La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission entend le compte-rendu du déplacement effectué par une délégation du Bureau de la commission en Égypte, Libye et Tunisie du 18 au 24 mars 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Ce déplacement s'est inscrit dans le cadre des déplacements annuels à l'étranger d'une délégation de la commission des finances. En 2012, elle s'est rendue en Egypte, en Libye et en Tunisie du 18 au 24 mars, pour faire le point sur la situation économique et politique un an après les « printemps arabes ».

La délégation de la commission des finances, dont je faisais partie, a été conduite par son président Philippe Marini. Elle était composée de quatre autres sénateurs, représentant les différentes sensibilités politiques du Sénat, Yvon Collin et Aymeri de Montesquiou, vice-présidents, ainsi que Jean-Vincent Placé et Michel Berson.

Malgré leur proximité géographique et culturelle, l'Egypte, la Libye et la Tunisie présentent chacune des spécificités. C'est pourquoi je vais vous présenter successivement chacun de ces Etats.

S'agissant de l'Egypte, son avenir institutionnel reste suspendu au transfert effectif du pouvoir aux autorités civiles démocratiquement élues.

Le 11 février 2011, à l'issue d'une révolution de dix-huit jours, le Président Hosni Moubarak a quitté le pouvoir qu'il exerçait depuis 1981. La direction politique est transitoirement exercée par le Conseil supérieur des forces armées (CSFA).

Les élections aux deux chambres se sont déroulées en plusieurs phases : du 28 novembre au 11 janvier 2012 pour les élections à l'Assemblée du peuple, et du 29 janvier au 6 février 2012 pour les élections à la chambre haute, la Choura.

Notre visite a été marquée, le 17 mars 2012, par la disparition du pape Chenouda III, primat de l'Eglise copte orthodoxe, laquelle représente 90 % de la minorité copte, soit 10 % de la population égyptienne. La délégation a tenu à lui rendre hommage.

La désignation des candidats à l'élection présidentielle a eu lieu en avril 2012. Le premier tour du scrutin s'est déroulé les 23 et 24 mai 2012, et le second tour les 16 et 17 juin, avant l'investiture officielle du nouveau président le 1er juillet.

La délégation de la commission des finances a été reçue au plus haut niveau à la Choura, par son Président, M. Ahmed Fahmy, et six présidents de commission.

Après ce rappel du calendrier électoral, j'en viens aux résultats du scrutin.

Les élections à l'Assemblée du peuple ont vu le succès de la Coalition démocratique, animée par le Parti liberté et justice (PLJ) proche des Frères musulmans, qui a recueilli 37 % des voix et obtenu 45 % des sièges. Une percée inattendue a été réalisée par les salafistes du parti Al Nour, avec 28 % des voix et 25 % des sièges. Les formations laïques ont été minoritaires : 9 % des voix et 8 % des sièges pour le Néo-Wafd, formation historique d'opposition, d'inspiration libérale ; 9 % des voix, ayant conduit à l'attribution de 7 % des sièges, pour le Bloc égyptien, coalition libérale et de partis de gauche.

La phase de l'élection présidentielle a ensuite commencé par la désignation des candidats en avril 2012. La commission suprême de l'élection présidentielle a disqualifié dix candidats sur vingt-trois, dont Ahmed Chafik, qui avait été le dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, finalement autorisé à se présenter après un recours.

Sur les treize candidats qui se sont présentés, cinq se sont détachés dans les sondages :

- le laïc Amr Moussa, ancien secrétaire général de la Ligue arabe, qui a reçu la délégation du Sénat à son domicile ;

- Abdel Moneim Aboul Fotouh, ancien dirigeant des Frères musulmans, exclu de la confrérie pour avoir décidé de se présenter, partisan d'un Islam modéré, et que la délégation a également rencontré ;

- Mohamed Morsi, investi par le PLJ ;

- Ahmed Chafik ;

- Hamdine Sabahi, dirigeant d'une petite formation socialiste de sensibilité nassérienne.

Les 23 et 24 mai 2012, le premier tour de l'élection présidentielle a été marqué par une surprise, puisque sont arrivés en tête Mohamed Morsi (qui a recueilli 24,8 % des voix) et Ahmed Chafik (23,7 %), alors qu'ont été éliminés Hamdine Sabahi (20,7 %), Abdel Moneim Aboul Foutouh (17,5 %) et Amr Moussa (11,1 %). Ces deux derniers étaient pourtant les favoris des sondages.

Des tensions et des coups de théâtre ont émaillé la campagne de l'entre-deux-tours.

Le 2 juin, de vives protestations ont suivi la condamnation à perpétuité d'Hosni Moubarak, alors que la peine de mort était requise, pour son rôle dans la répression de la révolution de janvier-février 2011 qui a causé 850 morts.

Le second tour de l'élection présidentielle, qui s'est tenu les 16 et 17 juin, a eu lieu dans un contexte politique nouveau. D'une part, la Cour constitutionnelle a invalidé le Parlement en raison d'irrégularités supposées dans l'attribution d'un tiers des sièges de la chambre basse ; d'autre part, le CSFA a décidé de s'arroger le pouvoir législatif et de désigner les membres du comité chargé de rédiger la Constitution, qui sera soumise à un référendum, mais sur laquelle le CSFA aura un droit de veto. D'importantes manifestations ont eu lieu place Tahrir contre ce que les participants ont qualifié de « coup d'Etat » militaire.

L'islamiste Mohamed Morsi a remporté l'élection et été déclaré vainqueur le 24 juin, mais dans un contexte politique radicalement différent de celui de l'avant-premier tour.

Il est apparu que les militaires n'ont jamais quitté la scène politique, même s'ils déclarent s'engager à poursuivre le processus de transfert du pouvoir aux nouvelles autorités civiles élues. Par ailleurs, les oppositions islamistes et laïques sont affaiblies par leurs divisions, tout en ayant fait preuve d'un grand pragmatisme face à l'urgence économique et sociale lors de leurs entretiens avec les membres de la délégation.

Les tribunaux, proches de l'ancien régime, ont fait irruption sur le devant de la scène politique par l'invalidation de candidats à l'élection présidentielle, puis des membres du Parlement élu.

Dans ce contexte, les chancelleries occidentales appellent au respect des échéances politiques.

Malgré ces incertitudes politiques, la situation économique est caractérisée par un retour progressif à la normale.

Pendant la révolution, l'Egypte a connu la fermeture pendant plusieurs semaines des usines, des banques, de la Bourse du Caire, ainsi qu'une forte chute du tourisme et un tarissement des flux d'investissements directs étrangers.

Une amélioration est perceptible en début d'année 2012. Sur l'année fiscale qui couvre la période juillet 2010 - juin 2011, la croissance économique a atteint 1,8 % et les perspectives pour l'année fiscale 2011-2012 sont comprises entre 2,2 %, selon le FMI et 3,2 %, suivant l'hypothèse retenue par le gouvernement pour l'élaboration du budget 2011-2012.

Le nouveau budget pour 2011-2012 prévoit un déficit de 8,6 % du PIB et des hausses d'impôts, ainsi qu'un taux d'endettement de 76 % du PIB. Les déficits prévisionnels s'établissent à 6 milliards de dollars pour le compte courant, 14 milliards de dollars pour la balance des paiements.

Pour l'avenir, un des premiers enjeux est de répondre à l'urgence sociale, alors que le taux de chômage réel est proche de 20 %. Des hausses de salaires sont intervenues sous l'effet d'un rehaussement du salaire minimum à hauteur de 75 % en octobre 2011, en vue d'un quintuplement sur cinq ans : son montant doit être réévalué de 400 à 2 000 livres égyptiennes (soit de 50 à 250 euros).

Les responsables politiques égyptiens ont également insisté sur la nécessité de lutter contre la corruption et de réduire la part de l'économie relevant du secteur informel, aujourd'hui estimée à 40 %.

Les réformes de structure ont également vocation à réduire, à terme, les subventions aux hydrocarbures et aux produits alimentaires, qui représentent 23,3 % des dépenses budgétaires et tendent à abaisser le taux d'inflation, lequel atteint néanmoins 10 % en rythme annuel.

S'agissant des équilibres économiques et financiers, le montant des réserves de change a chuté à 15 milliards de dollars au printemps 2012, soit seulement trois mois d'importations, tandis qu'une restructuration du secteur bancaire reste à engager.

Dans ce contexte, il pourrait être recouru à des financements extérieurs de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Si des discussions sont en cours, des décisions ne devraient intervenir qu'après la stabilisation de la situation politique.

Compte tenu du potentiel économique du pays, qui permet d'envisager le retour à un taux de croissance annuel au moins égal à 5 % permettant d'assurer le décollage économique, 120 entreprises françaises sont déjà présentes en Egypte. Elles emploient 50 000 personnes et représentent un stock d'investissements directs étrangers (IDE) de 4,5 milliards de dollars. Les échanges commerciaux bilatéraux entre la France et l'Egypte s'élèvent en 2011 à 1,82 milliard d'euros d'exportations françaises et 1,34 milliard d'euros d'importations.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quelles sont les importations françaises d'Egypte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Les matières premières (historiquement le coton, et aujourd'hui les hydrocarbures) constituent la plus grande part des importations françaises d'Egypte.

J'en viens maintenant à la présentation de notre déplacement en Libye.

Le soulèvement contre le régime du colonel Kadhafi, apparu en février 2011 à Benghazi, l'a emporté en octobre. Officiellement constitué le 5 mars 2011, le Conseil national de transition (CNT) présidé par Mohamed Abdeljalil a exercé les fonctions exécutives jusqu'à la formation d'un gouvernement de transition, et reste l'organe législatif dans l'attente des élections à l'Assemblée constituante libyenne.

