Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 25 juin 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Photo de Josselin de Rohan

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu le compte rendu, par M. Josselin de Rohan, président, d'une mission effectuée en Russie, du 21 au 25 avril 2008, qu'il conduisait et qui était composée de Mme Josette Durrieu et de MM. Jean-Pierre Fourcade, Robert Hue, Yves Pozzo di Borgo et Roger Romani.

a indiqué qu'au cours de ce déplacement, la délégation avait rencontré de nombreuses personnalités, notamment les présidents et des membres des commissions des affaires étrangères et de la défense de la Douma et du Conseil de la Fédération, le conseiller spécial de Vladimir Poutine pour les relations avec l'Union européenne, le vice-ministre des affaires étrangères, des responsables du Conseil de sécurité et du ministère de la défense, de l'opposition, de la société civile et les représentants des principales organisations de défense des Droits de l'Homme. Il a rendu hommage à l'action de notre ambassadeur en Russie, Son Exc. M. Stanislas de Laboulaye, et de ses collaborateurs, qui ont apporté une aide et un éclairage très précieux tout au long du séjour de la délégation.

Abordant d'abord la situation intérieure de la Russie, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé qu'après la victoire du parti Russie unie aux élections législatives de décembre 2007, puis celle de Dmitri Medvedev aux élections présidentielles de mars dernier, la Russie avait connu une transition inédite, puisqu'après avoir exercé la fonction de Président de la Russie pendant plus de huit années, Vladimir Poutine avait laissé la place, le 7 mai 2008, à Dmitri Medvedev, son ancien vice-premier ministre et l'un de ses proches les plus fidèles, qui l'avait aussitôt désigné comme chef de son gouvernement.

Depuis la fin de l'Union soviétique, jamais un exécutif n'a disposé d'une assise aussi solide et jamais les contre-pouvoirs n'ont paru aussi faibles, a indiqué M. Josselin de Rohan, président.

Le Parlement est largement dominé par le parti Russie unie, qui détient la majorité des deux tiers, le parti communiste étant le seul parti d'opposition à être représenté à la Douma. Les conditions dans lesquelles se sont déroulées les deux dernières élections, qui ont été entachées d'irrégularités manifestes, l'emprise du pouvoir sur la télévision d'Etat, la tonalité de moins en moins critique de la presse, le renforcement du pouvoir central sur les 89 sujets de la Fédération ou encore le rôle de premier plan occupé par les hommes provenant des « structures de force », les « siloviki », dont Vladimir Poutine est lui-même issu, dénotent, sur nombre de points, des écarts sensibles avec les standards de la démocratie pluraliste, tels qu'ils sont conçus dans les pays occidentaux, lesquels, il est vrai, n'ont guère eu l'occasion d'être pleinement mis en oeuvre en Russie. A l'inverse, il est difficile de contester la réalité du soutien populaire à Vladimir Poutine, qui semble incarner aujourd'hui, aux yeux des Russes, la figure d'un « leader national », ayant permis à la Russie de redresser son économie et de retrouver son rang sur la scène internationale.

Dans ce contexte, on peut s'interroger sur le fonctionnement du tandem entre Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine, a fait valoir M. Josselin de Rohan, président, d'autant plus que la Constitution russe reconnaît un rôle prépondérant au Président de la Fédération, qui s'est d'ailleurs renforcé dans la pratique sous les deux mandats successifs de Vladimir Poutine.

Il a estimé que des tensions seront sans doute inévitables entre les deux hommes et que la manière dont ils parviendront à les gérer aura certainement une grande influence sur l'avenir de la Russie et de son régime.

Sur le plan économique, les deux mandats de Vladimir Poutine se sont achevés sur des résultats très positifs, illustrés notamment par une forte croissance économique, avec un rythme annuel supérieur à 6 % depuis 1999, un budget et des comptes extérieurs excédentaires, une dette publique résorbée et une situation du marché du travail proche du plein emploi.

