Serge Larcher, président. - Nous poursuivons nos travaux sur les enjeux des zones économiques exclusives ultramarines.
Notre collègue Jean-Étienne Antoinette est le seul de nos trois rapporteurs présent aujourd'hui, Joël Guerriau et Richard Tuheiava étant empêchés.
Les trois auditions de ce matin concernent l'extraction pétrolière et la question énergétique. Il s'agit d'examiner les potentiels de nos outre-mer dans ce domaine mais également de mettre en perspective ces questions avec la discussion prochaine du nouveau code minier.
Nous commençons avec M. Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières, à qui je souhaite la bienvenue.
Je vous remercie. Le potentiel de la zone économique exclusive (ZEE) ultramarine est très important pour notre pays. La révision du code minier est fondamentale, tant pour les travaux onshore en métropole que pour les travaux offshore dans les ZEE.
Nous avons été reçus par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale sur le code minier, où nous avons insisté sur l'importance de la refonte envisagée.
L'UFIP, qui regroupe toutes les grandes entreprises françaises du secteur, est le syndicat professionnel du pétrole et couvre de nombreuses activités en France et outre-mer. En ce qui concerne l'exploration et la production, nous comptons une vingtaine de petites et moyennes entreprises adhérentes, de diverses nationalités. Il y a une soixantaine de concessions d'exploitations sur le territoire métropolitain et autant de permis d'exploration en cours.
La production nationale est de 800 000 tonnes de pétrole et, pour le gaz, notre production se monte à 800 millions de m3, soit respectivement 1 % et 2 % de la consommation française, c'est dire notre dépendance aux importations.
La facture d'hydrocarbures s'élève à 60 milliards d'euros par an, dont 80 % pour le pétrole et 20 % pour le gaz ; toute production nationale améliore donc notre balance des paiements.
La France est l'un des pays où existe une véritable filière du pétrole, avec de grands groupes comme Total, Schlumberger, Technip, CGG Veritas et Vallourec (qui fabrique des tubes).
Notre pays est le deuxième exportateur mondial d'équipements et de services de cette filière. L'outre-mer entre dans le champ des missions de l'UFIP, aussi bien pour l'amont pétrolier que pour l'aval, qui concerne le raffinage, la distribution et le traitement des huiles usagées.
Les opérateurs ne sont pas tous adhérents de l'UFIP, à l'instar de Rubis qui est présent aux Antilles.
Le développement de l'amont pétrolier est important : aujourd'hui, il y a quatre grands permis en cours de validité : Guyane Maritime, Caravelle (Martinique), Juan de Nova profond et Est (maritime profond, dans les Îles Éparses du Canal de Mozambique, entre le Mozambique et Madagascar) et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le permis de Caravelle n'est pas actif et celui de Juan de Nova donne lieu à des recherches sismiques, sans forage.
Nous avons, par ailleurs, sept demandes de permis : Concorde en Guadeloupe, un autre permis au large de la Martinique (Gwo Ka Caribbean), Bardoil à Saint-Pierre-et-Miquelon. En Guyane, nous avons quatre demandes de permis : Papillon, Udo/Total, Shelf/Total, Demerara Est. Cela démontre l'importance de cette collectivité en matière de recherche pétrolière et l'intérêt d'un domaine maritime étendu.
La refonte du code minier ne devra pas introduire de nouveaux freins. Nous avons l'habitude de dire que lorsqu'on modifie le code de la route, ce n'est pas pour arrêter la circulation, mais pour améliorer la sécurité. Nous attendons la même chose pour le code minier. Nous serons donc très attentifs aux évolutions à venir.
La réforme du code minier a été engagée via un communiqué du Conseil des ministres en septembre 2012. Mme Batho a dit son souhait d'intégrer la charte de l'environnement, de modifier la fiscalité applicable et de prendre en compte les spécificités de l'outre-mer.
Un comité informel de concertation a été confié à Thierry Tuot, conseiller d'État, où siègent les parties intéressées, dans l'esprit du Grenelle. Ce comité est chargé de présenter des propositions. Il s'est réuni onze fois, de début octobre à mi-décembre 2012, chacune de ses réunions ayant été consacrée à un grand thème. Ont été traités, notamment, les fins de travaux, les restitutions des sites miniers en fin d'exploitation, la fiscalité, l'outre-mer. L'outre-mer a fait l'objet de cette dernière réunion et il n'y a pas eu de compte rendu officiel. Le conseiller d'État a ensuite rédigé ses propositions informelles personnelles.
Lors d'un conseil des ministres de février, de nouvelles orientations ont été présentées, notamment un schéma national minier, le renforcement de la surveillance en fin d'exploitation, une refonte de la fiscalité.
Nous abordons maintenant une nouvelle phase de concertation qui tarde à s'amorcer. Une esquisse de projet de loi est en préparation : on parle d'un dépôt en juin pour une adoption à l'automne, mais ce calendrier nous semble ambitieux.
Nous souhaitons que la réforme du code minier favorise le développement des activités de recherche et de production et incite à investir. Nous avons trois préoccupations majeures : cette réforme doit favoriser la participation et l'appropriation des projets par le public, faciliter l'exercice de l'activité et stabiliser la fiscalité pour donner une visibilité aux investisseurs. Il y a quelques années, la simplification du code minier avait été envisagée pour rendre les délais d'instruction compatibles avec la nature et l'importance des investissements nécessaires. Dans le code minier actuel, il existe des dispositions relatives à la ZEE et à l'outre-mer mais elles sont dispersées.
