Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 12 mars 2009 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ambassade
  • british council
  • council
  • culturel
  • culturelle extérieure
  • culturesfrance
  • goethe
  • institut
  • institut goethe

La réunion

Source

La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

a tout d'abord rappelé que la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères s'étaient mobilisées, dans la période récente, en faveur d'un sursaut de notre politique culturelle extérieure. Dans ce contexte, elles ont choisi d'organiser ensemble une série d'auditions consacrées à la réforme de l'action culturelle extérieure de la France. L'audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, est ainsi l'occasion de faire le point sur les perspectives d'évolution statutaire de l'association CulturesFrance pour lui donner les moyens juridiques et financiers de redynamiser la politique de rayonnement culturel de la France. A ce titre, il a précisé que la commission des affaires culturelles s'est de longue date intéressée au sort de CulturesFrance : une proposition de loi, présentée par M. Louis Duvernois, prévoyant sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), a ainsi été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.

Debut de section - Permalien
Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

a indiqué, en préambule, que CulturesFrance était une association régie par la loi du 1er juillet 1901, issue de la fusion, opérée le 22 juin 2006, de deux associations : l'Association française d'action artistique (AFAA) et l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADFP), créées respectivement en 1922 et 1946. Chargée de la promotion de la création artistique contemporaine française à l'étranger, elle se caractérise par un vaste champ d'intervention, comprenant les arts visuels, les arts de la scène, l'architecture et le patrimoine, l'écrit et l'ingénierie culturelle, et qui s'est élargi au cinéma à la suite du transfert, le 1er janvier 2009, de compétences auparavant assumées par la direction de l'audiovisuel extérieur du ministère des affaires étrangères.

CulturesFrance dispose d'un budget évalué à 30 millions d'euros, reposant majoritairement sur une subvention du ministère des affaires étrangères de l'ordre de vingt millions d'euros ; le ministère de la culture y contribue à hauteur de deux millions d'euros, le reste de ses ressources consistant en des financements obtenus auprès des collectivités territoriales et de partenaires privés. Son action s'oriente selon trois axes principaux :

- l'exportation et la mise en valeur à l'étranger de la création culturelle française dans toute sa diversité ;

- l'accueil et la diffusion des cultures étrangères en France, à travers l'organisation de « saisons culturelles » permettant à des pays partenaires d'exposer leur culture sur le territoire national ;

- le développement culturel via la mise en oeuvre de programmes de soutien à la création d'industries culturelles dans les zones de solidarité prioritaire, en particulier en Afrique et dans les Caraïbes.

a souligné la très grande multiplicité des acteurs de l'action culturelle extérieure de la France. CulturesFrance n'est ainsi qu'un opérateur parmi tant d'autres, désignés sous des appellations différentes, parmi lesquelles on peut citer les centres et instituts culturels français à l'étranger, les services de coopération artistique et culturelle des ambassades, et les organismes de promotion à caractère professionnel à l'image d'Unifrance dans le domaine du cinéma. L'extrême dispersion du réseau culturel français, particulièrement dommageable à la cohérence et à la lisibilité de la politique culturelle extérieure, tranche singulièrement avec le modèle rationalisé du British Council pour le Royaume-Uni ou du Goethe Institut pour l'Allemagne.

À ce morcellement du dispositif de l'action culturelle extérieure française, s'ajoutent des carences significatives en moyens de fonctionnement, tant en termes de personnels que d'infrastructures, dénoncées dès 2001 par M. Yves Dauge dans un rapport d'information consacré au réseau culturel français à l'étranger.

Déplorant l'absence d'un opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a plaidé en faveur de la création, à partir de CulturesFrance, d'une grande agence du rayonnement culturel dont la structure et le fonctionnement s'inspireraient, idéalement, de l'ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères. Il s'agit d'envisager l'action culturelle extérieure dans une logique transversale en y incluant l'action éducative et de coopération universitaire et l'action linguistique. Aussi a-t-il suggéré de regrouper, sous une même enseigne, les opérateurs préexistants en charge de la mobilité universitaire (CampusFrance), des échanges éducatifs et scientifiques (le Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux - EGIDE) ainsi que les établissements culturels à l'étranger. Dans une logique de labellisation de notre action culturelle extérieure, cette future agence culturelle devrait disposer à l'étranger de bureaux dénommés « Instituts français ».

