La commission examine le rapport, en deuxième lecture, de M. Bernard Saugey et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 297 (2010-2011), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
Nous allons établir le texte de la commission, en deuxième lecture, de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
EXPOSÉ DU RAPPORTEUR
L'Assemblée nationale ayant adopté 136 articles dans les termes du Sénat - 95 rédactions conformes et 41 suppressions - 77 articles demeurent en navette, pour des motifs d'inégale importance.
En première lecture, au regard de la variété des domaines abordés, la commission des lois avait délégué aux commissions saisies pour avis - culture, économie et affaires sociales - l'examen des dispositions relevant de leur seule compétence. Pour cette deuxième lecture, seule la commission de l'économie a maintenu sa saisine en raison de modifications affectant certains des articles inclus dans sa délégation.
Pour le reste, la commission des lois s'en est remise aux positions respectives des commissions des affaires sociales et de la culture : celles-ci ont considéré qu'à l'exception des articles 9 et 25, le vote de l'Assemblée nationale en deuxième lecture pouvait être accepté en l'état. En conséquence, je vous proposerai d'adopter sans modification les dispositions concernées, les articles 4, 32 quater, 98 bis précédemment délégués à la commission de la culture ainsi que l'article 27, sous réserve d'une coordination, et les articles 21, 22, 27 septies, 27 octies, 27 undecies, 51 ter, 128 bis examinés par la commission des affaires sociales.
S'agissant de nos articles propres, je m'en suis tenu aux principes qui nous avaient guidés lors de la première lecture.
En première lecture, tout en adhérant pleinement à l'objectif de toilettage de notre droit, nous avions souhaité mieux cerner la notion de simplification. C'est pourquoi la Haute assemblée avait supprimé les dispositions qui s'en écartaient.
En revanche, malgré nos réserves, nous avions accepté de garantir la transposition, dans les délais requis, de plusieurs directives communautaires pour permettre le respect par la France de ses obligations européennes.
Votre commission avait, cependant, vivement regretté l'insertion de dispositions simultanément dans des textes en navette devant le Parlement. Or, l'Assemblée nationale a anticipé l'adoption définitive du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, prévue au cours de la première quinzaine de ce mois de mars et supprimé plusieurs articles redondants dans le présent texte.
Les modifications votées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture sont d'inégale importance. Je mentionnerai d'abord les points de convergence, en particulier des dispositions relatives au droit civil, que les députés ont adoptées dans la rédaction du Sénat : la neutralisation des armes remises au greffe du tribunal de grande instance par le conjoint violent (article 10 quater) ; la simplification du régime d'acceptation des libéralités par les établissements ecclésiastiques (article 11) ; l'allègement et l'extension aux motocycles des conditions dans lesquelles un véhicule est réputé abandonné chez un garagiste (article 15 ter) ; l'établissement des actes de décès des personnes mortes en déportation (article 28 ter) ; des corrections d'erreurs de référence inutiles dans le code civil (articles 118 et 149 ter) ; enfin, l'habilitation limitée donnée au gouvernement pour prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition d'une directive sur la médiation transfrontalière (article 155 bis).
L'Assemblée nationale a aussi adopté conforme les modifications apportées à la législation funéraire pour prévoir l'exonération du versement d'une vacation lors des exhumations administratives et l'allègement des conditions de crémation des restes exhumés (articles 13 bis et 14 bis AA).
Il en est de même de l'article 42 ter, inséré à l'initiative de nos collègues Patrice Gélard et Hervé Maurey, pour permettre aux maires de procéder à l'exécution d'office des travaux d'élagage pour des raisons de sécurité afin de mettre fin à l'avancée des plantations privées sur l'emprise des voies communales.
S'agissant de la juridiction administrative, les députés ont voté sans modification l'article 39 bis, augmentant d'un an la durée des fonctions des conseillers d'État en service extraordinaire.
Ils ont confirmé la suppression de l'article 40, qui donnait à titre expérimental aux collectivités territoriales et à leurs groupements la possibilité de consulter les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel sur des questions relevant de leur compétence.
