Je remercie Laurent Davezies de venir nous aider à réfléchir sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République. Je rappelle qu'il est notamment professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), spécialiste des questions urbaines et de développement économique local, et il a notamment publié un ouvrage de référence intitulé « La République et ses territoires ». Je tiens par ailleurs à souligner à quel point votre nom a émergé de façon spontanée de la bouche de tous nos interlocuteurs avec lesquels nous avons évoqué la perspective de nos travaux. Je me permets d'ailleurs de vous rappeler la démarche de cette mission commune d'information : il s'agit pour nous de faire émerger une pensée sénatoriale sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République à horizon 2020. Comment rendre le système plus efficace, plus juste, et s'appuyant sur les potentialités des territoires ? Nous avons besoin d'une pensée efficace, juste et réformatrice ! Pouvez-vous donc, à cette aune, nous présenter vos réflexions sur les relations entre la crise et les territoires ?
Je me réjouis du spectre très large des réflexions de la mission, et également de l'horizon retenu. Je pense en effet qu'un horizon à 15 ou 20 ans est raisonnable.
D'autant plus que cette crise que nous connaissons en ce moment engendre une redistribution des cartes au détriment de 20 % de la population, qui vit au « mauvais endroit ». Mais il faut également avoir conscience que pour 80 % de la population, la situation n'est pas si mauvaise. C'est pourquoi, il convient de désagréger la situation globale de la France : il existe une forte différenciation territoriale, une spécialisation fonctionnelle des territoires. En effet, depuis une dizaine d'années, certains territoires sont sortis de la phase de désindustrialisation et ont produit de nouveaux emplois.
La crise - ou plutôt la période dans laquelle nous sommes entrés en 2008 - doit être lue comme la fin d'une ère, d'un système. C'est donc le moment opportun d'opérer des ajustements intellectuels et politiques et de s'interroger sur le système tel qu'il a été construit.
Les économistes disent qu'il faut diminuer les dépenses publiques, et descendre à moins de 50 % du produit intérieur brut (PIB). Cette dépense est distribuée en trois grands domaines : l'Etat, les dépenses sociales, et les dépenses des collectivités territoriales. S'agissant de l'Etat, la révision générale des politiques publiques (RGPP), sans doute brutale, a néanmoins permis de lancer un mouvement de réduction des dépenses, qui se poursuit aujourd'hui encore. Concernant le secteur de la santé, la demande étant en hausse, il sera difficile de diminuer les dépenses. De ce fait, il ne reste plus que les dépenses des collectivités territoriales, qui sont donc remises en cause. Ce sont ces dépenses qui ont été dénoncées, et en particulier l'explosion de l'emploi public local, liée au développement des intercommunalités.
Nous avons été quelques-uns à le dire, nous n'étions pas très nombreux, certes, mais nous l'avions dit !
J'adhère absolument à la notion de métropole, et je suis également sensible au discours de l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE) : son dernier rapport sur la France préconise la suppression des départements. Je voudrais, à ce titre, vous raconter une anecdote : avec des étudiants, nous avons créé, dans le cadre d'un jeu de rôles, des « personnes types » pour étudier ensuite, sur le terrain, les prestations dont elles pouvaient bénéficier. Le seul fait de franchir le périphérique, ou de passer des Hauts de Seine à la Seine Saint Denis, a des conséquences incroyables !
Je pense par ailleurs qu'un juge de paix doit faire le bilan de la décentralisation, qui a maintenant 30 ans. En effet, cette question n'est traitée que par des lobbys : les associations d'élus ne monopolisent certes pas le discours car elles n'empêchent personne de s'en saisir également, mais cette question n'interroge pas et peu de personnes travaillent et s'intéressent à ces questions. Même les finances locales sont devenues une question orpheline : il n'y a pratiquement pas d'experts pour prendre la relève dans ce domaine. Nous sommes donc en perte de compétences et donc de moins en moins en capacité de faire ce bilan.