La France ayant été le premier pays à avoir reconnu le CNT, elle jouit d'un grand prestige, ce dont ont témoigné les entretiens de haut niveau de la délégation, notamment avec le Premier ministre Abderrahim Al-Kib. Les membres du gouvernement sont des interlocuteurs de qualité, souvent formés en Occident et attachés aux droits de l'homme, pleinement conscients des défis à relever.

Le processus électoral est en cours. L'inscription des électeurs et des candidats s'est achevée mais a pris du retard, nécessitant de reporter du 19 juin au 7 juillet les élections au Congrès national. Celui-ci aura un double rôle d'assemblée nationale et constituante.

Le mode de scrutin, mixte, combine les systèmes proportionnel et majoritaire. Dans un pays qui n'avait plus de partis politiques, la loi sur les partis représente un progrès. Elle suscite toutefois des interrogations, en interdisant les partis fondés sur une base régionale, religieuse, qui seraient le prolongement de partis à l'étranger et ceux qui seraient financés par des gouvernements ou des organisations de l'étranger. D'ores et déjà, les Frères musulmans ont formé le Parti de la justice et du développement (PJD), tandis qu'une formation laïque, le Parti démocratique, soutient le CNT.

La situation politique reste toujours instable. Le 6 mars 2012, la Cyrénaïque a proclamé son autonomie, à l'initiative d'Ahmed Al-Senoussi, cousin de l'ancien roi Idriss Senoussi. Même si ce mouvement se défend d'être indépendantiste, le CNT a déclaré être prêt à s'opposer à toute velléité séparatiste par tous les moyens, y compris militaires.

L'ordre public est toujours assuré par les 500 brigades révolutionnaires, et des cas de violation des droits de l'homme sont rapportés. Pour y remédier, le ministère de l'intérieur a constitué un Comité suprême de sécurité (CSS), mais les méthodes du CSS sont également critiquées.

Si les autorités libyennes sont conscientes de la situation, disposent-elles de tous les moyens d'agir ?

Par ailleurs, le gouvernement libyen est confronté à la réintégration de quelque 160 000 anciens combattants, nécessaire pour des raisons d'équilibre social et politique, alors que les divers trafics à la frontière Sud posent toujours un défi majeur de sécurité.

En ce qui concerne l'économie libyenne, celle-ci reste fondée sur les hydrocarbures, qui constituent 95 % des exportations. Mi-mars 2012, la production pétrolière avait atteint 1,35 million de barils par jour, soit 80 % de son niveau d'avant-guerre. En juin, elle a atteint 90 % du niveau de production de 2010. Le PIB a reculé de 60 % en 2011, et le FMI prévoit une croissance de 70 % en 2012. Sur le long terme, la production libyenne de pétrole et de gaz restait inférieure, en 2010, à son niveau de 1970, malgré des réserves importantes, ce qui témoigne des sous-investissements dans ce secteur.

Le 12 mars 2012, le CNT a adopté un budget de 68,5 milliards de dinars libyens (soit 42,9 milliards d'euros), dont les principaux postes sont le paiement des fonctionnaires et les subventions aux hydrocarbures et aux produits de première nécessité.

Pour l'avenir, plusieurs enjeux sont posés. Tout d'abord, le gouvernement éprouve des difficultés à honorer ses promesses, en particulier le versement d'une indemnité de 1 200 euros à chaque famille de révolutionnaires et de martyrs. Ensuite, l'économie libyenne, longtemps planifiée, doit être diversifiée et libéralisée, comme l'ont souligné les interlocuteurs économiques privés libyens rencontrés à Tripoli, le Conseil des hommes d'affaires et l'Union des chambres d'économie. S'agissant du financement de l'économie, le secteur bancaire souffre d'un manque de confiance des épargnants. Enfin, le système fiscal reste à construire, alors que le produit des impôts ne constitue que 5 % des ressources budgétaires.

La présence économique de la France est traditionnellement forte. En 2010, les importations françaises de la Libye s'élevaient à 4,8 milliards d'euros, tandis que les exportations françaises atteignaient 3,8 milliards d'euros.

Le stock d'IDE français en 2009 a été évalué à 1,33 milliard d'euros, dont 1,1 milliard d'euros pour Total. Si l'on observe à présent une reprise des grands contrats français en Libye, la réactivation des anciens projets est soumise à l'appréciation d'un comité spécial d'examen des contrats suspendus, lequel doit réévaluer les contrats signés sous l'ancien régime selon deux critères : leur pertinence économique et l'absence de corruption.

Lors de leur rencontre avec la délégation de la commission des finances, les investisseurs français en Libye ont insisté sur la nécessité d'actualiser le site du ministère des affaires étrangères, qui reflète une situation ancienne ne tenant pas compte, selon eux, des améliorations récentes de la sécurité des personnes et des biens, ainsi que sur le besoin de renforcer les liaisons maritimes et aériennes entre la France et la Libye.

J'en viens à présent à la troisième et dernière étape de notre séjour, en Tunisie.

Le 17 décembre 2010, l'immolation de Mohamed Bouazizi marquait le déclenchement de la révolution tunisienne jusqu'au départ du Président Zine El Abidine Ben Ali, qui s'était emparé du pouvoir le 7 novembre 1987. Le 27 février 2011 un nouveau gouvernement transitoire était mis en place, dirigé par Caïd Essebsi. Enfin, le 3 mars 2011, le Président par intérim Fouad Mebazza a annoncé la tenue d'élections législatives qui ont eu lieu du 20 au 23 octobre suivant.

Elles se sont déroulées au scrutin proportionnel à un tour, du 20 au 23 octobre 2011, dans le cadre de 33 circonscriptions. Pour la première fois de l'histoire de la Tunisie, une instance indépendante a été chargée du bon déroulement du scrutin.

Les élections ont été remportées par le mouvement islamique Ennahda (Renaissance), lié aux Frères musulmans, avec 37 % des voix et 89 sièges sur 217. Celui-ci a formé une coalition pour gouverner la Tunisie avec le Congrès pour la République (gauche nationaliste ; 8,71 % et 29 sièges) et le Front démocratique pour le travail et les libertés (Ettakatol, social-démocrate ; 6,74 % et 20 sièges).

Le 10 décembre 2011, l'Assemblée constituante a adopté une loi d'organisation des pouvoirs qui fait reposer le fonctionnement institutionnel sur une troïka, dans l'attente de l'adoption de la nouvelle Constitution. Le Président de la République, Moncef Marzouki (CPR), a été élu par la Constituante ; chef des armées, représentant l'Etat tunisien, il exerce des responsabilités partagées avec le chef du gouvernement et l'Assemblée nationale. Le Président de l'Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaafar (Ettakatol) conduit les travaux de l'Assemblée nationale. Enfin, le Premier ministre Hamadi Jebali (Ennahda) dirige le gouvernement et exerce le pouvoir exécutif.

La délégation a rencontré deux des trois responsables de la troïka, des raisons de calendrier ayant empêché l'entretien prévu avec le Premier ministre Hamadi Jebali, ancien opposant qui a passé dix années de prison en isolement total. De fait, les anciens prisonniers politiques jouissent d'un grand prestige dans la Tunisie actuelle, et occupent souvent des fonctions ministérielles dévolues dans d'autres pays à des personnalités ayant davantage un profil de technicien.

L'élaboration de la Constitution domine actuellement l'agenda politique. Six des dix-huit commissions de l'Assemblée nationale constituante sont ainsi chargées de la rédaction de la nouvelle Constitution, dans le délai d'un an d'ici octobre 2012, laquelle sera soumise à référendum. Comme l'avaient déjà fait apparaître les entretiens conduits par la délégation de la commission des finances, un consensus se dégage sur l'absence de référence à la Charia et la possibilité d'un régime semi-présidentiel qui pourrait s'inspirer du modèle français.

Malgré la vigueur du débat parlementaire, des contestations sont vivement exprimées par les salafistes et l'extrême-gauche. Des pressions politiques sur les Frères musulmans sont exercées par les salafistes, qui souhaitent l'application de la Charia et sont à l'origine d'émeutes les 11 et 12 juin contre une exposition artistique jugée blasphématoire. Par ailleurs, une agitation sociale et politique, vivement déplorée par les chefs d'entreprise tunisiens, est entretenue par l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), sans perspective aujourd'hui d'une cogestion à l'allemande.

La situation politique de l'an passé a fortement affecté l'économie tunisienne, qui a enregistré une croissance économique de - 1,8 % en 2011, sous l'effet notamment d'une chute de 34 % des revenus du tourisme et de la diminution de 25 % des flux d'investissements directs étrangers. Nos interlocuteurs tunisiens ont d'ailleurs déploré la réticence des touristes occidentaux à revenir en Tunisie, alors qu'il s'agit d'un des moteurs d'une reprise économique.

La politique économique donne la priorité au soutien à la croissance. Alors que la loi de finances initiale pour 2012 prévoyait un déficit budgétaire prévisionnel de 3,9 % du PIB, la loi de finances complémentaire (LFC) pour 2012, adoptée le 10 mai 2012, a porté le déficit budgétaire prévisionnel à 6,6 % du PIB. Le taux d'endettement public atteindrait ainsi 45,9 % du PIB fin 2012.

La LFC pour 2012 se fonde sur une hypothèse de croissance volontariste (3,5 %), en écartant notamment l'hypothèse d'une dégradation économique dans la zone euro qui affecterait fortement l'économie tunisienne.

