Déposé le 14 novembre 2016 par : MM. Frassa, Gilles, Calvet, Lemoyne, Guerriau, Chaize, Magras, Trillard, Longuet, Bonhomme, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Vasselle, Kern, Charon, Mme Gruny, M. de Raincourt.
Supprimer cet article.
L’article 16 du PLFSS 2017 propose la création d’une contribution sociale sur le chiffre d’affaires des fournisseurs agréés de produits de tabac d’un montant de 130 millions d’euros dès 2017. Elle abondera la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés pour le financement d’un fonds de prévention du tabagisme. Il est précisé dans l’exposé des motifs que cette contribution affectera les distributeurs, faute de pouvoir toucher directement les multinationales fabricantes de tabac. Le Gouvernement présume qu’elle sera soit répercutée sur les prix, soit plus vraisemblablement « prise en compte dans les relations entre les fournisseurs et les fabricants et répercutée sur ces derniers. »
Cette mesure telle qu’elle est envisagée est inconséquente, prise dans la précipitation et mal ficelée, de l’aveu même du ministre du Budget. En effet, il a déclaré lors des débats à l’Assemblée nationale : « Nous faisons le pari, parce que les différents fabricants sont en concurrence, que cette taxe pourra être répercutée sur les marges des fabricants. C’est en tous cas l’hypothèse que nous faisons. Cela nous semble raisonnable et nous ferons pression en ce sens, car nous disposons tout de même d’un certain pouvoir pour fixer les prix des produits »
Mais l’on ne peut légiférer à coups de paris et d’hypothèses en arguant d’un « certain pouvoir pour fixer les prix des produits» alors que seuls les fabricants déterminent et arrêtent de façon souveraine et irrévocable le prix de vente. Cet article a été rédigé sans étude d’impact approfondie et sans concertation préalable avec les entreprises concernées. Il est pourtant évident que rien ne permet de préjuger que les fabricants de tabac accepteront de prendre à leur charge une taxe dont les contributeurs sont leurs prestataires logisticiens, expressément désignés par les textes.
On ne peut légiférer à coups de paris quelque peu hasardeux, d’autant plus quand la survie d’entreprises implantées sur le territoire français est en jeu. Même la plus importante d’entre elles, cible de toutes les attaques - Logista France pour ne pas la citer, est implantée à 100 % en France. Elle est un partenaire privilégié et de confiance de l’Etat depuis vingt ans, pour qui elle collecte 14 milliards d’euros de droits sur le tabac et de TVA destinés au budget de la Sécurité sociale. Elle s’acquitte chaque année de 80 millions d’euros d’impôts et contributions sociales, et génère 1 500 emplois directs et 1 000 emplois indirects, répartis sur 37 entrepôts agréés installés sur l’ensemble du territoire. Les 130 millions d’euros de contribution envisagés, en grevant 79% de son chiffre d’affaires économique, engagent sa survie. La France ne peut se permettre de traiter ainsi les filiales de multinationales implantées sur son sol, au péril de l’emploi et de l’attrait de notre pays. C’est un très mauvais signe envoyé aux investisseurs étrangers.
Ce projet se trompe également de cible car il risque de mener par ricochet à une augmentation des prix, comme cela s’est vu à chaque hausse des taxes ou contributions. Le ministère du Budget ne peut pas intervenir en matière de fixation des prix du tabac, sans courir le risque de faire condamner une nouvelle fois la France par les instances européennes. Au final, le marché va être affaibli, les recettes fiscales vont baisser et la situation des 26 000 buralistes va encore s’aggraver, alors qu’ils sont déjà confrontés à un marché parallèle du tabac sans précédent.
La mesure est mal ficelée, ses dispositions étant caution à des rejets par le Conseil constitutionnel et les instances européennes.
Sa mise en œuvre au 1erjanvier 2017est impossible d’un point de vue opérationnel. Le Gouvernement prévoit que « formalisée par une ligne supplémentaire au sein de la déclaration de TVA, cette mesure ne provoquera pas de charge administrative nouvelle pour les redevables. » Il n’en est rien puisque le distributeur, à supposer que les fabricants de tabac agréent de prendre à leur charge la nouvelle contribution, est censé répercuter celle-ci sur plus de 30 clients et développer les outils informatiques permettant une répercussion exacte sur chacun d’entre eux.
Enfin, les bénéficiaires de la nouvelle contribution ne sont pas clairement déterminés. Le texte prévoit d’abonder un fonds de prévention du tabagisme qui n’a pas encore été créé. De surcroît, on lève un nouvel impôt de 130 millions d’euros alors que ce fonds annoncé par la ministre de la Santé n’en requiert que 32. Les 98 millions d’euros d’excédent correspondent à la recherche de nouvelles recettes par la ministre de la Santé, qui souhaite augmenter le forfait de remboursement des traitements pour l’arrêt du tabac, alors que l’on sait que ces dispositifs ne sont pas efficaces à long terme. Le Gouvernement entend ainsi surmonter l’absence d’un tarif Sécurité sociale négocié pour les produits de sevrage tabagique avec les fabricants de l’industrie pharmaceutique.
Depuis sa présentation en Conseil des Ministres, cette mesure revêt un caractère approximatif car son intention n’est pas clairement déterminée, ce que les débats à l’Assemblée nationale n’ont fait que confirmer. Les ministres de la Santé et du Budget n’ont pas tant exprimé une volonté de faire baisser le tabagisme, que des objectifs de lutte contre l’optimisation fiscale et la réduction des déficits budgétaires.
Pour toutes ces raisons, cet amendement propose de supprimer l’article 16.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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