Nous n'avons pas de bilan, mais nous ne disposons pas non plus de doctrine. Alors que les grands pays industriels disposent d'une ou deux doctrines sur de nombreuses questions - politiques monétaire et budgétaire, politique de la défense ou en matière d'éducation - ce n'est pas le cas s'agissant de la décentralisation. Il est impossible de dire comment les pays européens pensent l'organisation de leur administration à plusieurs niveaux autrement qu'en faisant une liste, un catalogue d'expériences propres à chaque pays. Il n'y a qu'un seul ouvrage sur cette question, celui d'Yves Mény, qui est une référence, et il s'agit d'une sorte de liste à la Prévert.
Il n'y a pas non plus véritablement de philosophie politique sous jacente. Il existe bien une littérature sur la démocratie locale, mais il est très difficile de trouver des références à propos de l'introduction de subdivisions territoriales. Il y a bien Clisthène, lors de la création de la démocratie athénienne : au départ, Athènes est fondée comme une cité totalement unie, tout ce qui existait précédemment au niveau territorial est supprimé. Clisthène, qui arrive ensuite, réintroduit un découpage territorial. D'après ce que j'ai compris en interrogeant des professeurs, antérieurement à la création d'Athènes, il existait des villages et des tributs, et ces systèmes féodaux étaient en fait des freins à la démocratie. Le découpage de Clisthène visait à lutter contre cette difficulté, et, finalement, il est équivalent à celui de l'Abbé Sieyès : on casse les solidarités préexistantes pour en introduire de nouvelles. C'est donc le territoire comme lutte contre les forces de réaction. Et on retrouve cette situation très souvent dans l'histoire : le territoire a été soit un frein au progressisme, soit un garde-fou par rapport à une démocratie des citoyens que même les plus grands démocrates craignent de voir devenir folle. Et donc le territoire est un élément de stabilisation : c'est la chambre des Lords ou le Sénat.
Par ailleurs, nous n'avons aucune connaissance des mécanismes de solidarité territoriale. Nous avons pourtant besoin d'une représentation dynamique des territoires : ce ne sont plus des territoires où les gens habitent, mais où ils circulent. Je suis le seul en France à avoir travaillé sur cette question, à avoir proposé une méthodologie. Or, au moment où les dépenses des collectivités sont remises en cause, on n'a pas encore identifiés les effets des solidarités territoriales, et on méconnaît les effets de stabilisation et de redistribution des dépenses publiques par territoire.
S'agissant de la démocratie locale, je tiens à souligner le fait qu'Amartya Sen, lors de son discours de remise du prix Nobel, a clairement indiqué que la démocratie a des limites significatives ; or, les formes de démocratie locale ignorent totalement ces limites.
Enfin, je soutiens que la somme des intérêts locaux, pilotés par la démocratie locale, nous éloigne de l'intérêt national.
Nous sommes assez nombreux à croire à la notion de métropole, mais elles devront faire leur preuve, sur le terrain ; si elles génèrent de la valeur, pourquoi ne peuvent-elles pas traiter leurs propres maladies ? S'agissant ensuite des rapports de l'OCDE et d'autres qui prônent la suppression des départements : quelles économies d'échelle peuvent être attendues ? Dans quel domaine et selon quelles modalités ? Concernant l'intercommunalité, vous défendez un point de vue en contradiction avec ce que beaucoup d'entre nous pensent : dans le milieu rural, elle a apporté des services qui n'existaient pas avant. Peut-être aurait-on pu passer par l'initiative privée ? Mais de grandes agglomérations reviennent aujourd'hui à l'organisation en régie. J'attends donc qu'on me prouve que le recours à l'initiative privée est moins coûteux ! Vous avez également dit que la décentralisation a permis de faire des économies : lesquelles ? Est-ce que la France est différente des autres pays européens ? Dans les grands pays, il y a bien trois niveaux de collectivités. On pourrait penser un autre découpage, autour des métropoles et des grands réseaux de villes. Mais en Alsace, par exemple, la proposition n'a pas été comprise. Et l'Etat est-il si bon lui-même qu'il ne mérite aucune critique de notre part ? L'intérêt national sert-il toujours l'intérêt local ?
Sur la crise, vous avez parlé de 20 % de la population en grande difficulté : comment défendre ces populations ? Ne sont-ils pas aujourd'hui défendus par les départements, et grâce à la péréquation entre urbains et ruraux ? La crise ne renforce-t-elle pas le département comme espace de cohésion ? La crise accélère en effet une redistribution au sein du pays, mais le département n'est-il pas le lieu de la solidarité ?
