Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède à l'audition de M. François Drouin, président du conseil d'administration de l'établissement public OSEO, dans le cadre de sa candidature au renouvellement de ses fonctions, en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, et sur la situation des PME.
Nous allons entendre ce matin, une nouvelle fois, François Drouin, président du conseil d'administration de l'établissement public OSEO, dans le cadre de sa candidature au renouvellement de ses fonctions.
En effet, si une telle audition s'est déjà tenue, le 29 juin 2010, à l'expiration du mandat « normal » de M. Drouin, la réorganisation d'OSEO, intervenue dans le cadre de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, nécessite une nouvelle nomination du président et donc ce nouveau passage devant les commissions des finances des deux assemblées.
Toutefois, bien que nous nous soyons déjà prêtés à cet exercice, cette séance revêt un caractère particulier. En effet, l'entrée en vigueur de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous amènera, pour la première fois, à l'issue de cette audition, à voter afin de confirmer ou d'infirmer le choix du Président de la République.
A cet égard, je vous rappelle qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ». Il nous faudra donc consolider nos votes avec ceux des membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale, devant lesquels M. Drouin s'est exprimé juste avant de nous rejoindre. En outre, je vous indique que d'après l'article 3 de la loi organique précitée du 23 juillet 2010, « il ne peut y avoir de délégation lors d'un scrutin destiné à recueillir l'avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée sur une proposition de nomination selon la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ». En conséquence, seuls les présents voteront.
Enfin, je vous rappelle que, conformément à la loi précitée du 23 juillet 2010, la présente audition est publique et ouverte à la presse. Elle est retransmise en direct sur le site du Sénat.
Dans l'immédiat, je vais inviter François Drouin à se présenter et à nous livrer la vision stratégique qu'il a pour le groupe OSEO dans l'éventualité d'un nouveau mandat. Je pense qu'il serait également utile qu'au titre de ses fonctions actuelles, il puisse nous faire le point de la situation présente des PME, en particulier en matière financière et d'accès au crédit. Chacun de vous pourra ensuite, s'il le souhaite, lui poser des questions avant que nous passions au vote.
OSEO, qui se veut « l'entreprise des entrepreneurs », au service des entreprises comptant de zéro à 5 000 salariés, a connu une activité soutenue sur chacun de ses métiers au cours de l'année 2010.
S'agissant de l'activité de garantie, cette année a encore été marquée par le plan de relance, qui s'est achevé le 31 décembre dernier, même si nous avons veillé à réduire progressivement les interventions au titre de ce plan exceptionnel depuis le pic atteint en juillet 2009. L'an dernier, OSEO a ainsi permis l'octroi de plus de 6 milliards de prêts bancaires à quelque 24 000 entreprises. Parallèlement à cette activité de « pompier », nous avons également connu une année soutenue pour ce qui concerne les garanties d'investissement, qui constituent le coeur de métier de cette branche du groupe OSEO. Les prêts octroyés aux entreprises grâce à cette garantie se sont élevés à 4,28 milliards d'euros, en augmentation de 17 % par rapport à 2009. Au total, OSEO porte actuellement 11 milliards de risques sur cette activité.
S'agissant de l'activité de financement, OSEO a apporté 3,2 milliards d'euros de concours en 2010, soit 25 % de plus qu'en 2009. Le bénéfice pour les entreprises est encore supérieur car nous n'intervenons jamais seuls et nous entraînons d'autres établissements bancaires. OSEO porte actuellement 10 milliards d'euros d'encours au titre de ces prêts.
Il convient d'ajouter que, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République le 5 octobre 2009, le groupe a développé des « contrats de développement participatifs », c'est-à-dire de prêts participatifs qui, du point de vue de l'entreprise financée, correspondent à des quasi fonds propres. OSEO se trouve, en effet, placé au même rang de risque que les actionnaires sans pour autant prendre une part de capital, ce qui n'est pas notre métier et pourrait, en outre, engendrer des conflits d'intérêts. Nous avons déjà engagé, à ce jour, 80 % de l'enveloppe d'un milliard d'euros que le chef de l'Etat nous a demandé de consacrer au renforcement du haut de bilan des entreprises sur la période 2009-2011. Le quart des bénéficiaires de ces prêts sont des entreprises de taille intermédiaire (ETI).
