Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 29 janvier 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • jugé
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La réunion

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La commission a procédé, conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, à l'audition de Mme Christine Lagarde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a précisé que cette audition, se tenant 6 mois avant le début de la présidence française de l'Union européenne, fournissait l'occasion d'évoquer des dossiers européens. Il a ainsi souhaité que Mme Christine Lagarde s'exprime à propos de l'accord concernant la proposition de directive sur le lieu de taxation de la TVA pour des services électroniques conclu lors du Conseil ECOFIN du 4 décembre 2007. Il a également invité la ministre à commenter l'appréciation de la Commission européenne sur l'évolution des comptes publics et de la dette. Puis, ayant jugé « assourdissant » le silence des institutions communautaires au sujet de la situation économique, il a demandé à Mme Christine Lagarde son appréciation de la crise des « subprimes » ainsi que son jugement quant à la nécessité de former un véritable « gouvernement économique européen ». Enfin, abordant la situation de la Société générale, qui a révélé, le 24 janvier 2008, une perte de l'ordre de 5 milliards d'euros dans de récentes opérations financières frauduleuses, il a demandé à la ministre des précisions sur les règles prudentielles qui permettraient de se prémunir contre de telles dérives.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde

a tout d'abord rappelé qu'alors que moins d'un an auparavant, l'Union européenne semblait entrée dans une crise profonde, le compromis institutionnel traduit dans le traité de Lisbonne permettait désormais d'envisager l'avenir plus sereinement.

Dès l'origine, la crise des « subprimes » avait fait l'objet d'une étroite concertation au niveau européen : dès le 16 août 2007, M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, avait écrit à Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, pour lui proposer une mobilisation internationale en réponse aux turbulences de marché. Elle a ensuite évoqué les différentes réunions des dirigeants européens, au cours du second semestre de l'année 2007, qui ont abouti, lors du Conseil ECOFIN du 4 décembre 2007, à l'élaboration d'une « feuille de route ambitieuse » en matière de correction des excès nés du développement de la titrisation sur les marchés financiers, dont les résultats sont attendus en 2008. Elle s'est également félicitée de ce que l'Europe ait porté un message convergent sur ce sujet au niveau international, notamment lors du G7 d'octobre 2007 et de ce que les pays européens inscrivent leur action dans un cadre coopératif, alors même que d'autres pays semblaient prendre des mesures unilatérales face aux turbulences des marchés.

a observé que les Etats membres de l'Union européenne portaient un diagnostic commun sur la situation macro-économique, M. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, ayant ainsi récemment rappelé qu'aux yeux de l'ensemble de ses membres, la croissance européenne était « saine et solide ». De plus, si elle a reconnu que les Etats-Unis pourraient connaître un ralentissement, elle a estimé que l'Asie du Sud-Est, très dynamique, devrait contribuer à soutenir le commerce mondial en 2008.

Elle a ensuite énuméré les données qui fondent son « réalisme positif » sur l'état de l'économie française : bonne orientation de l'emploi en France et en Europe, stabilité de l'indice PMI manufacturier en Europe en décembre 2007, taux d'endettement des ménages maîtrisé en France et marché de l'immobilier correctement orienté. Sur ce dernier point, elle a salué les effets de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), en particulier du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt d'acquisition de la résidence principale.

Puis, évoquant le contenu des réponses des Européens à l'évolution des marchés financiers, Mme Christine Lagarde s'est félicitée de l'action de la Banque centrale européenne (BCE), qui a su répondre aux besoins de liquidité du marché tout au long de l'automne 2007. Elle a également déclaré que les chefs d'Etats et de gouvernement réunis à Londres avec M. Jose Manuel Barroso, président de la Commission européenne, devaient affirmer l'existence d'un accord européen pour agir selon des principes fondamentaux :

- la transparence, qui doit s'appliquer à l'exposition des établissements financiers aux risques « subprimes » et, plus largement, aux montages de titrisation. Elle a jugé nécessaire une certaine standardisation des montages et des reporting, constatant toutefois que cette proposition ne faisait pas l'objet d'un consensus ;

- la responsabilisation des agences de notation. Elle a indiqué que, sous l'impulsion du G7, une revue du code de bonne conduite applicable à ces agences était en cours mais que, si cette initiative devait s'avérer insuffisante, la question de la régulation du secteur devrait être posée ;

- l'amélioration de la gestion des risques de liquidité, au travers de la mise en place, dans tous les pays européens, de groupes de travail sur des scénarios de crise afin de faciliter, le cas échéant, l'élaboration de réponses coordonnées ;

 - le renforcement de l'intégration de la supervision financière au niveau européen, sujet prioritaire pour la France.

Elle a insisté sur la nécessité pour les Européens d'avancer sur ces thématiques de façon unie, à 27, estimant que la situation actuelle des marchés financiers et son éventuel impact sur « l'économie réelle » pourrait inciter les pays les plus réticents à s'engager dans cette voie.

