Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 24 février 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Jean-Pierre Chevènement sur le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a rappelé que, dans la perspective de la prochaine Conférence quinquennale d'examen du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), le débat international s'était intensifié sur les questions de désarmement et de non-prolifération nucléaire. Le président Obama a marqué les esprits en évoquant, à Prague, en avril 2009, la perspective d'un monde sans armes nucléaires, mais on mesure aujourd'hui les conditions nombreuses à réunir et les obstacles à franchir pour aller dans ce sens, alors que le cas de la Corée du Nord ou celui de l'Iran montrent combien il est difficile de maîtriser la prolifération nucléaire. Cette échéance internationale importante justifiait que la commission, à travers un rapport d'information, mette à la disposition du Sénat un document d'analyse complet et actualisé et qu'elle se prononce sur les positions que la France devrait adopter. Pour cette même raison, un débat sur le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la France sera organisé, à sa demande, en séance publique le mardi 23 mars 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

a indiqué que la 8ème Conférence d'examen du TNP se déroulerait à New-York du 3 au 28 mai 2010. Alors que la précédente, en 2005, avait été considérée comme un échec, faute de progrès ou d'engagements sur les différents aspects de la mise en oeuvre du traité, la Conférence d'examen de mai prochain semble devoir se dérouler sous des auspices plus favorables et a suscité des attentes. Le rapport d'information vise à éclairer de manière aussi complète et objective que possible les enjeux des différentes questions en débat, sachant que certains éléments importants restent encore à préciser, comme la teneur exacte du futur accord américano-russe destiné à succéder à l'accord START I, dont la conclusion, prévue pour décembre 2009, a pris du retard, ou encore la « Nuclear Posture Review » devant déterminer les orientations de l'administration américaine en matière nucléaire militaire.

a indiqué que la partie introductive du rapport d'information visait à dresser un état des lieux, vingt ans après la guerre froide, du désarmement et de la non-prolifération nucléaire. Il en a résumé les principales caractéristiques.

Tout d'abord, le volume total des arsenaux nucléaires a été réduit des deux-tiers par rapport à son point culminant au cours de la guerre froide. Selon les estimations, les Etats-Unis (9 400 armes nucléaires) et la Russie (13 000 armes nucléaires) détiennent à eux seuls environ 96 % des armes nucléaires. Le désarmement américano-russe s'est effectué dans le cadre de plusieurs accords bilatéraux : le traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) de 1987, l'accord START I de 1991 et le traité SORT de 2002. Un traité « post-START », en cours de conclusion, devrait ramener le nombre de têtes nucléaires opérationnellement déployées des Etats-Unis et de la Russie à un maximum compris entre 1 500 et 1 675 sur une période de sept ans. Il faut toutefois apprécier avec prudence les plafonds fixés par ces accords. Ils ne comprennent pas les armes en réserve des deux Etats, ni les armes nucléaires tactiques qui restent en nombre considérable dans l'arsenal russe.

La France (moins de 300 têtes nucléaires) et le Royaume-Uni (moins de 200) ont diminué de leur propre initiative le format de leurs forces nucléaires, calibrées selon un principe de stricte suffisance ou de dissuasion minimale.

La Chine est, en revanche, la seule puissance nucléaire reconnue par le TNP à ne pas réduire son arsenal. Elle cherche à se doter d'une capacité de seconde frappe en améliorant sa composante sol-sol et en se dotant d'une composante sous-marine.

L'Inde et le Pakistan, qui n'ont jamais signé le TNP, ont officialisé par des essais, en 1998, leur capacité nucléaire et disposent chacun de quelques dizaines de têtes nucléaires. Israël, troisième Etat non signataire du TNP, dispose également d'une capacité nucléaire présumée, qu'il n'a jamais officiellement reconnue.

Enfin, la Corée du Nord s'est retirée du TNP en 2003 et a réalisé deux essais nucléaires en 2006 et 2009, sans pour autant disposer, selon les experts, d'armes nucléaires véritablement opérationnelles. Comme l'Inde et le Pakistan, elle développe ses capacités balistiques.

Le TNP, qui constitue le môle de l'ordre nucléaire mondial, a ainsi ralenti la prolifération nucléaire, sans pour autant l'empêcher. L'adhésion de la quasi-totalité des Etats et sa prorogation indéfinie en 1995 ont permis de le consolider. Les facteurs de fragilisation demeurent cependant, avec les crises nord-coréenne et iranienne, qui montrent les limites de l'autorité de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), alors qu'un nombre important d'Etats n'ont toujours pas accepté les procédures de vérification renforcées prévues par le modèle de protocole additionnel dit « 93+2 ». De manière plus générale, le TNP fait l'objet d'une contestation latente mettant moins en cause la distinction entre puissances nucléaires reconnues par le traité et Etats non dotés que la dépendance des Etats désireux d'accéder aux bénéfices des usages pacifiques de l'énergie nucléaire vis-à-vis des Etats détenteurs de technologies. Le traitement particulier accordé à l'Inde, Etat non signataire du TNP avec lequel ont néanmoins été conclus des accords de coopération nucléaire civile, a été critiqué. Toutefois, les engagements pris par l'Inde en contrepartie ont permis à ce pays, qui reste en dehors du TNP, de se rapprocher du régime international de non-prolifération nucléaire.