Pour l'outre-mer, les compétences des régions sont reconnues spécifiquement, contrairement à la situation qui prévaut en métropole.
Pour la ZEE et l'outre-mer, trois points sont essentiels : la stabilité du cadre institutionnel, la clarification et l'adaptation des règles d'information et de consultation du public et la visibilité fiscale.
Tout d'abord, le cadre institutionnel. Les compétences régionales doivent être identifiées dans le code minier. Notre préférence va à un code minier général et national, pour assurer la cohérence des différentes autorités et du droit applicable, ce qui n'empêche pas les spécificités régionales. Si certaines collectivités souhaitent un code minier régional pour renforcer leurs pouvoirs dans la définition et l'octroi des titres, sur le plan global, il faut de la cohérence.
J'en arrive aux conditions de réalisation des travaux en ZEE. Depuis décembre 2011, la réglementation nationale a soumis à enquête publique les travaux offshore, ce qui pose problème. Quid du périmètre des enquêtes publiques quand le gisement se situe à 150 km des côtes ? En outre, la durée des enquêtes publiques compromet l'activité économique, compte tenu des investissements à réaliser. Ainsi, tout retard peut coûter un million de dollars par jour.
Dernier point : la fiscalité doit être stable. Fin 2011, un projet de loi de finances rectificatives a supprimé le système de suspension de TVA pour les travaux sur le plateau continental. Or, c'était une des rares incitations fiscales en la matière.
La loi de finances pour 2012 a prévu une redevance spécifique de 12 %, partagée entre la région et l'État, dans des conditions qui seront mises en oeuvre par décret, théoriquement en 2014. On comprend l'idée de partage, mais tout dépend des découvertes qui pourront être faites.
Sur l'ensemble de notre territoire, nous sommes aujourd'hui dans une situation très délicate. Les demandes de permis sont bloquées par le Gouvernement : ainsi, il y a quelques 120 demandes qui ne trouvent pas d'issue. La stabilité du cadre règlementaire est fondamentale. À l'heure actuelle, on se perd dans les dédales administratifs car les interlocuteurs sont multiples. Notre industrie est, je le répète, dans une situation très difficile.
Le cas de la Guyane est exemplaire. Est-il parfait ? Non, mais il est de loin préférable à tout ce qui a été fait auparavant. Dix groupes de travail ont été créés, les parties prenantes se sont investies et l'opérateur est dynamique. Lorsqu'il avait été question de suspendre le permis de Guyane, nous avons été réconfortés de voir des élus soutenir le projet, ce qui prouve que nous avions fait un bon travail d'appropriation. Peut-être faudrait-il s'inspirer de cette expérience pour rédiger le nouveau code minier ?
Le domaine maritime national représente 11 millions de km2, ce qui est considérable. Nous sommes, j'y insiste, dans un domaine concurrentiel. Aujourd'hui, des sociétés pétrolières, indépendantes et moyennes, sont extrêmement actives. Voyez ce qui se passe au Mozambique, pour ne citer que ce pays.
Le code minier devra confirmer l'attractivité de notre pays pour ces investissements, en posant des règles acceptables. Si la législation est trop contraignante, il n'y aura plus d'investissements car les opérateurs iront ailleurs. Sans être laxiste, il faudra bien mesurer l'impact réglementaire dans le différentiel de compétitivité.
Nous sommes prêts à participer à la rédaction du code minier. Si le champ de Guyane est au niveau de Jubilé en Angola - ce que nous espérons, sans bien sûr le savoir -, cela devrait représenter 120 000 barils par jour, soit 5 milliards de dollars par an. C'est dire l'importance de l'enjeu.
Serge Larcher, président. - Merci pour votre présentation.
Vous avez cité des chiffres intéressants que l'exploitant n'a pu nous donner. Y a-t-il une stratégie des industriels par rapport aux outre-mer ? Y a-t-il une filière spécifique ? Avez-vous évalué les impacts sur les territoires ? Que penser de la situation au Brésil et au Vénézuela ? Avez-vous une approche régionale ? Vous avez parlé d'appropriation des projets par le public. Qu'en est-il du régime des concessions ? Le Sénat a présenté une analyse comparative des diverses législations : y a-t-il un modèle qui a votre préférence ? Avez-vous des préconisations en matière fiscale ? Je suis maire de Kourou et je sais quelles furent les erreurs commises avec le centre spatial. Il ne faut pas les renouveler.
Il n'y a pas de stratégie spécifique vers les outre-mer, mais les prix sont très élevés. Le baril de pétrole est à 110 euros. Toutes les sociétés ont redéployé leurs ressources vers l'amont de façon massive afin de trouver de nouvelles ressources.
La technologie a beaucoup progressé pour les forages en eau profonde et très profonde. Il y a donc un énorme redéploiement vers l'offshore, ce qui explique les recherches en Guyane.
Les groupes pétroliers souhaitent des retombées sur les territoires où ils opèrent, mais ils ont leur propre façon de procéder. Cette industrie est très mondialisée. Le navire au large de la Guyane a été fabriqué en Corée. Il convient de discuter avec chaque opérateur.