En matière d'innovation, 2010 a été une année « normale », au cours de laquelle OSEO a consacré 569 millions d'euros au soutien à quelque 2 849 entreprises, entre ses subventions et avances remboursables « classiques » et la trentaine de programmes en cours au sein du fonds « innovation-stratégie-industrie (ISI) », issu de l'ancienne Agence pour l'innovation industrielle (AII). S'y ajoutent les crédits qu'OSEO a distribués au travers du Fonds unique interministériel (FUI) d'aide aux pôles de compétitivité, dont la gestion demeure un sujet un peu difficile.
Au total, notre groupe a connu, depuis le début de la crise, une activité très soutenue avec des effectifs stables. Les collaborateurs du groupe, dont le taux de cadres est passé de 71 % à 76 % ces deux dernières années, ont su faire face à ce contexte économique exceptionnel.
Toutefois, il est important de ne pas « charger » OSEO de façon excessive et durable car nos métiers nous conduisent à prendre des risques, de nature différente selon nos activités, et à les maîtriser. Nous sommes également obligés d'agir au rythme des entreprises, c'est-à-dire vite. Je souligne, à cet égard, que l'inspection de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui est venue contrôler OSEO, n'a pas émis de réserve sur la façon dont les risques entrent dans le portefeuille du groupe et n'a pas non plus jugé nécessaire de nous faire passer de provision complémentaire. En outre, pour l'heure, les risques exceptionnels que nous avons dû prendre du fait de la crise ne se traduisent pas par une sinistralité excessivement accrue, l'augmentation des sinistres ne s'élevant « qu'à » 75 % alors même que nous avions anticipé un doublement en décembre 2008.
Elle l'est depuis le 31 décembre 2010 d'un point de vue juridique, et depuis le 1er janvier 2010 d'un point de vue comptable. Il s'agit davantage d'un enjeu de simplification et d'optimisation que d'un enjeu stratégique. En effet, mon prédécesseur, Jean-Pierre Denis, avait réalisé, en grande partie, la fusion sur le terrain d'un point de vue opérationnel, mais les différences de statut des personnels et la nécessaire préservation des intérêts de toutes les entités créaient de nombreuses lourdeurs.
Lors de votre audition de juin 2010, vous aviez alerté la commission des finances sur la nécessité de recapitaliser convenablement OSEO. Nous avons d'ailleurs relayé ces inquiétudes auprès du Gouvernement, notamment lors de l'examen du projet de loi de régulation bancaire et financière. Pouvez-vous nous faire un point sur la situation ?
D'autre part, vos différents métiers vous amènent souvent à respecter des procédures bien spécifiques. Est-ce que, malgré ces contraintes, vous parvenez à avoir une vision globale de vos clients et, dans une certaine mesure, à vous comporter comme une « vraie banque » ?
En matière d'innovation, pourriez-vous nous préciser la proportion des subventions et des avances remboursables, ainsi que votre « taux de perte » sur ces dernières ?
S'agissant du FUI, êtes-vous satisfait du fonctionnement actuel de ce fonds ?
Enfin, pourriez-vous préciser davantage les risques de pertes futures que vous prévoyez du fait de la crise ? Et, tandis que s'amorce le « retour à la normale », quels enseignements tirez-vous de cette période ?
Tout d'abord, la Commission bancaire nous a enjoints de renforcer nos fonds propres de manière à ce que ceux-ci représentent plus de 8 % des risques à la fin de 2010, conformément aux normes prudentielles en vigueur. Depuis lors, le capital d'OSEO a été augmenté, mais pas au niveau qui nous avait été annoncé. En effet, si 140 millions d'euros en provenance du « grand emprunt » ont bien été versés, le produit de la taxe sur bonus des traders des établissements bancaires ne s'est élevé qu'à 298 millions d'euros, pour une prévision initiale de 360 millions d'euros. Au total, l'augmentation de capital d'OSEO, issue de ces deux sources, n'a donc représenté que 438 millions d'euros au lieu de 500 millions d'euros. Cela suffit pour que nous respections le ratio de 8 %, mais une nouvelle augmentation de capital devra probablement être effectuée en 2012.
S'agissant des procédures, elles sont, en effet, nombreuses, chez OSEO, particulièrement pour ce qui concerne le financement de l'innovation. Nous nous attachons toutefois à développer une vision globale de nos clients et de leurs besoins, sans pour autant prétendre être une banque universelle. En effet, nous ne proposons pas l'ensemble des produits bancaires et nous sommes avant tout le « financeur du long terme ».
En matière d'innovation, notre dotation budgétaire est serrée. Nous n'avons donc qu'une faible quotité de subventions. Pour ce qui concerne les avances remboursables, le taux de perte, d'ailleurs très stable sur le long terme, est de l'ordre de 45 %.