Ces bonnes performances économiques ont été largement favorisées par la hausse des cours du pétrole, a indiqué M. Josselin de Rohan, président, rappelant que la Russie est le premier producteur et exportateur mondial de gaz naturel et le deuxième producteur et exportateur mondial de pétrole, derrière l'Arabie saoudite. Il a également estimé que ce bilan méritait d'être nuancé au vu de la persistance des infrastructures délabrées, des besoins collectifs considérables, dans le secteur de la santé, du logement, des transports ou de l'environnement, des conditions de vie précaires d'une partie de la population, des fortes disparités de revenus et surtout du déclin démographique russe. Il a souligné que la population de la Russie était, aujourd'hui, de 142 millions d'habitants, contre 147 en 1999, et que les projections démographiques établies par les Nations unies prévoyaient, à l'horizon 2050, une population ramenée à 100 millions d'habitants, soit pratiquement une diminution d'un million d'habitants chaque année.

En outre, l'effet de ce déclin démographique est accentué par la très inégale distribution de la population sur le territoire et le sous-peuplement de très vastes régions, en particulier dans la partie orientale du pays, soumise à une forte pression démographique chinoise.

Enfin, si la situation en Tchétchénie tend à se stabiliser, la situation reste tendue dans les républiques voisines du Caucase du Nord, où l'islamisme radical progresse.

Evoquant ensuite la politique étrangère russe, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué qu'après avoir été marginalisée dans les années 1990, la Russie avait effectué, avec Vladimir Poutine, son retour sur la scène internationale. Le discours de Vladimir Poutine, prononcé à la conférence de Munich, le 10 février 2007, avait constitué le point d'orgue d'une Russie sûre d'elle-même, qui renoue avec un sentiment de puissance.

Il a résumé l'impression dominante recueillie par la délégation, en estimant que la Russie cherche, en utilisant notamment l'arme énergétique, à préserver son statut de puissance mondiale, mais qu'en pratique, sa conduite était prioritairement dictée par deux préoccupations : ses intérêts économiques et le maintien dans son orbite des Etats issus de l'Union soviétique.

a constaté qu'en dépit de son implication dans les grands dossiers internationaux, la capacité d'action de Moscou était réduite, notamment vis-à-vis des initiatives américaines, comme en témoigne l'exemple de l'indépendance du Kosovo.

De même, sur le dossier nucléaire iranien, la Russie joue un rôle ambigu, faisant preuve à la fois de ses responsabilités internationales, en votant les différentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, mais aussi en défendant ses intérêts politiques et économiques traditionnels dans cette zone depuis le XIXe siècle.

a noté que si les dépenses militaires avaient fortement augmenté ces dernières années, l'outil militaire russe demeurait fortement dégradé.

Alors que la Russie avait amorcé un rapprochement avec les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, la multiplication des différends avait incité Vladimir Poutine à réorienter sa politique étrangère vers l'Asie, en particulier en direction de la Chine, avec qui la Russie entretient, aujourd'hui, une coopération étroite, notamment en matière énergétique et militaire dans le cadre de l'Organisation de coopération de Shanghai.

Pour autant, si les différends frontaliers avec la Chine semblent avoir trouvé une solution satisfaisante, l'émergence de la puissance chinoise, le renforcement de son influence, notamment en Asie centrale, et surtout la pression démographique chinoise exercée sur les régions sous-peuplées de Sibérie suscitent une grande méfiance de la part de la Russie.

Evoquant enfin les relations de la Russie avec l'OTAN, l'Union européenne et la France, M. Josselin de Rohan, président, a souligné la tonalité systématiquement négative, à l'égard de l'OTAN, des interlocuteurs russes et l'extrême sensibilité de la question de l'élargissement de l'OTAN. Si, depuis la fin de la guerre froide, l'OTAN et la Russie ont noué une coopération, l'OTAN reste perçue comme une organisation militaire associée à la guerre froide.