a estimé que, en dépit de ses imperfections et de ses fragilités, le TNP demeurait un instrument irremplaçable pour la sécurité internationale, aucun Etat n'ayant intérêt à voir, dans sa région, l'un de ses voisins se doter de l'arme nucléaire. Considérant qu'il ne pouvait y avoir d'autre alternative que de soutenir et de consolider le TNP, il a souligné la nécessité de faire avancer trois objectifs :

- progresser sur la voie du désarmement général et nucléaire ;

- assurer l'accès de tous les Etats qui le souhaitent aux bénéfices de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire ;

- garantir la sécurité des Etats en luttant contre la prolifération, mais aussi en traitant les causes profondes qui la sous-tendent.

S'agissant des perspectives de désarmement nucléaire, M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur, a indiqué qu'elles paraissaient avoir été relancées après le discours du président Obama à Prague. Toutefois, il fallait lire ce discours dans son intégralité pour bien comprendre que le président Obama, tout en souhaitant un monde sans armes nucléaires, ne pensait pas le voir de son vivant et attachait à la lutte contre la prolifération, aux risques liés au terrorisme nucléaire et, bien entendu, au maintien de la sécurité des Etats-Unis et de leurs alliés, au moins autant d'importance qu'au désarmement.

a estimé que l'on ne pouvait proclamer un objectif de désarmement nucléaire sans s'attacher d'une part à réunir les conditions qui pourraient concrètement le rendre accessible, et d'autre part à maintenir pour tous les Etats un niveau de sécurité au moins égal à celui qui était assuré par les armes nucléaires.

Il a ainsi considéré qu'il fallait dans un premier temps chercher à aller vers une « zone de basse pression nucléaire », dans le cadre d'un processus graduel.

La première priorité à cet effet serait de réduire beaucoup plus significativement les arsenaux américain et russe, qui représentent à eux seuls un peu plus de 22 000 armes nucléaires contre à peine plus d'un millier pour les autres puissances nucléaires réunies. Le futur traité « post-START », annoncé dans les prochaines semaines, ne représente qu'un pas modeste en ce sens, et des réductions plus ambitieuses seront nécessaires ultérieurement. Le développement de la défense antimissile par les Etats-Unis constitue à cet égard un frein à la diminution des forces nucléaires russes.

La question du lien entre les réductions bilatérales américano-russe et la situation des arsenaux, beaucoup plus modestes, des autres puissances nucléaires, ne pourrait se poser qu'une fois les forces des deux principales puissances nucléaires ramenées, tous types d'armes confondus, à quelques centaines d'armes nucléaires.

Un deuxième pas important serait la ratification par les Etats-Unis, comme l'a souhaité le président Obama, du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), signé en 1996. Cette ratification, rejetée une première fois par le Sénat en 1999, serait cruciale, car elle pourrait entraîner celle d'autres Etats clefs comme la Chine, l'Inde ou le Pakistan. Elle redonnerait une crédibilité à l'entrée en vigueur à moyen terme d'un traité susceptible de faire obstacle à l'amélioration qualitative des armes nucléaires. Pour l'heure, la majorité qualifiée nécessaire à cette ratification n'est pas assurée au Sénat américain et l'examen du traité est repoussé à 2011.

Enfin, la relance du désarmement exigerait la conclusion d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires (TIPMF) qui garantirait quant à lui le plafonnement quantitatif des arsenaux. L'ouverture de la négociation est actuellement entravée par le Pakistan, qui considère qu'un tel traité figerait un déséquilibre en sa défaveur avec l'Inde. En l'attente de la conclusion d'un tel traité, tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait devraient déclarer un moratoire sur la production de matières fissiles.

a souligné qu'un deuxième axe d'effort à promouvoir lors de la Conférence d'examen du TNP devrait porter sur la relance des usages pacifiques de l'énergie nucléaire, qui fonde la légitimité du traité et répond à l'attente d'un nombre croissant de pays. Il a rappelé que la France agissait, à travers de nombreux accords de coopération, pour un développement sûr et responsable de l'énergie nucléaire. Il a précisé que les nouvelles générations de réacteurs présentaient un haut degré de garantie en matière de sûreté et de non-prolifération. Il a insisté pour que des assurances soient rapidement données aux pays demandeurs en ce qui concerne les garanties d'approvisionnement en combustible nucléaire. Les projets évoqués depuis plusieurs années de mécanismes multilatéraux et de « banques du combustible » doivent désormais se concrétiser. Des installations d'enrichissement et de retraitement à statut international pourraient également être réalisées sur une base régionale. En ce qui concerne les transferts des technologies sensibles du cycle du combustible (enrichissement et retraitement), il serait désormais temps de lever le moratoire décrété depuis 2004 par le G8 et de le remplacer par des règles claires autorisant ces transferts sous un certain nombre de conditions bien définies, telles que l'existence d'un programme électronucléaire crédible et l'adhésion aux normes les plus élevées de sûreté, de sécurité et de non-prolifération.