S'agissant du FUI, OSEO n'a qu'une mission réduite, en aval d'un processus complexe. Notre rôle se limite, pour l'heure, à verser les fonds aux entreprises bénéficiaires, ce qui est sans doute réducteur. Il y a probablement moyen de progresser, d'autant que les délais de versement sont longs et peu adaptés à la réalité des entreprises.
Enfin, sur le régime de garantie spéciale durant la crise, OSEO a permis l'obtention de 6 milliards d'euros de découverts ou de prêts de trésorerie par les entreprises, son risque propre s'élevant à 3 milliards d'euros. Comme je l'ai indiqué, la sinistralité associée est moindre que prévu, de l'ordre de 75 % de majoration par rapport aux pertes habituellement subies par cette activité. Les études que nous avons faites montrent l'efficacité de ce dispositif : sur 5 000 bénéficiaires que nous avons interrogés, la moitié nous a indiqué qu'ils auraient déposé le bilan sans l'aide d'OSEO, 30 % auraient licencié davantage, environ 20 % n'y voyant finalement qu'un confort supplémentaire, dont ils auraient pu se passer.
En premier lieu, je reconnais qu'OSEO a su se montrer présent au plus fort de la crise, à un moment où les banques traditionnelles étaient plus rétives.
Pour l'avenir, quelles sont vos prévisions en termes de sinistres pour l'année 2011 ?
Ensuite, comment qualifieriez-vous vos relations avec vos actionnaires ?
Par ailleurs, quelles sont vos relations avec les collectivités territoriales ? En particulier, comment vous situez-vous dans le cadre des plates-formes régionales ?
Enfin, en matière d'innovation, vous indiquez ne disposer que d'un « budget serré ». Dès lors, que faudrait-il faire, alors même que les banques françaises sont réticentes à s'engager sur ce créneau ?
La sinistralité devrait être, en 2011, comparable à celle de 2010. Puis notre risque tendra à diminuer avec le temps. Sur plus longue durée, ce niveau est inférieur à notre taux de perte de 2003 et très inférieur à celui de 1993. C'est d'ailleurs ce que l'on observe aussi chez les banques, les défaillances étant surtout le fait de très petites entreprises ne disposant que d'un faible encours.
A propos de nos actionnaires, je voudrais tout d'abord souligner qu'ils sont au nombre de 500, même si deux d'entre eux, l'Etat et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sont un peu particuliers et savent se montrer exigeants. Mais je suis au service de tous. J'ai été récemment un peu déçu que la CDC ne participe pas à notre augmentation de capital. Mais nous travaillons bien ensemble sur le terrain, notamment avec le Fonds stratégique d'investissement (FSI), avec lequel nous avons signé une convention et que nous alimentons grâce à notre réseau et à nos contacts. Nous sommes ainsi à l'origine de la moitié des concours du FSI.
Pour ce qui concerne les collectivités, nous travaillons essentiellement avec les régions. Nos relations sont globalement bonnes mais nous pourrions sans doute progresser, notamment sur le thème de l'innovation, par exemple en constituant des fonds communs. Deux régions sont candidates, mais, pour avancer, il nous faut l'accord de nos tutelles étatiques. Le rôle de l'Etat au sein d'OSEO est d'ailleurs parfois un peu ambigu, la position de l'administrateur étatique ne coïncidant pas nécessairement avec celui des tutelles...
Enfin, en matière d'innovation, la réactivité est essentielle. Au vu de l'évolution des crédits, il faut que les acteurs sachent aller chercher des fonds à tous les niveaux. Je pense, en particulier, à l'échelon régional et à l'Europe.
Les chefs d'entreprises que je croise me paraissent souvent peu informés sur OSEO. Avez-vous un plan d'action en termes de communication ?
D'autre part, j'aimerais connaître votre appréciation au sujet des conflits d'intérêts. Disposez-vous d'une charte au sein de votre groupe ?
La communication est, effectivement, un sujet important. OSEO n'a que cinq années d'existence et il nous faut augmenter sa notoriété. La crise y a contribué mais nous comptons, avant tout, sur le bouche à oreilles, les chefs d'entreprises se fiant surtout aux retours d'expériences de leurs pairs. Dès lors, il me semble que des campagnes de publicité seraient à la fois inutiles et coûteuses. Nous préférons des actions plus ciblées, comme celle qui consiste à entretenir une « communauté OSEO excellence » de 2 000 chefs d'entreprises et à organiser des événements autour d'elle.