Debut de section - Permalien
Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

a invité les pouvoirs publics à « sanctuariser » les crédits dévolus à l'action culturelle extérieure, soulignant à ce titre qu'il s'agissait là d'un enjeu crucial en termes de « soft power ».

Un large débat s'est ensuite engagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a observé que la diplomatie culturelle française se caractérisait par des phénomènes préoccupants de dispersion et d'attrition qui appellent une réforme structurelle d'envergure. Estimant que la politique culturelle extérieure était une composante essentielle de la diplomatie française, et qu'elle devait à ce titre continuer de relever du ministère des affaires étrangères pour la définition de ses orientations stratégiques, il s'est interrogé au sujet de la tutelle sur la nouvelle agence et au sujet de la place du ministère de la culture et du ministère de l'éducation nationale.

Il s'est également interrogé sur la marge d'autonomie qui serait réservée à la future grande agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger vis-à-vis de ses tutelles ministérielles.

Debut de section - Permalien
Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

a estimé que le Quai d'Orsay était l'autorité la mieux placée pour exercer le pilotage principal en matière d'action culturelle extérieure, mais qu'il ne pouvait faire l'économie d'une coopération étroite dans ce domaine avec les ministères de la culture et de l'éducation nationale. Il a considéré qu'un grand établissement public culturel, doté de l'autonomie financière et responsable de sa gestion, constituait le format le plus approprié, en s'appuyant sur l'exemple de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

s'est interrogée, tout d'abord, sur le statut juridique d'une grande agence culturelle et a souhaité savoir dans quelle mesure celui-ci s'inspirerait du modèle de l'AEFE. Elle a sollicité des précisions sur la responsabilité de la future agence en matière de recrutement et de gestion des personnels en charge de l'action culturelle extérieure. A cet égard, elle a déploré la rotation trop rapide des agents du réseau culturel français à l'étranger, dont l'évolution des parcours professionnels n'obéit que très insuffisamment à des critères de compétences. Elle a également interpellé le directeur de CulturesFrance sur le type de relations que l'agence compte entretenir avec les alliances françaises et a estimé que ces relations pourraient, le cas échéant, s'inspirer des liens conventionnels que l'AEFE établit avec les lycées d'enseignement français de la Mission laïque. Elle s'est enfin inquiétée d'une absorption par la future agence culturelle de CampusFrance : cette dernière structure s'investit efficacement dans la mutualisation des moyens des universités françaises dans la conduite de leurs relations extérieures ; sa fusion éventuelle au sein de CulturesFrance risquerait de briser cette dynamique.

Debut de section - Permalien
Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

En réponse à ces interrogations, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a formulé les observations suivantes :

- la transformation de CulturesFrance en une grande agence dotée d'un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial s'inspirera très certainement du modèle de l'AEFE, dans le cadre d'une tutelle principale exercée par la future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères. Le ministère de la culture sera associé au pilotage de cette agence comme le ministère de l'éducation nationale l'est à celui de l'AEFE ;

- le projet d'une grande agence culturelle vise à réunir au sein d'un même ensemble financier et juridique tous les acteurs de l'action culturelle extérieure travaillant aussi bien à Paris que dans le réseau culturel français à l'étranger. CulturesFrance sera ainsi responsable du recrutement, de la gestion et de la formation des professionnels de l'action culturelle extérieure, en préservant un équilibre entre les diplomates et les spécialistes des différents secteurs d'activités de l'Agence ;

- le système de partenariats et de conventions entre l'AEFE et les lycées de la Mission laïque pourra servir de modèle aux relations entre CulturesFrance et les alliances françaises ;