A l'issue de l'adoption de la LFC, les dépenses budgétaires prévues en 2012 s'élèvent à 25,401 milliards de dinars (soit près de 12,5 milliards d'euros), pour des ressources évaluées à 19,644 milliards de dinars, soit un déficit de 5,757 milliards de dinars.

S'agissant des ressources supplémentaires, celles-ci se répartissent entre une augmentation des ressources fiscales, des recettes provenant de la vente de sociétés confisquées et du déblocage de fonds gelés après la privatisation de Tunisie Télécom en 2006, une contribution volontaire exceptionnelle, dont le principe répond aux règles de l'Islam, et enfin de nouvelles ressources extérieures apportées par les bailleurs multilatéraux.

La hausse des dépenses se répartit, à part quasi-égales, en dépenses de gestion supplémentaires et nouveaux investissements publics, à hauteur d'un milliard de dinars. Il est prévu des aides à l'emploi à destination des entreprises, la création de 25 000 emplois publics, ainsi qu'un développement des programmes de lutte contre la précarité sociale et la pauvreté. Parmi ces mesures figure la reconduction du programme AMAL pour les jeunes diplômés chômeurs, en l'absence de dispositif d'assurance chômage.

Dans ce contexte, l'aide internationale est fortement sollicitée par la Tunisie pour limiter le déficit budgétaire et financer la croissance. A cet égard, le sommet du G8 à Deauville en mai 2011 avait confirmé l'engagement de la France, qui fournit 68 % des flux bilatéraux d'aide publique au développement à ce pays.

La loi de finances complémentaire pour 2012 a prévu des ressources extérieures à hauteur de 4 milliards de dinars, soit un cinquième du budget, comportant notamment :

- 1 milliard d'euros de la Banque mondiale ;

- des interventions de la Banque africaine de développement et de l'Union européenne, pour des montants respectivement de 350 millions et 100 millions d'euros ;

- 100 millions d'euros de la deuxième tranche d'aide budgétaire de l'Agence française de développement ;

- un emprunt déjà décaissé auprès du Qatar ;

- une enveloppe de prêts du Fonds saoudien de développement ;

- un apport en garantie d'émissions obligataires et un don des Etats-Unis.

A ce stade, une possibilité d'intervention du FMI n'a pas les faveurs des responsables politiques tunisiens, même si les discussions se poursuivent. L'aide du FMI serait combinée à des réformes structurelles, dont la mise en oeuvre est renvoyée après la transition politique : la diminution des subventions alimentaires et aux hydrocarbures, la révision des lois sur l'investissement étranger, la lutte contre la corruption, la mise en place d'une autonomie des collectivités locales et un élargissement de l'assiette fiscale.

En ce qui concerne les relations économiques extérieures, l'année 2011 a marqué une poursuite de la hausse des échanges, mais à un rythme ralenti : les exportations ont augmenté de 6,7 % et les importations de 5,9 %. En 2011, la France a été le premier fournisseur de la Tunisie (à hauteur de 18,4 %) et son premier client (ayant reçu 30,7 % des importations tunisiennes).

Le secteur « off-shore » explique ce dynamisme : il représente les deux tiers des exportations. Bénéficiant d'un régime fiscal favorable, les exportations off-shore se concentrent sur quelques secteurs : industries mécaniques et électriques, textile, habillement et cuir.

La France est le premier investisseur étranger en Tunisie en termes de stock (hors énergie) avec un investissement total de 880 millions d'euros, correspondant à 1 270 entreprises françaises et 114 000 emplois.

Telles sont, mes chers collègues, les principaux enseignements d'une mission riche et dense.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Je me réjouis également de la qualité des échanges de notre délégation, dont j'étais membre.

La situation de l'Egypte, de la Libye et de la Tunisie nous interpelle après que ces pays ont connu un vent de démocratie unanimement salué en Occident. Les enjeux de gouvernance et d'amélioration de l'administration centrale sont au coeur des défis à relever par les nouvelles équipes dirigeantes.

Au plan économique, une industrie avait commencé à se mettre en place, mais sa compétitivité est concurrencée par celle des nouveaux pays émergents, notamment en Asie. Dans ce contexte, les préoccupations environnementales, sur lesquelles j'ai interrogé nos différents interlocuteurs, ne sont pas apparues comme la première de leurs priorités.

Tous ont exprimé leur souhait d'une présence accrue de la France pour consolider la démocratie et accompagner le développement économique. Pourtant, les moyens dont dispose notre réseau diplomatique et économique restent limités, malgré le travail remarquable accompli par nos équipes dans des contextes difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Pour ma part, j'estime que la stabilisation politique est étroitement liée à la reprise de l'économie, alors que les régimes autoritaires prospèrent sur la pauvreté.

Dans le cadre de la mission que j'effectue, en ce moment même, avec plusieurs de nos collègues sur les dispositifs de soutien aux exportations agricoles, j'ai relevé que l'Egypte était un des principaux importateurs de céréales françaises, achetées par un unique organisme ayant le statut d'office national. Comment la délégation a-t-elle pu apprécier la question de l'impact du coût de l'alimentation sur la situation sociale dans les trois pays visités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Les travaux de la délégation de la commission des finances se sont concentrés sur la situation politique et financière de l'Egypte, de la Libye et de la Tunisie.

Toutefois, en Egypte, 40 % de la population dispose de revenus inférieurs à 2 dollars par jour, et les subventions aux hydrocarbures et aux produits alimentaires de première nécessité jouent un rôle majeur pour leur subsistance. La conjugaison d'une population jeune et d'un manque de perspectives professionnelles constitue une « bombe à retardement » sociale et politique. Si les subventions aux produits alimentaires sont un élément clé du pacte social dans chacun des trois Etats, elles s'inscrivent dans des contextes différents. A cet égard, la Tunisie dispose d'un haut potentiel d'éducation, et la combinaison des enjeux sociaux et de formation pose plutôt la question de débouchés professionnels à la hauteur des investissements éducatifs.

En complément de mon exposé, je tiens à souligner le rôle politique toujours important des militaires en Egypte. Dans le processus démocratique en cours, la partition qui se joue est celle d'une « symphonie inachevée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Comment avez-vous perçu la situation des femmes en Egypte, Libye et Tunisie ? Occupent-elles des fonctions de direction ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En Egypte, nous avons rencontré une dirigeante de banque très dynamique, Mme Levine Loutfy, PDG de la National Bank for Development. Toutefois, les femmes restent pratiquement absentes des principaux postes de décision. Par exemple, plusieurs femmes ont figuré parmi les dix personnalités désignées par le CSFA pour siéger à l'Assemblée du peuple, seules quelques députées ayant été élues au scrutin de liste. En Libye, nous n'avons pas rencontré d'interlocutrices. Enfin, en Tunisie, les femmes sont davantage présentes, mais leur place au sommet de l'Etat et de l'économie reste modeste.

J'ajoute que, parmi les personnalités désignées de l'Assemblée du peuple égyptienne, figuraient aussi des représentants de la minorité copte. A cet égard, l'hommage rendu par la délégation au patriarche copte Chenouda III, au nom du gouvernement français, a été un moment riche en émotion, au cours duquel nous avons pu rencontrer des personnalités coptes au plus haut niveau. L'effervescence était telle que, lorsque nos véhicules ont cherché à quitter l'enceinte de la cathédrale, une marée humaine les a immobilisés. Pendant une heure et demie, des centaines de Coptes se sont positionnés à une autre sortie pour nous permettre de quitter l'enceinte du « Vatican des Coptes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

J'ajouterai simplement une observation sur la formation d'une troïka associant des partis islamistes et laïcs en Tunisie. En effet, leurs représentants ont été emprisonnés ensemble, ce qui a créé des liens de solidarité et facilité le travail en commun après la révolution. Les représentants d'Ennahda nous ont tenu un discours moderniste sur les droits des femmes et le respect des minorités, permettant d'envisager une évolution vers des formations politiques européennes de type démocrate-chrétien.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Il convient en effet d'établir une distinction entre islamistes modérés et radicaux.

A l'issue de ce débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication des conclusions de la mission de sa délégation en Egypte, Libye et Tunisie sous la forme d'un rapport d'information.

La commission procède ensuite à l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) et sur l'audit des comptes publics demandé par le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nos deux commissions, des finances et des affaires sociales, ici réunies, sont toujours très attentives, étant respectivement en charge des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, aux travaux de la Cour des comptes. Nous le serons d'autant plus aujourd'hui que la Cour, réviseur et certificateur des comptes de l'Etat, exerce, en ce début de législature et pour la première fois de façon aussi formelle, sa mission qui va à éclairer et émettre des recommandations pour la période à venir.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Je vous remercie d'avoir organisé cette audition. Elle permet à la Cour de vous livrer son analyse destinée à nourrir le débat d'orientation des finances publiques, mais aussi ceux qui auront lieu prochainement lors des discussions successives de la loi de finances rectificative, de la prochaine loi de programmation des finances publiques et des lois de finances et de financement pour 2013.

L'une des missions de la juridiction est de vous faire part de ses constats, analyses et préconisations sur la situation des finances publiques. A travers ces rapports prévus par la LOLF, mais aussi les enquêtes que vous nous demandez chaque année, les travaux d'évaluation des politiques publiques que nous vous livrons, ainsi que les· rapports publics thématiques, référés et rapports particuliers dont vous prenez connaissance, la Cour remplit sa mission d'assistance au Parlement pour le contrôle de l'action du Gouvernement. Je suis accompagné de Raoul Briet, président de la première chambre, de Jean-Marie Bertrand, président de chambre et rapporteur général de la Cour, de Denis Morin et François Ecalle, conseillers maîtres.

