Déposé le 24 février 2020 par : MM. Durain, Jacques Bigot, Kanner, Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour, Mme Rossignol, les membres du groupe socialiste, républicain.
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le livre II, il est inséré un livre II bis ainsi rédigé :
« Livre II bis
« Des crimes contre l’environnement
« Titre Ier
« De l’écocide
« Art. 230-1. – Constitue un écocide le fait, en exécution d’une action concertée tendant à la destruction ou dégradation totale ou partielle d’un écosystème, en temps de paix comme en temps de guerre, de porter atteinte de façon grave et durable à l’environnement et aux conditions d’existence d’une population. « L’écocide est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d’amende.
« Art. 230-2. – La provocation publique et directe, par tous moyens, à commettre un écocide est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d’amende si cette provocation a été suivie d’effet. « Si la provocation n’a pas été suivie d’effet, les faits sont punis de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende.
« Art. 230-3. – La participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de l’un des crimes définis aux articles 230-1 et 230-2 est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d’amende.
« Titre II
« Dispositions communes
« Art. 240-1. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 230-1 à 230-3 encourent également les peines suivantes :
« 1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, selon les modalités prévues à l’article 131-26. Toutefois, le maximum de l’interdiction est porté à quinze ans ;
« 2° L’interdiction, suivant les modalités prévues à l’article 131-27, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. Toutefois, le maximum de l’interdiction temporaire est porté à dix ans ;
« 3° L’interdiction de séjour, selon les modalités prévues à l’article 131-31. Toutefois, le maximum de l’interdiction est porté à quinze ans ;
« 4° La confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition ;
« 5° L’interdiction, suivant les modalités prévues à l’article 131-27, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d’exercice peuvent être prononcées cumulativement.
« Art. 240-2. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2, des infractions prévues aux articles 230-1 à 230-3 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 :
« 1° Les peines mentionnées à l’article 131-39 ;
« 2° La confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition. » ;
2° Au dernier alinéa de l’article 133-2, après la référence : « 212-3 », sont insérées les références : « et 230-1 à 230-3 ».
II. – Au dernier alinéa de l’article 7 du code de procédure pénale, après la référence : « 212-3 », sont insérées les références : « et 230-1 à 230-3 ».
La criminalité environnementale connaît une expansion considérable à l’échelle internationale.
Après le trafic de stupéfiants, la contrefaçon et le trafic des êtres humains, elle constitue le quatrième marché des activités illicites internationales. Celui-ci est à la fois particulièrement lucratif et très peu risqué en termes de sanctions, comparativement aux autres trafics internationaux comme celui de la drogue. Les profits y sont considérables et les poursuites y sont rares et, quand elles existent, les sanctions particulièrement légères.
En dépit de la particulière gravité de certains crimes environnementaux, de leur intentionnalité et des dommages irréversibles sur les écosystèmes et les conditions même d’existence des populations, la réponse pénale demeure inexistante.
Constatant les lacunes du droit, les auteurs de cet amendement souhaitent poser les jalons d’un droit pénal de l’environnement qui permette de lutter ardemment contre les crimes qui menacent la planète.
Pour les crimes environnementaux les plus graves, ils jugent désormais nécessaire d’introduire dans notre arsenal juridique l’incrimination d’écocide.
Par destruction ou dégradation totale ou partielle d’un écosystème, on désigne ici les crimes les plus graves qui portent atteinte à la « sécurité de la planète », pour reprendre les mots de Mireille DELMAS-MARTY, juriste, professeure honoraire au Collège de France et membre de l’Académie des sciences morales et politiques, par la dégradation grave et durable de la qualité de l’air, de l’atmosphère, des sols, des eaux, des milieux aquatiques, de la faune, de la flore, ou de leurs fonctions écologiques.
Outre le fait que la CPI, de façon inédite, place les atteintes graves à l’environnement à même hauteur que le terrorisme ou la traite des êtres humains, elle invite le législateur national à légiférer.
Laurent NEYRET, professeur en droit privé à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et spécialiste du droit de l’environnement, encourage les États à consacrer l’écocide dans leur droit national.
Tel est l’objet de cet amendement.
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