Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine, en commun avec la commission des finances, le rapport d'information de MM. François Pillet, René Vandierendonck, Yvon Collin et Philippe Dallier sur « Les outils fonciers à disposition des élus locaux ».
Nous examinons ce matin, conjointement avec la commission des finances et sous la co-présidence de Mme Michèle André, vice-présidente de la commission des finances, le rapport d'information du groupe de travail relatif aux outils fonciers à la disposition des élus locaux - rapport qui fera date, j'en suis certain.
Je suis très heureuse de retrouver la commission des lois, où j'ai siégé. Nous allons faire ce matin du bon travail.
Le travail transversal que nous avons mené depuis octobre 2012 débouche dans un contexte législatif dont la densité, du projet Métropoles au projet pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), laisse espérer que notre rapport ne sera pas abandonné, suivant la formule de Marx, « à la critique rongeuse des souris ». Nous avons choisi de nous placer au niveau des maires et de nous inscrire dans le mouvement de simplification des normes - un autre texte à venir.
Bien que l'on souligne avec des larmes dans la voix que l'étalement urbain provoque la disparition, tous les sept ans, de l'équivalent d'un département en superficie de terres agricoles, l'inflation normative a allongé les procédures d'aménagement du territoire d'un an depuis cinq ans et de quatre ans en quinze ans.
La simplification des procédures de planification urbaine est un premier chantier. En vertu de la loi Voynet, les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddt) ne sont pas opposables, en particulier aux schémas de cohérence territoriale (Scot). Nous préconisons d'abord de rendre opposables certaines des prescriptions des schémas régionaux, notamment celles relatives à la lutte contre l'étalement urbain. Deuxième proposition : clarifier la portée juridique des Scot. Enfin, entendez-vous dans nos campagnes mugir ces féroces maires qui contestent les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) ? Notre position est simple : ce document doit être optionnel dans les communautés de communes, et ailleurs, élaboré conjointement par les communes et les intercommunalités, de telle manière que la commune garde le droit d'initiative et que le veto reste l'apanage du maire.
Nos propositions remédient ainsi à l'inflation schématique dénoncée par le député Dussopt, donnent une vraie portée au chef de filât régional lors de l'élaboration du Sraddt - cela fonctionne en Rhône-Alpes -, et évitent l'affaire du PLUi obligatoire. De plus, notre rapport est le premier à aborder l'aménagement du territoire autrement que par de seules modifications procédurales : ses propositions fiscales sont particulièrement originales.
En tant que rapporteurs de la commission des finances, nous avons regardé de plus près les moyens financiers - au sens large - dont disposent les collectivités territoriales pour mettre en oeuvre leur politique foncière. Nos auditions nous ont convaincus de l'existence de trois difficultés majeures : l'instabilité des mécanismes, leur complexité, et l'absence d'informations fiables.
Les résidences principales sont exonérées de taxation sur les plus-values, laquelle rapportait néanmoins 1,2 milliard d'euros en 2011. Or cet impôt, qui influe sur les décisions des propriétaires de foncier, bâti ou non, porte sur la même assiette que certaines taxations optionnelles des collectivités territoriales : leur marge de manoeuvre est donc limitée par les initiatives de l'État.
Dans sa décision du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 15 de la loi de finances pour 2013 portant réforme du régime des plus-values immobilières, après avoir apprécié l'ensemble des impositions et des prélèvements sociaux -portant sur les plus-values immobilières- au regard du principe d'équité fiscale. Compte tenu de l'imbrication des dispositifs fiscaux, une concertation préalable entre l'État et les collectivités territoriales devrait être systématiquement organisée avant la présentation de nouvelles réformes touchant la taxation du foncier. De même, les études d'impact fournies lors de la présentation de ces réformes au Parlement devraient évaluer globalement leurs conséquences sur l'ensemble des collectivités publiques.