L'appropriation est fondamentale. Aujourd'hui, il faut consulter et obtenir l'approbation du public à tous les stades. Ce qui s'est passé en matière de gaz de schiste en France métropolitaine est une catastrophe, alors même que le code minier avait été respecté, ce qui montre qu'il est inadapté. La révolte populaire a entraîné des dispositions bloquant un développement utile à notre pays. Nous devons travailler avec les populations, non seulement pour expliquer les dossiers, mais pour qu'ils soient compris. Le film Gasland qui vient des États-Unis est faux et a eu des répercussions très négatives.
La concertation informelle avec M. Tuot n'est pas entrée dans les détails. Peut-on faire participer les populations, tout au long de la trajectoire des permis avec toutes leurs conséquences, pour parvenir à une vision globale ? Comme il est nécessaire de distinguer exploration et exploitation, il est difficile de définir des trajectoires - fiscales, financières, de retombées - d'emblée. Nous restons attachés aux permis d'exploration, suivis de permis d'exploitation : il faut dissocier les deux titres car ils n'emportent pas les mêmes conséquences juridiques.
Quant au partage de production outre-mer, tout dépend de l'ampleur des projets et des discussions entre les collectivités concernées et les opérateurs.
Serge Larcher, président. - Merci pour vos présentations très complètes.
Nous sommes un établissement public. Notre métier, c'est l'intervention dans le domaine de l'énergie et de la transition énergétique. Je vous remets un dossier de synthèse de ma présentation.
Je rappelle l'enjeu international de l'offshore : il concerne 25 % des réserves d'hydrocarbures - les volumes augmentent année après année - les réserves de gaz offshore représentent environ 30 % des réserves totales.
Aujourd'hui, l'offshore représente 30 % de la production d'hydrocarbures conventionnels, la plus grande partie de la production vient des gisements situés à plus de 1 000 mètres de profondeur. Les progrès technologiques ont rendu possible l'exploration de gisements de plus en plus profonds. On met, actuellement, en production des gisements à des profondeurs supérieures à 2 500 mètres.
Vous connaissez l'ampleur du domaine maritime français : il pourrait s'agrandir encore si toutes les demandes d'extension du plateau continental déposées auprès de l'ONU étaient acceptées.
Le potentiel pétrolier des ZEE françaises doit s'apprécier par rapport à la proximité des gisements des zones de consommation, d'où l'intérêt du Golfe du Lion, zone encore inexplorée, mais des découvertes ont été faites en Égypte, au Liban, en Israël, à Chypre ; Saint-Pierre-et-Miquelon est une zone attractive, mais la ZEE est extrêmement réduite.
La Nouvelle-Calédonie est totalement inexplorée, mais pourrait être intéressante. Les Îles éparses présentent aujourd'hui un intérêt particulier, suite à des découvertes importantes de gaz au Mozambique et en Tanzanie. Les Antilles représentent aussi un potentiel.
Les enjeux de l'exploration-production s'expliquent par leur impact sur la facture énergétique, le déficit commercial étant de l'ordre de 70 milliards d'euros, dont les importations d'énergie représentent la quasi-totalité.
Les exportations d'électricité atténuent la facture énergétique, pour un solde exportateur de 2 à 3 milliards d'euros par an seulement, à comparer avec la facture pétrolière de 50 milliards d'euros.
Le développement de l'offshore est une opportunité de création d'emplois pour les entreprises françaises : les investissements totaux s'élèvent dans ce secteur à 200 milliards d'euros dans le monde.
Grâce à une politique continue depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la France dispose de leaders mondiaux : CGG, Vallourec, Technip, sociétés créatrices d'emploi. Le chiffre d'affaires total du secteur parapétrolier s'élève à 35 milliards d'euros.
La Guyane française présente des analogies avec la marge équatoriale africaine, au Ghana et en Sierra-Leone. Les premiers résultats des explorations menées sont encourageants. Il faudra néanmoins plusieurs forages d'évaluation avant qu'une décision d'exploitation puisse être prise.
La marge offshore de la Guyane présente également des analogies avec le Surinam et le Guyana. De nouveaux permis d'exploration viennent d'être ouverts début 2013 au Surinam et au Brésil. Dans tous ces pays riverains, l'exploration nécessitera beaucoup plus de forages, pour en estimer le potentiel commercial.
Il y a 90 millions d'années, avant la séparation du Brésil et de l'Afrique, il y avait une continuité entre les marges équatoriales américaine et africaine. En Afrique, les gisements commerciaux ont nécessité une trentaine d'années d'exploration. Tout a changé en 2007, où une impulsion forte a été donnée, notamment au Ghana et en Sierra Leone. Les découvertes en Afrique redonnent de l'intérêt au bassin des Guyanes, dont le dossier qui vous a été remis présente une carte.
Au Surinam, des découvertes ont été faites à terre, il y a longtemps, mais la production reste faible. Ce pays espère des découvertes offshore. Au Guyana, une découverte a été faite par Shell dont le potentiel commercial n'a pas été considéré comme suffisant. Un puits offshore a été abandonné pour des raisons techniques (surpression). Exxon fait actuellement une sismique 3 D en vue de décider de nouveaux forages. Ce bassin est situé entre ceux du Brésil et du Venezuela, très riches.
Les activités pétrolières offrent des opportunités de développement économique. Le nombre d'emplois induits est plus important dans le secteur des services. Le contenu local des activités est relativement faible pendant les phases d'exploration, mais augmente dans la phase de production et d'exploitation commerciale des gisements.
L'aspect formation est particulièrement important, l'IFP School a participé à des activités en Guyane, pour anticiper les besoins.