- l'action culturelle au sein des établissements culturels français à l'étranger doit être entendue dans son acception la plus large possible : cela suppose d'y inclure la promotion de l'enseignement supérieur français et la coopération linguistique afin de ne pas cantonner CulturesFrance à la mise en valeur de la seule création artistique. La fusion de CampusFrance au sein d'une grande agence culturelle serait probablement mieux accueillie par nos partenaires que la création d'un guichet unique de la mobilité universitaire internationale qui regrouperait les groupements d'intérêt public que sont France Coopération Internationale (FCI), CampusFrance et EGIDE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Souscrivant à un scénario qui confierait à CulturesFrance le champ d'intervention le plus large possible, M. Yves Dauge a demandé des précisions sur le statut de ses personnels, notamment dans les pays d'accueil. Il a appelé à un renforcement de l'effort de professionnalisation en leur faveur. Il s'est ensuite interrogé sur les relations entre CulturesFrance et les collectivités territoriales investies dans la coopération décentralisée et des universités de plus en plus autonomes. Ces acteurs ont vocation à s'investir de façon croissante dans l'action culturelle extérieure, il serait donc pertinent qu'ils disposent de représentants au conseil d'administration de CulturesFrance.

Debut de section - Permalien
Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

a reconnu que la gestion des personnels devait être au coeur de la création d'un grand établissement public vecteur de l'influence culturelle française à l'étranger. Afin que l'ensemble des personnels se retrouvent et adhèrent aux projets de l'agence, le recrutement d'agents locaux doit s'opérer par étapes, sur une durée transitoire pouvant aller de trois à quatre ans. Dans un premier temps, l'effort portera principalement sur la professionnalisation des personnels, jusqu'ici ressentie comme insuffisante. Il a ajouté que CulturesFrance accorde déjà une grande importance à la coopération avec les collectivités territoriales. En outre, son conseil d'administration comprend un représentant du milieu universitaire. Il s'est prononcé en faveur de conseils d'orientation placés auprès des ambassades qui incluraient notamment des représentants des universités et des experts du tissu local afin de mettre en valeur le caractère transversal de l'action culturelle extérieure.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

s'est inquiété de la multiplication d'initiatives non coordonnées en matière d'action culturelle extérieure qui instaurent la plus grande confusion auprès de nos partenaires étrangers, à la différence de structures telles que le British Council ou le Goethe Institut qui jouissent d'une notoriété exceptionnelle à l'étranger. Il a émis des doutes quant à la capacité d'une future grande agence à rendre plus lisible une politique culturelle extérieure dont les moyens demeurent très insuffisants.

Debut de section - Permalien
Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

s'est déclaré convaincu de la nécessité de redonner de la visibilité à un réseau culturel à l'étranger morcelé, en faisant émerger un label de l'action culturelle extérieure de la France. Il a regretté que la politique de coopération culturelle et linguistique soit le seul domaine de l'action publique qui fasse l'objet de restrictions budgétaires aussi conséquentes. A cet égard, il a déploré que le transfert de la compétence en matière de promotion du cinéma français à CulturesFrance n'ait pas été accompagné des crédits correspondants.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

a estimé que la création d'un établissement public culturel à caractère industriel et commercial a vocation à fédérer sous une même enseigne des actions dispersées et insuffisamment coordonnées, et non pas à se superposer aux structures existantes. Il a insisté sur la nécessité de respecter le sens des recommandations issues de la révision générale des politiques publiques (RGPP) en matière de rationalisation de l'action culturelle extérieure, en prenant soin de ne pas dissocier action éducative extérieure et rayonnement culturel : cela suppose une concertation renforcée entre CulturesFrance et l'AEFE. Enfin, le périmètre des responsabilités ministérielles dans le pilotage de CulturesFrance doit être clairement défini. A ce titre, il a indiqué que la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance qu'il a défendue au Sénat en 2007 prévoyait explicitement de placer CulturesFrance sous la tutelle conjointe du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la culture.

Debut de section - Permalien
Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

a reconnu qu'il convenait d'établir une coopération étroite entre CulturesFrance et l'AEFE en matière d'échanges éducatifs. Il a également appelé à rompre avec le Yalta qui tend à réserver au ministère de la culture la culture en France et au ministère des affaires étrangères la culture à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