La grande caractéristique de la fiscalité d'État sur le foncier est son instabilité, préjudiciable aux acteurs du marché, mais également à l'élaboration par les collectivités locales d'une politique foncière à cinq ou dix ans. Le premier régime de taxation des plus-values de cessions immobilières, instauré par la loi du 19 juillet 1976, a perduré vingt-sept ans. La loi de finances pour 2004 l'a modifié pour appliquer à l'assiette de la taxe un taux unique et réduire la durée de détention du bien ouvrant droit à exonération de vingt-deux à quinze années. Le système a été appliqué pendant sept ans. En 2011, la durée de détention a été portée à trente ans. La même année, deux lois de finances rectificatives ont prévu des exceptions et des modifications. Puis la loi de finances pour 2013 a introduit dans un système à peine stabilisé des régimes différenciés selon la nature du foncier et des régimes transitoires avec des dates d'application différées. La réforme annoncée en juin 2013, et censée entrer en vigueur au 1er septembre quoique figurant dans le projet de loi de finances pour 2014, maintient les prélèvements sociaux sur trente ans, raccourcit le délai de détention à vingt-deux années et crée un nouveau système transitoire exceptionnel applicable à une partie seulement des biens fonciers...
Si l'on ajoute à cela les régimes de taxation des plus-values immobilières introduits dans les années 2000 au profit des collectivités territoriales et l'autorisation annoncée par le Gouvernement, pour les départements, d'augmenter les droits de mutation à titre onéreux, mesure dont les effets pourraient être contradictoires avec les objectifs de la réforme des plus-values immobilières, on comprend que la modification permanente de la règle du jeu déstabilise les acteurs et gèle les marchés. Les phénomènes de rétention foncière se trouvent confortés et la rareté du foncier pousse les prix à la hausse.
Pour réduire cette instabilité, nous proposons, d'une part, que le Gouvernement assure la clarté et la cohérence des mesures fiscales qu'il préconise et respecte le droit du Parlement à débattre de manière satisfaisante de la loi fiscale en renonçant à annoncer des mesures ni évaluées, ni discutées, ni votées ; d'autre part, nous suggérons un moratoire d'au moins cinq ans dans le domaine de la fiscalité foncière. Comme nous l'ont expliqué les notaires, les trente années prévues par le régime actuel dépassent les perspectives de temps d'une personne physique : nous sommes favorables à un retour au délai de vingt-deux ans.
La question de l'opportunité d'un choc d'offre -qui peut être incitatif ou pénalisant-, de son coût et de son ciblage, est plus délicate. Lors des dernières réformes, les débats parlementaires ont montré la difficulté à trancher entre un ciblage sur les immeubles bâtis, supposé favorable au monde urbain dense et d'un rendement fiscal élevé, et un ciblage sur les terrains constructibles, considéré comme plus efficace pour la production de logements neufs. L'efficacité même de ce type de mesures est incertaine, car le marché foncier ne répond pas, loin s'en faut, aux seules incitations fiscales.
D'aucuns proposent de renverser la logique actuelle de la taxation des plus-values immobilières en les augmentant au fil du temps ; le Conseil d'analyse économique suggère même de taxer la détention plutôt que les transactions. Un tel système, en supprimant les plus-values immobilières actuelles et les droits de mutation à titre onéreux pour augmenter la taxe foncière en imposant les plus-values latentes, aboutirait, d'une part, à taxer le contribuable sans prendre en compte la trésorerie dont il devra disposer pour acquitter l'impôt et, d'autre part, à transférer le poids de l'impôt foncier des propriétaires de résidences secondaires et de terrains nus aux propriétaires de résidences principales, actuellement exonérées. Nous sommes plutôt favorables au régime le plus simple possible, stable et de nature à garantir la neutralité fiscale vis-à-vis des décisions des personnes physiques.
Les principaux impôts fonciers n'ont pas de caractère incitatif et ne constituent pas des instruments de politique foncière. Seule la taxe foncière sur les propriétés non bâties est susceptible de libérer des terrains fonciers pour construire des logements. Or celle-ci occupe une place marginale dans les finances des collectivités territoriales : elle représente moins de 1 % des recettes totales du bloc communal, et environ 1,5 % des recettes fiscales. Même les exonérations prévues par la loi visent moins à donner aux collectivités les moyens d'une politique foncière qu'à prendre en compte la spécificité de terrains agricoles.