L'audition de ce matin s'inscrit dans un contexte particulier, au lendemain de la publication du rapport sur les finances publiques dont je n'oublie pas que le premier destinataire est le Parlement. Il inclut cette année une évaluation détaillée, répondant à une demande du Premier ministre, des risques pesant sur la fin de la gestion 2012 et des enjeux qui sont associés, pour les années suivantes, au respect de la trajectoire de retour à l'équilibre des comptes publics. Dans le cadre de la procédure contradictoire, le Gouvernement a eu connaissance d'une version provisoire du rapport dès le 22 juin. Il a donc pu tirer parti de cette analyse avant de prendre les arbitrages qui lui reviennent et élaborer le projet de loi de finances rectificative que vous examinerez très prochainement et qui sera soumis à votre approbation.

Avant tout, je souhaite insister sur l'enjeu que représente pour la France, à ce moment de son histoire, le retour à l'équilibre durable de ses comptes publics. N'ayant pas assuré depuis plus de trente ans l'équilibre de ses comptes - ne serait-ce qu'une année, même en période de forte croissance -, la France est entrée dans la crise avec une dette trop élevée et des comptes en déficit structurel. Au cours des dix années qui ont précédé la crise, nos engagements européens de redressement des comptes n'ont quasiment jamais été tenus. Maintes fois, le retour à l'équilibre de nos comptes a été annoncé et sans cesse différé, alors que les contextes économiques étaient favorables à un tel rétablissement. Cette situation a nui à la crédibilité de la France à l'égard de ses partenaires européens.

Au plus fort de la crise, en 2009, le déficit public a atteint le niveau historique de 142 milliards d'euros. La dette a vivement progressé pour atteindre, fin 2011, 86 % du PIB alors qu'elle était de 64 % en 2007, et de 46 % en 1993. Cette dette, de 1 717 milliards au 31 décembre 2011, représente 62 000 euros par ménage. A ce niveau, proche de 90 % - et qui devrait être dépassé à la fin de l'année 2012 ou au début de 2013 -, le pays est dans une zone dangereuse, pour son économie comme pour ses finances publiques. En effet, le risque d'un emballement de la dette ne peut être écarté. La crise des dettes souveraines en Europe montre que ce risque n'est pas théorique. Il se réalise malheureusement, pour des Etats voisins du nôtre, et se manifeste par une hausse brutale des taux d'intérêt demandés sur les emprunts publics. De telles situations conduisent les Etats concernés à des choix économiques et sociaux drastiques qui leur sont imposés de l'extérieur. Afin que ce risque ne se concrétise pas, il convient, selon nous, que la France restaure sa crédibilité en respectant la trajectoire de financement qu'elle s'est fixée et qui passe par un déficit de 4,4 % du PIB en 2012 puis, depuis le programme de stabilité de janvier 2010, par un déficit de 3 % du PIB en 2013, pour atteindre l'équilibre en 2016 ou 2017. Tout écart au regard de cette trajectoire porterait atteinte à la crédibilité de la France, fraîchement restaurée en 2011, pourrait déclencher une dynamique insoutenable d'augmentation de notre endettement et l'incapacité simultanée à le financer à des conditions supportables. Si, à l'inverse, la France tient ses engagements trois années de suite, tout en ayant connu une alternance, la confiance et la crédibilité du pays ne pourront qu'être confortées, sa dépendance à l'égard des marchés financiers réduite et sa capacité à peser efficacement sur la scène européenne renforcée. D'autres raisons militent pour le retour à l'équilibre rapide des comptes publics. La première est le niveau atteint par la charge d'intérêt des administrations publiques, soit 52,6 milliards d'euros. Elle prive notre pays d'importantes marges de manoeuvre qui lui manquent particulièrement en période de crise. Plus le redressement sera tardif, plus il sera difficile à conduire : agir a un coût, ne pas agir en a un, selon nous, encore plus grand, parce qu'entre-temps, la dette et la charge d'intérêt auront continué à progresser. Enfin, le niveau de la dette pose une question d'équité entre les générations, car cette dette correspond pour l'essentiel à des dépenses de fonctionnement dont rien ne justifie que la charge soit transférée sur les générations les plus jeunes.

L'analyse de la Cour a montré qu'en 2010, les deux tiers du déficit public étaient indépendants de la crise et présentaient un caractère structurel. Ce déficit structurel, hérité du passé, était déjà de 3,5 % du PIB en 2007 ; il était très proche de 4 % du PIB en 2011. Ces 4 points de PIB, soit 80 milliards d'euros, représentent le chemin à parcourir d'ici 2016 ou 2017 pour garantir un retour à l'équilibre des comptes, indépendamment de la conjoncture économique.

La Cour n'ignore pas que ce nécessaire effort de rééquilibrage peut comporter un effet négatif à court terme sur la croissance. Mais cet effet négatif peut être limité par un dosage approprié des mesures de redressement et par une initiative de croissance au niveau européen. Il doit surtout être relativisé par rapport aux effets beaucoup plus graves et durables que comporterait une sortie de la trajectoire de retour à l'équilibre.

Les mesures de rééquilibrage doivent être justement réparties entre les différents acteurs économiques. Elles doivent par ailleurs préserver la compétitivité de l'économie française, comme la Cour l'a montré dans son rapport établissant une comparaison des systèmes de prélèvements obligatoires entre la France et l'Allemagne. Le Gouvernement doit en effet s'attacher à réduire simultanément non pas un, mais deux déficits, celui de ses comptes publics et celui de sa compétitivité. Réduire l'un n'est pas exclusif de la réduction de l'autre.

L'année 2011 a représenté une première étape dans le redressement des comptes publics. Le déficit public s'est établi à 5,2 % du PIB, soit 103 milliards d'euros. Cette baisse résulte pour plus de 40 % de la fin des mesures temporaires comme le plan de relance de 2009 et 2010. Le déficit structurel s'est replié de 0,9 point de PIB, principalement par l'effet de mesures fiscales. Les règles budgétaires, notamment les normes de dépenses s'appliquant au budget de l'Etat, aux dépenses d'assurance maladie ainsi qu'aux transferts de l'Etat vers les collectivités territoriales, ont été respectées. Les comptes 2011 se situent sur la trajectoire de redressement des comptes.

Néanmoins, la France n'a pas rattrapé son retard par rapport aux autres pays européens qui sont eux-mêmes engagés dans la voie de la réduction des déficits, souvent à un rythme plus rapide que nous : le déficit structurel de 2011, de 4 % du PIB, se situe au-dessus de la moyenne des autres Etats membres de la zone euro, qui s'élève à 3,2 %. Il demeure très supérieur au déficit structurel allemand, de 0,8 %. Les niveaux de dette français et allemand divergent dorénavant, et c'est une évolution nouvelle et inquiétante : en France, la dette continue d'augmenter, car le déficit est le double de celui qui stabilise la dette. Le rapport de la dette dans la richesse nationale est devenu supérieur à celui de l'Allemagne, alors que ce dernier entame son repli.

En 2012, la France s'est engagée, en avril dernier, à revenir à un déficit de 4,4 % du PIB après 5,2 % en 2011. La Cour a cherché à apprécier, au regard des informations disponibles à ce stade de l'année, et compte non tenu, j'y insiste, des mesures décidées après le 6 mai 2012, si cet objectif de 4,4 % pouvait être tenu. Il ne s'agit pas d'un pronostic sur le solde qui sera atteint en fin d'année, mais d'une analyse des risques qui pèsent sur l'année 2012, compte non tenu, j'y insiste là encore, des mesures nouvelles dont le financement devra par ailleurs être assuré.

L'analyse de la Cour montre que le respect de la trajectoire pour 2012 est possible mais suppose des mesures rapides de correction, en raison de moins-values probables de recettes.

S'agissant en premier lieu des dépenses, les travaux conduits par la Cour ont identifié des risques de dépassement sur certaines dépenses de l'Etat, notamment les dépenses de personnel et d'opérations extérieures du ministère de la défense, les dépenses de logement, en particulier l'aide personnalisée au logement (APL) ou les dépenses relatives à l'allocation adultes handicapés (AAH) et, plus largement, les dotations pour l'emploi et la solidarité. Ces éléments sont retracés dans les annexes du rapport. Ont également été identifiés d'autres risques, dont l'ampleur peut être significative à l'échelle des programmes budgétaires auxquels ils appartiennent, mais dont le montant n'est pas significatif par rapport aux enjeux de la maîtrise du budget de l'Etat dans son ensemble.

Au total, les risques de dépassement peuvent être estimés à un niveau compris entre 1 et 2 milliards d'euros, sur un total de 275 milliards d'euros hors dette et pensions. Un tel niveau de risque ne se démarque pas de ceux couramment identifiés en cours d'année, à l'occasion des exercices précédents. Ces risques peuvent et doivent être résolus en gestion par le jeu des annulations et des redéploiements de crédits. Si les possibles dépassements ne sont pas d'une ampleur exceptionnelle, ils s'appliquent toutefois à un budget particulièrement serré. Le respect des normes de dépenses fixées suppose une grande vigilance afin que les dépassements identifiés ne soient pas couverts par des ouvertures de crédits mais par la mobilisation de la réserve de précaution, dont le montant actuel de 5 milliards d'euros environ. Cela rend nécessaire un accroissement de cette réserve afin d'assurer le pilotage fin de l'exécution.

