Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 4 juin 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ambassadeur
  • diplomate
  • diplomatique

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a tout d'abord rappelé l'objectif du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France d'offrir, sur la base d'une analyse du contexte international et de ses évolutions prévisibles à l'horizon 2020, une vision à la diplomatie française, de ses priorités et de ses moyens. Il a évoqué également la complémentarité des travaux entre la Commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France et ceux de la Commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il a également rappelé que deux sénateurs membres de la commission avaient participé aux travaux : Mme Catherine Tasca et M. Jean-François Poncet. Il a déclaré que le rapport d'étape rendu fin mars dernier, avait été communiqué au Parlement.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a tout d'abord rappelé les termes et le calendrier de la mission qui lui avait été confiée, ainsi qu'à M. Louis Schweitzer, par le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, sur la base d'une lettre du Président de la République du 25 août 2007 sur les missions prioritaires de l'action extérieure de la France et les conséquences à en tirer du point de vue de l'organisation. Il a également rappelé que la Commission était composée de quarante membres venant d'horizons très divers de la société française. Il a insisté sur le fait que les membres de la commission s'étaient efforcés de travailler de façon la plus concertée possible avec la Commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, mais aussi avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), ce qui avait permis non seulement d'éviter les contradictions mais de s'assurer de la complémentarité de ces différents travaux. Il a également souligné le caractère novateur du Livre blanc sur la politique extérieure. Il a souligné que l'exercice ne consistait pas à redéfinir la politique étrangère de la France, ce qui relève du Président de la République, mais, à la lumière des évolutions prévisibles de l'environnement international de la France à un horizon de dix à quinze ans, d'envisager les adaptations possibles et souhaitables de notre outil diplomatique. M. Alain Juppé a encore indiqué que le rapport ferait l'objet d'une dernière révision en séance plénière le 25 juin et serait remis officiellement au Président de la République et au ministre des affaires étrangères et européennes mi-juillet.

a ensuite décrit les différents thèmes abordés par ce rapport. Dans une première partie, le rapport traite la question des nouveaux défis que doit relever notre action extérieure face à la mondialisation. Il a présenté la mondialisation comme un phénomène ambivalent qui présente de nombreuses opportunités, mais aussi des risques et n'exclut pas la persistance des rapports de puissance entre Etats, dans un monde multipolaire.

Dans une deuxième partie, le rapport décrit les cinq grandes priorités à assigner à notre politique étrangère et européenne et les plans d'actions associés. La première de ces priorités doit être d'assurer la sécurité de la France et des Français, défendre et promouvoir leurs intérêts. Il s'agit ensuite de construire avec nos partenaires une Europe forte, démocratique et efficace et de faire un acte de conviction et de confiance dans la construction européenne qui est un des moyens pour la France d'affirmer son influence dans le monde et de tirer le meilleur parti de la mondialisation. La troisième priorité est de contribuer à organiser la mondialisation de façon à ce qu'elle soit régulée et profitable à l'ensemble de la planète. La quatrième priorité doit être d'agir dans le monde pour la paix, les droits de l'Homme et le développement durable. Il s'agit d'un sujet difficile sur l'universalisme des droits de l'Homme. Enfin, la dernière priorité est d'assurer la présence des idées, de la langue et de la culture françaises partout dans le monde.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a ensuite décrit la troisième partie du rapport qu'il a considérée comme étant la plus novatrice et qui portera sur l'action extérieure de la France, le fonctionnement du ministère des affaires étrangères et sur l'organisation de notre diplomatie. A cet égard, il a évoqué, en préalable, le fait qu'il y avait un vrai malaise dans le corps diplomatique et l'encadrement du quai d'Orsay quant à l'utilité des diplomates aujourd'hui et le déroulement de leur carrière.