Introduite en 2000, la majoration de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles pourrait toutefois modifier le rôle de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans certains territoires. Peu utilisées par les collectivités, ces majorations ont été rendues obligatoires dans certains territoires et fortement augmentées par la loi de finances rectificative du 14 mars 2012. Ainsi, « lorsque ces terrains sont situés dans une zone définie par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et du logement, cette majoration est fixée, à partir du 1er janvier 2014, à 5 euros par mètre carré, puis 10 euros par mètre carré à partir du 1er janvier 2016. Cette majoration s'applique de plein droit ». Les communes ou EPCI peuvent néanmoins délibérer pour exonérer de cette majoration tout ou partie des terrains situés sur leur territoire.
Ce puissant outil de lutte contre la rétention foncière doit cependant être maîtrisé, parce qu'il pourrait entraîner une hausse massive de taxe foncière sur les propriétés non bâties, non prévue ni évaluée par les collectivités territoriales. C'est pourquoi nous proposons de mettre à leur disposition les simulations des effets de la majoration des valeurs locatives cadastrales des terrains constructibles, afin d'éviter des difficultés similaires à celles nées lors de la fixation de la cotisation minimum de la contribution foncière des entreprises.
Les collectivités territoriales disposent d'autres leviers fiscaux pour agir sur le foncier : taxe d'aménagement, taxe forfaitaire sur la cession de terrains rendus constructibles ou taxe sur les friches commerciales. L'article 1609 nonies F du code général des impôts prévoit en outre qu'en dehors de l'Ile-de-France, les autorités organisatrices de transports urbains, l'État ou les régions, en tant qu'autorités organisatrices des services de transports ferroviaires régionaux de voyageurs, peuvent, par délibération, instituer une taxe dite Grenelle II, applicable sur les cessions à titre onéreux des terrains nus et des immeubles bâtis.
Or ces outils sont relativement peu utilisés. En 2012, seules 6 184 communes et quatre intercommunalités ont institué une taxe forfaitaire sur la cession des terrains rendus constructibles, pour un produit estimé à 54 millions d'euros. De même, fin 2012, aucune délibération n'avait été prise pour instituer la taxe Grenelle II. Seulement 59 communes et 17 intercommunalités ont délibéré sur la taxe sur les friches commerciales. Les possibilités offertes par la taxe d'aménagement sont également sous-utilisées, en particulier la possibilité de sectorisation. La nouveauté de ces dispositifs, parfois trop complexes, et leur méconnaissance de la part des collectivités l'expliquent en partie. Nous préconisons une certaine stabilité législative qui laisse aux élus le temps de se les approprier.
Les outils institutionnels ont eux aussi une grande importance. Nos auditions ont révélé l'absence de bases de données unifiées et précises permettant de recueillir et de diffuser des informations agrégées sur le foncier.
Les informations disponibles demeurent éclatées entre les divers services de l'Etat (ministère de l'agriculture, direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, administration fiscale) qui les exploitent dans des perspectives différentes. La direction générale des finances publiques a mis en place le 4 juillet 2011 un service dénommé « Demande de valeurs foncières » à destination des collectivités territoriales et de leurs groupements, mais son utilisation reste très limitée, puisque seulement 512 demandes ont été transmises en 2012.
Favorables à une amplification de cet effort, nous plaidons pour la création d'un outil national interministériel du foncier. Il faut également inciter les collectivités de plus de 10 000 habitants à s'équiper de services d'information géographique grâce à une redistribution du concours urbanisme de la dotation générale de décentralisation (23,3 millions d'euros), dont le mode de répartition n'est pas satisfaisant.