Un premier sujet de tension porte sur le projet d'implantation d'un radar en République tchèque et d'intercepteurs en Pologne dans le cadre du système de défense anti-missile américain. Des progrès ont toutefois été réalisés récemment sur ce dossier. Les présidents américain et russe ont en effet exprimé, lors de leur rencontre à Sotchi, en avril 2008, leur intérêt pour la création d'un système de défense anti-missile commun dans lequel la Russie, les Etats-Unis et l'Europe participeraient à parts égales.

En revanche, l'adhésion éventuelle à l'OTAN de l'Ukraine et de la Géorgie cristallise toutes les oppositions russes, puisque ces pays étaient incorporés à l'URSS, il y a quinze ans encore, et que la Russie a toujours entretenu des liens étroits avec eux, notamment avec l'Ukraine, a indiqué M. Josselin de Rohan, président. L'Ukraine est, en effet, le berceau de la Russie, avec la principauté de Kiev et l'orthodoxie russe. Elle compte, sur son territoire, plus de 8 millions de Russes sur 48 millions d'habitants, principalement dans la partie orientale et en Crimée. Elle est le principal pays de transit des gazoducs et des oléoducs en provenance de Russie vers l'Union européenne et, enfin, la base de la flotte russe de Sébastopol, louée jusqu'en 2017 à l'Ukraine, présente une importance stratégique pour le Russie.

La question de l'adhésion éventuelle de l'Ukraine et de la Géorgie a été au centre du sommet de l'OTAN, qui s'est tenu à Bucarest du 2 au 4 avril 2008, au cours duquel les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de l'OTAN ont décidé que l'Ukraine et la Géorgie deviendraient membres de l'OTAN, sans toutefois fixer de date pour l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie au plan d'action pour l'adhésion (MAP). M. Josselin de Rohan, président, a souligné que la France et l'Allemagne, soutenues par les quatre autres « pays fondateurs » (la Belgique, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas), s'étaient opposées à l'accès au MAP de l'Ukraine et de la Géorgie, malgré le soutien des Etats-Unis et de plusieurs pays, comme la Pologne ou les pays baltes. La question devrait néanmoins resurgir en décembre 2008, avec la réunion des ministres des affaires étrangères, et lors du prochain sommet de l'OTAN, en 2009. La Russie peut toutefois faire pression sur ces deux pays. A l'égard de l'Ukraine, la Russie dispose de l'arme énergétique, ce pays étant entièrement dépendant du gaz russe, alors que, vis-à-vis de la Géorgie, elle peut jouer de son influence sur les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud.

A l'inverse de l'OTAN, l'Union européenne ne suscite pas la même appréhension de la part de la Russie, a relevé M. Josselin de Rohan, président, en soulignant qu'il existait, entre l'Union européenne et la Russie, une réelle interdépendance. La Russie représente, en effet, pour l'Union européenne son plus grand voisin, son troisième partenaire commercial et son premier fournisseur d'hydrocarbures, alors que, de son côté, l'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Russie et son principal débouché. Toutefois, si la Russie a fait récemment un geste à son égard en mettant à sa disposition quatre de ses hélicoptères pour l'opération EUFOR, au Tchad et en République centrafricaine, les responsables russes demeurent sceptiques sur l'influence de l'Union européenne sur la scène internationale. Il est vrai que les divisions entre les Etats membres, notamment en matière énergétique, peuvent rendre compte de ce sentiment.

Les négociations sur un nouvel accord, visant à remplacer l'actuel accord de partenariat et de coopération, qui devraient être lancées lors du sommet Union européenne-Russie des 26 et 27 juin 2008 en Sibérie, pourraient donner un nouvel élan à ces relations. Si l'influence de la France ne doit pas être surestimée, compte tenu de l'importance de la présence économique de l'Allemagne et de l'Italie, M. Josselin de Rohan, président, a jugé qu'elle avait un rôle crucial à jouer pour renforcer la prise de conscience de l'importance et de l'intérêt, pour la stabilité et la prospérité du continent, d'un partenariat stratégique avec la Russie.

