La commission a procédé à l'audition de MM. Jacques Toubon, Patrick Zelnik et Guillaume Cerutti, auteurs du rapport « création et internet » remis au ministre de la culture et de la communication.
a développé les points suivants :
- l'objectif de la mission confiée tout d'abord par Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, puis confirmée par son successeur M. Frédéric Mitterrand, était double : il s'agissait de réfléchir, dans le prolongement de la loi « Hadopi », à l'attractivité de l'offre légale de contenus culturels, mais aussi d'aborder le thème de la rémunération des acteurs de la création, du financement de celle-ci et du partage de la valeur. Cette mission s'inscrivait dans un contexte difficile, lié tant à la situation économique sinistrée de l'industrie musicale qu'à l'évolution des attentes des consommateurs désormais habitués à la gratuité ;
- parmi les vingt-deux propositions du rapport figurent les deux idées-clés que sont la création d'une carte « Musique en ligne » pour les jeunes internautes et l'instauration d'un système de gestion collective des droits musicaux pour combler le retard de la France sur le marché digital. La « carte jeune », destinée aux internautes âgés de 14 à 25 ans, permettrait d'acheter l'équivalent de cinq CD pour le prix de deux, puisqu'elle coûterait entre 20 et 25 euros pour une valeur faciale de 50 euros. La mission, en proposant ces mesures, a eu à coeur de se préoccuper tant des créateurs, afin d'assurer une offre diversifiée, que des consommateurs-citoyens.
a souhaité connaître la réaction des membres de la mission face aux inquiétudes des sociétés de droits d'auteur qui dénoncent une « soviétisation » du système, et des éditeurs qui craignent d'être à leur tour taxés comme cela est envisagé pour les hébergeurs, dans la mesure où la société Google capte les recettes publicitaires.
a noté que les sociétés d'auteurs n'ont pas toutes le même avis sur la question de la collecte des droits d'auteurs et droits voisins qu'il s'agit de transposer à l'ère de l'internet. Si la SACEM proposait une solution alternative difficilement acceptable car sollicitant à nouveau les fournisseurs d'accès déjà mis à contribution dans le cadre de la loi « Hadopi », la solution proposée par la mission est globalement favorable aux sociétés concernées. La question de la taxe envisagée sur les moteurs de recherche - et plus particulièrement sur Google - a été déformée par la presse : en effet, la mission a d'abord demandé l'avis des autorités de la concurrence française et communautaire afin qu'elles se prononcent sur l'existence d'un abus de position dominante de cette société dont la régie publicitaire française devrait bientôt occuper la première place devant celle de TF1.
Regrettant ces éléments de controverse infondés et souvent évoqués, M. Jacques Toubon a apporté les précisions suivantes :
- concernant la situation de Google, d'autres pays tels que le Royaume-Uni, l'Espagne, les États-Unis ou l'Allemagne expriment actuellement les mêmes interrogations qui ne sont pas seulement culturelles, mais également économiques, dans la mesure où il s'agit de réfléchir à la pérennité de l'écosystème de l'internet et du partage de la valeur en son sein ;
- la mission propose en outre, avec le choix d'une gestion collective des droits, de remédier au problème du retard de la France où le taux de substitution du marché numérique au marché physique est très faible, en raison notamment du système de gestion des droits voisins des producteurs et des artistes-interprètes qui constitue un frein au développement des services en ligne. La SACEM, quant à elle, ne devrait pas être touchée par cette orientation mais sera confrontée aux deux enjeux essentiels que sont la renégociation des droits avec la télévision, notamment publique, et la préservation, pour les sociétés d'auteurs, des ressources sur recettes fiscales issues de la TVA appliquée aux abonnements triple-play des offres combinées ADSL, et dont la mission propose de revoir l'application à taux réduit. Il est par ailleurs proposé d'étendre à la diffusion sur internet le régime de la rémunération équitable - commun à l'ensemble des ayants droit et géré par une commission indépendante - aujourd'hui appliqué à la radiodiffusion hertzienne ;
- le système de gestion collective des droits devrait permettre de rééquilibrer les rapports de force qui depuis dix ans ont favorisé une captation de la valeur par quatre grandes maisons (majors), ce qui influe considérablement sur l'offre de téléchargement et de lecture continue à la demande. En cas d'échec d'un accord entre professionnels pour définir ce système d'ici à la fin de l'année 2010, le Parlement devra se préoccuper de cette question en vue de réformer ce régime de gestion collective obligatoire des droits exclusifs, issu de la loi n°85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.
a rappelé que la philosophie de la mission était précisément contraire à la « soviétisation » parfois dénoncée, ce que confirment les éléments suivants :
- le développement des éditeurs a été freiné par les demandes d'avances très importantes imposées par les majors. Une approche économique et incitative a donc prévalu dans la définition des mesures proposées ;
- les deux idées-clés de la mission (carte jeune et gestion collective) sont proposées pour une durée temporaire, afin de susciter de nouveaux comportements et de nouvelles régulations ;
- la gestion collective doit obliger les producteurs à rendre plus accessibles leurs fonds aux éditeurs en ligne. Ce système est d'ailleurs utilisé dans des pays difficilement soupçonnables de « soviétisation », tels que les Pays-Bas ou les États-Unis pour les web radios ;
- en ce qui concerne Google, dont le siège est basé en Irlande, la mission a observé que la hausse des recettes publicitaires, actuellement estimées à 1 milliard d'euros, s'est effectuée au détriment des sites éditeurs de contenus grâce auxquels prospèrent les hébergeurs, situés en amont dans la chaîne de l'internet.
a suggéré que les propositions de la mission soient illustrées de manière concrète et pédagogique et présentées en liaison avec le rapport Tessier sur le livre numérique. Il a souhaité connaître la position de l'Autorité de la concurrence concernant le livre numérique.
s'est interrogée sur la situation de Google dans les autres pays européens, rappelant que le commissaire européen désigné par la France pourrait jouer un rôle utile en termes d'information.
a invité les commissaires à lire l'avis relatif au livre numérique que l'Autorité de concurrence a rendu le 18 décembre 2009 puis a rappelé que le rapport comprenait également des propositions relatives aux secteurs de l'audiovisuel et du livre. Il a ensuite appelé de ses voeux la mise en place d'une stratégie européenne, réclamée par la France, sur les contenus culturels, les droits d'auteur et la question de la licence européenne.
a rappelé que la commission avait un projet de déplacement à Bruxelles qui permettrait à ses membres de rencontrer les commissaires et parlementaires européens en charge de ces sujets. Il a par ailleurs ajouté que M. Marc Tessier serait auditionné par la commission le 17 février 2010.
a enfin observé qu'il convenait de mettre l'accent sur les problématiques de concentration en tirant les leçons du marché physique dominé par quatre grandes sociétés, et en prenant en considération la rapidité et la férocité de ce phénomène sur le marché de l'internet.
Au cours de la même réunion, la commission a demandé à être saisie pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (grand emprunt) et a désigné M. Jean-Claude Etienne rapporteur pour avis de ce projet de loi.
Enfin la commission a nommé M. Pierre Bordier rapporteur de la proposition de loi n° 147 (2009-2010) tendant à l'attribution des labels « campagne d'intérêt général » et « grande cause nationale » aux générosités associatives.