Enfin, si les opérations d'achat et de revente de terrains réalisées par les établissements publics fonciers locaux (EPFL) sont bien assujetties à la TVA comme pour les opérateurs privés, leur association estime qu'ils ne sont pas des opérateurs comme les autres notamment lorsqu'ils interviennent sur décision des collectivités et dans des opérations desquelles le privé est absent. Nous souhaitons en conséquence que l'administration fiscale réexamine sa position sur cette question, par exemple pour définir des opérations hors marché, ainsi quand un EPFL introduit sur le marché un bien nécessitant de lourds travaux de dépollution.
Les 26 sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) ont pour rôle d'acquérir des biens ruraux afin de les rétrocéder tout en apportant un concours technique aux collectivités territoriales pour la mise en oeuvre de leur droit de préemption. Elles sont souvent critiquées, d'une part, parce que la périurbanisation a profondément transformé l'espace agricole ; d'autre part, parce que les attentes des exploitants agricoles ont changé elles aussi. Faut-il maintenir ces structures, les fusionner avec les EPFL ? Nous ne sommes pas allés aussi loin : nous proposons d'augmenter le poids des collectivités locales dans les Safer avec au moins un élu pour deux membres, de mieux encadrer le droit de préemption, et de faire coïncider le périmètre géographique de compétences de ces sociétés avec le territoire régional.
Un mot des procédures complémentaires d'appropriation du foncier. L'acquisition de biens sans maître ne pose guère de difficulté. Ce régime concerne les immeubles en déshérence depuis plus de trente ans et dont l'État ne s'est pas mis en possession, ou les immeubles sans propriétaire connu pour lesquels aucune taxe foncière n'a été acquittée depuis plus de trois ans. Avec la procédure existante, de tels biens peuvent réintégrer le patrimoine privé de la commune sans porter atteinte aux droits des propriétaires. Les contentieux sont en la matière peu nombreux.
La prise de possession des biens à l'état d'abandon, proche de la procédure d'expropriation classique, ne pose pas davantage de problème. Concernant les immeubles tombant en ruine, elle aide à réaménager certaines zones de centre-ville. A la demande du conseil municipal, elle est engagée par le maire, donne lieu à un procès-verbal de sa part et impose dans tous les cas de rechercher les propriétaires ou les titulaires de droits réels sur le bien.
Le bail emphytéotique administratif, mis en place en 1988 par la commission des lois et son rapporteur, notre ancien collègue M. Paul Girod, surmonte le caractère inaliénable du domaine public pour offrir aux collectivités territoriales les moyens financiers de leurs opérations d'aménagement. C'est un instrument intéressant, dont l'encadrement n'est encore pas suffisant.
Enfin, le droit de préemption est un outil précieux de connaissance du foncier : les déclarations d'intention d'aliéner sont de bons indicateurs de la valeur des biens.
Surtout, une commune dotée d'un plan local d'urbanisme (PLU), d'un plan d'occupation des sols (POS) ou d'une carte communale peut acquérir prioritairement les biens fonciers ou immobiliers sur le point d'être vendus. La jurisprudence du Conseil d'État y a néanmoins décelé un vice. Ce droit fourre-tout répond à des objectifs des plus divers : il est par exemple tentant de faire profiter la commune d'une sous-évaluation qui trahit souvent un dessous de table... Les annulations de préemption prononcées par le juge reposent le plus souvent sur l'absence de projet réel et précis d'aménagement, ou sur un défaut de motivation. Une récente étude du Conseil d'État témoigne de la fragilité du mécanisme.
Nous proposons de redéfinir le droit de préemption parmi les outils dont disposent les collectivités, d'améliorer la proportionnalité des prérogatives et contraintes pesant sur les collectivités aux nécessités de l'intérêt général, de renforcer la transparence, notamment dans la fixation des prix, de sécuriser davantage la situation juridique après préemption, et d'améliorer l'information générale sur la procédure en vigueur.
Nous avons également expertisé les bonnes pratiques des établissements publics fonciers, sans tomber dans le piège de l'opposition manichéenne entre établissements publics fonciers d'État (EPFE) et EPFL. Nous préconisons hors Paris un système améliorant leur complémentarité et la bonne couverture du territoire national. Partager les bonnes pratiques semble en outre le meilleur moyen d'atteindre les objectifs de développement durable.