A cet égard, la présidence française de l'Union européenne représente une réelle opportunité, puisque c'est sur sa responsabilité que devraient se dérouler les négociations sur le nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie. Le renforcement des relations avec la Russie devrait donc constituer une priorité de la présidence française de l'Union européenne, et, au-delà, de la politique étrangère de la France, a estimé M. Josselin de Rohan, président.

A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé au sein de la commission.

Revenant sur la situation politique de la Russie, M. Robert Hue a indiqué que cette visite était intervenue à un moment particulièrement opportun, caractérisé par la mise en place des nouvelles équipes présidentielles et gouvernementales. Il a rappelé le véritable traumatisme vécu par la Russie au moment de l'effondrement de l'Union soviétique et l'humiliation ressentie par la population au cours de la période Eltsine, qui expliquaient largement le sentiment actuel de revanche et l'attitude parfois arrogante de la Russie face à l'Occident qui accompagne le retour de ce pays sur la scène internationale, grâce notamment à la manne énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Ce retour s'accompagne aussi de dérives autoritaires, comme l'illustre la place prise par les « structures de force », les « siloviki », dont Vladimir Poutine lui-même est issu et les réseaux de Saint-Pétersbourg, ville dont il est originaire, ainsi que d'une forme de patriotisme s'apparentant à un fort nationalisme. L'espace public est aujourd'hui entièrement dominé par le parti Russie unie, a relevé M. Robert Hue, et les derniers scrutins ont été entachés d'irrégularités manifestes. Les résultats officiels ont accordé 11 % des voix au parti communiste, ce qui fait de ce parti le seul parti d'opposition représenté à la Douma, alors que le chiffre réel se situerait plutôt autour de 20 %.

Dans ce contexte, le fonctionnement du duo Vladimir Poutine/Dmitri Medvedev suscite des interrogations, a relevé M. Robert Hue, qui a considéré que, compte tenu de la forte personnalité du nouveau président et des pouvoirs qui lui sont reconnus par la Constitution, il semble difficile de croire qu'il se contentera d'un simple rôle de « marionnette » de Vladimir Poutine. A cet égard, la décision de Vladimir Poutine de prendre la direction du parti Russie unie et de transférer certaines structures du Président au Premier ministre peut s'interpréter comme le signe de sa volonté de garder la « haute main » sur les leviers du pouvoir.

Si Dmitri Medvedev a fait de la modernisation de l'économie et de l'amélioration de la qualité de vie des citoyens les priorités de son mandat, en renforçant notamment les investissements dans l'éducation, la recherche et les infrastructures, et en améliorant le système judiciaire et la lutte contre la corruption, il risque toutefois de se heurter aux intérêts des grandes corporations qui dominent certains secteurs économiques jugés stratégiques.

La Russie présente toutefois des faiblesses structurelles, a rappelé M. Robert Hue, qui tiennent notamment à la diminution de la population et à la forte pression démographique chinoise à ses frontières.

Avec le monde occidental, le principal différend concerne l'élargissement de l'OTAN à la Géorgie, mais aussi et surtout à l'Ukraine, dont l'indépendance n'a jamais été totalement acceptée par Moscou.

Déplorant la distance prise ces dernières années par la France à l'égard de ce grand pays qu'est la Russie, qui s'était traduite par un renforcement de l'influence politique et économique de l'Allemagne, mais aussi de l'Italie, M. Robert Hue a estimé que la France devrait chercher à renforcer davantage ses relations avec ce pays, qui joue un rôle très important pour les équilibres géopolitiques, notamment dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, mais aussi au-delà.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

a souhaité, pour sa part, apporter un éclairage supplémentaire sur la situation économique de la Russie et les relations énergétiques.