a ensuite indiqué que le premier axe de réforme devait être mené en affirmant l'attachement du rôle interministériel du ministère des affaires étrangères et des affaires européennes. Il a considéré que si le Quai d'Orsay n'avait pas le monopole de l'action extérieure de l'Etat, il devait néanmoins en rester pilote, c'est-à-dire le lieu où l'inter-ministérialité de l'action de la France doit être assurée. Dans cette perspective, il a indiqué que la Commission avait proposé la création d'un conseil de l'action extérieure, pendant du conseil de défense sous la présidence du président de la République, et dont le secrétariat devrait être assuré par le Quai d'Orsay. En second lieu, il a indiqué le souhait de la Commission de réaffirmer que l'ambassadeur est le coordinateur local de l'action des services de l'Etat. Evoquant le parallèle entre les ambassadeurs et les préfets établi par la RGPP, il a indiqué que sans aller jusqu'à confondre les rôles, il fallait que les ambassadeurs aient autorité sur l'ensemble des services présents dans le pays de résidence, y compris ceux du ministère de l'économie et des finances et que soit même envisagée une fusion des services. En troisième lieu, s'agissant du fonctionnement de l'administration centrale, la Commission souhaite voir se mettre en place une grande direction des affaires économiques, de la mondialisation et du développement qui aurait une mission transversale plus cohérente et récupérerait toutes les compétences du ministère en matière de développement. Enfin, il a indiqué que la Commission souhaitait un renforcement de la « géographisation » du ministère, c'est-à-dire la nécessité de renforcer les directions géographiques, en général, et la direction des affaires européennes, en particulier. Il a encore indiqué que le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), tout en demeurant au service du Premier ministre, devait pouvoir s'appuyer sur un Quai d'Orsay particulièrement efficace.

a ensuite évoqué la nécessité de reconsidérer la dimension du réseau d'ambassades et de consulats qui est le second réseau au monde. La Commission avait souhaité réaffirmé le caractère universel du réseau diplomatique français. Fermer les 20 plus petites ambassades ne représenterait pas d'économies substantielles. En revanche, il lui a semblé souhaitable d'établir plus clairement une hiérarchie entre trois principaux types d'ambassades : les grandes ambassades polyvalentes qui assument la totalité des fonctions diplomatiques, dont pour certaines les effectifs importants mériteraient d'être justifiés ; les postes à compétence ciblée, à vocation notamment économique en direction des pays émergents ; enfin les postes « d'influence politique » qui n'emploieraient que quelques agents en plus de l'ambassadeur. S'agissant de l'Union européenne, il a évoqué la question de savoir si le réseau des ambassades bilatérales y restait pertinent. Il a répondu positivement à cette question, considérant que les ambassades bilatérales conservaient toute leur légitimité et devaient avoir un rôle important d'influence et de persuasion. En revanche, il a considéré qu'il n'en allait pas de même pour notre réseau consulaire dont il fallait reconsidérer le déploiement actuel.

a enfin évoqué la question des ressources humaines du Quai d'Orsay, qui, aux yeux de la Commission, ne sont pas gérées de façon efficace. Dans cette perspective, il a manifesté le souhait de voir renforcer la formation initiale des diplomates, notamment en matière de négociations, de communication, de gestion des crises et de maîtrise des langues étrangères. Cette réforme doit également être axée autour de deux maîtres mots : l'ouverture et la mobilité. L'ouverture c'est la capacité d'accueillir en son sein des compétences dont le ministère ne dispose pas, en particulier dans le domaine culturel ou le domaine économique. La mobilité, c'est ouvrir à des diplomates de nouvelles possibilités d'emplois vers l'extérieur. Il a ensuite déclaré qu'il fallait améliorer la communication du ministère, car si les Français ne s'intéressent pas suffisamment à la politique extérieure à l'instar de ce qui se fait au ministère de la défense, c'est aussi parce qu'on ne leur en parle pas suffisamment. Pour terminer, M. Alain Juppé s'est interrogé sur la proportion et les limites de l'externalisation de certaines fonctions opérationnelles du Quai d'Orsay. Il a indiqué, à cet égard, qu'en matière d'aide au développement c'était déjà quasiment fait, par le truchement de l'Agence française de développement, et que le questionnement de la Commission concernait essentiellement le domaine culturel. La Commission du Livre blanc s'est déclarée favorable à l'externalisation, en posant toutefois deux conditions : il faut qu'elle se traduise par une amélioration en termes de performances ; il faut qu'elle puisse laisser à l'administration de référence, les moyens d'un pilotage stratégique.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

