrait-il revenir à la représentation nationale ou au CSA si sa composition était rénovée. Par ailleurs, la durée effective des mandats des présidents suscite des inquiétudes, la longévité des dirigeants des chaines publiques étant bien différente de celle de leurs homologues des chaînes privées.

Debut de section - Permalien
Carole Petit, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes (SNJ) France 3

notant la transformation des sociétés de programme en simples antennes au sein de France Télévisions, a insisté sur l'importance de la mention du nom des chaînes dans la loi, afin de garantir leur pérennité. Soulignant, en outre, que la force de France 3 réside dans la déclinaison de l'information à tous les niveaux national, régional et local, elle s'est déclarée fortement opposée aux éventuels projets de suppression de l'information nationale sur la chaîne, qui compte 1.600 journalistes.

Debut de section - Permalien
Jacques Rutman, secrétaire général du Syndicat des réalisateurs et créateurs du cinéma, de la télévision et de l'audiovisuel - Union nationale des syndicats autonomes (SRCTA-UNSA)

a quant à lui estimé que le mal caché du service public audiovisuel tenait à son incapacité à bénéficier des retours financiers pertinents sur les programmes qu'il diffuse et produit. Ainsi, alors que la BBC produit directement 60 % des programmes qu'elle diffuse, France Télévisions doit créer des filiales pour pouvoir faire de la production et est limitée dans ses capacités de production. Ces contraintes, fixées par les décrets dits « Tasca », ont des effets extrêmement néfastes sur le secteur audiovisuel :

- la multiplication des sociétés de production, dont le nombre s'élève aujourd'hui à 1.300, nuit au dynamisme et à la viabilité économique du secteur ;

- les conditions de travail des créateurs ont été considérablement détériorées par l'intervention de plus en plus grande des producteurs dits « indépendants » : l'intermittence a augmenté, les parts fixes des salaires ont baissé et les droits d'auteur ne sont pas toujours payés ;

- enfin, les diffuseurs publics sont extrêmement pénalisés par la précarité de leurs droits d'exploitation sur les oeuvres qu'ils ont produites ou coproduites.

A cet égard, il a fortement déploré l'absence de « créateurs » (auteurs, réalisateurs, scénaristes, éclairagistes...), dans la commission « Copé » pour la nouvelle télévision publique.

Debut de section - Permalien
Jean Lemesle-Corneille, délégué national Sud France 3

a souligné la fragilité de la compensation de la suppression de la publicité en raison de la non-affectation des taxes.

Debut de section - Permalien
Christian Pauly, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) des médias

s'est également inquiété des moyens de France Télévisions, en insistant sur le coût du renouvellement des moyens de production. Sur la question de la nomination du président de France Télévisions, il s'est étonné que l'on prévoit un avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel, alors même que l'objet de la nomination par le Président de la République a pour but de « sortir de l'hypocrisie » actuelle. Enfin, il a insisté sur l'importance de la présence majoritaire de l'Etat dans le capital de la société de l'audiovisuel extérieur de l'Etat.

Debut de section - Permalien
Josiane Gasc, secrétaire générale l'Union des syndicats nationaux de l'audiovisuel - Confédération française des travailleurs chrétiens (USNA-CFTC) Radio-France

S'interrogeant sur la pertinence du modèle d'entreprise unique de Radio France, Mme Josiane Gasc, secrétaire générale l'Union des syndicats nationaux de l'audiovisuel - Confédération française des travailleurs chrétiens (USNA-CFTC) Radio-France, a attiré l'attention des commissaires sur l'importance du maintien des bureaux régionaux de France 3. Elle a également soutenu que l'impératif de « diversité » devrait être renforcé dans le texte de loi.

Debut de section - Permalien
Gilles Julien, secrétaire du SITR

a souligné que le système d'assistanat au bénéfice des producteurs mis en place par les décrets « Tasca » est une hérésie économique, qui n'a aucun impact positif sur la création.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

a interrogé les représentants de l'intersyndicale de France Télévisions sur la manière dont les téléspectateurs pourraient être sensibilisés à l'utilité de la redevance, ainsi que sur les conséquences qu'aurait, au sein de la future société France Télévisions, la mise en place des unités de programme. Elle a plus particulièrement souhaité connaître ses conséquences sur la diversité des programmes ainsi que sur les conditions de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Après avoir rappelé que la commission des affaires culturelles avait toujours été très favorable à un financement de l'audiovisuel public par la redevance, M. Michel Thiollière, rapporteur, a souhaité connaître le jugement que portaient les membres de l'intersyndicale sur le projet de cahier des charges soumis à consultation publique. Il a également mis l'accent sur la stabilité du niveau de recettes garanti par l'attribution d'une subvention budgétaire, le produit des taxes affectées étant par nature plus volatile. Il s'est enfin interrogé sur les conséquences de la nouvelle organisation de France Télévisions en matière de choix des programmes.

Debut de section - Permalien
Jacques Rutman, secrétaire général du Syndicat des réalisateurs et créateurs du cinéma, de la télévision et de l'audiovisuel - Union nationale des syndicats autonomes (SRCTA-UNSA)

Revenant sur le nécessaire effort de pédagogie devant accompagner toute hausse de la redevance, M. Jacques Rutman s'est déclaré partisan d'une révision du champ des exonérations. L'introduction d'une part de progressivité pour les assujettis exonérés pourrait également être étudiée. De même, l'assiette de la redevance pourrait être élargie aux entreprises, aux résidences secondaires ainsi qu'aux ordinateurs fixes et portables, sous réserve que les foyers fiscaux concernés n'acquittent pas la redevance à un autre titre. Enfin, les exonérations devraient faire l'objet d'une compensation intégrale.