L'évaluation des biens par France Domaine, dont nous soulignons la faiblesse des moyens, est également un sujet de préoccupation. Ses méthodes d'évaluation sont fondées sur la comparaison ou sur le compte à rebours, cette approche ne relevant d'aucun cadre réglementaire. Le coût réel de dépollution, par exemple, n'est pas mesuré. Il convient donc de clarifier le régime de consultation de France Domaine. Pour vous en convaincre, notez qu'après trois passages ici, la loi relative à la mise à disposition en urgence de foncier pour la construction de logements sociaux n'a donné lieu qu'à la signature d'un seul acte, concernant une caserne de gendarmerie caennaise.
Notre groupe de travail a mis l'accent sur la collégialité. Notre rapport n'avait pas vocation à l'exhaustivité, seulement à éclairer l'actualité législative.
Cet exposé, certes non exhaustif, est en effet très instructif. Pourriez-vous préciser les raisons de l'utilisation si parcimonieuse que les maires font des leviers financiers à leur disposition ? Il conviendrait de distinguer finement les outils dont l'appropriation par leurs détenteurs reste à parfaire, de ceux qui suscitent une véritable réticence. Le travail du législateur en dépend : on ne fait pas boire un cheval qui n'a pas soif...
Je partage le point de vue exprimé par Yvon Collin sur la faible appropriation des nouveaux outils, créés en même temps que l'on apportait de nombreuses modifications aux précédents. Par exemple, la loi de finances pour 2013 ouvrait la possibilité de faire payer à nouveau la taxe d'habitation sur les logements vacants, mais les services fiscaux n'ont pas été capables de nous dire si une nouvelle délibération du conseil municipal était nécessaire.
Je suis attachée à ce que les élus nationaux aient acquis une culture locale avant de le devenir. Les dispositions relatives aux plus-values de cessions immobilières me semblent moins efficaces que l'action des EPFL, lorsqu'ils sont dotés des ressources adéquates.
Ma commune a été l'une des premières à faire usage du droit de préemption en 1983. A l'époque, on m'a accusé de remettre en cause de droit de propriété...
Je me rappelle quelques échanges avec Jean Royer, qui était à l'époque maire de Tours. Tout le monde y est ensuite venu. Cependant, il n'y a pas lieu de préempter si aucun projet ne le justifie : à nous, élus, de respecter le droit !
Le manque d'outil de connaissance du marché représente en revanche un véritable problème. Il réside moins dans la sous-évaluation des biens que dans la mauvaise estimation des coûts que supportent les collectivités. Certaines sociétés achètent à bas prix des biens pour les revendre ensuite, à des prix qui remettent en cause nos projets de logement. Oui, l'estimation des biens par France Domaine est un autre sujet. L'achat d'un bien en zone d'aménagement concertée (ZAC) conduit à une estimation des mètres carrés et non des coûts réels pour la collectivité : les prix ne sont alors plus compatibles avec le projet dont la commune a besoin.
Absolument ! La valorisation par rapport à la destination future et non par rapport à la réalité du terrain est en effet une source majeure de difficultés.
Les EPFL, s'ils marchent relativement bien, ont besoin de temps pour appréhender tout leur territoire. De nombreuses collectivités craignent de voir un établissement public foncier d'État couvrir un territoire départemental. Pouvez-vous nous rassurer ?
Les Safer ne disposent d'aucun outil spécifique : elles achètent avec les moyens financiers traditionnels, de sorte que les frais financiers alourdissent considérablement le prix du foncier, d'où des conflits avec les EPFL. La loi devrait favoriser une meilleure entente entre ces organismes.
Certaines zones d'activité sont à cheval sur plusieurs agglomérations et soumises à des taxations différenciées. Ainsi dans la zone commune aux agglomérations d'Aix-les-Bains et de Chambéry, les taxes varient du simple au quadruple pour un service identique. Pourquoi ne pas prévoir un assouplissement permettant de généraliser un même montant dans un périmètre donné ?