On ne peut parler d'hydrocarbures offshore sans parler de Macondo. Le risque zéro n'existe pas, même si le dernier état de l'art est utilisé pour éviter les risques.
La plus importante pollution eut lieu au Koweït lors de la guerre du Golfe en 1991. Il y eut auparavant, en 1979, une pollution importante au Mexique. Les accidents les plus nombreux sur les quarante dernières années sont liés au transport par tanker ; tout le monde se souvient de l'Amoco Cadiz. Mais ils diminuent ces dernières années. La catastrophe de Macondo a été un coup de semonce pour le monde pétrolier. Macondo a coûté environ 50 milliards de dollars à BP, compagnie qui est en train de passer du premier rang à la seconde division.
La profession a mis en place des moyens d'intervention rapides. Des équipements peuvent ainsi être mobilisés dans le Golfe de Guinée, dans le Golfe du Mexique, en Mer du Nord : c'est la Marine Well Containment Company, qui remédierait à la pollution en cas d'accident.
Sur la modernisation du code minier, nous avons participé aux travaux du groupe Tuot qui devrait se réunir à nouveau à partir de début avril. Cette réforme est justifiée, car les précédentes adaptations ont été faites à droit constant.
Des pays de l'OCDE ont récemment modernisé leur code minier. Chez nous, il est fort ancien et les dispositions relatives aux hydrocarbures conventionnels ont été progressivement rajoutées.
Les modernisations sont liées aux orientations nouvelles de la politique du secteur.
L'exploration du sous-sol est faite de manière à entraîner des retombées pour l'économie et l'emploi. Il importe d'analyser les difficultés d'application des codes existants et de lever les freins qui brident le développement des activités minières.
Les meilleures pratiques suivies à l'étranger se concentrent sur le respect de l'environnement, l'information du public, une plus grande concurrence, une meilleure surveillance administrative, une modernisation de la fiscalité.
Il importe de définir si l'on veut modifier ou refondre le code. Une solution mixte regroupant les dispositions spécifiques aux hydrocarbures emporte notre faveur.
Quels en sont les enjeux principaux ? Moderniser les procédures d'octroi de permis serait intéressant, en raccourcissant les délais, avec une procédure d'appel d'offres sur des périmètres prédéfinis.
Deuxième objectif : le respect de l'environnement et la responsabilité environnementale ; l'information du public est nécessaire, dans des délais raisonnables, par des procédures appropriées.
Le nouveau code doit accroître la surveillance par l'approbation (et non la simple déclaration) préalable des travaux majeurs.
Il importe aussi d'améliorer la sécurité juridique des titres miniers par plus de transparence et de réactivité dans les procédures administratives, pour réduire les retards dans les prises de décisions qui limitent l'attractivité des permis, donc les investissements et la valorisation du sous-sol.
La participation du public, l'acceptation des procédures de recours sont également nécessaires.
Merci de votre exposé.
Pour moderniser la délivrance des permis, êtes-vous en faveur d'un titre unique ? Quels en seraient les avantages et les inconvénients ? Le Brésil, dites-vous, s'inscrit davantage dans une procédure d'appels d'offres : est-elle à généraliser ? Le directeur de Shell nous a confirmé que, dans une première phase, l'impact sur l'emploi et sur l'activité économique est faible : sur 10 millions d'euros, 8 millions d'euros se trouvent hors du territoire concerné, la Guyane. Ne faudrait-il pas contractualiser ces retours sur le territoire, sans pour autant les inscrire dans le code minier ? Lors de l'audition, un sénateur a fait observer que la part des industriels français n'est guère importante. N'y a-t-il pas là une incitation à revoir les procédures de délivrance de permis d'exploration et d'exploitation ? Enfin, la réforme du code minier tire-t-elle les enseignements des accidents intervenus ?
Un titre minier unique, non. Le schéma actuel prévalant dans la plupart des pays, est celui d'un titre exclusif de recherche, qui conduit à l'octroi d'une concession d'exploitation en cas de découverte aboutissant à un gisement commercial. En ce cas, un plan de développement et d'exploitation est préparé.
Le permis d'exploration couvre plusieurs milliers de kilomètres carrés. Pour Jubilé, la concession d'exploitation fait 110 kilomètres carrés. Cette différence de taille explique pourquoi il y a deux titres miniers et non un titre unique.
Les bonnes pratiques internationales que nous avons étudiées donnent le maximum de flexibilité. Il faut maintenir un système mixte avec des appels d'offres et des demandes spontanées suivies de mises en concurrence, imposées par Bruxelles, qui ne portent pas nécessairement sur des périmètres identiques.
La diversité des ZEE françaises nécessite ces deux systèmes. Les appels d'offres pourraient être utilisés dans certains cas.
Quant aux retombées, tout dépend de la nature de l'exploration, phase où il y a des travaux intermittents. Un forage d'exploration dure de trois à six mois et implique des investissements extrêmement coûteux. Les forages au large de la Guyane coûtent plus de cent millions de dollars. En phase de développement, on passe à une autre échelle, de durée, trois ans, et d'investissements, de plusieurs milliards de dollars.
Il faut préparer le futur par la formation, pour être prêts quand il y aura de la production.