a estimé que le troisième objectif, lors de la Conférence d'examen, devait être d'assurer le maintien de l'ordre nucléaire mondial, incarné par le TNP.

Cet objectif passe au moins par quatre types d'actions.

Il faut tout d'abord renforcer la mobilisation internationale autour de la résolution des crises iranienne et nord-coréenne, potentiellement très déstabilisatrices dans la mesure où elles pourraient entraîner une prolifération en cascade, d'autres Etats des régions concernées considérant ne plus devoir être liés par le TNP.

Il faut ensuite consolider le régime international de non-prolifération nucléaire, en incitant les Etats non signataires à s'en rapprocher, comme l'a fait l'Inde en souscrivant à divers engagements, mais aussi en accentuant les moyens de vérifier et d'assurer le respect du TNP. La généralisation du protocole additionnel aux accords de garanties, l'encadrement du droit de retrait et l'attribution à l'AIEA de moyens humains, techniques et financiers en rapport avec sa mission sont, de ce point de vue, essentiels.

Troisièmement, la politique de contre-prolifération, avec des actions telles que la mise en oeuvre de la résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations unies ou la Proliferation Security Initiative (PSI), doit être poursuivie, de même que la lutte contre les autres formes de prolifération, chimique, biologique, balistique, qui ont un effet très déstabilisant au plan régional.

Enfin, au-delà du renforcement des instruments internationaux et des mesures préventives ou coercitives, il est indispensable d'agir sur les déterminants régionaux de la prolifération nucléaire. La normalisation des relations entre l'Inde et le Pakistan, la création d'un Etat palestinien et la reconnaissance d'Israël par les Etats arabes et par l'Iran, la poursuite du dialogue avec ce dernier en vue d'obtenir des engagements solides permettant d'envisager une levée des sanctions, enfin une approche globale de l'organisation de la sécurité en Asie de l'Est sont autant de points clefs pour l'obtention de réels résultats en matière de désarmement nucléaire, alors que les risques de prolifération et d'accroissement des arsenaux nucléaires se concentrent sur le Moyen-Orient et sur l'Asie.

a conclu sur les positions que la France et l'Europe devaient à ses yeux défendre lors de la Conférence d'examen.

Il a estimé que la France présentait un bilan exemplaire en matière de désarmement : réduction de moitié de ses forces nucléaires, avec l'abandon de la composante sol-sol et la diminution des composantes sous-marine et aéroportée ; transparence sur le volume de son arsenal ; ratification du TICE et démantèlement des sites d'essais, arrêt de la production de matières fissiles et démantèlement des usines de fabrication. Elle peut donc aborder sans aucun complexe la Conférence d'examen. Elle n'a en aucun cas à adopter une attitude frileuse ou « défensive » et doit au contraire plaider pour des objectifs ambitieux, en interpellant l'ensemble de ses partenaires :

- ceux qui n'ont pas ratifié le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, comme les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, le Pakistan ;

- ceux qui n'ont pas définitivement cessé la production de matières fissiles militaires ou déclaré de moratoire, comme la Chine, l'Inde et le Pakistan ;

- ceux, encore nombreux, qui n'ont pas conclu de protocole additionnel avec l'AIEA ;

- ou encore les Etats-Unis et la Russie, qui conservent un nombre considérable d'armes nucléaires en réserve ou, s'agissant de la Russie, d'armes nucléaires tactiques.

La France doit insister sur les conditions à réunir pour permettre le désarmement nucléaire, dans la perspective d'un monde plus sûr.

Dimensionnées selon le principe de stricte suffisance, qui a conduit à des réductions successives, les forces nucléaires françaises n'ont pas à être prises en compte, à ce stade, dans un processus de négociation multilatérale de désarmement nucléaire. La France doit maintenir une dissuasion indépendante et se tenir en dehors du Groupe des plans nucléaires de l'OTAN.

