Amendement N° 50 (Rejeté)

Mise au point au sujet d'un vote

Discuté en séance le 13 juin 2023
Avis de la Commission : Défavorable — Avis du Gouvernement : Défavorable

Déposé le 2 juin 2023 par : M. Sueur, Mmes de La Gontrie, Harribey, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, les membres du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain.

Photo de Jean-Pierre Sueur Photo de Marie-Pierre de La Gontrie Photo de Laurence Harribey Photo de Jérôme Durain Photo de Hussein Bourgi Photo de Patrick Kanner Photo de Éric Kerrouche Photo de Jean-Yves Leconte Photo de Didier Marie 

Texte de loi N° 20222023-661

Après l'article 3

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 689-11. – Hors les cas prévus au sous-titre Ierdu titre Ierdu livre IV pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée d’avoir commis à l’étranger l’une des infractions suivantes :

« 1° Le crime de génocide défini au chapitre Ierdu sous-titre Ierdu titre Ierdu livre II du code pénal ;

« 2° Les autres crimes contre l’humanité définis au chapitre II du même sous-titre Ier;

« 3° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.
« Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général près la cour d’appel de Paris est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République antiterroriste, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »

Exposé Sommaire :

Cet amendement a pour objet de modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale en permettant la poursuite devant les tribunaux français et le jugement des auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger. Ce mécanisme de compétence extraterritoriale, fondamental dans la lutte contre l’impunité, a cependant été vidé de sa substance par la mise en place de plusieurs conditions cumulatives excessivement restrictives. Ces conditions constituent autant de verrous qui rendent pratiquement impossible la mise en œuvre de cette disposition.

Dans un arrêt du 24 novembre 2021, la Cour de cassation avait acté l’incompétence de la justice française afin de juger les crimes contre l’humanité commis en Syrie car la notion de crime contre l’humanité n’existait pas dans le droit syrien, il n’y avait donc pas de double incrimination. Cet arrêt avait provoqué une forte mobilisation dans le monde judiciaire et associatif.

Dans un communiqué conjoint du 9 février 2022, les ministères de la Justice et des Affaires étrangères avaient déclaré au sujet de la compétence universelle : « Nos ministères suivront avec attention les prochaines décisions de justice devant intervenir. En fonction de ces décisions, nos ministères se tiennent prêts à définir rapidement les évolutions, y compris législatives, qui devraient être effectuées afin de permettre à la France de continuer à inscrire résolument son action dans le cadre de son engagement constant contre l’impunité des crimes internationaux. »

Le 12 mai dernier, la Cour de cassation réunie en assemblée plénière, a confirmé la compétence universelle de la justice française dans deux affaires qui concernent la Syrie suite à un long débat juridique sur la nécessité ou non d’une double incrimination. Aussi, il est nécessaire de changer la loi, comme s’y étaient engagés les ministres, et de supprimer les verrous restant afin d’empêcher toute interprétation contraire, c’est ce que propose cet amendement.

L’auteur de cet amendement est également l’auteur de la proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat en 2013 qui visait à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale, cette proposition de loi n’avait jamais été reprise par l’Assemblée nationale. C’est donc un long combat qui a débouché sur une première avancée en 2019.La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis d’obtenir de timides avancées en permettant de supprimer l’inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale et de supprimer la double incrimination pour le génocide, mais il reste cependant des verrous majeurs à l’application du mécanisme de compétence extraterritoriale. Ainsi, la condition de résidence habituelle sur le territoire français constitue toujours une limitation par rapport aux autres dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des tribunaux français en matière de répression des crimes internationaux, alors que pour tous les autres crimes internationaux sa simple présence suffit (voir art. 689-1 à 689-10 du CPP). La nécessité de prouver la « résidence habituelle » en France d’un suspect mettra à l’abri des poursuites tous les auteurs et complices de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre qui éviteront d’installer en France le centre de leurs attaches professionnelles et familiales et se contenteront d’y effectuer des séjours plus ou moins longs, en toute impunité. Elle va par ailleurs plus loin que les exigences de plusieurs traités internationaux organisant la répression des crimes internationaux comme la Convention contre la torture de la Convention sur les disparitions forcées créant ainsi une rupture du principe d’égalité entre les victimes.

Par ailleurs, si la condition de double incrimination a été supprimée pour le génocide, ce n’est pas le cas pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Or, cette condition de double incrimination n’est jamais invoquée dans le cadre du mandat d’arrêt européen pour les infractions les plus graves (terrorisme, trafic d’armes et traite des êtres humains, par exemple). Cette condition n’est exigée dans aucune autre des dispositions relatives à la compétence extraterritoriale des tribunaux français. De plus, cette condition manifeste également un recul de notre droit pénal qui n’exige la double incrimination que pour les simples délits (article 113-6) et non pour les crimes. Par définition, les crimes internationaux constituent la violation de valeurs universelles reconnues par la communauté internationale. Instaurer la condition de double incrimination reviendrait à remettre en cause cette universalité et conduirait à conférer l’immunité, par exemple, aux auteurs de génocide si le génocide n’était pas pénalement incriminé dans leur propre pays (cas de la Syrie).

Le présent amendement vise donc à supprimer les derniers verrous afin que le juge français puisse enfin exercer pleinement sa compétence extraterritoriale : fin de la double incrimination et de la résidence habituelle.

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