Je serais curieux de savoir si vous prenez en compte la révolution numérique : selon vous, quels sont ses effets sur le renforcement de la démocratie ?
Y a-t-il en France une véritable volonté de réorganiser la décentralisation ? Il faudrait sans doute réfléchir 4 ou 5 ans sur une loi comme celle sur les métropoles.
L'exemple des travaux pratiques menés par vos étudiants dans certains départements souligne les inégalités existantes entre eux. L'Etat se doit pour sa part d'être le garant du lien social et de l'unité territoriale. Je m'interroge sur l'action menée en matière de décentralisation : a-t-on transféré une compétence ou une mission ?
En matière d'action sociale, le département ne fait qu'appliquer des décisions adoptées par le législateur ; il doit donc se contenter de payer.
La Cour des comptes a montré que ce que j'appellerai l'intercommunalité d'idéologie a été largement soutenue par des financements d'Etat. Ce sont ainsi 2,7 milliards d'euros qui ont été dépensés pour créer des intercommunalités.
Ceci est en complète contradiction avec la mutualisation entre collectivités, qui doit être vertueuse et susciter des économies.
C'est parce que les communes n'ont pas joué le jeu des transferts de compétences.
Il nous manque aujourd'hui un bilan établi par des experts sur toutes ces questions, dont l'autonomie des départements. Les réformes prônées par le fonds monétaire international (FMI) peuvent grossièrement se résumer à la nécessité de décentraliser les dépenses. Or la France est marquée par une extrême centralisation de celles-ci. Une métropole doit être entendue comme une ville prédominante ; c'est ainsi que Saint Gaudens est une métropole pour le département qui l'entoure. C'est en 1960 qu'est apparue la notion de métropole d'équilibre. Le territoire est en effet facteur de richesse; ainsi, l'Île-de-France produit environ 30 % du PIB français, avec 22 % de la population française, soit 12 millions d'habitants. Sept pour cent seulement de la masse salariale est distribué à des travailleurs localisés hors de l'Île-de-France.
Il y a donc une grande urgence à évaluer la situation réelle des territoires aujourd'hui, tout en sachant qu'elle va évoluer. La France de la fin 2011 n'avait pas reconstitué la moitié des emplois perdus en 2010 2011, à l'exception des douze plus grandes villes. Certains territoires ne fonctionnent que sous perfusions publiques et privées.
Il faut remarquer la force des mécanismes redistributifs en France : les inégalités sont les plus élevées d'Europe avant redistribution, et les plus faibles après. Les inégalités de revenus ont continuellement décru depuis les années 60. Mais ce cycle touche à sa fin, et il faut donc opérer un virage intellectuel et politique pour accompagner ces mutations.
On estime à 80 % la population située dans les régions ouest et sud qui sont prospères, et à 20 % celle située dans la zone nord est défavorisée. 40 % de la population française vit dans des villes prospères et adaptées au monde actuel, comme Nantes. Il faut savoir que l'égalité territoriale ne constitue pas le moteur de l'égalité sociale.
Les établissements publics de coopération intercommunale, comme les villes nouvelles, ont produit des effets positifs, mais différent de ceux qui étaient attendus.
En matière d'emploi de la fonction publique territoriale, la couverture pour 100 habitants est très différente selon que l'on considère le nord et le sud de la France. Cette analyse doit être atténuée par le phénomène de la régie publique, plus développée dans le sud.
Il nous manque en effet une réflexion d'ensemble sur ce sujet, qui ne soit pas produite par des groupes d'intérêts, ce qui entraînerait une logique de lobbying plus que de démocratie.
Je regrette que l'appareil d'Etat se soit dessaisi de ses organes de réflexion stratégique, comme le Commissariat au plan ou la DATAR. Par ailleurs, je constate que l'Etat utilise la crise économique actuelle pour recentraliser, alors qu'il a abandonné son rôle de stratège.