En matière d'assurance maladie, le Parlement a voté une progression des dépenses d'assurance maladie, ce qu'on appelle l'Ondam, de 2,5 % en 2012. L'Ondam réalisé en 2011 a été inférieur d'environ 500 millions d'euros au montant voté. Compte tenu de cet effet de base, la progression réelle de l'Ondam en 2012 s'élèverait à 2,7 % et non à 2,5 %. La Cour recommande de viser en exécution une progression de l'Ondam pour 2012 de 2,5 % par rapport aux dépenses effectivement constatées en 2011. La mise en oeuvre complète des mesures d'économie engagées, ainsi qu'une gestion rigoureuse des gels de crédits dans le secteur hospitalier, de 415 millions d'euros, devraient permettre d'atteindre cette cible.

S'agissant des collectivités territoriales, il n'existe malheureusement aucun outil fiable permettant de suivre en cours d'année l'exécution de leurs budgets. Les incertitudes portent essentiellement sur leurs dépenses d'investissement. La prévision inscrite dans le programme de stabilité d'avril est plausible mais il existe un aléa, de l'ordre de 0,1 point de PIB, qui peut affecter le déficit des administrations publiques dans un sens ou dans l'autre.

Concernant les recettes, la Cour a identifié des risques importants de moins-values, qui appellent sans tarder des mesures correctrices. Ces risques sont d'une double nature : d'une part, des hypothèses de calcul trop favorables ont été adoptées pour l'évaluation initiale du produit des prélèvements obligatoires. Il s'agit notamment des hypothèses d'élasticité, c'est-à-dire des estimations de la façon dont le produit d'un impôt évolue en fonction de la croissance. Elles ont conduit en particulier à surestimer le produit de l'impôt sur les sociétés. A ce stade, il est difficile d'évaluer l'impact de cette surestimation. La Cour le situe dans une fourchette comprise entre 3 et 7 milliards d'euros pour l'ensemble des recettes des administrations publiques.

Par ailleurs, le scénario macroéconomique retenu en avril reposait sur un niveau de croissance de 0,7 %, en phase avec les prévisions des organismes internationaux. En raison de la dégradation récente de la conjoncture, ce scénario est devenu trop optimiste. Les dernières prévisions de l'Insee situent le taux de croissance pour 2012 à 0,4 %, ce qui réduit mécaniquement les prévisions de recettes de 3 milliards d'euros supplémentaires. Le Gouvernement a donc fait savoir qu'il retenait une hypothèse de 0,3 %.

Au total, les recettes pourraient donc être inférieures de 6 à 10 milliards au montant prévu dans le programme de stabilité. Ces estimations, encore fragiles, pourront être précisées au vu des données relatives aux rentrées fiscales disponibles en juillet.

Le respect de l'objectif de déficit public pour 2012, fixé à 4,4 %, est essentiel, car les efforts à fournir en 2013 sont suffisamment importants pour ne pas prendre de retard en 2012. Face aux risques identifiés, des mesures nouvelles doivent être rapidement prises, en recettes et en dépenses.

Avant d'aborder les enjeux de l'année 2013, je souhaite évoquer un sujet qui aura un impact budgétaire important sur plusieurs exercices. Il s'agit de deux contentieux perdus par l'Etat devant les juridictions européennes, l'un portant sur le précompte mobilier et l'autre sur la fiscalité des dividendes versés à des organismes de placement en valeurs mobilières - les OPCVM - non résidents. Sans entrer dans le détail, l'un des deux, le second, n'a pas été intégré dans le budget pour 2012 alors qu'il existait une forte probabilité que le contentieux soit perdu et entraîne des remboursements dès cet exercice. Les conséquences en comptabilité nationale de ces deux contentieux devraient peser surtout sur les années 2013, à hauteur de 5,75 milliards, et 2014, pour 1,75 milliard soit au total 7,5 milliards d'euros. La Cour juge anormal que les informations qui avaient conduit en 2011 à provisionner le contentieux OPCVM en comptabilité générale n'aient eu de traduction ni sur les lois de finances pour 2012 ni sur le programme de stabilité.

Au total, le respect de l'objectif de déficit de 4,4 % du PIB en 2012 suppose de compenser un manque à gagner de recettes de 6 à 10 milliards d'euros.

J'en viens aux perspectives pour l'année 2013 et les années suivantes. Même si les incertitudes sont encore nombreuses, la prévision de croissance de 1,75 % pour l'année 2013, fixée en avril dernier, paraît aujourd'hui hors de portée. La Cour a quantifié les efforts à accomplir selon quatre scénarios de croissance, allant de 0 % à 2 %.

Dans l'hypothèse de 1 % de croissance, afin d'atteindre les 3 % de déficit, la marche sera plus haute que les années précédentes : après 0,9 point de réduction du déficit structurel en 2011 et 1,2 point en 2012, l'effort structurel à réaliser est de 1,6 point en 2013, soit 33 milliards, compte non tenu de l'impact budgétaire des contentieux dont j'ai parlé, à hauteur de 5,75 milliards - sauf si des modalités différentes sont mises en place. Si les objectifs sont tenus, la plus grande partie du chemin à réaliser depuis 2010 aura été parcourue : sur les cinq points de PIB à effacer par rapport à 2010, plus de trois et demi l'auront été. C'est dire l'importance pour la crédibilité de notre pays de tenir l'engagement pour 2013.

Cet effort peut sembler important ; il est cependant de même ampleur que celui que la France a réalisé pour se qualifier pour entrer dans l'union monétaire en 1997, dans un contexte économique quelque peu différent.

Se pose la question du partage de cet effort entre réduction du poids des dépenses publiques et recettes supplémentaires. Le rapport présente plusieurs hypothèses. La Cour a toujours considéré que le levier de la maîtrise des dépenses devait jouer un rôle essentiel. Mais si l'on retient par exemple un partage égal entre mesures sur les recettes et mesures sur les dépenses, ce sont 16,5 milliards d'économies sur les dépenses qui devront être réalisées par rapport à leur évolution tendancielle. Un tel effort reviendrait à stabiliser en volume les dépenses publiques dans leur ensemble, c'est-à-dire à faire en sorte qu'elles n'évoluent pas plus vite que l'inflation. Par comparaison, en 2012, en dépit de l'application des normes de dépenses et de la réduction des effectifs de fonctionnaires de l'Etat, la dépense publique totale devrait croître en volume de 0,5 %.

La Cour évoque, dans le rapport, différentes modalités de répartition de cet effort global entre l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Le premier scénario est celui d'une stabilisation en volume de toutes les dépenses des administrations publiques, qui conduirait les administrations de sécurité sociale à fournir un lourd effort car ce sont leurs dépenses qui affichent des croissances tendancielles les plus fortes. Un autre scénario prévoit de réduire l'effort sur ce secteur, par exemple en laissant croître les dépenses de 1,2 % en volume. Dans ce cas, les dépenses de l'Etat devraient être stabilisées en valeur, ce qui conduirait à un durcissement des normes de dépenses appliquées en 2012. Dans ces scénarios, les dépenses des collectivités territoriales seraient stabilisées en volume.

Je voudrais insister sur les enjeux qui s'attachent à l'implication de toutes les administrations dans le respect des engagements de la France en matière de finances. En effet, le fait que les collectivités territoriales aient des comptes structurellement équilibrés ne saurait les dispenser, à notre sens, de participer à l'effort collectif. Les engagements européens de la France portent en effet sur une trajectoire de déficit cohérente avec une évolution donnée des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires. Il est donc essentiel que, sur ces trois points, les engagements nationaux puissent impliquer chaque secteur d'administration publique. Or, en l'état actuel de la gouvernance de nos finances publiques, plus du quart des administrations publiques échappe aux contraintes du pacte de stabilité. Ainsi, les collectivités territoriales, les régimes complémentaires de retraite, l'assurance chômage, peuvent définir leurs objectifs financiers sans prendre en compte les engagements de la Nation.

S'agissant des collectivités territoriales, la croissance de leurs dépenses, hors impact des compétences transférées par l'Etat, a été très rapide au cours des dernières années, même si elle s'est infléchie en 2010, avant de repartir à la hausse en 2011. Hors transferts de compétences, leurs effectifs se sont accrus de plus de 260 000 postes depuis 2002, dont près des trois quarts concerne les communes et intercommunalités. Cette croissance doit être mise en regard de l'évolution des effectifs de l'Etat sur la même période qui, après avoir diminué de quelque 25 000 agents entre 2002 et 2007, ont décru de 150 000 agents depuis cette date. Le seul instrument d'action de l'Etat à l'égard des collectivités territoriales consiste à freiner l'évolution de ses concours, qui atteignent 100 milliards d'euros et représentent près de la moitié des ressources des collectivités. La moitié de ces concours, soit 50 milliards, sont aujourd'hui gelés en valeur, ce qui fait désormais peser une contrainte plus forte sur l'évolution de leurs dépenses. Mais les effets de cette contrainte sont variables selon le niveau de collectivité : contrainte très élevée sur les départements, élevée sur les régions, mais faible sur les communes et intercommunalités, par ailleurs les seules à disposer encore d'une marge de manoeuvre fiscale après les dernières réformes en la matière. La Cour recommande une poursuite de ce gel, tout en proposant de moduler l'évolution des dotations en fonction des catégories de collectivités, en renforçant la contrainte qui pèserait sur les communes et intercommunalités.

L'accroissement des dépenses des collectivités au cours des deux dernières décennies a été financé par une hausse concomitante des impôts locaux, réduisant ainsi la capacité contributive des ménages et rendant plus difficile des augmentations d'impôts en faveur des autres administrations publiques, qu'il s'agisse de l'Etat ou de la sécurité sociale.