L'Assemblée nationale a aussi validé la rédaction adoptée par le Sénat à l'article 146 bis, relatif au recrutement parmi les anciens élèves de l'ENA des auditeurs du Conseil d'État, dont les conditions de recrutement seront les mêmes que celles des autres fonctionnaires recrutés à la sortie de l'ENA.
L'Assemblée a abandonné la réforme du droit de préemption qu'elle avait pourtant initiée. En première lecture, votre commission avait supprimé les articles 83 A, 83 B et 83 bis correspondants, en considérant que ce sujet devait faire l'objet d'un texte spécifique pour pouvoir, le cas échéant, être examiné par le Parlement de manière approfondie et sereine. L'Assemblée nationale s'est finalement ralliée à ce point de vue.
En matière électorale, le Sénat avait, en première lecture, souhaité clarifier le droit applicable aux élections se déroulant à l'étranger : à l'initiative de notre collègue Richard Yung, il a précisé, dans un nouvel article 135 bis, que les personnes élues à l'étranger pouvaient prendre communication et copie des listes électorales. Il a aussi ouvert la voie à l'organisation d'une véritable campagne électorale à l'étranger en permettant aux candidats aux élections hors du territoire national de mener des actions de propagande électorale.
L'Assemblée nationale a souscrit à ces innovations, auxquelles elle n'a apporté aucune modification de fond, et le gouvernement, qui s'était initialement opposé à l'intégration de ces dispositions au sein de la présente proposition de loi, a finalement choisi de les approuver.
Je vous proposerai de conserver les suppressions effectuées à l'Assemblée nationale par coordination avec l'adoption dans d'autres textes des dispositions concernées.
Il en est ainsi, à l'article 6 bis, du report de l'entrée en vigueur des mesures relatives aux tutelles, à l'article 14 bis A, du contrôle de la conformité des installations techniques et des voitures utilisées par les organismes effectuant des prestations funéraires ou encore de l'article 27 septies instaurant un régime déclaratif pour l'activité d'entrepreneur de spectacles : la commission l'avait supprimé en première lecture à l'initiative de la commission des affaires sociales avant que le Sénat ne le rétablisse en séance à la demande du Gouvernement... Finalement, l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, l'a supprimé à son tour...
Au-delà de ces modifications, des désaccords demeurent entre les deux assemblées, sur la forme comme sur le fond.
Les députés ont rétabli diverses dispositions que nous avions supprimées en considérant qu'elles excédaient l'objet de la proposition de loi et qu'elles méritaient un examen particulier.
C'est le cas de l'article 29 concernant la CNIL comme des articles 29 bis à 29 nonies relatifs au régime des fichiers de police : ces dispositions ont davantage leur place dans la proposition de loi de nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier, visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique, adoptée par le Sénat le 23 mars 2010 et toujours en instance à l'Assemblée nationale. Les députés ont rétabli ces dispositions, à l'exception de l'article 29 octies repris dans la LOPPSI, au motif que la proposition de loi adoptée par la Haute assemblée « malgré l'avis défavorable du Gouvernement », avait peu de chance d'être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans un délai raisonnable ...
Les députés ont rétabli l'article 37 qui organise une procédure de retrait de la protection fonctionnelle des fonctionnaires, militaires et maires et l'article 107 qui modifie les peines encourues par l'auteur d'une prise d'otage en cas de libération rapide de la victime.
Enfin, les députés ont rétabli, à la demande du Gouvernement, la règle selon laquelle toute disposition législative instituant la remise périodique d'un rapport au Parlement par le Gouvernement est automatiquement abrogée au bout de cinq ans. Nous avions formellement rejeté une telle règle, au motif qu'elle portait atteinte à la mission de contrôle et d'évaluation du Parlement et qu'elle constituerait une « prime » aux administrations peu soucieuses de réaliser les rapports réclamés par les assemblées. On se demande qui est le plus intéressé à l'adoption d'une telle règle, qui ferait tomber toute une série de rapports créés il y a plus de cinq ans et qui nous sont toujours indispensables. En première lecture, le Sénat avait accepté la démarche pragmatique consistant à supprimer, au cas par cas, les rapports devenus obsolètes.