s'est interrogé sur l'opportunité de recréer une filière spécifique au sein de l'école nationale d'administration de la formation des futurs diplomates.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a indiqué que cette question avait été traitée sous l'angle de la formation du jeune diplomate à l'issue de sa scolarité, notamment en matière linguistique.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

s'est interrogé sur le rôle du ministère des affaires étrangères dans les phases de sortie de crise et de reconstruction. Il a indiqué que le rapport d'étape de la commission du Livre blanc préconisait la création d'un centre opérationnel de veille et d'appui à la gestion de crise. Soulignant la nécessité d'une approche globale des crises, il a souhaité savoir quel serait le positionnement de ce centre.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a estimé que le ministère des affaires étrangères remplissait son rôle en matière de prévention et de gestion des crises, mais que la France était assez largement absente des phases de reconstruction et n'en tirait pas parti sur le plan économique. Il s'agit par conséquent de doter la France d'un organe spécifique qui devra disposer de capacités d'intervention, ce qui supposera des réaffectations de crédit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

représentante du Sénat au sein de la Commission du Livre blanc sur la politique étrangère, a exprimé son inquiétude à l'égard d'une évolution prévue pour l'administration centrale du ministère des affaires étrangères qui consiste à déléguer certaines fonctions à des opérateurs. Elle s'est interrogée sur la possibilité de donner un contenu plus précis à la notion du pilotage, soulignant que cette notion devait caractériser d'une façon générale l'action politique.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a fait part de ses propres interrogations sur cette notion de pilotage stratégique. Il a considéré que si l'opérateur était efficace, il prenait assez naturellement son autonomie dans un processus qui n'était pas propre au ministère des affaires étrangères. Un autre aspect de cette question concerne le pilotage par les postes diplomatiques et le rôle de l'ambassadeur à l'égard de l'opérateur. Le contrat d'objectifs et de moyens constitue une première réponse à la condition d'être resserré dans le temps, de comporter des objectifs précis et de donner lieu à une évaluation.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

s'est interrogé sur le positionnement du secrétariat général pour les affaires européennes (SGAE), considérant qu'il devait être maintenu sous l'autorité du Premier ministre, mais qu'il devait être valorisé dans son rôle d'arbitrage interministériel. A cet égard, le ministre délégué aux affaires européennes devrait peut-être lui aussi être placé auprès du Premier ministre. Il a ensuite regretté que les ambassadeurs bilatéraux au sein de l'Union européenne soient parfois dépourvus d'éléments de langage pour expliquer les positions françaises. Il a souhaité qu'une dominante de carrière puisse être mise en place pour les ambassadeurs au sein de l'Union européenne.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a fait valoir que les capacités d'arbitrage dépendaient également des hommes et pas seulement des structures. Il a souhaité que la mission et les moyens d'informer sur les positions françaises soient donnés aux ambassadeurs bilatéraux pour qu'ils puissent être mobilisés dans cet esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

s'est interrogée sur l'évolution du réseau consulaire en Europe et sur la formation des diplomates, notamment en langues.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a souligné que les missions des consulats de protection des citoyens, d'état civil, de notariat et d'aide sociale s'étaient fortement réduites au sein de l'Union européenne et pourraient être remplies par la création à Nantes d'une préfecture des Français de l'étranger, ce qui est du reste proposé par la RGPP. Le réseau consulaire devra être redéfini en conséquence. Le risque a été souligné, dès le rapport d'étape de la Commission du Livre blanc que la France n'ait plus les moyens de ses ambitions devant la réduction du budget du ministère. Evoquant la formation des diplomates, il a estimé que la formation européenne de même que la formation internationale et linguistique devaient être renforcées au sein de l'ENA.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

