Déposé le 12 janvier 2022 par : M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, les membres du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain.
Après l'alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 12-…. – L’agent public auteur d’un signalement peut saisir le juge administratif sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative afin que ce dernier ordonne toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de son droit d’alerter, auquel une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
« L’auteur du signalement bénéficie dans ce cadre d’une présomption d’urgence au sens du même article L. 521-2. Le droit d’alerter prévu par la présente loi constitue une liberté fondamentale, dans le cadre de la liberté d’expression, au sens dudit article L. 521-2.
Par son article 12, la loi dite « Sapin II » a ouvert le référé prud’homal aux lanceurs d’alerte du secteur privé. Parallèlement, et si cela n’est pas précisé par la loi Sapin II, le lanceur d’alerte agissant dans la fonction publique est tributaire des procédures d’urgence de droit commun qui existent en matière administrative. Ces procédures sont, en l’espèce, au nombre de deux. Il s’agit d’une part du référé suspension, prévu à l’article L. 521-1 du code de justice administrative (« CJA ») mais également du référé liberté, codifié à l’article L. 521-2 dudit code.
Outre les moyens de droit permettant son succès que sont l’urgence (1) et le doute sérieux quant à la légalité de la décision (2), le référé suspension est soumis à plusieurs conditions de recevabilité préalables.
D’une part, il s’agit de s’assurer qu’un recours au fond a été déposé en amont ou simultanément à la requête en référé suspension qui doit elle-même être présentée par requête distincte (CE, ref, 26 janvier 2007, Association La Providence, n° 297991 : AJDA 2007.872).Outre cette condition facilement remplissable par le lanceur d’alerte agent de la fonction publique, la recevabilité du recours en référé suspension suppose que la décision dont la suspension est demandée n’ait pas été pleinement exécutée (CE, ref, 22 février 2001, Moret n° 230408, Lebon) Le lanceur d’alerte particulièrement avisé, qu’il soit agent contractuel de la fonction publique ou fonctionnaire, aura le réflexe de contester son licenciement ou son changement d’affectation dès l’obtention de la décision autorisant ceux-ci. Cependant, dans la pratique, accablé par cette procédure de sanction déguisée et un contexte de harcèlement ou de pressions, le lanceur d’alerte décide effectivement d’engager une procédure contentieuse à l’issue de la décision de licenciement ou de changement d’affectation, soit quand celles-ci sont pleinement exécutées. Par suite, la voie du référé suspension, seul moyen de droit lui permettant d’obtenir une décision protectrice car temporaire mais rapide, lui est fermé.
Ainsi, alors qu’à statut égal, celui de « lanceur d’alerte », le lanceur d’alerte du secteur privé pourra toujours saisir en urgence le juge des prud’hommes après son licenciement, le lanceur d’alerte du secteur public se verra quant à lui contraint d’attendre l’issue de plusieurs années contentieuses avant d’obtenir une réintégration possible. Cette situation constitue une rupture d’égalité importante qui justifie à elle seule le fait que la procédure d’urgence issue de l’article L. 521-1 du CJA n’est absolument pas adaptée au contexte des lanceurs d’alerte et ne permet pas d’assurer les objectifs et garanties de protection tels que voulus par la loi Sapin II.
Il en va de même pour le référé-liberté, dont l’accès est également très ardu.Le référé liberté (L. 521-2 CJA), mesure justifiant l’intervention du juge dans un délai de 48 heures, permet à ce dernier d’ordonner « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
Le GSER semble donc qu'il est opportun au regard aux spécificités de l’alerte, notamment à sa réalité sociale, tenant à ce que les lanceurs d’alerte soient placés dans un contexte de représailles notamment de harcèlement moral, de reconnaître la présomption d’urgence née du licenciement ou d’une mesure de sanction disciplinaire d’un lanceur d’alerte en référé liberté. Cette opportunité pour les lanceurs d’alerte constituerait une garantie forte pour leur protection, ouvrant la voie des procédures d’urgence en référé liberté à toutes les situations d’alerte avérées. Cette mesure viendrait combler en partie le déséquilibre né de l’absence de mention d’un droit aux procédures d’urgence particulièrement ouvert en termes de délais et de conditions tel que l’est le référé prud’homal.
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