Cela montre que la gestion d'ensemble des finances publiques appelle désormais l'élaboration de règles partagées sur l'évolution des dépenses et sur la répartition des recettes. Ainsi, une stratégie devrait être adoptée au niveau des administrations publiques dans leur ensemble, associant chaque catégorie à la définition et à la mise en oeuvre d'objectifs de maîtrise des dépenses et de modération des prélèvements. Ceci rend nécessaire, à notre sens, la mise en place d'une gouvernance partagée des administrations publiques, reposant sur un cadre normatif ou contractuel assurant la cohérence globale, le respect des engagements pris par la France et la juste répartition des efforts.

A cette fin, un pacte de stabilité pourrait être conclu entre l'Etat et les collectivités territoriales afin d'engager celles-ci dans le respect de la trajectoire globale définie pour le pays. Dans cette même perspective, le champ des lois de financement de la sécurité sociale pourrait être élargi à l'assurance chômage et aux régimes de retraites complémentaires pour devenir de véritables lois de financement de la protection sociale.

Si l'effort doit porter sur toutes les administrations publiques - sachant qu'il revient au Gouvernement et au Parlement d'apprécier quelle part revient à chacun -, il doit également concerner toutes les catégories de dépenses. Le principal enjeu budgétaire porte sur la masse salariale. En effet, ces dépenses, y compris les pensions, représentent 13,2 % du PIB, toutes administrations confondues. La masse salariale de l'Etat s'élève à 80 milliards d'euros et connaît une croissance tendancielle soutenue, à effectifs constants : 1,6 % par an. Le respect de la trajectoire de redressement des comptes publics implique que la masse salariale de l'Etat soit stabilisée en valeur.

Pour l'exercice 2013, la Cour a présenté quatre scénarios qui permettent chacun de stabiliser la masse salariale, chacun d'eux utilisant de façon variable les quatre leviers que constituent l'évolution des effectifs, la valeur du point d'indice, les déroulements de carrière et les mesures catégorielles. Je me contenterai de commenter deux de ces scénarios. Le premier envisage une poursuite du gel du point d'indice et de la réduction des effectifs de 30 000 postes par an. Il permet de ne pas peser sur les déroulements de carrière des agents publics et sur les mesures catégorielles. Le second scénario repose à l'inverse sur une stabilisation des effectifs. Cette hypothèse requiert, outre la poursuite du gel du point d'indice, une réduction significative de l'avancement des fonctionnaires et un quasi gel des mesures catégorielles. Ainsi, pour résumer, seule une baisse des effectifs est à même de fournir des marges de manoeuvre en matière de politique salariale.

Les dépenses d'intervention représentent 620 milliards d'euros sur 1 120 milliards de dépenses totales, soit 55 %. Sur ce total, les prestations sociales représentent 82 %, soit 510 milliards d'euros. Elles concernent l'ensemble des collectivités publiques, dont l'Etat pour 150 milliards d'euros.

Il convient avant tout de développer, selon nous, une démarche d'évaluation de l'efficacité et de l'efficience de l'action publique dans ce domaine. Il s'agit d'adopter une approche par politique publique, et non par dispositif d'intervention ou par acteur. Les politiques d'intervention sont aujourd'hui partagées entre l'Etat et les diverses collectivités publiques, avec un enchevêtrement des compétences qui nuit à leur efficacité, par exemple en matière de formation, de logement ou d'emploi. Et de nombreux rapports montrent que le ratio coût-efficacité n'est pas des plus performants.

Cela suppose de s'interroger sur l'articulation entre les divers acteurs et dispositifs, dont le nombre dépasse 1 300. Des exemples concrets d'interventions redondantes et mal coordonnées, donc inefficientes, peuvent être trouvés dans le rapport, dans les secteurs que je viens d'évoquer. Des marges de manoeuvre peuvent aussi être trouvées pour améliorer l'efficacité économique et le ciblage social des dispositifs publics de solidarité.

De telles évaluations supposent, à la différence de la RGPP, d'associer toutes les parties prenantes et de faire partager les diagnostics et les réformes envisagées, tout en adoptant un pilotage politique fort pour mener à bien ces projets. La Cour, en exerçant sa mission d'évaluation des politiques publiques à l'attention du Parlement et du Gouvernement, pourra prendre sa part à cette revue des politiques d'intervention, en y associant les chambres régionales et territoriales des comptes.

De même, devant l'écheveau de nos politiques publiques, source de complexité et de gaspillages, l'acte III de la décentralisation qui a été annoncé doit, pour nous, être avant tout l'occasion d'une clarification des compétences entre Etat et collectivités territoriales ainsi qu'entre ces collectivités elles-mêmes. Il devrait être guidé par le souci premier d'améliorer l'efficience des politiques concernées.

Les dépenses de transfert concernent aussi la sécurité sociale. Le rééquilibrage des comptes sociaux doit être assuré en priorité : la Cour a régulièrement rappelé que l'existence même d'une dette sociale constitue une anomalie profonde, car les dépenses de soins n'ont pas de raison d'être reportées sur les générations futures. Le système de retraite ne devrait pas connaître le retour à l'équilibre prévu par la réforme de 2010, en raison de prévisions trop optimistes, notamment en matière d'évolution de la situation de l'emploi. Ainsi, le déficit annuel de l'ensemble des régimes de retraite pourrait être supérieur à 10 milliards d'euros à l'horizon 2020. La question du rééquilibrage des comptes devra donc prochainement être examinée par vos soins.

Pour l'assurance maladie également, les efforts doivent être amplifiés. En effet, la poursuite d'une croissance des dépenses d'assurance maladie de 3 % chaque année, sans l'apport de recettes nouvelles, conduirait à un retour à l'équilibre en 2024 seulement. Si ce taux de croissance était ramené à 2,5 %, le retour à l'équilibre serait atteint en 2018. Le système de soins peut gagner en efficience, sans perte de chance pour les malades, en améliorant la coordination entre professionnels de santé, et entre médecine de ville et hôpital, en renforçant les bonnes pratiques de soins et en maîtrisant plus efficacement certaines dépenses. Le rapport annuel de la Cour sur la sécurité sociale fournit de nombreuses pistes de réformes en ce sens. Et notre rapport à venir en septembre en comportera également. S'agissant enfin des dépenses d'investissement, l'ampleur des engagements envisagés ou déjà pris doit conduire à réexaminer leur compatibilité avec le retour à l'équilibre des comptes publics. Il importe désormais de mieux choisir les investissements publics, pour ne retenir que ceux qui auront fait la preuve de leur utilité, notamment au regard du relèvement de la croissance potentielle de l'économie. La Cour préconise la mise en place d'une expertise indépendante des opérateurs en matière d'études de rentabilité socio-économique et une meilleure prise en compte de celles-ci dans les choix et la hiérarchisation des investissements. En janvier dernier, en particulier, la Cour a appelé à reconsidérer le programme de développement de lignes ferroviaires à grande vitesse retenu dans le volet « transports » du Grenelle de l'environnement, qui entraînerait 166 milliards d'euros de dépenses publiques nouvelles, non financées à ce jour. L'investissement des collectivités territoriales et des hôpitaux devrait également respecter ces principes.

L'augmentation des recettes est inévitable pour compléter l'effort. Elle devrait, selon nous, jouer dans le processus de redressement un rôle sensiblement moins important que la réduction du poids des dépenses, et décroissant dans le temps. Elle doit reposer principalement sur l'élargissement de l'assiette des prélèvements existants plutôt que sur des hausses de taux, pour des raisons d'efficacité économique. Il faut donc que vous puissiez poursuivre et amplifier la réduction et la suppression des niches fiscales et sociales : les rapports de la Cour, ainsi que nombre de rapports du Parlement, fournissent de multiples exemples de niches pouvant être supprimées - par exemple les réductions d'impôts en faveur de l'investissement outre-mer, ou le taux réduit de TVA sur la restauration - ou dont les plafonds pourraient être abaissés, comme la réduction et le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile.

Si la réduction des niches ne suffisait pas à dégager les recettes attendues - j'insiste sur cette condition -, il pourrait être nécessaire d'augmenter le taux d'impôts à assiette large, c'est à dire la CSG ou la TVA, la première étant adaptée au rééquilibrage des comptes sociaux dont la Cour souligne, une nouvelle fois, le caractère absolument prioritaire. Une telle augmentation devrait avoir un caractère temporaire, et s'effacer au fur et à mesure du rééquilibrage des comptes publics et de la montée en puissance des économies sur les dépenses.

Après 2013, l'effort de redressement devra se poursuivre, à un rythme moindre, afin de garantir le retour à l'équilibre structurel en 2016 ou 2017, que l'Allemagne est en passe d'atteindre dès 2013.

