Déposé le 2 juin 2023 par : Mmes de La Gontrie, Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie, les membres du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain.
Supprimer cet article.
Le projet de loi propose de modifier le code de la santé publique et le CESEDA afin de confier à un magistrat du siège du tribunal judiciaire le contrôle des mesures privatives de liberté dans le domaine des soins sans consentement et en droit des étrangers. Il modifie par ailleurs plusieurs articles afin d’assurer la pleine applicabilité de ce dispositif dans les collectivités d’outre-mer.
Cette nouvelle répartition des compétences judiciaires consistant à délester le juge des libertés et de la détention (JLD) de ses compétences civiles afin de consacrer un JLD pénal de plein exercice et favoriser in fine l’attractivité de ces fonctions est contestable à plus d’un titre.
Sur le moyen terme, cette réforme épuisera vite ses effets si la logique qui consiste à confier des charges croissantes aux JLD dans son domaine de compétences en matière pénale sans cohérence ni vision d’ensemble n’est pas remise en cause.
Elle va conduire mécaniquement à reporter la charge actuelle des JLD sur les autres magistrats non spécialisés. Elle revient donc à déplacer la problématique de la mesure de l’office du JLD au risque de provoquer le même phénomène d’encombrement dans les juridictions judiciaires.
Ainsi la réforme qui doit tout d’abord permettre aux juridictions de renouer avec davantage de souplesse dans leur organisation, pour assurer la bonne efficience du travail judiciaire va se révéler contreproductive. Au point que dans le cadre de ce transfert de charges du JLD vers les juges, le projet de loi retient l’expression de « magistrat du tribunal judiciaire » afin de permettre aux JLD de poursuivre le traitement de ces compétences civiles en fonction de l’organisation de la juridiction au titre de leur service annexe.
En outre, si la volonté affichée par le projet de loi consiste à renforcer l’attractivité des fonctions de juge civiliste en permettant la création d’une filière de juges compétents pour le contrôle des mesures privatives de liberté dans le domaine des soins sans consentement et en droit des étrangers, cet objectif ne pourra être atteint en toute vraisemblance. En effet, avec la surcharge des compétences civiles existantes, le risque de désaffection des fonctions de juge non spécialisé sera accru en raison de l’insécurité que ces fonctions génèrent et de la charge de travail attendue par cette réforme (nouvelles permanences, audiences tardives, jugement à rédiger en nombre).
Il ne sera pas possible d’assurer la plénitude du contrôle du juge tout en conservant le même niveau de garantie de protection des libertés individuelles au bénéfice des personnes concernées par les procédures. Au contraire, il semble cohérent de confier à un même juge l’ensemble du contentieux relatif à l’enferment des personnes, a fortiori si le choix porte sur des magistrats expérimentés pour l’exercer et non sur des juges non spécialisés, parfois sortant de l’école.
Si le but implicite recherché par le projet de loi est la mise en œuvre d’une simplification opérationnelle permettant au président d’une juridiction de mobiliser rapidement des magistrats non spécialisés pour apporter plus facilement une réponse répressive et sécuritaire afin de mieux accompagner la politique actuelle du Gouvernement, il doit être dénoncé.
Afin de pallier le nombre insuffisant de JLD, le projet de loi aurait pu se contenter de prévoir pour les fonctions civiles du JLD un dispositif identique existant en matière pénale permettant d’organiser la suppléance d’un JLD vacant dans ses fonctions pénales en s’inspirant par symétrie de l’article 137-1-1 du code de l’organisation judiciaire en vigueur.
Compte tenu de l’ensemble des considérations exposées, le présent amendement propose de supprimer l’article 15 du projet de loi afin de maintenir le statut du JLD tant en matière civile qu’en matière pénale.
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