Concernant la situation économique, il a rappelé que la Russie avait connu, depuis 2000, une croissance économique soutenue, supérieure à 6 % par an, grâce à la forte hausse du prix des hydrocarbures, dont elle constituait l'un des premiers pays producteur et exportateur au niveau mondial. Le budget de l'Etat est excédentaire et la Russie a remboursé la quasi-totalité de sa dette extérieure.

Les échanges économiques entre l'Union européenne et la Russie ont d'ailleurs connu une forte augmentation ces dernières années, même si ces échanges restent très déséquilibrés en faveur de la Russie, compte tenu du poids des hydrocarbures. La Russie est aujourd'hui le premier fournisseur d'hydrocarbures de l'Union européenne et la dépendance énergétique de l'Union européenne devrait fortement s'accroître dans les prochaines décennies.

Or même si, au plus fort de la guerre froide, la Russie n'a jamais manqué à ses obligations contractuelles vis-à-vis de ses partenaires européens, il existe une réelle inquiétude chez les experts sur la capacité de la Russie à honorer ses engagements, compte tenu de la hausse de la consommation intérieure, de la demande chinoise et du manque d'investissements dans l'exploration et l'exploitation de nouveaux gisements. Les besoins d'investissements du secteur énergétique russe sont évalués, par la Commission européenne, à 735 milliards de dollars d'ici à 2030.

La volonté de la Russie de réorienter sa politique étrangère en direction de l'Asie, et en particulier de la Chine, illustrée par le fait que ce pays a été le premier, hors CEI, où Dmitri Medvedev s'est rendu après son élection, s'est traduite par un renforcement de la coopération russo-chinoise.

Enfin, déplorant lui aussi la faible présence économique de la France face à l'Allemagne et à l'Italie, M. Jean-Pierre Fourcade a estimé indispensable de renforcer les liens économiques entre nos deux pays, notamment sur le plan énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

a déclaré avoir été frappé, lors de son séjour à Moscou, par la volonté des autorités russes d'affirmer le statut de puissance de leur pays, qui s'explique par un certain sentiment de revanche après l'humiliation ressentie, dans les années 1990, à l'égard des Etats-Unis et du monde occidental, et par une nostalgie du rôle de premier plan exercé par l'Union soviétique.

La Russie ne dispose toutefois pas des moyens nécessaires pour se poser en rival des Etats-Unis et la première priorité de la politique étrangère russe est de préserver son influence dans l'espace post-soviétique, a-t-il souligné. Cela explique la violente réaction de la Russie à l'égard des « révolutions de couleur », en Ukraine et en Géorgie, et sa ferme opposition à la volonté de ces deux pays de rejoindre l'Alliance atlantique.

Il existe une certaine déception russe à l'égard du monde occidental, de l'Union européenne et même de la France, a estimé M. Roger Romani, et les différents interlocuteurs ont émis le souhait de voir la France s'impliquer davantage en Russie.

Debut de section - PermalienPhoto de André Boyer

Rappelant qu'il avait participé à une mission de la commission qui s'était rendue en Russie en 2004, à l'amorce du deuxième mandat de Vladimir Poutine, au cours de laquelle les responsables russes avaient déjà tenu des propos très durs envers l'élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN aux pays baltes et aux pays d'Europe centrale et orientale, M. André Boyer a souhaité savoir où en était la réforme de l'armée russe.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

En réponse, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que, face à la dégradation de la situation matérielle, des équipements et de la condition des militaires, Vladimir Poutine avait effectivement lancé une profonde réforme, qui se mettait en oeuvre lentement sous l'égide du ministre de la défense et qui rencontrait des résistances au sein de la hiérarchie militaire, comme l'illustre le récent remplacement du chef d'état-major des armées. Ces réformes consistent à augmenter les dépenses militaires, qui sont actuellement équivalentes à celles de la France, à réduire le nombre de personnels de 4,5 millions à 1,1 million, à diminuer la durée du service militaire de deux ans à un an, à professionnaliser la moitié des effectifs, à moderniser les équipements, à créer un corps de sous-officiers, aujourd'hui inexistant, à augmenter la solde et améliorer les conditions de logement des militaires et, enfin, à mettre sur pied une force de projection professionnalisée et dotée des équipements les plus modernes.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