a fait observer que le contrat d'objectifs et de moyens entre CulturesFrance et l'État, qui constitue le principal outil de dialogue entre l'opérateur en charge de l'action culturelle extérieure et le ministère des affaires étrangères, devrait être le lieu de la concertation interministérielle dans ce domaine. Si elle a reconnu le manque criant de lisibilité de la politique française de coopération culturelle et linguistique, elle a cependant redouté qu'un pessimisme excessif ne conduise à occulter les points positifs du bilan de l'action du réseau culturel français à l'étranger. Elle a relevé que la politique du livre à l'étranger serait désormais gérée par CulturesFrance, regrettant au passage que la revue Esprit ne dispose plus du financement que lui consentait jusqu'à maintenant le Centre national du livre. Elle a dénoncé l'absence d'une direction générale spécifiquement en charge des affaires culturelles extérieures au Quai d'Orsay, doutant que la future direction générale de la mondialisation soit le cadre pertinent pour appréhender ces questions. En outre, elle a souhaité mettre l'accent sur l'importance des perspectives de carrière pour les personnels du réseau culturel à l'étranger, considérablement négligées par l'administration. Enfin, elle a mis en garde contre le risque de se cantonner à une simple politique d'exportation de la culture française à l'étranger, qui ne prendrait pas en compte la mise en valeur de la culture des pays d'accueil.

Debut de section - Permalien
Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

En réponse à ces remarques, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a apporté les précisions suivantes :

- le contrat d'objectifs et de moyens constitue une plateforme de discussion stratégique essentielle ;

- l'action culturelle extérieure doit être au service non seulement de l'exportation et de la promotion de la création artistique française, mais également du dialogue interculturel. À ce titre, les lettres de mission transmises aux directeurs d'établissements culturels à l'étranger devront impérativement mentionner la nécessité de valoriser la création artistique locale ;

- les perspectives de carrière sont effectivement inexistantes pour la plupart des agents du réseau culturel à l'étranger, ce qui tend à démobiliser les personnels ;

- l'augmentation des ressources budgétaires de la politique culturelle extérieure française passe nécessairement par un redéploiement des crédits. La pression financière qui s'exerce sur l'action de CulturesFrance va croissant dès lors que ses frais de fonctionnement ont augmenté de près de 10 % en dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

a observé que l'exportation de la culture française à l'étranger devait s'appuyer sur la promotion de la culture francophone. A ce titre, elle s'est étonnée que le Festival international des Francophonies en Limousin ne soit pas assuré de continuer à bénéficier d'une aide de la part du ministère des affaires étrangères.

Debut de section - Permalien
Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

a reconnu que le transfert de la compétence en matière de soutien aux festivals internationaux à CulturesFrance ne s'est pas accompagné des crédits correspondants.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

s'est interrogée sur la méthode qui préside à la réflexion sur la réforme de l'action culturelle extérieure ; elle a souhaité savoir si un état des lieux précis et actualisé de la situation était disponible. Elle a souligné la nécessité de définir des objectifs qui tiennent compte des spécificités des différentes zones géographiques concernées.

Debut de section - Permalien
Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

a indiqué que de nombreux rapports d'information avaient été rédigés sur la question de l'avenir du réseau culturel français à l'étranger. Il a reconnu qu'il était impératif de ne pas penser la réforme de l'action culturelle extérieure depuis Paris. Dans cette logique, le Quai d'Orsay doit avoir toute sa place dans le pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure dès lors que les personnels du réseau culturel à l'étranger sont les mieux à même de relayer les besoins exprimés localement. L'amélioration de la lisibilité de l'action culturelle extérieure française est fondamentale dans la perspective d'un renforcement de son financement via le mécénat d'entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

s'est déclaré préoccupé par la volonté affichée de l'entreprise culturelle unique qui semble répondre à l'obsession de l'idéologie de la marque. Il s'est ému du recul du réseau culturel français à l'étranger, en particulier en Europe où plus de la moitié des centres culturels devraient être supprimés, sans pour autant s'accompagner d'un redéploiement vers des pays émergents comme la Chine. Il a déploré l'insuffisante prise en compte, dans l'élaboration de la diplomatie culturelle de la France, de l'expérience de terrain des artistes et des industries créatives. Il s'est inquiété du risque de « désintégration » que la création d'une agence culturelle unique ferait peser sur l'identité culturelle et la fidélité de la France vis-à-vis de ses partenaires.