Sur votre seconde question, nous disposons bien d'une charte de déontologie, notifiée à chaque collaborateur. Nous avons d'ailleurs un cas récent de sanction d'un collaborateur dont nous nous sommes séparés pour non-respect de ladite charte.
Quel est le taux de rémunération d'OSEO sur les prêts participatifs qu'il octroie ?
En outre, disposez-vous d'éléments particuliers susceptibles de nous éclairer sur la santé et l'efficacité de la recherche française ?
Notre rémunération est comprise entre 4 % et 6 %, ce qui est raisonnable au vu de la nature du risque que nous prenons. Je précise que la diversification du taux s'applique aux ETI afin que nos financements ne puissent risquer une qualification d'aide d'Etat par les institutions communautaires.
Sur la recherche, nous ne disposons pas d'éléments particuliers. Davantage que la recherche elle-même, qui se porte bien, c'est sa valorisation qu'il faut encore améliorer. Il me semble qu'en favorisant un peu plus l'innovation, nous ferions progresser de manière significative l'exploitation des importants moyens que la France consent en faveur de la recherche.
Quel est la composition du conseil d'administration d'OSEO et combien de femmes comporte-t-il ?
D'autre part, avez-vous réellement la volonté de développer les relations de votre groupe avec les élus ? Mon expérience girondine ne m'a pas particulièrement fait apparaître une telle orientation...
Sur quinze membres, le conseil d'administration d'OSEO ne compte que deux femmes. Mais nous n'avons que peu de latitude sur sa composition. Ainsi, les quatre représentants de l'Etat sont des hommes, de même que les deux représentants de la CDC. En revanche, le seul administrateur nommé par l'assemblée générale des actionnaires est une femme, de même qu'une des trois personnalités qualifiées nommées par le Gouvernement.
Au niveau des territoires, je vous rappelle que nous travaillons presque exclusivement avec les régions, qui nous semblent être le bon échelon, du fait, en particulier, de leurs responsabilités en matière de développement économique.
Pourriez-vous préciser davantage le degré de recouvrement de vos actions avec celles du FSI ?
De plus, en matière d'innovation, OSEO est-il amené à coopérer avec les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) ?
Nous sommes complémentaires avec le FSI s'agissant des prêts participatifs et, comme je l'ai indiqué, nous coopérons quand l'occasion se présente. En revanche, nos activités se recouvrent globalement assez peu car OSEO a un gros volume d'affaires avec de petits montants unitaires, c'est-à-dire l'inverse du FSI.
Nous collaborons aussi, bien sûr, avec les FCPI, ne serait-ce que parce qu'il nous revient de labelliser les entreprises éligibles au quota d'entreprises innovantes que doivent respecter ces fonds. De plus, nous jouons un rôle important en termes de garantie : OSEO garantit ainsi la moitié du capital-risque en France.
OSEO jouit sans doute d'une bonne notoriété... pour les initiés. Mais, au-delà, quelles sont vos relations avec les chambres de commerce et d'industrie (CCI) ?
Les CCI sont naturellement des partenaires et je crois pouvoir dire qu'elles nous connaissent toutes. De manière générale, comme je l'ai souligné précédemment, la crise a accru notre notoriété parmi les entrepreneurs.
Une dernière question : pourriez-vous nous dire si l'évolution structurelle d'OSEO s'est accompagnée d'une évolution de la rémunération du président. De manière générale, comment est calculée cette rémunération, en particulier quelle est la part variable et sur quels critères est-elle, ou non, versée ?
Le président d'OSEO reçoit une rémunération fixe de 300 000 euros, à laquelle s'ajoute une part variable pouvant représenter jusqu'à la moitié de cette part fixe. La même règle vaut d'ailleurs pour les directeurs généraux délégués du groupe. Je précise enfin que les quatre cinquièmes de la part variable dépendent du respect de critères fixés par le comité de rémunération d'OSEO, le reliquat étant versé - ou non - à la discrétion du ministre chargé de l'économie. Je ne sais pas si ces règles sont appelées à évoluer dans le cadre de la nouvelle structure.
Le public est invité à quitter la salle. Le président de la commission raccompagne M. François Drouin.
La commission procède ensuite au scrutin puis au dépouillement, simultané avec la commission des finances de l'Assemblée nationale, du vote sur la proposition de reconduction dans ses fonctions du président du conseil d'administration de l'établissement public OSEO.
Nicole Bricq et M. Joël Bourdin sont désignés scrutateurs.
Voici les résultats du scrutin : sur la nomination de M. François Drouin, 14 votants, 13 suffrages exprimés, 13 voix pour, 1 abstention.