s'est interrogé sur le poids des grands conglomérats industriels et sur la volonté des fonds souverains russes d'investir en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a estimé qu'environ 35 % de l'économie russe était sous l'emprise de l'Etat, à travers de grands conglomérats, notamment les secteurs jugés stratégiques de l'énergie, de l'armement ou du bois. Si ceux-ci cherchent à investir en Europe occidentale, à l'image de Gazprom, cela semble surtout motivé par la recherche du profit, même si l'on ne peut exclure des arrière-pensées politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

s'est interrogé sur la capacité de la Russie à remplir ses engagements contractuels à l'égard de l'Europe en matière énergétique, compte tenu du manque d'investissements dans l'exploitation de nouveaux gisements. Il a souhaité également avoir des précisions sur le complexe militaro-industriel et sur la situation de l'enseignement supérieur en Russie.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a indiqué que certains experts avaient, en effet, de fortes inquiétudes sur la capacité de la Russie à honorer ses engagements, compte tenu du manque d'investissements dans l'exploitation de nouveaux gisements, mais aussi de la hausse de la consommation intérieure ou de l'augmentation de la demande asiatique. Il a aussi mentionné les lacunes existantes en matière d'efficacité énergétique ainsi que le manque d'entretien des gazoducs et des oléoducs, qui entraîne des déperditions importantes de gaz et de pétrole.

L'industrie d'armement a été réorganisée avec la mise en place de grands conglomérats dans les secteurs aéronautique, naval et terrestre et une agence d'exportation.

Enfin, si le niveau de l'enseignement s'est dégradé ces dernières années, la Russie dispose de jeunes très qualifiés et bien formés. A cet égard, M. Josselin de Rohan, président, a regretté le faible nombre d'étudiants russes poursuivant des études en France, de l'ordre de 2 300 sur 240 000 étudiants étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

a considéré que, face à la Chine et à l'Inde, qui comptent chacun plus d'un milliard d'habitants, ou même à l'Union européenne, dont la population est proche de 500 millions d'habitants, la faiblesse de la démographie russe pourrait s'avérer un obstacle majeur à sa volonté de rester une grande puissance, malgré l'immensité de son territoire. Il s'est interrogé sur la politique migratoire russe.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

En réponse, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que le déclin démographique, forte préoccupation de Vladimir Poutine par ailleurs, constituait effectivement l'une des faiblesses majeures de la Russie. Même si la natalité a atteint, en 2007, son plus haut niveau depuis 25 ans, l'amélioration de la qualité de vie de la population, notamment en matière de santé, devrait figurer au nombre des priorités du nouveau président.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

La Russie souffre déjà d'une pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs, comme le bâtiment, a ajouté M. Robert Hue. Elle fait appel à des travailleurs étrangers, en provenance principalement des pays de l'ex-URSS. Même si cette question reste encore taboue pour la plupart des responsables russes, un accord avec la Chine sur une gestion concertée des flux migratoires sera sans doute inéluctable à l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

A une question de M. André Trillard sur la capacité de la Russie à contrôler efficacement ses frontières, du fait de son immense territoire et de la réduction du nombre de ses militaires, M. Josselin de Rohan, président, a répondu que c'était précisément pour cette raison que les autorités avaient conservé le système de la conscription, tout en réduisant la durée du service militaire de deux à un an, à partir du 1er janvier 2008, afin de limiter les cas d'insoumission et d'exemption, souvent motivés par les mauvais traitements infligés aux appelés, dans le cadre d'un « bizutage » qui se traduirait par plusieurs centaines de morts par an.

La commission a ensuite approuvé la publication d'un rapport d'information sur cette mission.