Pour introduire l'exposé d'Hervé le Bras, je rappelle que notre réflexion porte sur la façon dont la décentralisation peut servir la République, et sur la place des territoires dans la démocratie et dans l'efficacité publique. Pour cela, nous nous intéressons d'abord à la dynamique des territoires et des populations, en prenant en compte l'impact de la crise actuelle. Nous souhaitons déterminer comment, à l'horizon de la fin de la décennie, la décentralisation peut contribuer aux initiatives, au développement et à la justice sociale.
Je suis intéressé de longue date par les questions d'aménagement du territoire. J'ai présidé à ce titre le conseil scientifique du groupe de réflexions démographiques de la DATAR, qui réfléchissait à l'horizon 2030. Je vais illustrer mon propos en projetant une série de cartes : la première, qui illustre la croissance de la population française de 1982 à 1990, se caractérise par l'émergence de la « diagonale du vide », allant des Ardennes au Toulousain, et englobant le centre de la Bretagne et le Cotentin, et par la croissance des périphéries des villes ; la deuxième carte, résumant la croissance de la population de 1990 à 1999, n'est pas substantiellement différente ; en revanche, la carte portant sur l'évolution de 1999 à 2009, montre que les zones de dépopulation sont désormais résiduelles. C'est une rupture avec les prévisions d'étalement urbain, car ce sont les communes de 500 à 2 500 habitants qui croissent le plus. Ce phénomène s'observe également en Allemagne dès les années 90 et aux Etats-Unis, pays dans lequel il est accompagné d'une dégénérescence des centres-villes.
Il y a donc une désertification des zones de services, certes, mais non des zones de population ; ce n'est plus le modèle de Gravier.
Les cartes suivantes portent sur le solde migratoire. La première concerne les années 1968 à 1975, on y voit classiquement la progression des périphéries de noyaux urbains. La seconde, illustrant la période 1999 à 2009, est très différente. Elle montre que les côtes se peuplent, et que la population jeune, souvent avec peu de diplômes, quitte la partie nord est de la France pour aller vers le Sud Ouest. Ces régions, notamment Languedoc-Roussillon sont marquées par un solde migratoire positif, bien que cette dernière soit frappée par un fort taux de chômage.
Ces cartes de solde migratoire ne sont pas strictement liées avec celles de la croissance du fait des fortes différences de fécondité qui subsistent en France. La forte fécondité du nord compense les départs et inversement le sud ouest est très peu fécond. L'écart est important ; il va de 1,7 enfant par femme en Haute-Vienne ou en Corse à 2,35 en Mayenne. Ce n'est pas une opposition entre la ville et la campagne, ce sont des phénomènes profonds. La population immigrée a une fécondité de 2,07 %, alors que celle de la population française est de 1,92 %. Les différences de taux de mortalité restent également très importantes : au nord-est de la France elle s'explique par les séquelles de l'activité industrielle, et en Bretagne, hélas, par une consommation d'alcool plus forte que dans le reste de la France.
L'arc atlantique, que l'on avait dit condamné car éloigné du reste de l'Europe, est bien au contraire marqué par une population en croissance.
Tout ces éléments forment un ensemble complexe et rendent difficiles les prévisions. En démographie, il y a des retournements brusques et des temps de latence très longs, de l'ordre d'une génération. Les tendances actuelles vont se poursuivre, le recul de l'âge moyen du premier enfant qui se situe désormais à 29 ans pour la mère, le déplacement continu vers les zones atlantiques. Cela se combine avec une ségrégation par les âges. Les jeunes de 20 à 24 ans, pas seulement les étudiants, se concentrent dans les centres-villes pas uniquement dans les villes universitaires, on les appelait des villes de commandement. Ensuite, l'installation se fait dans le péri urbain en fonction des revenus et de la taille de la famille. Enfin, il y a ce grand sud ouest, nettement plus âgé que le reste de la France. Ce sont les migrations de retraités. Un autre trait marquant et très récent est le retour en ville des plus de 80 ans, qui le peuvent, du fait de leur état de dépendance, qui nécessite des services médicaux.