La France ne saurait davantage renoncer à l'ambiguïté calculée de sa posture en donnant sans restriction des garanties négatives de sécurité ou, plus encore, des engagements généralisés de « non-usage en premier ».

a également souligné la nécessité pour la France de sensibiliser ses alliés à l'intérêt de maintenir un principe de dissuasion en Europe, tant que les voisins de celle-ci n'ont pas renoncé à leurs armements nucléaires. Elle devrait également appeler ses alliés à la prudence sur les projets de développement d'une défense antimissile balistique en Europe, dans le cadre de l'OTAN. Ces projets pourraient entraîner les Européens dans des dépenses considérables sans garantir une couverture absolue. Ils pourraient générer un illusoire sentiment de protection nuisible à l'esprit de défense.

a indiqué que ces différentes conclusions et préconisations seraient détaillées dans son rapport écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

A la suite de cet exposé, M. Xavier Pintat a souligné la nécessité de prendre en compte des réalités telles que le maintien d'arsenaux nucléaires très importants aux Etats-Unis et en Russie, l'accroissement de l'arsenal chinois et les risques de la prolifération, qui rendent la perspective d'un monde sans armes nucléaires inaccessible à court terme. Il a estimé qu'il serait dangereux pour la France, dans ces conditions, de s'engager dans une démarche unilatérale de désarmement alors que ses forces nucléaires sont définies à un niveau de stricte suffisance. Il a souhaité savoir à quelles conditions, aux yeux du rapporteur, pourrait se poursuivre un mouvement de réduction globale du nombre d'armes nucléaires. Par ailleurs, M. Xavier Pintat s'est étonné que le rôle de la dissuasion nucléaire soit assez peu évoqué dans les débats sur la révision du concept stratégique de l'OTAN. Ce rôle ne saurait être aussi central que durant la guerre froide, mais la dissuasion est un élément important de la sécurité collective des membres de l'Alliance. Enfin, il a estimé que sans se substituer à la dissuasion, la défense antimissile pouvait jouer un rôle complémentaire par rapport à celle-ci. Il a rappelé les compétences technologiques françaises en ce domaine et considéré qu'elles mériteraient de pouvoir être valorisées, si l'OTAN s'engageait dans des développements sur une défense antimissile du territoire européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

a indiqué que le traité « post-START », en cours de négociation, ne devait constituer, dans l'esprit des Etats-Unis et de la Russie, qu'une étape vers des réductions plus substantielles de leurs arsenaux nucléaires. La Russie ne devrait pas s'engager, toutefois, dans des réductions drastiques. Elle s'inquiète des développements possibles de la défense antimissile aux Etats-Unis et souhaite conserver une capacité de frappe suffisante pour garantir la crédibilité de sa dissuasion. Même si elle est certainement disposée à en réduire le nombre, elle n'entend pas abandonner ses armes nucléaires tactiques qui compensent son infériorité conventionnelle et jouent un rôle sur sa frontière orientale et vis-à-vis du « proche étranger ». Les Etats-Unis, pour leur part, doivent tenir compte du niveau de l'arsenal russe et des besoins liés à la dissuasion élargie au bénéfice de leurs alliés en Europe et en Asie. Il est peu probable qu'un arsenal réduit à 500 têtes nucléaires, comme on l'évoque parfois, permette aux Etats-Unis de disposer des options nécessaires à l'exercice de cette dissuasion élargie. S'agissant de la défense antimissile, elle pourrait donner une illusion trompeuse de protection, comme la ligne Maginot, et représenterait un coût important pour une garantie incertaine. Il est en revanche nécessaire de maintenir dans la stratégie de l'OTAN un concept de dissuasion qui est essentiel à la garantie de défense collective prévue par l'article 5 du traité de Washington.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a estimé qu'une double pression risquait de s'exercer sur les pays européens de l'OTAN : l'une pour opérer le retrait des armes nucléaires américaines stationnées sur le territoire européen, et l'autre pour s'engager dans un programme de défense antimissile du territoire européen. Il a estimé que dans le difficile contexte budgétaire actuel, cette situation imposait une vigilance particulière sur le maintien de notre capacité de dissuasion nucléaire. Il a également considéré que le futur concept stratégique de l'OTAN ne devrait pas faire l'impasse sur la dissuasion nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

a estimé qu'on ne pouvait défendre le maintien de l'ordre nucléaire mondial sans se pencher sur les situations régionales qui le fragilisent. Cela est particulièrement évident pour le Moyen-Orient. La possession de l'arme nucléaire par Israël constitue un véritable tabou. La question n'est pratiquement jamais soulevée dans les pays occidentaux, alors qu'il s'agit d'un facteur de déséquilibre majeur dans la région et un élément qui ne peut être ignoré dans le règlement du problème iranien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