Notre pays se trouve à la veille d'une profonde transformation dans la conduite de ses finances publiques, sous l'effet des nouvelles règles européennes adoptées depuis 2011. La prise en compte de celles-ci est loin de se réduire au débat sur la règle de retour à l'équilibre structurel à moyen terme - ce qu'on appelle la règle d'or. En effet, la série de dispositions qui a été adoptée conduira la France, dans le respect des pouvoirs du Parlement, à réviser la façon dont elle élabore et suit les textes budgétaires. Ces nouvelles règles européennes appellent également des progrès dans la qualité de nos comptes publics. La France dispose en la matière d'une avance par rapport à ses partenaires européens, avec, depuis six ans, la certification des comptes de l'Etat et du régime général de sécurité sociale par la Cour des comptes. Afin de progresser dans la fiabilité des comptes et dans leur harmonisation entre les différentes catégories d'administrations publiques, cette démarche de certification gagnerait à être élargie. La Cour recommande la mise en oeuvre concrète de la certification des comptes des hôpitaux publics déjà décidée par le législateur, ainsi que la mise en place d'une expérimentation de la certification des comptes des plus grandes collectivités territoriales. Par ailleurs, l'autorité statistique européenne Eurostat considère que la comptabilité nationale établie par l'Insee devrait s'appuyer sur une comptabilité en droits constatés, donc sur la comptabilité générale de l'Etat, et non sa comptabilité budgétaire. Une coopération renforcée entre la Cour et l'Insee devrait contribuer à améliorer la qualité de la comptabilité nationale. Les mêmes règles européennes rendront enfin nécessaire la mise en place d'une gouvernance partagée des administrations publiques, j'ai déjà évoqué ce sujet.

Pour conclure, j'observerai que la France est loin d'être considérée comme exemplaire dans la gestion de ses finances publiques depuis plusieurs décennies. En 2011, un peu plus d'un mois des dépenses de l'ensemble des administrations publiques étaient financées par l'emprunt. Pour l'Etat seul, cela représente même quatre mois. Dans le contexte actuel de crise de la zone euro, afin de sécuriser le financement de l'action publique, d'éviter que le poids de la dette n'étouffe l'économie, de continuer à peser dans le concert européen, de restaurer des marges de manoeuvre pour l'action publique et de sauvegarder la cohésion entre générations, la France doit assurer le retour à l'équilibre structurel de ses comptes publics dans les quatre ou cinq prochaines années. La Cour insiste sur l'importance du strict respect de l'engagement de réduction du déficit à 3 % en 2013, à juste titre considérée comme une année charnière pour le redressement des comptes publics de la France. La discipline qu'exige le respect de cette trajectoire est sévère. Elle suppose une évolution en profondeur des modalités de l'action publique : gouvernance partagée entre administrations publiques, application généralisée de normes de dépenses, réforme en profondeur des méthodes d'allocation des moyens et remise en cause de certaines missions de l'Etat, revue des politiques d'intervention, clarification des compétences partagées entre l'Etat et les collectivités territoriales, évaluation indépendante de l'utilité des investissements... Voilà, pour vous, beaucoup de travail. Cette discipline implique également des choix difficiles en matière de politique salariale et d'évolution des effectifs dans les fonctions publiques. De même, de nombreux dispositifs qui n'auront pas fait la preuve de leur efficience devront être réduits ou supprimés, des projets d'investissements retardés ou abandonnés. L'objectif de ces réformes doit être expliqué aux citoyens et c'est pourquoi la Cour, tout en fournissant des pistes d'économies précises, insiste sur les méthodes de réforme qui doivent privilégier la pédagogie et la transparence.

L'effort structurel prévu en 2013, de l'ordre d'un point et demi de PIB, sera certes difficile, il est néanmoins atteignable. Le FMI a identifié dans le monde, entre 1980 et 2009, une trentaine de consolidations budgétaires de cette ampleur. La France l'a fait par le passé, et, en 2012, l'Italie et l'Espagne devraient, de leur côté, réduire leur déficit structurel de près de 3 points, soit un effort double. J'espère que cet audit des finances publiques aura montré que le redressement est exigeant et suppose la mobilisation de tous les acteurs publics. Il doit être réalisable sans étouffer la croissance. En contribuant à une meilleure prise de conscience de ces enjeux par les citoyens et les décideurs, en fournissant des pistes utiles à l'action, la Cour des comptes assure déjà la fonction de comité budgétaire indépendant dont les nouvelles règles européennes prévoient la mise en place prochaine dans notre pays. Elle est à la disposition du Parlement pour jouer son rôle d'analyse et de conseil indépendant et s'exprimera aussi souvent que nécessaire pour jouer pleinement ce rôle de vigilance, d'information et de conseil.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous avez insisté sur le fait que l'administration publique compte trois sous-ensembles, Etat, sécurité sociale et collectivités territoriales. Pour l'Etat, vous avez pris une hypothèse d'évolution spontanée, et une hypothèse de correction. Pour la sécurité sociale, je n'ai pas bien compris comment vous intégrez la réduction de l'estimation de croissance par rapport à la loi de financement pour 2012, pour les entrées en recettes. Vous avez laissé entendre, enfin, que si le déficit de la sécurité sociale était plus important que prévu, les collectivités territoriales pourraient servir de régulateur. Je comprends également de votre intervention qu'au regard des différences dans leur autonomie fiscale, un traitement plus sévère est à imaginer pour les communes et intercommunalités que pour les départements et les régions. Vous êtes entré dans un domaine institutionnel, sujet lourd, en imaginant une gouvernance partagée entre l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités territoriales de différents niveaux : n'est-ce pas préjuger de l'organisation des pouvoirs publics dans notre pays ? Est-ce si simple ? Vos lignes directrices peuvent-elles néanmoins s'imaginer à règles juridiques et constitutionnelles constantes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous avez dit toute l'importance de la protection sociale et mis en garde contre le report de sa dette sur les générations futures. Un débat sur la loi handicap, dont je sors à l'instant, a mis en relief le manque de moyens dont disposent les collectivités locales pour appliquer les dispositions de ce texte. Vous avez, quant à vous, souligné les difficultés sur l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et sur l'allocation personnalisée au logement (APL), toutes prestations qui nous touchent de près. C'est pourquoi il me semblerait bon de vous inviter de nouveau pour mener avec nous un débat plus au fond sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je remercie le Premier président pour son exposé, exigeant quant aux efforts à entreprendre mais très éclairant sur nos difficultés.

Il a insisté sur la responsabilité politique du Gouvernement et du Parlement. Je me réjouis que le nouveau gouvernement ait souhaité inscrire son action dans la ligne des exigences manifestées dans le rapport de la Cour, et attendu sa publication pour arrêter ses orientations. J'ai souvenance d'avoir entendu ici même, il y a quelques années, un discours de Philippe Seguin, alors Premier président de la Cour, appelant l'attention sur la croissance des déficits, de 100 milliards d'euros alors, et qui insistait sur le fait que ce déficit était imputable, pour les deux tiers, à des décisions conjoncturelles, pour conclure qu'il convenait de changer de politique. Ses préconisations n'ont sans doute pas, alors, été suffisamment écoutées. C'est pourquoi je souhaite que le Gouvernement conduise une action ambitieuse.

Vous avez tracé des perspectives pour les mois à venir, en retenant une hypothèse de croissance spontanée des dépenses publiques de 1,5 %, alors que vous reteniez 1,7 % dans votre rapport de février 2012. Pourquoi cette révision à la baisse ?

Sur les risques pour 2012, la Cour ne mentionne que des aléas sur les recettes, rien sur les dépenses. Pourquoi considérez-vous qu'il n'y a pas de risque de dérapage des dépenses ?

J'insiste enfin sur un point, pénalisant pour le Gouvernement : le dérapage qui est la conséquence des contentieux, notamment sur la fiscalité des OPCVM. Le sujet est lourd, puisque 5 milliards d'euros sont en cause, dont 1,5 milliard en décaissement prévisible décembre 2012, et 1,75 milliard pour chacune des deux années suivantes. Or, vous dites que ces dépenses ont été provisionnées en compte général à hauteur de 3,3 milliards, fin 2011. Cela montre que le risque de perte n'était pas négligé par le précédent gouvernement, qui n'a pourtant rien fait pour prévenir son accroissement en arrêtant les compteurs d'une imposition non-conforme au droit communautaire, et en lui en substituant une autre. Rien n'a été fait, au point que l'Etat va encaisser encore 800 millions d'euros qu'il devra rembourser avec intérêts. Curieuse gestion, et qui tranche avec ce que l'on avait vu dans le passé, quand l'avoir fiscal avait été supprimé dès que le risque de condamnation était apparu.

Savez-vous depuis quand ce risque était perçu comme sérieux à Bercy, et pourquoi le précédent gouvernement a fermé les yeux, laissant à son successeur une ardoise de 5 milliards d'euros ?

Les concours de l'Etat aux collectivités territoriales doivent, dites-vous, être différenciés selon les catégories de collectivités. Mais comment ? Le taux de remboursement du FCTVA doit-il varier ? Faut-il baisser davantage les parts forfaitaires de DGF, ou faire évoluer différemment les parts versées aux départements et aux communes ?

La Cour préconise une réduction des dépenses publiques locales. Pourtant elle confirme qu'un solde nul peut plausiblement être atteint en 2013, et que les comptes des administrations publiques locales sont structurellement équilibrés. La baisse de ces dépenses est-elle vraiment une priorité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour l'Etat, on parle de geler les dépenses en volume ou en valeur, mais les collectivités devraient-elles réduire les leurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

On n'apprend rien de très surprenant en lisant le rapport de la Cour, même si, en ce qui concerne les comptes sociaux, l'évolution de la branche vieillesse est préoccupante. Vous constatez que la dégradation de la conjoncture se traduira par une aggravation de 2 milliards d'euros du déficit des comptes sociaux en 2012. A moyen terme, les déficits resteront élevés si des mesures correctrices ne sont pas prises. Comme l'an passé, la Cour préconise de rééquilibrer en priorité les comptes sociaux, rappelant que le financement à crédit de dépenses courantes de protection sociale est une « anomalie profonde ». Le rapport souligne aussi que si les branches retraites et famille ne semblent pas devoir revenir à l'équilibre après 2013, ce n'est pas exclu pour la branche maladie, à plus ou moins long terme selon l'évolution de l'Ondam.