Les communes peuvent passer des conventions avec les Safer mais, je le constate en Côte-d'Armor, cela ne fonctionne que si les agriculteurs ou la chambre d'agriculture ne sont pas intéressés par le bien, car les Safer leur donnent la priorité. Le conventionnement devient alors inutile : pour n'avoir reçu aucune proposition en plusieurs années, je doute que la Safer puisse servir aux collectivités d'outil de régulation foncière, si ce n'est de manière extrêmement limitée. Aussi est-il intéressant de renforcer le poids des collectivités. En revanche, je suis moins convaincu de l'utilité de faire coïncider le périmètre des Safer et celui des régions. Je fais désormais davantage confiance aux établissements publics fonciers pour porter les politiques foncières des territoires.
Puisque vous avez évoqué les biens vacants ou sans maître, je veux attirer l'attention sur les indivisions entre un grand nombre d'héritiers, qui peuvent constituer de véritables imbroglios juridiques quand elles se prolongent sur deux ou trois générations. Ensuite, les procédures en cas de rétrocession de biens vacants sont extrêmement longues. L'administration des domaines apparaît peu réactive et sa méthode d'évaluation aboutit parfois à d'impressionnantes disparités entre des biens peu éloignés l'un de l'autre.
L'indivision en effet constitue un problème majeur. Quant aux Scot, s'il est louable de réduire au maximum l'utilisation du foncier, les propriétaires ne comprennent pas le gel de certaines zones. Or les élus ruraux ne disposent pas d'outils assez puissants pour résorber les dents creuses en incitant les propriétaires à céder des parcelles, gelées depuis des décennies, afin de faire construire. Il faut leur donner les instruments pour cela.
On a évoqué les difficultés posées par les indivisions. N'oublions pas les biens sectionaux. Si la dernière loi représente un progrès, elle n'a pas tout réglé. Dans une commune rurale par exemple, un propriétaire, qui n'habite plus la commune et ne s'est jamais soucié de ses droits, peut faire obstacle à la réalisation d'équipements publics.
Je remercie les rapporteurs pour leurs excellentes propositions. Les PLUi ne sont pas très populaires auprès de nombreux élus locaux. Certaines communes, en Ile-de-France en particulier, bloquent les projets de construction de logements sociaux. Si l'on ne met pas en place les PLUi, il faut trouver des moyens de vaincre ces réticences.
La dernière loi de finances a supprimé l'exonération de taxation de la plus-value en cas de cession d'un bien destiné à la construction de logements sociaux. Ce dispositif était pourtant plus efficace que la cession gratuite de terrains de l'État. Désormais, les propriétaires n'ont plus d'intérêt à vendre à des organismes HLM. Ce dispositif sera-t-il remis en vigueur lors de la prochaine loi de finances ? Le prix du foncier reste le principal obstacle à la construction sociale. L'évaluation de l'administration des domaines est élevée, le juge de l'expropriation en rajoute. L'exonération de taxation des plus-values, en facilitant les négociations, incitait les propriétaires à vendre à un prix raisonnable.
Nos rapporteurs proposent de les rendre optionnels dans les communautés de communes. Cette mesure s'appliquerait-elle dans les communautés d'agglomération, les communautés urbaines et les métropoles ?
Il convient de saluer le rôle des établissements publics fonciers. Dans le Puy-de-Dôme, un EPF départemental rassemble depuis quarante ans toutes les communes et a fait la preuve de son utilité. Peu importe que l'établissement soit d'Etat ou départemental, l'essentiel est qu'il fonctionne bien.
Nous vous proposons de rendre les PLUi optionnels dans les communautés de communes. Ils resteraient applicables ailleurs, mais assortis de garanties, notamment en matière de co-élaboration dès la délibération qui les institue, et avec l'octroi d'un pouvoir de veto aux maires. Les autorisations de construire restent l'apanage des maires. Un accord pourrait être atteint sur cette base au Sénat. Le reste est affaire de temps et d'acculturation.