Les députés ont rétabli, avec l'article 8, une novation que nous contestions : la procédure de « consultation ouverte » préalable à l'édiction d'un acte réglementaire. Nous avions estimé que cette procédure court-circuiterait des commissions que le pouvoir réglementaire n'osait pas supprimer ou réformer et qu'elle discréditait les autres.
Les députés, à l'inverse, ont supprimé l'article 1er A, adopté à l'initiative de notre collègue Alima Boumediene-Thiery avec l'avis favorable de votre commission, pour l'inscription, sur l'acte de décès, du partenaire de pacte civil de solidarité du défunt.
Elle a également supprimé l'article 6 bis A de notre collègue Jean-Pierre Sueur, sur la propriété en temps partagé et l'article 28 ter A de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, sur le droit au compte des Français de l'étranger.
En revanche, les positions des deux assemblées se sont rapprochées sur les articles 58 à 82 visant à fixer un cadre législatif général aux groupements d'intérêt public (GIP).
Reste néanmoins en discussion un assouplissement proposé par le Sénat et refusé par l'Assemblée nationale : la faculté, pour les collectivités territoriales, de recourir à un GIP pour exercer en commun des activités qui peuvent être confiées à un groupement de collectivités territoriales. Les députés ne souhaitent pas ajouter une nouvelle structure de droit public, estimant que ce serait affaiblir la coopération intercommunale, le régime des GIP étant plus souple que celui d'un EPCI.
Aux articles 30 et 32, le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale des dispositions qui, sans lien direct avec les dispositions restant en discussion, paraissent contredire la règle dite de l'entonnoir. Il s'agit en particulier de la transposition d'une directive sur les obligations comptables des sociétés qui établissent des comptes consolidés et de plusieurs modifications de la procédure de sauvegarde des entreprises, notamment de la sauvegarde financière accélérée créée il y a moins de six mois à l'initiative de notre président Jean-Jacques Hyest. A ce stade, sauf avis contraire de la commission, je ne vous proposerai pas de supprimer ces dispositions, bien qu'elles risquent la censure du Conseil constitutionnel, car elles peuvent être comprises comme des mesures de simplification et de clarification.
Je vous proposerai encore, en plus de quelques modifications rédactionnelles, de confirmer les positions que nous avions adoptées en première lecture, en particulier contre des articles qui ne paraissent pas à leur place dans ce texte.
Je vous proposerai plusieurs rectifications et coordinations aux articles 30, 32, 136 et 158. A l'article 27, un amendement de coordination tient compte du vote intervenu en deuxième lecture sur le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits. Je vous proposerai encore de supprimer le II de l'article 135 bis puisque son contenu a été entre-temps voté dans le paquet électoral examiné par le Sénat le 2 mars dernier.
Merci. Je passe la parole à M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis au nom de la commission de l'économie.
Sur les 11 articles dont la commission de l'économie était saisie en deuxième lecture, la commission de l'Economie vous propose une seule modification, pour supprimer l'article 1er, relatif aux factures d'eau en cas de fuite, comme nous l'avions fait en première lecture, position réaffirmée hier par la commission.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er
Cet article relatif à la facturation de l'eau et de l'assainissement en cas de fuite d'eau après compteurs sur des canalisations enterrées en domaine privé, ne nous semble toujours pas satisfaisant : avec l'amendement n°33, nous vous proposons de le supprimer.
L'amendement n°6 est identique et les amendements n°1 et 7, de repli, tomberaient si l'article était supprimé.
Les amendements identiques de suppression n°s 33 et 6 sont adoptés, l'article 1er est supprimé. Les amendements n°s 1 et 7 deviennent sans objet. .
Les amendements n°s 17, 11, 10, 15, 2, 3, 30, 19, 14, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, et 18 sont adoptés.