L'exemple de BP le montre, un opérateur pétrolier doit être bien choisi - il faut vérifier ses compétences techniques et financières - afin qu'en cas d'accident, avec ses associés, il soit en mesure de réparer. Ces mesures de réparation sont à la charge des titulaires de permis qui doivent aussi prendre toutes les dispositions pour nettoyer la zone polluée. Ces principes valent partout dans le monde.
En outre, en cas de gisement commercial, existe une obligation, à la fin de l'exploitation, d'enlever toutes les installations et de remettre en état la zone concernée. Cela fait partie des modernisations à inclure dans le code minier.
Shell fait partie des sociétés qui présentent toutes les garanties. Macondo a exclu de l'offshore profond les compagnies moyennes qui n'auraient pas les moyens financiers d'assumer leurs responsabilités, comme peuvent le faire BP, Total ou d'autres.
Le code minier actuel est très complexe, ce qui conduit à de longs délais qui dissuadent les investisseurs, sans pour autant instituer de garanties suffisantes de respect de l'environnement et d'information du public. C'est l'une des préoccupations de Delphine Batho. Tels sont les enseignements que nous tirons du benchmark international que nous avons réalisé avec Honoré Le Leuch, expert près la Banque Mondiale, qui connaît très bien les codes miniers de nombreux pays.
Selon nos auditions, nous arriverons courant mai à une troisième phase d'exploration. De nouvelles demandes affluent. Quel est le potentiel de cette zone ? Les profondeurs sont importantes. Les investissements sont très lourds. Nous pensons qu'il y aura des retours. Quel en sera le cycle, quelles en seront les retombées macroéconomiques ? Au bout de combien d'années apparaîtront-elles ?
Dans la profession pétrolière, un forage qui donne du pétrole ou du gaz, c'est la bonanza ; un forage sec, c'est la vie. La première phase a été encourageante, la deuxième un peu décevante, le gisement semblant moins étendu qu'il y paraissait au premier abord. Néanmoins, des points intéressants ont été constatés, qui font l'objet des forages actuels. Le propre du métier pétrolier est d'alterner les succès et les échecs. De nouveaux travaux sont nécessaires avant de prendre la décision d'engager des milliards de dollars d'investissements. La phase d'exploration dure cinq ans, avant la phase de développement. Même s'il n'y a pas de production, c'est au cours de cette phase de développement qu'il faut prévoir des installations sur place, plus intéressantes pour les opérateurs qu'une logistique organisée, comme elle l'est actuellement, sur des bases arrière plus éloignées à partir du Surinam et de Trinidad et Tobago. D'où l'enjeu crucial de la formation locale.
Aujourd'hui, les retombées socio-économiques sont un objectif nécessaire pour toutes les compagnies pétrolières. Dans une phase de développement, les aspects techniques et d'investissements sont complétés par un plan visant à maximiser ces retombées locales et décliné en programmes d'action revus annuellement. Vous avez créé une commission en ce sens. Je reviens d'un pays où l'explorateur a facilité la mise en place d'un centre destiné à créer des entreprises locales et à leur donner du travail.
Je reviens sur l'attractivité de la zone des Guyanes. En 2005, elle ne présentait guère d'intérêt. Mais, depuis, le paradigme a changé avec les découvertes faites au Brésil et au Ghana, qui ont donné une actualité nouvelle à cette zone. Cela ne veut pas dire que dans cinq à dix ans il y aura des productions considérables. Il en va de même en Afrique de l'Est, où aucun pétrolier ne serait allé il y a dix ans. Espérons que les découvertes seront couronnées de succès et que les retombées sur l'économie locale de la manne pétrolière seront anticipées.
Non. Je vous ai remis une brochure présentant l'IFPEN. Notre raison d'être, à l'origine, c'était les hydrocarbures. Nous l'avons élargie aux nouvelles technologies nécessaires pour assurer la transition énergétique. Nous travaillons en liaison étroite avec les entreprises pour leur fournir, grâce à nos recherches, les technologies et les produits et services dont elles ont besoin. Nous valorisons nos travaux par les filiales que nous créons, ce qui finance la moitié de notre budget et crée des emplois. Ainsi, l'une de nos filiales a embauché 300 personnes sur le site industriel traditionnel d'Alès. Ce modèle a prouvé son efficacité. Mais notre financement budgétaire a été réduit depuis 10 ans de 45 % en euros constants et je suis inquiet, compte tenu des informations qui me parviennent sur notre dotation budgétaire pour 2013 : on nous annonce une réduction de 8 millions d'euros et une nouvelle baisse pour l'an prochain. Nous devrons, en ce cas, arrêter des programmes et réduire les effectifs.
Ne peut-on imaginer qu'un établissement national soit chargé de la phase d'exploration avant de lancer des appels d'offres pour l'exploitation ? Il est vrai que cela nécessiterait des moyens financiers très importants.
Ce mécanisme a été mis en place en Norvège, pays pétrolier très mature. Je peux y réfléchir. Mais tout dépend du succès du forage en Guyane. Dois-je rappeler que la mode, il y a encore quatre ou cinq ans, prétendait que le pétrole était fini ? On peut y penser. Nous disposons des compétences liées à notre histoire. Nous avons travaillé dans le domaine des technologies des plateformes offshore. Nous avons des compétences en géosciences que nous mettons à disposition des pouvoirs publics, notamment à travers notre participation au groupe de travail sur la réforme du code minier.
Nous sommes en train d'examiner la zone économique exclusive. En outre, l'actualité guyanaise nous interpelle. Nous accueillons Mme Marie-Anne Besançon, directeur juridique et Accords Exploration-Production de Total, pour entendre ses points de vue.
