Déposé le 26 mai 2023 par : M. Sueur, Mmes de La Gontrie, Harribey, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, les membres du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après l’article 712 du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre I bisainsi rédigé :
« Chapitre Ierbis
« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire
« Section 1
« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire
et des conditions de sa mise en place
« Art. 712-1 A. – Aucune détention ne peut ni être effectuée ni mise à exécution dans un établissement pénitentiaire, au-delà du nombre de places disponibles.
« Pour permettre l’incarcération immédiate des nouveaux condamnés, des places sont réservées dans chaque établissement, afin de mettre en œuvre le mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire prévu à l’alinéa précédent. Un décret définit la proportion de places nécessaire à la mise en œuvre de ce mécanisme.
« Section 2
« De la mise en œuvre du mécanisme de prévention
de la surpopulation pénitentiaire par l’administration pénitentiaire
et par le juge de l’application des peines
« Art. 712-1 B. – Lorsque l’admission d’un détenu oblige à utiliser l’une de ces places réservées, la direction doit :
« – soit mettre en œuvre une procédure d’aménagement de peine pour une des personnes détenues condamnées à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est égal à deux ans ou condamnées à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans selon la procédure simplifiée d’aménagement des peines prévue pour les condamnés incarcérés aux articles 723-19 à 723-27 du code de procédure pénale. Cet aménagement de peine peut prendre la forme d’un placement extérieur, d’une semi liberté, d’une suspension de peine, d’un fractionnement de peine, d’un placement sous surveillance électronique, ou d’une libération conditionnelle ;
« – soit mettre en œuvre le placement sous surveillance électronique prévu comme modalité d’exécution de fin de peine d’emprisonnement à l’article 723-28 pour toute personne condamnée à laquelle il reste quatre mois d’emprisonnement à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à six mois à laquelle il reste les deux tiers de la peine à subir.
« Le service d’insertion et de probation prépare sans délai cette mesure.
« Art. 712-1 C. – La décision d’aménagement de peine ou de mise en œuvre du placement sous surveillance électronique prévu par l’article 723-28 du code de procédure pénale doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la date d’écrou du détenu entré en surnombre. Elle doit être mise en œuvre sans délai.
« Art. 712-1 D. – À défaut de décision dans le délai de deux mois, le détenu le plus proche de la fin de peine dans l’établissement, choisi parmi ceux condamnés à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est égal ou inférieur à deux ans ou ceux condamnés à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans bénéficie d’un crédit de réduction de peine égal à la durée de l’incarcération qu’il lui reste à subir.
« Art. 712-1 E. – En cas d’égalité de situation entre deux ou plusieurs personnes condamnées, le crédit de réduction de peine prévu à l’article 712-1 D est octroyé en prenant en compte les critères et l’ordre des critères suivants à :
« – la personne détenue qui n’a pas fait l’objet de procédure disciplinaire, ou qui en compte le moins à son encontre ;
« – la personne détenue qui a été condamnée à la peine la plus courte.
« Art. 712-1 F. – La décision d’octroi du crédit de peine doit intervenir dans les huit jours à l’expiration du délai de deux mois prévu à l’article 712-1 D.
II. Les dispositions du I entrent en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.
III.Après l’article 733 du code de procédure pénale, sont insérés les articles 733-1 A à 733-1 G ainsi rédigés :
« Art.733-1 A. – Sous réserve des dispositions de l’article 132-23 du code pénal, la libération conditionnelle est accordée de droit aux personnes condamnées lorsque la durée de la peine accomplie est égale au double de la durée de la peine restant à subir et ce sauf avis contraire du juge d’application des peines.
« Art.733-1 B. – Le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation examine en temps utile le dossier de chacun des condamnés relevant de l’article 723-19, afin de déterminer, après avis du chef d’établissement pénitentiaire, la mesure de libération conditionnelle la mieux adaptée à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale.
« Sauf en cas d’absence de projet sérieux d’insertion ou de réinsertion ou d’impossibilité matérielle de mettre en place une mesure de libération, le directeur, après avoir obtenu l’accord du condamné à la mesure qui lui est proposée, adresse au procureur de la République, en vue de la saisine du juge de l’application des peines, une proposition de libération comprenant, le cas échéant, une ou plusieurs des obligations et interdictions énumérées à l’article 132-45 du code pénal. À défaut, il lui adresse, ainsi qu’au juge de l’application des peines, un rapport motivé expliquant les raisons pour lesquelles un aménagement de peine ne peut être proposé et en informe le condamné.
« S’il estime la proposition justifiée, le procureur de la République transmet celle-ci pour homologation au juge de l’application des peines. Celui-ci dispose alors d’un délai de trois semaines à compter de la réception de la requête le saisissant pour décider par ordonnance d’homologuer ou de refuser d’homologuer la proposition.