Pour conclure, je voudrais illustrer la très grande variabilité de la France par le clivage entre les régions à tradition catholique et les autres qui persiste, en dépit de la chute de la pratique religieuse, qui est tombée aujourd'hui à 6 % des adultes, et 1 % des 18 à 24 ans. On constate que les femmes qui résident dans ces régions de tradition catholique exercent leur activité plus fréquemment à temps partiel que sur le reste du territoire.
Votre propos souligne que la mobilité des populations n'altère pas une constance de certains phénomènes. Serait-il possible de dresser une nouvelle carte régionale qui intégrerait la mobilité des populations ?
Vous nous avez apporté un éclairage très précieux sur les évolutions démographiques, culturelles, sociologiques et religieuses. Quels sont, à votre avis, les phénomènes qui vont s'amplifier dans les dix ans à venir ? Le mouvement de migration vers le sud est-il persistant, et si c'est le cas, convient-il d'élaborer des textes qui s'appliquent uniformément sur l'ensemble du territoire français ?
Ne peut-on discerner une demande de proximité dans les mouvements des populations ?
Dans mon département, l'Aube, la population croît, alors que le travail des femmes diminue : comment expliquer ce phénomène ?
On constate dans toute l'union européenne, à l'exception de l'Allemagne et de l'Autriche, que plus les femmes travaillent, plus leur fécondité est forte.
Peut-on dire que l'attachement des populations à un territoire donné a aujourd'hui autant de sens qu'en 1980 ?
Les évolutions se produisent par période : la migration du nord-est vers le sud-ouest devrait persister au moins pendant dix ans ; les plus pauvres aujourd'hui ne sont plus les personnes âgées, mais les jeunes ; le retour vers les villes des personnes les plus âgées va croître.
Cependant, la démographie ne sait pas prévoir à très long terme : ainsi, en 1994, l'INSEE prévoyait que la France compterait 60 millions d'habitants en 2050 ; maintenant ils prévoient 74 millions d'habitants, soit un écart de 25 % ! Donc faisons des scénarios, pas de prévisions.
L'INSEE se base sur une géographie de l'évolution des noms de famille, qui confirme la stabilité des populations, dont l'Île-de-France est l'échangeur. L'époque actuelle est un monde de relations, qui réclament une adaptation rapide des populations. L'affaiblissement de l'Etat-providence entraîne une accentuation des différences dans les rapports à l'éducation. Mais notre école de pensée démographique n'a jusqu'à présent que peu intégré l'importante question de la proximité, en dehors de Marc Bloch, qui s'est interrogé sur les types de sociabilité.
Au sein de la commission présidée par Jacques Attali, j'ai été le seul à défendre les communes et les départements. Ces deux échelons me semblent en effet les plus proches des Français. Je rappelle que, sous la Législative révolutionnaire, la création des départements a donné lieu à des débats approfondis et remarquables.
Ce qu'on évoque sous le terme de millefeuille renvoie à l'empilement des décisions beaucoup plus qu'à celle des circonscriptions. Une des particularités françaises réside dans le fait que venir d'une commune à un sens, ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays européens, comme le Danemark, l'Irlande ou la Grande-Bretagne.
Les régions ont donné lieu, au moment de leur création, à une réflexion beaucoup moins développée que celle qui a présidée au découpage des départements. J'estime que la région est une échelle utile mais qui n'a pas de personnalité. Une des questions qui émergent réside dans le mode d'articulation à trouver entre les agglomérations et les départements. Dans l'ouest de la France, redessiner aujourd'hui les départements aboutirait à des résultats largement identiques à ce que nous connaissons aujourd'hui.
Selon vous, il ne serait pas utile de repenser les départements aujourd'hui ?
Je ne le pense pas ; les points d'appui sont identiques à ceux qui existaient sous Louis XIV. Les structures anciennes ont toujours une vraie pertinence, il serait donc possible de redéfinir leurs fonctions.
Comment ceux des territoires qui n'ont pas de villes ayant une masse critique sur leur territoire pourront-ils évoluer ?
Dans cette perspective, est-il opportun que les territoires délaissés se développent ?
La question ne peut-elle se résumer à l'interrogation suivante : quelle vie veut-on pour un territoire donné et quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir ?
Je retiens de vos propos qu'il existe une grande diversité française et que le coût pour la société, d'un déracinement de certaines populations est très élevé.