Puis la commission a désigné M. André Boyer, rapporteur sur le projet de loi n° 375 (2007-2008) autorisant la ratification de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes.

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. André Trillard sur le projet de loi n° 227 (2007-2008) autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Albanie, d'autre part.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

a rappelé que les Communautés européennes et leurs 25 membres de l'époque ont conclu avec l'Albanie, le 12 juin 2006, un accord de stabilisation et d'association (ASA).

Il a précisé que ce type d'accord constituait le cadre de l'action européenne au profit des pays des Balkans occidentaux, dont les instruments avaient été définis au sommet de Zagreb, en novembre 2000. La perspective d'une adhésion future de l'ensemble de ces pays à l'Union européenne a été confirmée par le Conseil européen de Thessalonique, en juin 2003 ; « l'agenda de Thessalonique » a défini de nouveaux instruments visant à encourager les réformes dans cette zone et à favoriser ainsi le rapprochement des pays des Balkans occidentaux avec l'Union européenne.

Il a souligné que la conclusion d'un ASA avec l'Albanie reconnaissait à ce pays une perspective européenne claire, en incluant dans son préambule une clause, évolutive, lui offrant la qualité de candidat potentiel à l'Union européenne.

a souligné que cet accord comportait l'institutionnalisation d'un dialogue politique, des obligations économiques destinées à améliorer sa compétitivité, des stipulations commerciales visant à créer, à terme, une zone de libre-échange dans les Balkans, un programme de rapprochement de la législation albanaise avec l'acquis communautaire, et une coopération renforcée en matière de justice et d'affaires intérieures.

Il a rappelé que le premier ASA avait été conclu avec la Macédoine, le 9 avril 2001, pour ouvrir des perspectives positives facilitant les accords d'Ohrid du 13 août 2001, qui avaient mis un terme à de graves tensions interethniques. Il a précisé qu'un deuxième ASA a été conclu, le 29 octobre 2001, avec la Croatie, un troisième, avec le Monténégro, en octobre 2007, un quatrième avec la Serbie, en mai 2008, et qu'un projet de ce type était en négociation avec la Bosnie. L'ensemble des pays potentiellement bénéficiaires d'un ASA en seront donc bientôt signataires.

Evoquant le cas spécifique de l'Albanie, il a relevé que ce pays restait l'un des moins développés d'Europe avec 18 % de la population vivant en dessous du seuil national de pauvreté, fixé à moins de 2 USD par jour. Ces chiffres doivent toutefois être relativisés en tenant compte de l'importance de l'économie informelle, évaluée à près de 60 % du PIB, et de l'impact des transferts de la diaspora sur le revenu des Albanais, qui ont représenté 15 % du PIB en 2006. M. André Trillard, rapporteur, a estimé que l'économie albanaise demeurait fragile et fortement tributaire de l'aide institutionnelle extérieure. Des réformes structurelles importantes devraient donc être mises en oeuvre, notamment dans les domaines de la gouvernance et des infrastructures.

Il a observé que les relations économiques bilatérales étaient limitées, et que les investissements directs français en Albanie étaient faibles, notamment du fait d'un environnement des affaires encore peu attractif.

a rappelé que l'intégration aux structures euro-atlantiques constituait un objectif commun à l'ensemble des partis politiques albanais, qui se sont tous félicités de la signature du présent Accord de stabilisation et d'association avec l'Union Européenne.

L'autre objectif stratégique de l'Albanie est son intégration à l'OTAN. Pour s'y préparer, l'Albanie a signé, en 2003, en même temps que la Macédoine et la Croatie, une Charte Adriatique avec les Etats-Unis. L'Albanie a obtenu son adhésion à l'OTAN au sommet de Bucarest.

a précisé que, membre de l'ONU et de l'OSCE (1991), du FMI (1991) et du Conseil de l'Europe (1995), l'Albanie avait obtenu le statut de membre de plein droit au sommet de la Francophonie de Bucarest (2006), avec le soutien de la France.