Merci de m'accueillir. J'ai fait mes études à l'IFP et j'ai démarré ma carrière au ministère de l'industrie. Je travaille depuis 25 ans dans le privé.
Pour commencer par des aspects non strictement juridiques, je tiens à rappeler tout d'abord que l'industrie pétrolière rencontre des difficultés spécifiques, liées à la nature géologique de notre activité. Je vous ai apporté deux échantillons de pétrole : vous voyez, ce sont des roches, qui sont difficiles à trouver et à produire.
Les taux d'échec des forages de recherche sont extrêmement importants : sur trois forages, deux sont secs. Les investissements infructueux doivent donc être compensés. Il convient aussi de distinguer trouver et produire. Le taux de récupération pour le pétrole est de l'ordre de 30 % à 35 % par rapport aux réserves estimées et, pour le gaz, il est d'environ 80 % à 90 %. Grâce aux améliorations techniques, ces taux peuvent progresser.
Cette industrie est caractérisée par un cycle long : entre l'attribution du permis de recherche et l'exploitation, il peut s'écouler dix ans.
L'aspect économique est fondamental : même si l'on peut techniquement produire du pétrole, encore faut-il que l'exploitation soit rentable. Si le prix du pétrole baisse, certaines productions ne le sont plus et il faut interrompre la production. Nous avons donc des stocks de réserves non exploités.
Il y a dix ans, en mer du Nord, le coût d'un appareil de forage était de 50 000 dollars par jour. Aujourd'hui, il en coûte dix fois plus !
Les prix de vente doivent également être pris en considération ; or, ils sont très volatiles. En 1998, le baril coûtait 15 dollars et, en 2008, pour le même pétrole, 140 dollars.
Ce marché est fongible, mondial ; ses acteurs sont organisés sous forme de cartel. Ainsi, l'OPEP organise la raréfaction de la ressource pour imposer des prix élevés. La fiscalité pétrolière n'a rien à voir avec la fiscalité de droit commun : les taux sont bien plus élevés.
Toute notre activité d'exploration est financée uniquement sur fonds propres. Aucune banque n'accorde de prêt à une activité qui se solde par deux tiers d'échec. Les dix ans d'investissements nécessaires à l'exploitation d'un puits ne sont donc réalisés qu'avec l'argent de nos actionnaires.
Autre caractéristique extra-juridique de l'activité pétrolière : l'aspect géopolitique. Les ressources pétrolières sont largement répandues dans le monde, mais, en dehors des États-Unis, ce sont les États qui accordent les droits d'exploiter. En outre, le Mexique et le Koweït interdisent d'attribuer des titres d'exploitation à des sociétés étrangères. Depuis une quarantaine d'années, les sociétés publiques étatiques se sont développées. Les grandes sociétés privées ne représentent plus que 15 % de l'exploitation du pétrole. Nous sommes ainsi des nains au côté de sociétés d'État vénézuéliennes, koweitiennes, saoudiennes et iraniennes. Dans bon nombre de pays, la sécurité pose problème et, parfois, des investissements sont réduits à néant pour des raisons sur lesquelles nous n'avons aucune prise.
Une société pétrolière n'investit que si elle a la certitude d'exploiter, si elle a trouvé un gisement, et si la rentabilité est suffisante pour couvrir ses investissements infructueux.
J'en arrive aux deux grands systèmes miniers dans le monde. Le premier est celui de la concession que l'on trouve dans la plupart des pays de l'OCDE et le second est le régime contractuel de partage de production dans les pays dits en développement. Dans les deux cas, hors des États-Unis, c'est l'État qui dispose du droit d'autoriser l'exploration et l'exploitation du sous-sol.
Dans le système de concession minière, l'État concède à une société le droit de valoriser les ressources. Pour les contrats de partage de production, il n'y a pas toujours d'attribution de titres miniers. Dans le premier système, la société est propriétaire du pétrole, dans le second, l'État rémunère la société qui travaille le sous-sol par une quote-part de production.
Fiscalement, on est dans un système de droit commun dans le premier système, où il n'y a ni négociation, ni stabilité fiscale assurée. Dans le deuxième système, la fiscalité est négociée contractuellement : une première tranche est consacrée au remboursement des investissements et une seconde tranche donne lieu à un partage entre l'État et la société. Traditionnellement, il y a une clause de stabilité fiscale, ce qui est très important pour une industrie à cycle long.
Dans le système de la concession, la manne fiscale est différée pour l'État, du fait du report déficitaire. Dans le deuxième système, dès la production du premier baril, l'État bénéficie de sa quote-part du profit oil. C'est pourquoi ce système, inventé par l'Indonésie, a autant de succès dans les pays en développement.
Nous vivons donc avec ces deux systèmes : le second a une fiscalité plus forte, mais il a le gros avantage d'être stable, prévisible, ce que nous apprécions beaucoup.
Il existe un troisième système dont je ne vous ai pas parlé, développé par l'Iran et l'Irak : il s'agit de contrats de services à risques ; la rémunération correspond à un fixe par baril quel que soit le volume produit. La rentabilité est réduite pour les compagnies pétrolières, ce qui explique son faible succès.
De manière générale, il y a toujours deux ou trois phases d'exploration, avant une longue phase de développement, suivie elle-même d'une phase d'exploitation qui peut aussi durer longtemps. Je vous renvoie, pour plus de détails, au tableau qui figure dans le document que je vous ai remis.