Debut de section - Permalien
Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

a fait observer que, face à des budgets en constant déclin, il est impossible de faire l'impasse sur la création d'une grande agence culturelle qui garantirait la visibilité nécessaire auprès de nos investisseurs publics et privés dans les pays d'accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

a souligné que l'extrême gravité de la situation du réseau culturel français à l'étranger appelle des réformes urgentes, trop longtemps différées. Réaffirmant son attachement à la création d'un grand établissement public culturel, il a, en outre, jugé indispensable la création d'un secrétariat d'État aux relations culturelles extérieures et à la francophonie, auprès du ministre des affaires étrangères, afin de regrouper, sous une même autorité, ces deux aspects fondamentaux de la diplomatie française d'influence culturelle et intellectuelle.

La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de MM. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, et Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a remercié M. Paul de Quincey et M. Berthold Franke d'avoir accepté de venir présenter devant les deux commissions le statut, l'organisation et le fonctionnement du British Council et de l'Institut Goethe.

Debut de section - Permalien
Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris

a rappelé que le British Council avait été créé en 1934 et que le premier centre en France avait été fondé à Paris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Bien que le statut du British Council soit celui d'une organisation d'utilité publique à but non lucratif (« Registered Charity ») et qu'il soit indépendant du Gouvernement, il travaille toutefois en relation étroite avec le ministère des affaires étrangères britannique. Ainsi, le directeur du British Council de Paris est également le conseiller culturel de l'ambassade du Royaume-Uni en France.

Le budget du British Council s'élève à près de 627 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 35 % proviennent de subventions du ministère des affaires étrangères britannique. Le taux d'autofinancement est donc de 65 %. Les revenus propres du British Council proviennent des cours de langue ou de la délivrance des diplômes (277 millions d'euros) et de financements publics et privés, comme l'administration des projets pour tierces parties et le mécénat (127 millions d'euros).

Le British Council dispose d'environ 220 implantations dans 109 pays. La tendance actuelle est une réorganisation du réseau à l'intérieur des onze grandes régions, avec une diminution du nombre des sites en Europe et un redéploiement en Asie et au Proche-Orient

En 2005, le British Council a publié un document sur ses objectifs et la stratégie qu'il compte mettre en oeuvre pour les réaliser, intitulé « Making a world of difference - Cultural relations in 2010 ». Ce document fixe trois grandes priorités : le dialogue interculturel, l'économie de la connaissance et le changement climatique.

Les priorités géographiques font l'objet, chaque année, de discussions avec le ministère des affaires étrangères. Le directeur d'un British Council rend compte de son programme à la direction régionale dont il relève ou à un directeur adjoint de Londres. Les ambassadeurs des pays concernés sont simplement consultés.

Le British Council met également en oeuvre des projets multilatéraux, par exemple sur les relations transatlantiques ou les communautés musulmanes en Europe.

Les centres du British Council sont exclusivement consacrés aux cours de langue. Aucune programmation culturelle n'y est organisée. Toutes les expositions, tous les spectacles, toutes les conférences sont organisées en partenariat avec des institutions françaises et se déroulent « hors les murs ».

Debut de section - Permalien
Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris

a indiqué que l'Institut Goethe avait été fondé dans les années 1950.

Il s'agit d'un établissement à but non lucratif, qui est totalement indépendant du Gouvernement allemand.

a rappelé que, en raison du passé, l'Allemagne était très réticente à l'idée d'une politique culturelle menée au niveau central et que la culture et l'éducation étaient des compétences exercées en priorité par les länder et les municipalités. L'Etat fédéral dispose toutefois d'une compétence en ce qui concerne l'action culturelle à l'étranger qu'il délègue à l'Institut Goethe.

La centrale de l'Institut Goethe, basée à Munich, est liée par un contrat-cadre au ministère des affaires étrangères à Berlin. Celui-ci délègue l'autorité à la centrale de Munich pour la gestion du réseau et la répartition du financement entre les différents instituts.

L'Institut Goethe poursuit trois grandes missions : la diffusion de la langue allemande, les échanges culturels et l'information sur l'Allemagne, la culture et la civilisation allemandes.

L'Institut Goethe est présent sur tous les continents avec, en 2009, 183 implantations dans 83 pays.

Son budget s'élève à 260 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 17 % sont autofinancés essentiellement grâce aux cours de langue, le reste provenant d'une subvention du ministère des affaires étrangères allemand.

Le fonctionnement du réseau est largement décentralisé avec douze grandes régions et chaque institut dispose d'une très large autonomie de gestion, notamment en matière budgétaire et de personnels.