Debut de section - Permalien
Marc Chauvelot, secrétaire général du Syndicat national des régions de télévision-Confédération générale du travail (SNRT-CGT) France 3

a ensuite apporté les précisions suivantes :

- les chaines diffusées via la Télévision numérique terrestre (TNT) doivent, elles aussi, participer de manière significative au financement de l'audiovisuel public ;

- la création de guichets économiques centralisés est compatible avec le maintien d'une diversité éditoriale, dès lors que chaque chaîne conserve une politique d'achat propre ;

- les conventions collectives ne seront pas dénoncées, elles deviendront caduques du fait de la disparition de leurs signataires. Cela ouvre un large champ de négociation pour les partenaires sociaux, qui sont prêts à l'investir ;

- si les personnels sont prêts à participer à une réflexion constructive sur la stratégie de l'audiovisuel public, ils se refusent à accepter que les capacités d'investissement puissent diminuer dans un secteur en pleine expansion, qui ne cesse de vivre de nouvelles mutations technologiques ;

- en l'état actuel, le projet de cahier des charges apparaît très normatif et ne semble pas laisser aux professionnels de la télévision publique les marges de manoeuvre dont ils ont besoin pour exercer leur métier en toute indépendance. Les déclarations récentes de responsables politiques sur les grilles de programme ne peuvent qu'être inquiétantes de ce point de vue ;

- il y a lieu de se réjouir que la commission des affaires culturelles reconnaisse que le financement global de la réforme ne semble pas encore entièrement garanti.

Debut de section - Permalien
Jean Lemesle-Corneille, délégué national Sud France 3

Après avoir souligné que le marché publicitaire était très sensible à la conjoncture économique, M. Jean Lemesle-Corneille a indiqué qu'il était également très dynamique et qu'à ce titre, il valait mieux une affectation directe du produit des taxes. Au surplus, cela garantirait l'indépendance financière des chaines de télévision publique, à la différence des subventions budgétaires, qui ne sont pas des ressources propres ;

Debut de section - Permalien
Carole Petit, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes (SNJ) France 3

est revenue sur la nécessaire préservation de la rédaction nationale de France 3, la force de la chaîne tenant tout à la fois à son ancrage régional et à sa diffusion nationale intégrée.

Debut de section - Permalien
Christian Pauly, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) des médias

a ensuite fait état de la capacité des chaines à se réorganiser efficacement pour peu que les moyens de production et de fabrication qui leur sont propres soient maintenus, la télévision publique ne pouvant se limiter à un rôle de simple diffuseur de programme conçus, produits et réalisés en externe. S'agissant de la pédagogie relative à la redevance, il a souhaité qu'elle devienne l'affaire de l'ensemble des représentants des pouvoirs publics, qui ne sont pas toujours exemplaires sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

a indiqué que sa participation initiale à la commission dite « Copé » avait été motivée par le projet de refondation de la télévision publique. Il a toutefois regretté que la suppression de la publicité ait été, dès le départ, un principe incontestable, alors que les gains tirés de la publicité constituent une garantie minimale d'indépendance pour France Télévisions vis-à-vis de l'Etat.

Il a, en outre, regretté certaines prises de position sur l'organisation et le financement de France Télévisions, alors que la commission « Copé » avait clairement conclu que la mise en place de l'entreprise unique aurait un coût avant de permettre de dégager de nouveaux financements, et s'était exprimée à l'unanimité en faveur de la création d'un guichet unique.

Il a enfin souhaité savoir si des menaces de privatisation pesaient sur France Télévisions, en raison de l'insuffisance de ses dotations.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

a souhaité savoir si France Télévisions avait déjà la possibilité d'avancer les programmes de la première partie de soirée et si elle disposait de prévisions sur les droits d'exploitation des coproductions par les chaînes de télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Après avoir déploré l'absence de salariés de France Télévisions à la commission « Copé », véritable « forfait » contre la démocratie, M. Jack Ralite a déclaré que le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision risque de transformer le paysage audiovisuel français en un lieu de confrontation entre la « télé caddie » et la « télé éducative ». A cet égard, il a appelé de ses voeux une télévision généraliste, populaire et de création.

Soulignant que de la démocratie peut naître l'absolutisme, il a ainsi souligné qu'au vu du poids de la télévision, la nomination du président de France Télévisions par le Président de la République constituait un risque majeur.

En réponse aux intervenants, Mme Carole Petit a estimé que les dispositions relatives à la nomination et à la révocation du président de France Télévisions comportaient des risques d'inconstitutionnalité. Sur le plan économique, elle a souligné qu'il fallait laisser du temps au groupe France Télévisions pour rétablir l'équilibre.

Debut de section - Permalien
Jacques Rutman, secrétaire général du Syndicat des réalisateurs et créateurs du cinéma, de la télévision et de l'audiovisuel - Union nationale des syndicats autonomes (SRCTA-UNSA)

a considéré que la mise en place d'un décideur unique était plutôt contraire aux intérêts du producteur qu'à ceux du créateur et qu'elle ne signifiait pas forcément la disparition d'interlocuteurs sur les différents types de programmes dans chaque chaîne.

Debut de section - Permalien
Gilles Julien, secrétaire du SITR

a estimé que si les risques de privatisation du service public audiovisuel sont mineurs, ceux de sa marginalisation sont plus importants.

Enfin, M. Didier Barast, délégué FO France 3, a affirmé que la pérennité de France Télévisions passait notamment par la stabilité de son président.