Déposé le 12 janvier 2022 par : M. Durain, Mmes Préville, de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, les membres du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain.
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’occasion d’une instance, une partie qui justifie avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et soutient que la procédure engagée contre elle est abusive au sens de l’article 32-1 du code de procédure civile, voit sa demande traitée selon la procédure accélérée au fond selon les modalités prévues à l’article 481-1 du même code.
À l’issue de la procédure, s’il est établi que la procédure engagée est dilatoire ou abusive, cette dernière est rejetée. Le juge peut condamner l’auteur de la procédure au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l’absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l’amende civile ne peut excéder 60 000 €.
La demande est présentée et contestée oralement, et le tribunal en décide sur le vu des actes de procédure et des pièces au dossier et, le cas échéant, de la transcription des interrogatoires préalables à l’instruction. Aucune autre preuve n’est présentée, à moins que le tribunal ne l’estime nécessaire.
La demande faite au tribunal de se prononcer sur le caractère abusif d’un acte de procédure à l’égard d’une personne ayant signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 est, en première instance, traitée en priorité.
Le terme de « poursuites-bâillons » (ou SLAPP en anglais pour « strategic lawsuit against public participation ») désigne une action en justice, émanant généralement de grandes entreprises, intentée contre un lanceur d’alerte, un détracteur ou un opposant dans le but non pas de le faire condamner, mais de le faire taire, en l’épuisant financièrement, moralement et nerveusement. Ces poursuites présentent un certain nombre de caractéristiques communes. D'une part, la partie poursuivante est bien souvent une entreprise du secteur privé alors que la personne accusée est un individu (ex: un lanceur d’alerte) ou un collectif (ONG, association…). D'autre part, le déséquilibre financier entre les parties est important. Il conduit bien souvent à une inégalité des armes entre les parties résultant de la puissance financière des multinationales. Enfin, les propos attaqués relèvent d’un sujet d’intérêt général (ex : droits de l’homme, droit de l’environnement, corruption…).
En prévoyant une possibilité de faire prendre en charge les frais de justice du lanceur d'alerte lorsqu'une procédure est, en référé, jugée abusive, la proposition de loi règle la problématique du déséquilibre financier entre les parties dans ce type de procédures. Dans une optique de bonne administration de la justice, mais également pour parer à la souffrance psychologique et à l'atteinte réputationnelle durable que constituent ces procédures lorsqu'elles sont intentées contre des lanceurs d'alerte, il est toutefois proposé que les lanceurs d'alerte puisent demander que les demandes tendant à reconnaître le caractère abusif soient traitées en urgence. L'introduction d'une telle procédure, complémentaire à celle prévue par la présente proposition de loi, permettra en outre de remédier à l'encombrement des tribunaux puisque les procédures dilatoires et abusives pourront faire l'objet d'un rejet rapide.
Il est proposé à cet effet de permettre, lorsqu'un lanceur d'alerte soutien que la procédure lancée contre lui est abusive, de voir sa demande traitée selon les formes de la procédure accélérée au fond.
Le recours à la procédure accélérée au fond, qui existe depuis plusieurs dizaines d'années et n'a jamais été déclarée inconstitutionnelle, a l'avantage de permettre un traitement rapide de la demande du lanceur d'alerte, sans réduire ni les garanties liées au principe du contradictoire puisque l'organisation de la procédure est soumise aux règles procédurales communes à l'ensemble des procédures civiles, ni le droit au recours puisque le jugement rendu au fond est susceptible d'appel. L'utilisation de cette procédure pour préserver le droit à la liberté d'expression est d'autant plus cohérent que le code du travail prévoit déjà son utilisation en cas d'inaction de l’employeur alors qu’un membre du CSE a signalé une atteinte aux droits des personnes. Il constitue ce faisant une conciliation équilibrée entre droit à la liberté d'expression et droit au recours.
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