« S’il n’estime pas la proposition justifiée, le procureur de la République en informe le juge de l’application des peines en lui transmettant cette proposition. Il avise également le condamné de sa position. Le juge de l’application des peines peut alors ordonner un aménagement de peine, d’office ou à la demande du condamné, à la suite d’un débat contradictoire conformément à l’article 712-6 du présent code. Il peut également le faire après avoir reçu le rapport prévu au deuxième alinéa du présent article.
« Art. 733-1 C. – Si le juge de l’application des peines refuse d’homologuer la proposition, il doit rendre une ordonnance motivée qui est susceptible de recours par le condamné et par le procureur de la République devant le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel selon les modalités prévues par le 1° de l’article 712-11.
« Art. 733-1 D. – À défaut de réponse du juge de l’application des peines dans le délai de trois semaines, le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation peut, sur instruction du procureur de la République, ramener à exécution la mesure d’aménagement. Cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours. Elle est préalablement notifiée au juge de l’application des peines.
« Art. 733-1 E. – Le juge de l’application des peines ou le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel saisis en application des dispositions de l’article 733-2 ou de l’article 733-3 peuvent substituer à la mesure de libération conditionnelle proposée une autre mesure d’aménagement : une semi-liberté, un placement à l’extérieur, un placement sous surveillance électronique. Ils peuvent de même modifier ou compléter les obligations et interdictions énumérées à l’article 132-45 du code pénal et accompagnant la mesure. La mesure est alors octroyée, sans débat contradictoire, par ordonnance motivée.
« Lorsqu’elle est rendue par le juge de l’application des peines, cette ordonnance peut faire l’objet d’un appel de la part du condamné ou du procureur de la République selon les modalités prévues par le 1° de l’article 712-11.
« Art. 733-1 F. – Lorsque la proposition d’aménagement de la peine est homologuée ou qu’il est fait application des dispositions de l’article 733-1 D, l’exécution de la mesure d’aménagement est directement mise en œuvre dans les meilleurs délais par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. En cas d’inobservation par le condamné de ses obligations, le directeur du service saisit le juge de l’application des peines aux fins de révocation de la mesure conformément aux dispositions de l’article 712-6. Le juge peut également se saisir d’office à cette fin, ou être saisi par le procureur de la République.
« Art. 733-1 G. – Pour les condamnés mentionnés à l’article 723-19 et afin de préparer une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de libération conditionnelle selon les modalités prévues par le présent paragraphe, le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation peut adresser au procureur de la République, aux fins de saisine du juge de l’application des peines, une proposition de permission de sortir, selon les modalités prévues par les articles 733-1 B à 733-1 F.
Cet amendement vise à instaurer un mécanisme de régulation carcérale afin de lutter contre les conditions de détention indignes pour lesquelles la France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme.
Ce mécanisme de régulation carcérale vise ainsi à favoriser la réinsertion des détenus et donc à lutter contre la récidive.
L’amendement reprend la proposition de loi de l’ancien député et président de la commission des lois de l’Assemblée Dominique Raimbourg. Déposée il y a maintenant treize ans, cette proposition de loi visionnaire nous donnait déjà les clefs d’une régulation carcérale, mais elle n’a jamais été appliquée.
Le rapport des États généraux de la justice préconise l’instauration d’un mécanisme de régulation carcérale, les auteurs de cet amendement s’étonnent ainsi de l’absence de toute mesure visant à réduire la surpopulation carcérale dans ce projet de loi. La construction de nouvelles places de prison, prévue depuis de nombreuses années, ne suffira pas à améliorer les conditions de vie en détention.
Loin d’un numerus clausus, un mécanisme de régulation carcérale impliquerait de définir un taux d’occupation dont le dépassement « entraînerait la réunion des différents acteurs de la chaîne pénale, qui pourraient alors envisager certaines mesures de régulation ». Ce « seuil de criticité » correspondrait au taux « à partir duquel les services de l’établissement ne sont plus en mesure de fonctionner sans affecter durablement la qualité de la prise en charge des condamnés (parloirs, accès aux douches, soins, formation) ».
D’autres pays européens ont un bien meilleur bilan que la France, aussi l’Allemagne a fixé comme seuil d’alerte 90% de taux d’occupation afin de mettre en place un mécanisme de régulation.
En France également, des expérimentations ont été mises en place à Grenoble et Marseille, pour que les magistrats envisagent des aménagements de peine voire des sorties anticipées en cas de seuil de criticité atteint.
Mais ces expérimentations locales nécessitent d’aller plus loin et d’instaurer un mécanisme national contraignant.
Au-delà de cette proposition, les auteurs de cet amendement souhaiteraient engager une véritable réflexion sur notre système carcéral, le sens de la peine et les conditions de détention, loin des caricatures régulièrement exposées. Il s’agirait de respecter le principe fondamental de la dignité humaine, mais également de redonner du sens à la peine afin d’éviter la récidive.
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