a répondu qu'il insistait, dans son rapport, sur la nécessité d'apporter des réponses politiques aux situations régionales qui n'ont pas été réglées et qui ont un rôle déterminant dans la prolifération. C'est le cas bien entendu du Moyen-Orient. Le président Obama a pris des engagements, au début de son mandat, sur le conflit israélo-palestinien. Il y a un lien entre son engagement effectif dans ce dossier et la crédibilité de son discours sur le désarmement nucléaire. Il n'y aura pas de paix au Moyen-Orient sans un Etat palestinien viable et la reconnaissance d'Israël par tous les pays arabes et l'Iran. C'est à cette seule condition que l'on pourra aller vers une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient. Pour autant, il ne faut pas voir dans les capacités nucléaires israéliennes une menace pour les autres pays de la région, alors que Tel Aviv recherche surtout une garantie ultime de sécurité compensant l'étroitesse de son territoire. S'agissant de l'Iran, il est possible qu'il ne souhaite pas aller jusqu'à la réalisation d'une arme nucléaire et veuille seulement devenir un « pays du seuil », maîtrisant les technologies faisant de lui une puissance nucléaire potentielle. Dans ce cas, une normalisation des relations avec la communauté internationale serait possible à condition que l'Iran apporte les garanties suffisantes, telles que la ratification du TICE, le respect de l'interdiction de fabriquer des matières fissiles militaires et la pleine application des contrôles de l'AIEA, à travers un protocole additionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

a déclaré que le groupe socialiste partageait l'opinion du rapporteur sur la nécessité, pour la France, d'adopter une posture dynamique lors de la Conférence d'examen du TNP, afin d'éviter un risque de marginalisation et des pressions excessives de ses partenaires européens. Il a appelé à une vigilance particulière sur la place accordée à la dissuasion nucléaire à l'occasion de la révision du concept stratégique de l'OTAN. Il a soutenu la position du rapporteur, écartant une participation de la France au Groupe des plans nucléaires de l'OTAN. Il a estimé qu'à un moment où les contraintes budgétaires se faisaient plus fortes, il fallait veiller à éviter toute remise en cause de la dissuasion nucléaire française et la tentation, au nom des impératifs financiers, de l'abandonner au profit d'un « parapluie » américain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

a estimé que dans le contexte actuel - maintien d'arsenaux considérables en Russie et aux Etats-Unis, risque d'instabilité nucléaire au Moyen-Orient, montée nucléaire de l'Asie - la dissuasion nucléaire restait pour la France une garantie fondamentale de paix et d'indépendance. Il serait grave que face à tant d'incertitude, l'Europe néglige les exigences de sa sécurité et se démobilise. Il est nécessaire que demeurent en Europe des pays possédant une capacité de dissuasion nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

s'est inquiété de la volonté du régime iranien de poursuivre ses activités nucléaires en dépit des offres de dialogue du président Obama et en contradiction avec les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Il a estimé que l'accession de l'Iran à l'arme nucléaire amènerait inévitablement d'autres Etats de la région à se délier de leurs engagements et à envisager eux aussi un programme nucléaire militaire. Tout en appelant de ses voeux des évolutions politiques intérieures qui permettraient de rétablir la confiance entre l'Iran et la communauté internationale, il a estimé qu'un renforcement des sanctions était dans l'immédiat nécessaire. Il a regretté que la Chine s'oppose pour le moment à toute action en ce sens au sein du Conseil de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

a souligné les effets limités des sanctions ciblées actuellement édictées contre l'Iran, ainsi que l'opposition de la Chine à l'accentuation des pressions internationales.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

a fait part de ses inquiétudes sur la dégradation des finances publiques et les risques qui en découlent sur les moyens de notre politique de défense, et en particulier la dissuasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

a estimé que ces craintes étaient justifiées, mais qu'il serait à long terme désastreux de sacrifier la dissuasion nucléaire, qui est un élément fondamental de notre sécurité et ne représente somme toute qu'un investissement limité de l'ordre de 3,5 milliards d'euros par an, soit moins de 10 % du budget de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

A la suite de ce débat, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que les membres de la majorité de la commission souscrivaient aux conclusions et préconisations du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

a manifesté l'appui des membres du groupe socialiste aux conclusions du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

a indiqué que le groupe communiste, républicain et citoyen s'abstiendrait, se réservant d'exprimer ses positions sur les différentes conclusions du rapporteur lors du débat du 23 mars en séance publique.

La commission a adopté les conclusions du rapporteur et a autorisé leur publication sous la forme d'un rapport d'information.

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition du Dr Abdullah Abdullah, ancien ministre des affaires étrangères (2001-2006) et candidat à l'élection présidentielle de 2009 en Afghanistan.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Après avoir rappelé la carrière politique de M. Abdullah Abdullah, ancien ministre des affaires étrangères de la république islamique d'Afghanistan de 2001 à 2006, et regretté les fraudes massives de l'élection présidentielle de 2009, M. Josselin de Rohan, président, a souhaité connaître ses appréciations sur la situation politique et institutionnelle en Afghanistan et sur les possibilités de son évolution vers une démocratie qui tienne compte de ses particularités.