Vous recommandez de limiter la progression de l'Ondam à 2,5 % par an, alors que la hausse spontanée est de 4,5 % ou 4 %, en raison du vieillissement de la population, du développement des maladies chroniques et des nouveaux traitements. Mais des réformes structurelles comme une meilleure coordination entre la médecine de ville et l'hôpital y suffiront-elles ?

La branche famille, écrivez-vous, ne retrouvera pas l'équilibre, parce que, dans son financement, on a substitué à une part de CSG des recettes au rendement décroissant. Vous suggérez de supprimer l'indexation des prestations pour limiter l'évolution des dépenses. N'est-il pas préférable d'affecter à cette branche des recettes plus stables ?

Enfin, la dette sociale va continuer à progresser, plus ou moins en fonction de notre capacité à réduire les déficits. Par quels prélèvements la financer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Votre rapport insiste sur le rétablissement des comptes de l'Etat, de la sécurité sociale, mais aussi des collectivités territoriales. Moi qui suis président d'un conseil régional, je sais quelles sont les contraintes. Il faut éviter d'étouffer la croissance, se plier aux normes que nous-mêmes, législateurs, édictons, supporter des transferts de compétence. Comme l'a dit M. le rapporteur général François Marc, les comptes des collectivités sont équilibrés. Les élus de gauche comme de droite sont très contrariés d'être montrés du doigt. Pensez-vous que les chambres régionales des comptes soient suffisamment armées pour conseiller les collectivités ? Ce serait plus utile que de lancer de bons mots relayés par la presse, et cela rétablirait la confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

La Cour s'inquiète des effets dépressifs sur la croissance de la réduction des déficits. Elle invite le Gouvernement à rétablir, non seulement l'équilibre budgétaire, mais aussi la compétitivité de notre pays, en s'inspirant des comparaisons avec l'Allemagne. Dans ces conditions, ne serait-il pas judicieux d'élargir les bases fiscales en diminuant les cotisations familiales et en créant une TVA « antidélocalisations », frappant les produits et les emplois étrangers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Vous recommandez de réduire les niches fiscales, notamment celles qui favorisent l'investissement outre-mer. Mais sont-elles les plus coûteuses ? Avez-vous mesuré leurs effets en termes d'emploi et de développement ? Si elles étaient supprimées, ne faudrait-il pas leur substituer des dépenses budgétaires plus élevées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je remercie la Cour de son importante contribution. Pour 2013, elle écrit que la maîtrise des dépenses doit jouer un rôle essentiel dans le respect de la trajectoire budgétaire. A supposer que baisse des dépenses et hausse des recettes y contribuent à égalité, il faudrait faire 16,5 milliards d'économies l'an prochain. N'est-ce pas un minimum ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

L'Etat est actionnaire d'un grand nombre d'entreprises, souvent à plus de 60 % : il possède 93 % d'Areva, 85 % d'EDF. Ne faudrait-il pas ouvrir au secteur privé le capital de certaines d'entre elles - sans parler de privatisations, comme dans les pays voisins en difficulté ? Cela nous ferait retrouver des marges de manoeuvre budgétaires. J'avais d'ailleurs posé la même question au précédent gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le cas échéant, on pourrait ainsi financer des investissements.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Monsieur le président Marini, la perte de recettes de 6 à 10 milliards d'euros s'entend toutes administrations publiques confondues : 800 millions d'euros pour la sécurité sociale, 1,2 milliard de droits de mutation à titre onéreux pour les départements, et le reste pour l'Etat, provenant de la TVA et surtout de l'impôt sur les sociétés.

Oui, la Cour croit nécessaire d'améliorer la gouvernance des finances publiques : comment réussir le redressement en laissant de côté les administrations responsables du quart des dépenses publiques ? Pourquoi serait-ce plus difficile que dans d'autres pays, y compris fédéraux ? Mais il ne s'agit pas nécessairement d'édicter des normes : l'Etat peut contracter avec les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mais qui signera ? Le Languedoc-Roussillon ne peut s'engager au nom de la Bretagne, la Drôme au nom de la Lozère, Compiègne au nom de Chaumont en Haute-Marne.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

La réponse revient aux autorités politiques. La Cour rappelle simplement que la signature de la France l'engage, et qu'il faut faire en sorte que cet engagement soit tenu : il y va de notre crédibilité auprès de nos partenaires européens et de nos créanciers.

Mme la présidente David a vu dans notre rapport beaucoup de sujets d'inquiétude. Notre responsabilité est de poser les termes du débat public. La politique du handicap est un parfait exemple d'enchevêtrement des compétences : l'Etat dépense 13 milliards d'euros, la Sécurité sociale 9 milliards, et les collectivités interviennent aussi. Est-ce justifié ? En clarifiant les compétences de chacun, on rendrait les politiques publiques plus efficaces sans les renchérir.

Monsieur le rapporteur général Marc, je n'ai rien à ajouter à ce qui figure dans le rapport au sujet des contentieux au niveau européen. Il manque 600 millions d'euros pour 2012 ; les éléments étaient connus à la fin de l'année dernière, avant le vote des lois de finances rectificatives.

Nous avons également évoqué des risques de dépassement des dépenses, c'est-à-dire de sous-budgétisation, de l'ordre d'un à deux milliards : on observe à peu près la même chose chaque année, hélas, et chaque année la Cour fait des observations. La situation est gérable, grâce à la réserve de précaution - qu'il faudrait toutefois augmenter d'un milliard environ grâce au gel de certains crédits -, à supposer du moins que les autorités soient extrêmement vigilantes sur l'évolution de l'exécution des dépenses, et que toute nouvelle dépense soit financée par redéploiement ou, éventuellement, par une nouvelle recette.

Les collectivités sont soumises à une sorte de règle d'or, puisqu'elles ne peuvent emprunter que pour couvrir des dépenses d'investissement. Leurs comptes sont donc structurellement équilibrés, mais ce n'est pas une raison pour les exonérer de tout effort : il faut se préoccuper des dépenses et de leur évolution, qui ont une incidence sur la fiscalité - or le contribuable local est aussi un contribuable national. La politique suivie localement doit être cohérente avec la trajectoire globale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ne suffit-il pas de réguler les dotations de l'Etat ? La Cour voudrait que nous allions jusqu'à réglementer les dépenses locales...

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Nous nous garderions bien de faire pareille suggestion. Il faut aussi faire confiance aux collectivités.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Mais cela suppose que chacun tienne ses engagements. Les dépenses publiques locales doivent, elles aussi, être rendues plus efficaces.

L'Etat doit s'adapter à la situation des différentes collectivités. Les départements et les régions sont dans un contexte plus tendu que les communes et intercommunalités. Le rapport de l'Observatoire des finances locales ne dit pas autre chose.

Monsieur le rapporteur général Daudigny, nous croyons en effet possible de limiter la progression de l'Ondam à 2,5 % par an, à condition que les dépenses soient maîtrisées : lors de la présentation de notre rapport sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale en septembre, nous récapitulerons les pistes de réformes qui nous paraissent prometteuses.

En ce qui concerne la branche famille, la Cour est naturellement favorable à ce qu'elle perçoive des recettes stables, mais il faut aussi prendre garde à ce que la branche ne dépense pas plus qu'elle ne doit, ce qui implique de surveiller le niveau des recettes. Le rapport formule plusieurs observations sur la gestion de la branche.

Debut de section - Permalien
Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des Comptes

Il montre aussi que les branches maladie, vieillesse et famille continuent à générer de la dette. Si rien n'est fait, il faudra donc à brève échéance procéder à une reprise de dette. Il me paraîtrait logique de financer une telle opération au moyen d'un prélèvement large comme la CRDS, plutôt que par un cocktail de recettes dont le dynamisme et la solidité seraient sujets à caution.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Monsieur Bourquin, la Cour n'accuse personne et surtout pas les collectivités : elle ne fait que dresser des constats. Je ne suis pas hostile à ce que les chambres régionales des comptes exercent une mission de conseil auprès des élus locaux : c'est une réflexion qu'il faudra avoir dans le cadre de l'acte III de la décentralisation. Les chambres régionales des comptes ont été réorganisées à effectifs constants, afin que chacune soit dotée d'une taille critique minimale et que les magistrats, spécialisés, soient capables de faire face à tout type de problème.

Monsieur Patient, notre rapport public annuel comportait des remarques sur les dispositions dérogatoires en faveur de l'outre-mer. La Cour comprend fort bien que l'on souhaite soutenir ces territoires, au nom d'une politique d'aménagement et pour prendre en compte leurs spécificités. Mais le rapport coût-bénéfice des dispositifs existants est faible, car ce sont des guichets ouverts, dont l'effet est très difficile à cibler et le coût à maîtriser.

Madame Des Esgaulx, nous avons évoqué un partage égal entre maîtrise des dépenses et hausse des recettes, ce qui serait déjà mieux que jusqu'à présent, mais la Cour a naturellement tendance à préférer la réduction des dépenses. Plusieurs études de l'OCDE montrent d'ailleurs que le redressement n'en est que plus durable.

Je ferai à peu près la même réponse à M. Emorine : les recettes qu'il suggère seraient exceptionnelles, et il n'est pas sûr que la situation des marchés se prête à des privatisations. Mais il faudrait interroger le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le Premier président, merci : ce débat a été fort utile. Nous nous reverrons bientôt, car un immense travail nous attend.