Monsieur Vial, ne déstabilisons pas une procédure qui fonctionne ! Parfois, les périmètres d'action de plusieurs organismes se recoupent alors que la Taxe spéciale d'équipement (TSE) ne peut être perçue que par un seul organisme. Il importe de rechercher une complémentarité fonctionnelle et une cohérence géographique. Je l'ai vu dans le Bordelais, la position de Mme Duflot a singulièrement évolué sur le sujet et l'articulation entre EPFL et EPFE. Je suis optimiste.
Il appartient à l'élu, garant de l'application de la loi républicaine, de ne pas détourner la procédure de préemption au bénéfice d'autres objectifs que l'intérêt général. Si un maire, sous la pression des riverains, préempte une parcelle en zone constructible pour y installer un jardin public et éviter ainsi l'installation d'une caravane, il viole l'esprit de la loi. Il faut revoir la définition du droit de préemption pour éviter des excès, que le Conseil d'État sanctionne à juste titre.
La boîte à outils existe, elle est bonne - n'est-ce pas nous qui l'avons votée ? Pourquoi alors tant d'indifférence ? Notre groupe de travail n'a pu, faute de temps, constituer un sous-groupe pour enquêter sur place. La CFE avait été mise en place sans simulation. Aussi proposons-nous de procéder à des simulations sur les mécanismes existants afin que les élus soient informés. Sans doute serait-il opportun de travailler en lien avec les élus, de comprendre leurs craintes et de faire oeuvre de pédagogie. Les dispositifs sont complexes et constituent un maquis dans lequel un élu a bien du mal à se retrouver. Au lieu d'en empiler de nouveaux, toilettons ceux qui existent, comprenons pourquoi ils ne sont pas utilisés, et améliorons-les.
Lors du passage de la taxe locale d'équipement à la taxe d'aménagement, les communes ont cherché avant tout à se garantir le même revenu.
Quant à la sectorisation, elle a été différée et finalement peu appliquée. De même, avions-nous oublié le passage de 5 euros à 10 euros au mètre carré de la taxe sur le foncier non bâti, en 2016. En Seine-Saint-Denis, ce n'est que la semaine dernière que le préfet a écrit aux maires pour leur rappeler la nécessité de délibérer avant le 1er octobre...
Nous étions forclos ! Les élus sont aux prises avec des mécanismes complexes, craignent de commettre une erreur en essuyant les plâtres comme cela a été le cas avec la cotisation minimum de CFE, et ils manquent d'information.
L'article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) donne à l'État tous les moyens d'aller au bout de la démarche de construction de logements sociaux. Des préfets retirent parfois le droit de préemption au maire, les services de l'État instruisent alors les déclarations d'intention d'aliéner et jugent de la possibilité de construire sur tel ou tel terrain. Des PLUi, par plaque de 250 000 habitants, ne changeront rien à cet état de fait, pas plus que l'empilement de nouvelles procédures. L'État dispose d'ores et déjà d'outils contraignants en cas de mauvaise volonté. Pour autant, il ne faut déposséder les maires de bonne foi de leurs prérogatives. A cet égard les préfets jouissent d'un pouvoir d'appréciation. Responsabilisons les maires et laissons-les définir l'aménagement sur leur commune. La co-production est la bonne voie. Utilisons-les avant de remettre en cause les règles en vigueur.
Je tiens à ce que les PLUi restent de la compétence communale parce que c'est le seul moment de la relation avec les habitants sur l'aménagement de leur territoire, je partage l'idée que le PLUi n'est pas l'outil pour le logement.
D'un côté, on nous demande de supprimer les établissements publics départementaux des Yvelines et des Hauts-de-Seine pour les fondre dans un établissement régional et, de l'autre, on nous vante le maintien d'établissements départementaux ! La constitution d'un grand établissement public régional en Ile-de-France est-elle la bonne solution ?
Un EPFL en Seine-Saint-Denis n'aurait pas une grande capacité...
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