Il a également souhaité connaître le programme du parti que M. Abdullah Abdullah est en train de constituer et la façon dont il entend rassembler pour dépasser les clivages ethniques et tribaux.

Il a aussi voulu connaître les analyses du Dr Abdullah Abdullah sur la situation sécuritaire à un moment où les troupes afghanes et les troupes de la coalition internationale sont en train de mener une opération de grande envergure dans la province du Hemland. Quel jugement peut-on porter sur la stratégie suivie ? Quelles sont les perspectives ouvertes par l'afghanisation des forces de sécurité ? Il s'est enfin interrogé sur les relations de l'Afghanistan avec ses voisins et notamment avec le Pakistan.

Le Dr Abdullah Abdullah a tout d'abord rappelé les changements très positifs intervenus au cours des huit dernières années dans son pays en termes de retour des réfugiés, d'éducation, de santé et de reconstruction, en particulier du réseau routier. Toutefois, après 25 ans de guerre, le pays est encore en phase de « récupération » et la situation reste difficile. Dans ce contexte, en dépit du fait que l'exercice de certaines libertés n'est toujours pas possible, des changements positifs ont eu lieu. Les diverses élections ont vu la participation du peuple afghan, malgré les menaces et la tenue de grandes réunions permettant de discuter des problèmes du pays. Néanmoins, la situation sécuritaire s'est dégradée depuis cinq ans, la gouvernance laisse à désirer et le gouvernement ne respecte pas les décisions du parlement, les problèmes de narcotrafiquants, de corruption et de mafias perdurent. Cette situation a naturellement une incidence sur les gouvernements et l'opinion publique des pays occidentaux qui s'interrogent sur la pertinence et l'efficacité de leur aide.

Pourtant, il existait, à l'origine, un consensus quasi général sur le processus à suivre en Afghanistan après la chute des taliban qui dépassait les clivages ethniques et tribaux. Cette situation a changé et l'éclatement du consensus est dû à la conjugaison de trois facteurs.

La première erreur a été de ne pas utiliser des moyens locaux de sécurité et, au contraire, de démanteler tout ce qui existait au niveau local. Le Dr Abdullah Abdullah a rappelé que les effectifs de la coalition occidentale en 2001 ne dépassaient pas 10 000 hommes. Le second facteur de déstabilisation s'explique par le double jeu du président Pervez Musharraf qui a aidé les taliban qui s'étaient réfugiés dans les zones tribales. Enfin, l'effort des nations de la coalition s'est reporté en partie sur la guerre en Irak.

Les taliban ont profité de la conjugaison de ces erreurs ainsi que de la mauvaise gestion du gouvernement, du développement de la corruption et du non-respect de la règle de droit.

S'agissant des élections présidentielles de 2009, la réélection du président Hamid Karzaï semblait, au départ, faire l'objet d'un certain consensus bien qu'elle ne suscitât que peu d'enthousiasme. La candidature du Dr Abdullah Abdullah a permis de présenter une alternative crédible au seul choix auquel étaient soumis les électeurs : M. Hamid Karzaï ou les taliban. Cette candidature a suscité beaucoup d'espoirs qui se sont manifestés par une très grande participation aux meetings politiques organisés.

De nombreux problèmes sont apparus à l'approche des élections, en particulier du fait du rôle joué par la commission électorale indépendante qui n'a d'indépendant que le nom, par l'utilisation de la corruption et par la fraude.

Le Dr Abdullah Abdullah a indiqué qu'il entreprenait la mise en place d'un mouvement politique nouveau dont le programme est le même que celui qu'il avait présenté lors des élections présidentielles. Il prône la décentralisation, la croissance équitable, le changement de la loi électorale, l'autosuffisance de l'Afghanistan. La ligne directrice de ces propositions politiques est de mettre le peuple afghan au centre des projets.

S'agissant des élections législatives du 18 septembre 2010, leur préparation se déroule bien sur le plan technique, mais elles supposent une véritable indépendance de la commission électorale qui est loin d'être acquise. En l'état actuel des choses, cette commission est entièrement dans les mains du gouvernement. Elle s'occupe aujourd'hui de tout ce qui concerne les élections jusque dans les moindres détails. De plus, la commission qui traite les plaintes en matière électorale et qui est composée de deux commissaires afghans et de deux étrangers est actuellement menacée par la décision, prise par décret du Président Karzaï, d'en écarter les étrangers alors même que leur présence avait permis son indépendance en dépit des pressions.

Le Dr Abdullah Abdullah a indiqué qu'il s'opposerait fortement à cette décision et a souhaité que la communauté internationale fasse pression pour qu'on revienne sur celle-ci, faute de quoi le peuple afghan sera une fois de plus écarté et les élections législatives connaîtront un déroulement pire que celui de l'élection présidentielle.