Article 32
L'Assemblée nationale a ajouté deux paragraphes à cet article, qui paraissent assez éloignés du contenu de l'article même, relatif à la simplification de la procédure de sauvegarde et à la création de la procédure de sauvegarde financière accélérée. Par l'amendement n° 12 rectifié bis, nous nous assurons que, dans la procédure accélérée, les créanciers ayant participé à une conciliation soient protégés : nous préservons leur possibilité d'actualiser leurs créances quand elles sont réputées déclarées.
C'est la justice même, car si le créancier a participé à une conciliation, il faut bien qu'il actualise sa créance, ce que la rédaction actuelle ne garantit pas dans le cadre de la procédure accélérée.
Très bonne initiative, puisque dans sa rédaction actuelle, la simplification recherchée compliquerait en fait la vie de nos concitoyens concernés, et nous nous réjouissons de voir notre président accepter de se dispenser de la règle dite de l'entonnoir : nous saurons nous en souvenir !
L'amendement n° 12 rectifié bis est adopté, l'article 32 est supprimé.
Article 114
Par l'amendement n° 31, M. Repentin propose, au regard du délit de prise illégale d'intérêt et des peines encourues à ce titre, de circonscrire la responsabilité pénale des dirigeants et salariés d'organismes HLM à la violation des règles du code de la construction et de l'habitation. Je comprends bien l'intention de mieux encadrer la prise illégale d'intérêt, mais je crois qu'il ne faut pas limiter la mesure au domaine du logement social. Le Sénat a adopté à l'unanimité la proposition de loi de MM. Saugey et Collombat visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts des élus locaux : je préfère cette proposition, à cet amendement.
Pourquoi ne pas réintroduire les éléments de cette proposition de loi dans le texte de simplification ? Nous tiendrions quelque chose...
Le groupe de travail sur les conflits d'intérêts pourrait tout à fait s'en saisir.
Nous avons été unanimes à vouloir préciser la définition que notre code pénal donne de la prise illégale d'intérêt, et je crois effectivement qu'une proposition de loi vaut mieux qu'un cavalier législatif ; cependant, le problème, c'est que notre texte dort dans un tiroir au Palais-Bourbon ! Dans ces conditions, il serait utile d'adopter l'amendement de M. Repentin, pour poser la question à nos collègues députés et au Gouvernement.
La définition de la prise illégale d'intérêt entre-t-elle dans le champ du groupe de travail sur les conflits d'intérêt ? Je ne le crois pas, car, à ce stade de ma réflexion, les notions me paraissent très différentes.
Je comprends la position de notre président, mais je crois aussi que nous devrions agir, parce qu'il y a urgence. Pourquoi avons-nous été unanimes à vouloir mieux définir la prise illégale d'intérêt ? Tout simplement parce que la Cour de cassation en a donné récemment une définition si large, que tous les élus que nous sommes seraient passibles d'une condamnation ! Nous devons changer le code pénal, c'est urgent !
L'amendement de M. Repentin est certes circonscrit au logement social, et son avenir en CMP est peu assuré, mais son examen sera l'occasion d'interroger le Gouvernement et nos collègues députés en CMP sur le devenir de notre proposition de loi.
Pour tenir compte de vos observations, je vous propose, par l'amendement n° 35, de rétablir le paragraphe 1° bis de l'article 114 : qui remplace « un intérêt quelconque » par « un intérêt personnel distinct de l'intérêt général ».
L'amendement n° 35 est adopté.
L'amendement n° 31 devient sans objet.
L'article 114 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'ensemble du texte est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Je veux saluer la mémoire de Robert Pagès, ancien sénateur de la Seine-Maritime décédé le 23 février dernier. Membre du groupe communiste, il a appartenu à notre commission pendant une dizaine d'années et chacun se souvient de l'homme charmant, policé et fin, qui a travaillé sans relâche pour le droit des enfants et l'éducation. Ses travaux ont nourri la loi Pagès-About de 2000 sur la prestation compensatoire. Nous pensons à lui et à sa famille.