Pour nous, il est important de disposer d'un code minier ou de lois spécifiques, pour établir plus de clarté et de prévisibilité, notamment pour ce qui concerne les règles fiscales, mais aussi, pour disposer d'un seul guichet administratif, d'un interlocuteur unique stable dans le temps.
Une compagnie pétrolière ne décidera d'explorer que si elle a la certitude de pouvoir exploiter. Dans ce domaine, toute incertitude a des impacts extrêmement négatifs.
J'en arrive au système minier français. La demande initiale, pour l'attribution d'un titre d'exploration, revient à l'initiative privée. Quand nos géologues estiment que tel ou tel bassin est intéressant, nos juristes demandent à l'État concerné un permis d'exploration. Ce dernier instruit cette demande de titre et informe les divers acteurs intéressés, notamment les collectivités territoriales. Comme dans tous les pays de l'Union européenne, une mise en concurrence est organisée. La demande est publiée. Des demandes concurrentes peuvent alors s'exprimer. Classiquement, le demandeur doit justifier de capacités techniques et financières : l'État ne peut, en effet, se permettre d'attribuer un permis à une société qui, n'ayant pas les moyens d'explorer, gèlerait la zone en question. Le soumissionnaire présente des études environnementales et prend l'engagement financier correspondant aux travaux. Enfin, l'État attribue le titre minier de façon discrétionnaire. Cela est le cas dans la majorité des pays du monde. Une fois attribué, ce titre est exclusif : l'acteur économique n'accepterait pas, en effet, de mener des recherches s'il n'était pas certain d'être seul à les effectuer. La sécurité contractuelle est essentielle. Le titre de recherche est accordé, en général, pour cinq ans, renouvelable une à deux fois.
Depuis la loi du 28 décembre 2012, l'État a mis en place une concertation avec le public après la phase de mise en concurrence européenne et avant de prendre une quelconque décision d'attribution des permis de recherche. Cette modification était nécessaire pour se conformer à la Charte de l'environnement. Pour pouvoir confirmer le titre d'exploitation, l'attribution est désormais soumise à une enquête publique.
Il faut bien distinguer le titre minier des autorisations de travaux. Le titre minier est un droit patrimonial, alors qu'une autorisation de travaux est le titre opérationnel. L'obtention d'un titre minier est donc nécessaire, mais pas suffisant, car il faut une autorisation de la puissance publique pour réaliser les travaux physiques sur le terrain. Notre activité est extrêmement surveillée et réglementée. Depuis le 1er juin 2012, les autorisations de forage de plus de 100 mètres de profondeur sont soumises à une enquête publique.
L'État intervient donc à divers niveaux, notamment pour la délivrance des titres et pour les travaux. En cas d'infraction, il peut retirer les titres donnés, de plus, il assure en permanence la police les mines. De même, lorsqu'il y a inertie ou absence d'exploration, l'État peut retirer les titres accordés.
J'en arrive aux aspects fiscaux de l'activité pétrolière en France, sur lesquels je vous ai remis une note. La fiscalité y est de deux natures : la fiscalité de droit commun, qui est une fiscalité centrale, c'est-à-dire l'impôt sur les sociétés, la TVA, mais aussi les impôts locaux que vous connaissez bien. S'y ajoute de surcroît une fiscalité pétrolière, au bénéfice de l'État ou des collectivités territoriales. Une redevance de 12 % revient ainsi à l'État sur la production. À partir de 2014, pour les zones offshore, cette redevance sera partagée par moitié entre les collectivités et l'État. Peuvent également exister des sur-prélèvements, l'État surtaxant les produits, quand il considère que la rentabilité est trop importante. Enfin, la redevance départementale et communale des mines (RDCM) est fixée par les collectivités locales.
Un point sur les différents types de paiements : il peut exister un premier paiement avant même le premier forage, mais il varie beaucoup en fonction des pays. Quand il y a beaucoup de ressources, ces primes de signature peuvent être conséquentes, par exemple, en Angola. De tels paiements sont inenvisageables dans des pays où l'on trouve peu de pétrole, ils décourageraient les investisseurs.
Les royalties sur la production sont une fiscalité certaine pour les États et les investisseurs prennent évidemment en compte ces coûts dans leurs calculs de rentabilité.
Les redevances superficiaires ou préfoncières sont souvent versées durant la phase d'exploration. Cette taxe a pour effet d'inciter l'opérateur à travailler le plus rapidement possible sur la zone pour éviter de la geler trop longtemps.
Dernier type de taxation qui s'est développé depuis trente ans : celle des surprofits déterminée par les lois de finances. N'intervenant que pour les concessions, ces prélèvements dégradent la rentabilité d'un projet et donc l'attractivité du pays. Les yoyos fiscaux n'incitent pas à l'investissement.
J'en arrive au partage de la fiscalité pétrolière entre l'État et les collectivités territoriales. La plupart du temps, cette fiscalité revient à l'État, ce qui est d'ailleurs source de frictions, voire de tensions avec les collectivités : voyez ce qui se passe au Nigeria.
Un équilibre doit être trouvé : il nous semble qu'un certain retour local est nécessaire, car les collectivités locales financent toutes les infrastructures indispensables à l'exploitation. Les dépenses régaliennes de l'État doivent, bien sûr, être financées. De plus, l'activité pétrolière peut générer des hausses de revenus massives, ce qui peut déstabiliser les collectivités qui en bénéficient et encore plus quand la manne tarit brutalement.