Le système démocratique est essentiel mais celui qui sera installé en Afghanistan sera spécifique. Le commandant Massoud avait un jour indiqué qu'il pourrait quitter la vie politique lorsque le principe « un homme ou une femme = une voix » serait entré dans les faits.

Le fait que les partis politiques n'existent pas dans le système afghan est une importante lacune du processus. Le Dr Abdullah Abdullah a indiqué que le moment est venu de combler ce vide d'une démocratie sans partis et sans participation de la société civile. Durant la campagne électorale, il a tenté de dépasser les clivages ethniques et de parler à tous les Afghans de leurs problèmes. Son objectif est de créer un noyau dur qui reflèterait la diversité du pays. Toutefois, il sera très difficile de dépasser les clivages ethniques tant qu'il n'y aura pas eu de changements concrets et visibles des conditions de vie de la population qui, faute de progrès, se replie sur ses identités et ses solidarités particulières.

S'agissant de l'opération militaire en cours dans le Hemland, le Dr Abdullah Abdullah a indiqué qu'elle se déroulerait au coeur même du pouvoir taliban, dans une région proche de la frontière avec le Pakistan. La tâche est donc difficile et le nombre des forces engagées n'est peut-être pas suffisant pour inverser la situation, même si elle peut en arrêter l'évolution. Tout en reconnaissant que certaines pertes civiles étaient inévitables, il a regretté les récents dommages collatéraux dont l'effet était très négatif sur la population. Le succès de l'opération se jugera surtout sur le suivi qui sera fait, à moyen et long terme, dans la province et à Kandahar. Il dépendra également de la prise de conscience par le gouvernement pakistanais de la menace que représentent pour lui les taliban quels qu'ils soient.

S'agissant de l'afghanisation, le Dr Abdullah Abdullah a indiqué qu'elle se déroule lentement. D'un point de vue technique elle ne dépend que de l'accélération de la formation donnée aux forces de sécurité. Mais il faut également tenir compte du facteur politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

À la suite de cette présentation M. Didier Boulaud s'est interrogé sur l'environnement régional et notamment sur les relations entre l'Inde et le Pakistan qui seront, selon lui, l'un des leviers de l'amélioration de la situation en Afghanistan.

Le Dr Abdullah Abdullah a indiqué que la reprise du dialogue composite, qui a été interrompu après les attentats de Bombay, permettrait une baisse des tensions entre les deux pays et aurait sans doute un impact positif sur la situation sécuritaire en Afghanistan.

Il a toutefois rappelé que la population pakistanaise appuie totalement l'armée qui lutte contre les taliban dans les zones tribales et au Waziristan. Il faudrait que l'opinion publique pakistanaise fasse pression sur le Gouvernement et les dirigeants militaires pour que la lutte s'effectue sans distinction contre les taliban, qu'ils soient afghans ou pakistanais.

Dans les années 90, les Pakistanais étaient persuadés que l'Inde était derrière tout ce qui se passait en Afghanistan. Certes, entre 1996 et 2001, l'Inde a soutenu la résistance. En tant que ministre des affaires étrangères, il avait essayé de persuader le président Musharraf de saisir l'opportunité d'un rapprochement avec l'Inde. Il a souligné que les autorités pakistanaises, qu'elles soient civiles ou militaires, étaient largement désinformées, en particulier par l'engagement idéologique de certains membres des services secrets (ISI).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

s'est interrogé sur les moyens de remédier au déficit de légitimité politique qui résulte des conditions dans lesquelles l'élection présidentielle de 2009 s'est déroulée. Il a souhaité également avoir des précisions sur le processus de réconciliation et sur la façon dont le Dr Abdullah pouvait définir ce qu'est un taliban.

Debut de section - Permalien
Abdullah Abdullah

a indiqué que si un gouvernement d'union nationale n'avait pu être constitué c'est que le Président Karzaï, pour être réélu, avait négocié des alliances avec les chefs des différentes factions non pas sur la base de l'intérêt du pays mais sur celle d'un partage des postes ministériels. Il n'y avait donc plus de place pour l'opposition politique dans un gouvernement. De plus, les discussions entreprises avec le président Karzaï ont montré qu'il n'était absolument pas disposé à entreprendre une négociation pour un gouvernement d'union nationale. Selon lui, la commission électorale était totalement indépendante, il n'y avait pas eu de fraudes, mais les problèmes provenaient plus de la présence d'étrangers que de la menace des taliban. Après la proclamation des résultats de l'élection présidentielle aucun recours juridique n'est possible. La légitimité va désormais découler des politiques choisies et des programmes mis en oeuvre. On ne peut que constater que, jusqu'à présent, les propositions faites par le président Karzaï au parlement pour la composition du gouvernement ont été rejetées à 60 %, lors de la première réunion du parlement sur ce sujet et à 50 % lors de la seconde réunion. Le Dr Abdullah a toutefois reconnu que le président Karzaï disposait d'une légitimité internationale qui ne l'aidera cependant pas en cas d'échec.