Chaque directeur d'un institut Goethe est responsable de son programme, conçu néanmoins en accord avec une direction régionale. A la différence du British Council, l'Institut Goethe est entièrement indépendant de l'ambassade d'Allemagne et son directeur n'est pas un diplomate.

En conclusion, M. Berthold Franke a considéré que l'on pouvait s'interroger sur la raison d'être d'un institut culturel en Europe, mais que, d'après lui, cette présence restait indispensable. Certes, le premier contact avec la culture d'un autre pays ne passe généralement pas par les centres culturels, mais par d'autres canaux, comme le cinéma, la télévision ou Internet. Mais, à son avis, la vocation première d'un centre culturel est d'offrir la possibilité à ceux qui le souhaitent d'approfondir leur connaissance de la culture et de la langue d'un autre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

a fait part de sa préoccupation au sujet de la tendance actuelle à la réduction des centres et instituts culturels en Europe et au recul du multilinguisme, au regard notamment de l'approfondissement de la construction européenne.

Debut de section - Permalien
Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris

a estimé que si l'anglais était désormais la langue internationale, il était indispensable d'encourager l'apprentissage obligatoire d'au moins une deuxième langue vivante étrangère dans l'enseignement scolaire. Il a cité à cet égard le cas de la Suède où les autorités avaient étudié la possibilité de supprimer l'enseignement obligatoire d'une deuxième langue étrangère vivante dans l'enseignement scolaire, ce qui avait fait naître des inquiétudes en France et en Allemagne.

Debut de section - Permalien
Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris

a indiqué que le British Council travaillait actuellement avec le ministère de l'éducation britannique afin de renforcer l'enseignement d'une deuxième ou d'une troisième langue vivante étrangère dans l'enseignement scolaire au Royaume-Uni, et également avec le ministère de l'éducation nationale français, afin d'améliorer les méthodes d'apprentissage de la langue anglaise dans les établissements scolaires français.

Estimant que, désormais, l'action culturelle extérieure en Europe reposait moins sur l'implantation physique d'un centre ou d'un institut culturel que sur l'utilisation des nouvelles techniques de communication, notamment Internet, M. Paul de Quincey a indiqué que le British Council avait fortement développé ces dernières années l'offre de service en ligne et la mise à la disposition du public de méthodes d'apprentissage de l'anglais sur Internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

a souhaité obtenir des précisions sur les relations du British Council et de l'Institut Goethe avec le ministère des affaires étrangères et les ambassades de leurs pays respectifs, ainsi que sur le statut des personnels de ces deux institutions et la gestion des ressources humaines, notamment en matière de recrutement, de déroulement de carrière et de mobilité.

Debut de section - Permalien
Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris

a indiqué que les relations entre les centres du British Council et les ambassades étaient étroites, même si chaque centre était indépendant. Si, dans environ 60 % des cas, le directeur du British Council est également le conseiller culturel de l'ambassade, il n'existe pas pour autant de relation hiérarchique. En mentionnant sa propre expérience, il a indiqué qu'il participait chaque semaine à une réunion, présidée par l'ambassadeur, des différents chefs de service de l'ambassade.

En ce qui concerne la gestion du personnel, le British Council emploie au total environ 6 500 personnes, qui ne sont pas des diplomates de carrière. Dans leur grande majorité, ces personnels sont recrutés localement et ne sont pas soumis à une obligation de mobilité. Seule une minorité d'environ 250 agents fait l'objet d'une mobilité, chaque agent restant en moyenne de quatre à cinq ans dans un poste. Ainsi, le British Council de Paris emploie environ soixante-dix personnes, dont une quarantaine de professeurs à temps partiel et à contrat à durée indéterminée recrutés localement. Seules deux personnes, dont le directeur, sont des expatriés permanents.

Debut de section - Permalien
Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris

a indiqué que l'Institut Goethe était une institution privée indépendante du Gouvernement allemand et que les relations avec les ambassades étaient en général assez limitées, même si cela variait selon les pays.

