Déposé le 7 novembre 2018 par : Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales.
Supprimer cet article.
Cet article, inséré par l’Assemblée nationale, tend à autoriser les établissements de santé à facturer une prestation d’hospitalisation pour la réorientation des patients par les services et unités d’accueil et de traitement des urgences, sous la forme d’une expérimentation d’une durée de trois ans.
• La commission des affaires sociales du Sénat, qui a consacré en 2017 un rapport d’information à la situation des urgences hospitalières, ne peut que partager la préoccupation qui a conduit à l’adoption de cet article. Ce rapport relevait en effet que le mode actuel de financement des urgences hospitalières est par nature incitatif à l’activité, alors même qu’une proportion non négligeable des patients qui s’y présentent ne relève pas de la compétence de ces services.
La commission recommandait en conséquence une évolution du mode de financement des urgences reposant sur trois piliers : la conservation d’un financement mixte incluant une part de financement à l’activité et une part forfaitaire ; la modulation du montant du financement à l’activité en fonction de la gravité des pathologies et de la technicité des actes réalisés, afin d’inciter les services à se concentrer sur la prise en charge des patients classés en CCMU 3, 4 ou 5 ; la création d’un forfait de réorientation visant à inciter les services à réadresser les patients ne nécessitant pas de prise en charge hospitalière vers les acteurs de ville. Il s’agissait ainsi de « donner à l’hôpital un intérêt financier à agir dans le sens d’un recentrement sur son cœur de métier pour chacun des acteurs de la prise en charge en urgence ».
• Au regard de cet objectif comme de la construction de la proposition de la mission, le dispositif retenu apparaît problématique à quatre titres au moins.
En premier lieu, il repose sur la reprise d’un seul des trois éléments constitutifs de la recommandation de la mission, qui avait été conçue comme un tout. Le choix du seul forfait de réorientation, qui fait l’économie d’une réflexion plus générale sur le mode de financement des urgences, ne saurait constituer qu’une solution de « bricolage » transitoire venant complexifier encore la tuyauterie du financement des services d’urgences, sans y apporter de solution de redressement pérenne.
Le dispositif pose, en second lieu, une question d’organisation des soins. Quand bien même la réorientation du patient passerait par une consultation préalable, cette réorientation s’analyse au total comme un acte médical non accompli et pour autant rémunéré. Le patient devra donc être pris en charge par un autre professionnel de santé, le plus souvent de ville, qui ne percevra quant à lui aucune rémunération supplémentaire.
En troisième lieu, le caractère réellement incitatif de cette mesure peut être questionné, dans la mesure où la facturation d’une consultation et d’examens complémentaires emporte des montants généralement plus élevés que ceux envisagés pour le forfait de réorientation (20 et 60 euros, selon les informations transmises par la DSS).
Cette solution paraît enfin poser des problèmes pratiques importants en ce que son succès devrait reposer sur une coopération forte entre la ville et l’hôpital, dont les contours restent encore très largement à construire.
• Pour l’ensemble de ces raisons, le dispositif proposé, quoiqu’il ait le mérite de proposer une solution innovante au problème de l’engorgement des urgences, ne répond que partiellement aux enjeux du juste mode de financement des services d’urgences et du développement des prises en charge non programmées en ville.
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