Il a ensuite décrit les principales stipulations du présent accord, conclu au terme de trois ans d'intenses négociations avec les services de l'Union européenne : la coopération régionale, considérée comme l'une des principales spécificités du processus de stabilisation et d'association ; des stipulations commerciales visant à la création d'une zone de libre-échange dans les Balkans ; des stipulations spécifiques en matière de services et de droit d'établissement, de paiements courants et mouvements de capitaux, permettant un début d'harmonisation avec le droit communautaire ;

- l'engagement de l'Albanie à mettre en oeuvre un programme détaillé de rapprochement de sa législation avec l'acquis communautaire ;

- les questions de justice et d'affaires intérieures, et l'institution d'une coopération opportune du fait de l'importance de ces questions dans la région des Balkans.

Il a estimé que cet accord devrait aider l'Albanie à poursuivre la construction d'un Etat de droit et à satisfaire aux critères de Copenhague, essentiels pour pouvoir, à terme, envisager une adhésion à l'Union européenne, et que ce texte permettrait également à l'Albanie de moderniser son économie, de renforcer sa capacité administrative et de mieux préparer son adhésion, à long terme, à l'Union européenne.

a jugé que cet accord était incontestablement favorable à l'Albanie, et, plus largement, à la région des Balkans occidentaux, mais il a fait valoir que ces perspectives de continuel élargissement des frontières de l'Union, même à long terme, suscitaient de légitimes interrogations.

Il a conclu en recommandant d'adopter l'accord, tout en gardant à l'esprit les interrogations qu'il suscite sur le calendrier envisageable pour cette future intégration des Balkans occidentaux dans l'Union, et sur la « capacité d'absorption » de celle-ci, condition qui avait été évoquée en 2006 comme préalable à ces futurs élargissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a souhaité obtenir des précisions sur l'importance de l'économie informelle évoquée par le rapporteur. Il a souligné le rôle positif joué par l'Albanie dans le maintien de la stabilité en Macédoine et au Kosovo et s'est félicité du grand nombre de dirigeants albanais francophones.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

En réponse, M. André Trillard, rapporteur, a rappelé les liens anciens qui unissaient les réseaux criminels albanais et calabrais, qui se livrent principalement aux trafics d'êtres humains. Les difficultés économiques de l'Albanie, qui s'expliquaient aussi par l'isolement de ce pays au sein des Balkans, du fait de son allégeance à Pékin plutôt qu'à Moscou, mettront du temps à disparaître. Il a souligné que le présent accord pouvait y contribuer.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roujas

Puis la commission a examiné le rapport de M. Gérard Roujas sur le projet de loi n° 466 (2005-2006) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Comité international des poids et mesures portant amendement de l'accord du 25 avril 1969 relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.

a rappelé que le Gouvernement avait déposé sur le Bureau du Sénat cet accord, conclu en juin 2005 entre la France et le Bureau international des poids et mesures (BIPM), et visant à donner une base juridique claire aux privilèges et immunités de cette institution sur le territoire français. Cet accord avait dû être complété par un échange de lettres, intervenu en 2007, entre le Président du Comité international des poids et mesures et le ministère des affaires étrangères, car il comportait des imprécisions relevées par le Conseil d'Etat.

a rappelé que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait adopté, le 3 juin 2008, ces deux textes, qui auraient dû être examinés en séance publique le 16 juin 2008.

Il a précisé que, du fait d'une erreur matérielle, seul l'échange de lettres de juillet 2007 avait été soumis à l'examen du Sénat, mais pas l'accord du 7 juin 2005.

Il convient donc que la commission réitère son adoption de l'accord de 2005, pour qu'il puisse être inscrit à l'ordre du jour d'une prochaine séance publique du Sénat.

La commission a, suivant la proposition du rapporteur, adopté le projet de loi n° 466 (2005-2006) et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.