Chaque centre dispose d'une très grande autonomie de gestion, en matière budgétaire et de personnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

a souhaité obtenir des précisions au sujet du projet de coopération transatlantique mené par le British Council. Il a également regretté la diminution du nombre d'élèves français apprenant l'allemand. Il s'est interrogé au sujet de la coopération entre les différents instituts culturels européens, notamment avec les instituts Cervantès espagnols. Enfin, il a souhaité connaître l'opinion des deux intervenants sur le réseau culturel français à l'étranger.

Debut de section - Permalien
Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris

a indiqué que le projet de partenariat transatlantique avait été lancé par le British Council afin de renforcer les relations entre les jeunes des deux côtés de l'Atlantique.

Debut de section - Permalien
Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris

a souligné que le renforcement de l'apprentissage de l'allemand dans l'enseignement scolaire en France était l'une de ses priorités et que cela passait notamment par l'amélioration de l'image de la langue allemande mais également par une politique plus volontariste.

Il a indiqué que l'un des obstacles au renforcement de la coopération avec les institutions françaises chargées de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger tenait à la dispersion des intervenants et à la difficulté d'identifier le bon interlocuteur. Il a cité l'exemple de la gestion, il y a quelques années, par le ministère de la coopération des centres et instituts culturels français en Afrique.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a souhaité avoir des précisions sur l'organisation régionale de chacune des deux institutions et sur l'évolution des financements publics destinés à l'action culturelle à l'étranger dans les deux pays.

Debut de section - Permalien
Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris

a estimé que la régionalisation présentait des avantages, notamment en matière de proximité, mais également des inconvénients, en particulier en termes de bureaucratie. Il a indiqué que l'Institut Goethe avait traversé ces dernières années une période difficile marquée par une diminution de ses crédits mais que, récemment, les subventions publiques s'étaient accrues.

Debut de section - Permalien
Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris

a indiqué pour sa part que la régionalisation fonctionnait assez bien au sein du British Council, même s'il est parfois difficile de concilier les niveaux national, régional et local, les grandes priorités thématiques et les différents secteurs des arts, des sciences ou de l'éducation.

Concernant les financements publics, le British Council a obtenu, au terme d'une convention pluriannuelle avec le ministère des affaires étrangères britannique, une enveloppe financière d'un montant satisfaisant sur trois ans. Toutefois, l'orientation générale étant de faire de l'Asie et du Proche-Orient des régions prioritaires. Il en est résulté, ces deux dernières années, une diminution d'environ 30 % des crédits destinés aux centres du British Council en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

s'est demandé s'il existait une coopération entre les différents instituts et centres culturels européens et entre ceux-ci et les institutions de l'Union européenne. Il a souhaité également savoir si le British Council et l'Institut Goethe bénéficiaient de subventions de la part de l'Union européenne et s'ils menaient des actions de formation linguistique auprès des fonctionnaires communautaires.

Debut de section - Permalien
Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris

a répondu qu'il existait localement diverses formes de coopération entre les centres et instituts culturels des différents pays membres de l'Union européenne, notamment en matière de co-localisation, c'est-à-dire de partage d'un même bâtiment entre deux instituts, à l'image du centre culturel commun au Royaume-Uni et à l'Allemagne en Ukraine. Il a également mentionné l'existence d'un réseau global des centres et instituts culturels, l'European Union National Institutes of Culture, EUNIC.

Il a ajouté que l'EUNIC bénéficiait de fonds communautaires pour le financement de certains projets multilatéraux. Enfin, il a indiqué que le British Council de Bruxelles offrait des cours d'anglais aux fonctionnaires communautaires.

Debut de section - Permalien
Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris

a indiqué qu'il avait eu lui-même l'occasion de diriger un institut Goethe partageant ses locaux avec un institut Cervantès espagnol. Il a également cité l'exemple des centres culturels franco-allemands de Ramallah et de Glasgow et il a mentionné le projet d'un centre culturel franco-allemand à Moscou.

Il a souligné que l'Institut Goethe bénéficiait également de fonds européens pour certains projets multinationaux, mais que la lourdeur administrative imposée par la Commission européenne constituait un sérieux obstacle à ce mode de financement.

Enfin, il a indiqué que l'Institut Goethe s'était porté candidat à un appel d'offre de l'Union européenne pour l'enseignement de l'allemand aux fonctionnaires communautaires, mais qu'une entreprise privée anglaise avait remporté cet appel d'offre.