Sur la question des taliban, le Dr Abdullah Abdullah a indiqué qu'il existait une étroite relation avec Al Qaïda. Il est donc très difficile de distinguer les différences au sein de cet ensemble. Le point le plus important est de prendre conscience que la majorité des pachtounes sont opposés au retour des taliban au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

s'est interrogée sur la façon dont la communauté internationale et la France pourraient aider la société civile afghane et en particulier les femmes.

Debut de section - Permalien
Abdullah Abdullah

a indiqué qu'il y avait beaucoup de candidates aux élections législatives, en particulier au sein de son mouvement politique. Il a salué le courage des femmes, citant en exemple le fait que la première personne qui a dénoncé la fraude électorale lors de l'élection présidentielle était une femme parlementaire de Kandahar, région où la présence des taliban, la corruption et les réseaux de trafic de drogue sont très actifs. Il a souligné le courage de cette femme mettant sa vie en danger au nom de l'espoir qu'elle a dans une société plus juste et plus transparente.

Les femmes afghanes sont très préoccupées par le contenu de la réconciliation engagée après la conférence de Londres car elles pensent qu'elle risque de consacrer le retour des taliban.

À moyen et long terme, l'éducation est une question-clé pour l'ensemble de la population, mais plus particulièrement pour les femmes et les filles. Le Dr Abdullah Abdullah a fait remarquer que, lorsque l'on parle du droit des femmes, on parle surtout des femmes vivant dans les villes. Or les défis de celles qui vivent dans les campagnes sont très importants puisqu'il s'agit de faire progresser leur droit sans confrontation avec les forces conservatrices.

Ces changements ne peuvent être imposés de l'extérieur. Il est absolument crucial que l'initiative vienne des Afghans eux-mêmes. Les résultats des élections législatives seront déterminants pour faire entendre la voix du peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

a fait part de son inquiétude sur l'étendue de la corruption qui paraît totalement intégrée et acceptée pour que le système puisse fonctionner. Il s'est également interrogé sur l'introduction d'une forte décentralisation comme solution institutionnelle pour résoudre les problèmes auxquels l'Afghanistan est confronté.

Debut de section - Permalien
Abdullah Abdullah

a souligné que la volonté politique et l'exemplarité des dirigeants étaient la clé de la lutte contre la corruption, avant même l'instauration d'une réglementation. En l'absence de dispositif anticorruption, il faut donner le pouvoir de contrôle au peuple. C'est ce qu'avait fait le commandant Massoud dans la vallée du Panshir où l'on ne rencontre pas de problèmes de corruption, de trafic de drogue et de criminalité. Le gouverneur de cette province exerce pleinement les pouvoirs qui lui sont octroyés, mais il ne peut opprimer le peuple au service duquel il est. Les dirigeants politiques doivent montrer l'exemple. On ne peut convaincre le peuple que le gouvernement lutte contre la corruption si ses membres sont corrompus.

Le Dr Abdullah Abdullah a rappelé que le programme politique qu'il avait proposé lors des élections présidentielles, et qui est repris dans la plate-forme du mouvement qu'il dirige, promeut une décentralisation des pouvoirs au bénéfice des provinces. Cette décentralisation refléterait le pluralisme du système, le multiculturalisme, le multilinguisme et même les différentes religions qui caractérisent la diversité afghane. De plus, cette décentralisation serait mieux à même de traiter les questions de corruption. Aujourd'hui, les décisions sont centralisées à Kaboul. À titre d'exemple, les nominations dépendent des liens qu'entretiennent les candidats avec ceux qui décident dans la capitale. Cette situation ne permet pas, sauf exception, de désigner les personnes les plus compétentes et les mieux à même de promouvoir le bien public. C'est par exemple le cas pour les maires qui sont nommés. Enfin, la centralisation des désignations ne tient aucun compte de la diversité des situations entre les provinces. Il n'est pas étonnant que le président Karzaï soit très fortement opposé à toute proposition de décentralisation des pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Contestant l'analyse du Dr Abdullah, Mme Joëlle Garriaud-Maylam s'est interrogée sur la pertinence d'une décentralisation dans une société qui reste, selon elle, fondamentalement tribale.

Le Dr Abdullah Abdullah a fait remarquer que ceux qui souhaitent développer les institutions centrales et un État fort avant de décentraliser ne tiennent pas compte des enseignements de l'histoire. L'expérience historique de l'Afghanistan, depuis 200 ans, a montré que tous les pouvoirs forts et centralisés ont dérivé en dictature. Il a affirmé sa conviction que la décentralisation est la seule solution démocratique pour l'Afghanistan même si sa mise en place se heurtera certainement à des problèmes et à des oppositions dans un premier temps.