s'est interrogé sur le regroupement des postes entre Etats européens dans des pays tiers.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a indiqué que ces regroupements étaient souhaitables mais n'étaient pas sans susciter des difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

s'est interrogé sur le devenir du Livre blanc et sur l'articulation entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense en matière d'anticipation.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a rappelé que le Livre blanc sur la politique étrangère ne serait pas soumis au même processus de validation et de mise en oeuvre que celui sur la défense et la sécurité nationale. Sa mise en oeuvre dépendra du ministre des affaires étrangères et la Commission propose l'institution d'un comité de suivi. La fonction d'anticipation est assurée au sein du ministère par les directions géographiques. La commission propose le renforcement du centre d'analyse et de prévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

s'est interrogé sur la diffusion du Livre blanc. Il a indiqué que le rôle des consulats en Europe s'était effectivement amoindri, rendant hommage à la qualité du travail accompli à Nantes. Il a en revanche considéré que les mutualisations avec d'autres pays européens suscitaient de réelles difficultés en raison des différences de langue, mais aussi de compétence des agents. Il a souhaité que le Livre blanc rappelle la nécessité pour les diplomates d'entretenir des relations de qualité avec les élus des Français de l'étranger.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a précisé que le Livre blanc serait édité. Il a estimé que tout bon ambassadeur se devait d'être attentif aux élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

s'est interrogé sur la façon dont le Livre blanc traitait de la question du renseignement. Il a souhaité savoir quelle serait l'évolution du réseau de l'Alliance française.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a souligné qu'un ambassadeur se devait de disposer des renseignements transmis par et à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Il a indiqué que la commission proposait la fusion des services et des centres culturels en un ensemble unique. Quant à l'Alliance française, elle gère son réseau en totale autonomie et il convient de lui laisser cette liberté de manoeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

a souligné l'intérêt d'une solution européenne dans les Etats où la France ne dispose pas de représentation diplomatique, à l'exemple de la Sierra Leone.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a considéré que devant l'augmentation du nombre des expatriés français, il convenait d'être attentif à l'évolution du réseau et aux possibilités de mutualisation européenne de la représentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

s'est interrogé sur la traduction budgétaire des réformes proposées par la commission du Livre blanc sur la politique étrangère.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a précisé que le rôle de la Commission n'était pas de déterminer le budget triennal du ministère et qu'en conséquence elle n'avait pas chiffré ses propositions, au demeurant peu coûteuses. Il a souligné que la stabilité des moyens était l'hypothèse minimale alors que des Etats comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne augmentent les moyens de leur ministère des affaires étrangères. La Commission a particulièrement insisté sur le fait que le niveau actuel du budget constituait un étiage au-delà duquel il ne sera pas possible d'aller sans remettre en cause notre ambition européenne et internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

a souligné l'importance des échanges universitaires en matière internationale. Il a souhaité l'accroissement de la présence française dans les pays émergents.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a rappelé que le ministère des affaires étrangères n'avait pas le monopole de l'action extérieure, également exercée entre autres par les universités ou encore la coopération décentralisée. Il lui revient en revanche un rôle de coordination et de soutien. Dans les pays émergents, l'accent est mis sur une présence économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

a souligné l'importance d'une meilleure centralisation des données relatives à la coopération décentralisée et a souligné le besoin de coordination dans ce domaine.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé

a confirmé toute l'utilité de la structure du ministère des affaires étrangères chargée de cette mission, quoiqu'il doive s'agir plutôt d'un rôle de coordination que de centralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

En conclusion, M. Josselin de Rohan a indiqué que la Commission constituerait également un comité de suivi particulièrement attentif pour la mise en oeuvre des propositions du Livre blanc.