Puis Mme Christine Lagarde est revenue sur les conclusions de la réunion de l'ECOFIN du 4 décembre 2007 concernant la TVA. Elle a estimé que cette réunion avait permis des avancées, la France ayant obtenu que la question de la TVA sur les produits « verts » et sur les services soit traitée durant la présidence française, au second semestre de 2008 et non en 2009, comme initialement envisagé. Au sujet de la TVA sur le commerce électronique, elle a expliqué qu'aux termes d'un accord politique ayant fait l'objet de longues négociations, le système actuel, à savoir l'imposition sur le lieu du prestataire et non sur le lieu de consommation, serait maintenu jusqu'en 2015. Ensuite, à partir du 1er janvier 2015 et jusqu'au 31 décembre 2016, le pays d'origine des services électroniques ne percevrait plus que 30 % de la TVA, le reste étant encaissé par le pays de destination des services, cette proportion étant ramenée à 15 % entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2018. Enfin, à partir du 1er janvier 2019, le pays de consommation percevrait l'ensemble des recettes de TVA sur les ventes par commerce électronique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

s'est étonné de l'avantage ainsi consenti au Grand-duché de Luxembourg, qui applique une TVA de 15 % sur le commerce électronique.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde

a rappelé la difficulté de dégager un compromis sur un sujet nécessitant un accord unanime des Etats et a précisé que le « paquet TVA » serait débattu lors de la présidence française de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a souhaité savoir si les événements frauduleux affectant la Société générale résultaient d'un problème de contrôle interne ou du dysfonctionnement des règles appliquées par les régulateurs.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde

a jugé indispensable d'attendre les résultats de l'enquête en cours pour se prononcer sur cette question. Elle a toutefois indiqué qu'elle n'avait aucune raison de penser, à ce stade, que la situation de la banque résultait d'autre chose que du comportement frauduleux d'un courtier « bien informé et mal intentionné ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a considéré que la crise des « subprimes » était devenue systémique et que, si les injections de liquidités passées avaient permis de se prémunir contre une contraction du crédit, cette situation ne perdurerait peut-être pas. Il a successivement interrogé la ministre :

- sur la gouvernance de la Banque centrale européenne, se demandant si elle demeurerait aussi « figée » que par le passé ;

- sur la refonte du paysage des autorités de régulation, estimant que la diffusion des risques au-delà des limites des secteurs bancaire, boursier et assurantiel plaidait pour une fusion des autorités de régulation propres à ces secteurs ;

- sur l'actualisation des normes comptables, dont il a jugé que la définition actuelle, fortement influencée par la traduction anglo-saxonne, favorisait la volatilité des bilans ;

- sur la mise en oeuvre, depuis longtemps réclamée par la commission de procédures et de contrôles permettant d'encadrer l'activité des agences de notation, au-delà des simples codes de bonne conduite.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde

a rappelé qu'aucune contraction du crédit n'était constatée sur la base des chiffres de novembre 2007. Elle a rappelé que la première réaction de la BCE à la crise des « subprimes » avait été saine, mais a affirmé partager la conviction du rapporteur général, selon laquelle la poursuite du seul impératif de la stabilité des prix correspondait à une époque qui avait changé, et que l'impératif de croissance méritait d'être pris en compte par la banque centrale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

A l'invitation de M. Jean Arthuis, président, elle a également précisé que des initiatives commençaient à être prises en matière de niveau des taux de change, et que le taux d'intérêt était, en soi, un instrument susceptible d'influencer le cours des monnaies, instrument au demeurant largement utilisé par la Réserve fédérale des Etats-Unis (FED).

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde

S'agissant de l'organisation des institutions de régulation, Mme Christine Lagarde a jugé approprié de mener une réflexion sur la fusion des autorités intervenant dans les secteurs de la banque et de l'assurance. Elle a également souscrit à la nécessité de s'interroger sur une révision des normes comptables permettant une valorisation plus fiable des actifs. Elle a enfin souligné que les agences de notation ne devaient pas constituer les « victimes expiatoires » des récentes turbulences financières, tout en admettant que le risque de conflit d'intérêts devait être attentivement considéré au sein d'entités souvent amenées à juger des produits à l'élaboration desquels elles avaient participé.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

a estimé que l'exercice de la présidence française de l'Union européenne serait probablement entravé par les divergences de vues entre la France et l'Allemagne quant aux questions de gouvernance économique et d'intégration de la supervision des marchés. Elle s'est, de concert avec M. Jean Arthuis, président, interrogée sur les conséquences, pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, des provisions constituées par les banques pour faire face aux retombées de la crise des « subprimes ». Mme Nicole Bricq a enfin questionné la ministre sur les éventuelles pressions exercées par le gouvernement quant à une éventuelle démission de M. Daniel Bouton, président-directeur général de la Société générale.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde

a noté que la Commission européenne et l'Allemagne étaient convaincues de la nécessité et du bien-fondé du programme de réforme annoncé par la France. Elle a relativisé les divergences existant entre la France et l'Allemagne, en observant une évolution de la position allemande sur des sujets tels que la réforme des organes de régulation ou l'utilisation du taux d'intérêt comme instrument de change.

S'agissant enfin de la démission de M. Daniel Bouton, la ministre a rappelé que la décision appartenait aux administrateurs de la banque, qui devaient se prononcer en fonction de la confiance qu'ils témoignaient dans la direction de l'établissement et dans l'intérêt de la société et de la place de Paris. Elle a également jugé que les risques auxquels était confrontée la Société générale en raison de ses difficultés impliquaient une certaine solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

s'est alors interrogé sur l'identité des acteurs financiers français susceptibles de recapitaliser cette banque.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde

S'agissant enfin de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, Mme Christine Lagarde a précisé que de grands établissements tels que le Crédit lyonnais et BNP Paribas avaient, à sa connaissance, anticipé dès fin 2007 les retombées de la crise des « subprimes ».