La France, assez pauvre en hydrocarbures, est un pays neuf à cet égard, et elle doit rester attractive pour les investisseurs.
Je suis content de me retrouver assis à la même table qu'un « nain » de votre taille !
Nous faisons effectivement partie du « club des nains » et nous sommes la cinquième compagnie intégrée internationale derrière Exxon, Shell, Chevron et BP...
Eh bien, je suis heureux de me retrouver parmi ces grands « nains » ! Quel est le regard d'une grande compagnie comme Total sur les stocks mondiaux ? La France pourrait-elle passer de la pauvreté à la richesse ?
Votre question revient à traiter de l'offshore. Certes, le domaine maritime français est important, mais nos géologues ne sont pas très optimistes en la matière. Seule exception, la Guyane, où nous avons un permis en coopération avec d'autres sociétés. Cette zone se trouve dans le prolongement de celle du Brésil où de grandes découvertes ont été faites.
La géologie n'est pas une science exacte et nous devons réactualiser régulièrement nos connaissances. Je suis cependant désolée de vous dire que la France a peu de chances de devenir le Brésil de demain...
Le canal du Mozambique est prometteur, mais je ne suis pas géologue.
Il y a effectivement en Afrique de l'Est de nouvelles zones intéressantes. Nous sommes présents en Ouganda et au Kenya, où nous explorons des thématiques géologiques nouvelles, à l'opposé de la zone de l'Afrique occidentale où nous sommes traditionnellement implantés. Les investissements, mais aussi les espoirs sont importants.
Pour les forages positifs, les taux de rentabilité sont élevés. Ne peut-on imaginer une nouvelle gouvernance à l'échelle de l'Europe en créant un organisme étatique dédié à l'exploration ? Vous avez dit apprécier le contrat de partage, parce qu'il apporte une grande prévisibilité, mais les conclusions de M. Tuot ne paraissent pas aller dans ce sens ; il semble préférer le régime de la concession. Que faire pour inverser cette tendance ?
Une loi pétrolière est nécessaire, dites-vous, mais nous allons vers une réécriture du code minier.
C'est la même chose.
Je n'en suis pas sûr. Ainsi, le Brésil a légiféré de façon très précise en matière pétrolière.
Sur la fiscalité, comment se situe la France par rapport aux autres pays ? Restons-nous attractifs ? Enfin, vous n'avez rien dit de la responsabilité des industriels en cas d'accidents ...
Comment rendre la France plus attractive, à supposer qu'elle ne le soit pas suffisamment ?
Nous n'avons pas eu connaissance des propositions de M. Tuot. Total n'a pas été directement associé à ses travaux. L'organisme professionnel a, en revanche, été consulté. Le code minier actuel nous permet de travailler. M. Tuot a semblé vouloir remettre en cause l'automaticité du droit d'exploitation, une fois le gisement trouvé, ce qui était inenvisageable.
Par la fiscalité, la France ponctionne à peu près 40 % de la valeur ajoutée de notre production, ce qui nous situe dans une moyenne basse. Par exemple, le Royaume-Uni est à 50 %, mais il s'agit d'un grand pays pétrolier, ce qui n'est pas notre cas. Si la pression fiscale augmentait chez nous, elle découragerait les investissements. En Indonésie, la fiscalité a tellement augmenté que les investissements ont disparu. La fiscalité détermine les investissements d'aujourd'hui et les productions de demain. La fiscalité française n'étant pas confiscatoire, nous continuons à investir.
Une mutualisation des phases de recherche au niveau national ou européen impliquerait que l'on fasse payer par les contribuables la recherche plutôt que par des capitaux privés. À l'heure actuelle, c'est plutôt la deuxième solution qui a la faveur de tous les pays du monde.
Nous pouvons vivre avec les contrats de partage de production, du fait de la prévisibilité fiscale. De plus, ces pays s'attachent à ne pas tuer la poule aux oeufs d'or.
Quant à la différence que vous faites entre loi pétrolière et code minier, nous estimons que les deux sont très proches. La France a une longue tradition, son code minier date de plus de 200 ans et il ne concerne pas que les hydrocarbures, mais aussi les mines, le charbon, les granulats, les carrières. Il s'agit donc d'un code qui assemble toutes les dispositions relatives aux diverses strates du sous-sol. Au Brésil, la loi pétrolière règle les modalités d'attribution et la fiscalité : là aussi, l'ensemble est cohérent.
Une autorisation de travaux ne se revend pas, contrairement aux titres miniers. Un préfet ne peut pas empêcher un acteur économique de travailler sur une zone déterminée si toutes les conditions sont remplies. Le titre minier est un droit de propriété, pas l'autorisation de travaux.
Vous m'avez interrogé également sur les dommages environnementaux et sur la responsabilité des industriels. Ces derniers doivent respecter la législation, notamment en ce qui concerne le droit du travail et de l'environnement. L'industrie pétrolière n'est pas différente des autres industries et lorsqu'elle crée un dommage à un tiers, ce dernier a droit à une indemnisation. Une fois l'exploitation terminée, nous devons reboucher le forage, mais comme nous travaillons dans des zones extrêmement profondes, nous n'avons pas de problème d'effondrement de galeries.
Fiscalement, oui ; géologiquement, c'est un pays où nous souhaiterions travailler davantage.