La mission procède à l'audition de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie, auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Merci, madame la ministre, d'être venue répondre à nos questions.
Nous avons procédé à de nombreuses auditions et fait maintes visites qui nous ont beaucoup appris. Le président et le rapporteur de cette mission commune, qui se veulent pragmatiques et réalistes, qui ont les pieds sur terre, veulent que les élus soient éclairés sur les décisions à prendre. Ils se posent aussi des questions sur le comportement de la France - pas toujours exemplaire - vis-à-vis de l'Europe. Sur la réglementation européenne, nous sommes dans l'incertitude alors que les élus sont obligés d'engager d'importants investissements sans savoir à quoi s'en tenir. Or, la France est responsable de cette incertitude ; c'est notamment à cause d'elle que la directive sur les sols n'est pas sortie à temps. Si nous en disposions, les règles du jeu seraient claires, alors que, actuellement, les élus sont contraints de prendre, avec l'argent du contribuable, des paris osés qui engagent pour des décennies.
Je donne la parole à notre rapporteur Daniel Soulage qui est à l'origine de cette mission commune.
Nous voudrions en effet que le Sénat puisse éclairer les élus sur la conduite à tenir.
Ma première série de questions porte sur le compostage. La France doit favoriser le retour au sol de la matière organique, en raison de l'appauvrissement de ses sols. Toutefois, la norme NFU 44-051 est insuffisamment sévère, en particulier pour les métaux lourds. Comment cette norme a-t-elle été élaborée, pourquoi avoir retenu des seuils inférieurs à ceux des autres pays européens et des projets de directive en matière de protection des sols et de biodéchets ? Dans ces conditions, peut-on fonder sur le respect de cette norme un choix de mode de traitement ?
Le ministère semble défavorable au tri mécano-biologique (TMB) sur les ordures ménagères résiduelles (OMR). Est-ce dû au fait que ce procédé ne permet pas de respecter la norme ?
La prochaine réglementation européenne risque-t-elle d'imposer, en matière d'épandage des composts, non pas une obligation de résultat mais une obligation de moyens, ce qui pourrait aboutir, à terme, à l'interdiction du TMB ?
Je vous remercie de m'avoir sollicitée pour traiter d'un sujet mal connu de nos concitoyens, même s'il affecte leur vie quotidienne et si nos collectivités sont obligées d'y consacrer des budgets considérables. Les Grenelle ont permis d'établir une hiérarchie dans les priorités, en fonction desquelles nous avons sorti une feuille de route pour les trois ans à venir, ainsi que, il y a six mois, un « Plan d'action déchets ». La feuille de route donne la priorité à la prévention : production de déchets en diminution de 7 % en cinq ans -soit 5 kilos en moins par habitant et par an. Ensuite elle vise l'augmentation du taux de recyclage et de valorisation - 45 % en 2012 - puis la diminution de 15 % de la masse des déchets incinérés ou stockés.
Le sujet est délicat car, lors de la campagne présidentielle, un moratoire avait été demandé pour la construction d'incinérateurs. Accepter ce moratoire, c'était se heurter à une impasse physique ; déjà 31 territoires sont menacés par cette impasse. On a donc tenté de parvenir à un compromis visant à diminuer in fine la masse de déchets enfouis ou incinérés.
Sur le traitement des déchets, il faut en finir avec l'idée qu'il y aurait une solution miracle ; il n'existe qu'un ensemble de solutions complémentaires, à adapter en fonction des divers territoires.
Il faut aussi se méfier des effets de mode. Sur le TMB, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a ce mois-ci publié un avis qui est très clair. Ce n'est absolument pas la solution miracle car ce procédé doit être sécurisé en amont, avec un tri très rigoureux, et en aval, pour que le compost soit accepté ; à défaut, tout va à l'incinération. Le procédé est en outre coûteux.
La dimension des unités de traitement est essentielle : les installations doivent correspondre à 60% des déchets d'un territoire ; reste à s'entendre sur la définition d'un « territoire »... Ce pourcentage est cohérent avec nos objectifs de recyclage car les incinérateurs ou les décharges surdimensionnés deviennent des aspirateurs à déchets.
Il faut aussi être irréprochable sur le suivi du traitement final des déchets. Par exemple, c'est la question des dioxines qui avait provoqué la demande de moratoire ; maintenant elle est devenue tout à fait mineure. Il faut donc tout faire pour améliorer le contrôle du traitement, assurer la transparence du processus et l'information du public. Seule l'acceptabilité des installations nous permettra d'éviter les impasses.
Les choix en matière de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) visaient à favoriser la valorisation et le recyclage par rapport à l'incinération et au stockage. Il faut aussi mettre en place le système le plus stable possible afin que les élus ne soient pas régulièrement confrontés à de nouvelles règles.
Le plan Ademe de 2008 se met en place. En 2009, il a permis d'accorder 130 millions d'aides alors que la TGAP permettait d'en collecter 105.
J'en viens à vos questions.
La norme NFU 44-051, élaborée avec toutes les parties prenantes de la filière, a été approuvée en avril 2006, mais n'a été mise en application généralisée qu'en mars 2009. Elle représentait un progrès par rapport à celle de 1981, notamment pour les métaux lourds, mais elle est encore perfectible et des travaux sont en cours pour l'améliorer. Un groupe de travail a été chargé d'élaborer une Charte nationale sur la qualité des composts, indispensable pour leur assurer des débouchés. Cette charte sera examinée par le Conseil national des déchets (CND) début juillet.
Dans le choix d'un mode de traitement, le respect de cette norme NFU 44-051 est un minimum. Mais il faut aller plus loin dans l'acceptabilité des composts. Cela requiert des investissements importants et des conditions d'exploitation rigoureuses. Partout où l'on a été à l'économie, cela a conduit à l'échec. On ira donc vers davantage de sévérité.
Sur le TMB, nous sommes réservés....
parce que tout dépend et du tri amont et de la valorisation. Ce TMB ne peut être qu'une solution entrant avec d'autres - méthanisation, incinération, décharge - dans un cadre global. Et si on choisit cette solution, il faut y consacrer de gros moyens. C'est encore très expérimental...
Ce n'est donc pas une solution pour extraire la fraction fermentescible des OMR...
La norme relative aux composts devra évoluer dans le sens d'une obligation de résultat.
L'Europe ne risque-t-elle pas de nous imposer une obligation de moyens ?
Les agriculteurs veulent un compost de qualité mais cela suppose presque un ramassage de porte à porte. Et à quel prix ! Avons-nous les moyens de nos objectifs ?
On va vers une obligation de résultat ; une norme plus sévère serait souhaitable.
Au-delà de l'acceptabilité sociale, le ramassage de porte à porte n'est pas une garantie ! Il comporte aussi un risque.
Si la collecte sélective augmente les coûts, elle permet aussi de réaliser des économies car on peut collecter moins souvent.
Les chercheurs nous disent que les OMR sont de moins en moins polluées, comme les fermentescibles.
Notre mission considère que les différents gouvernements qui se sont succédé n'ont jamais abordé le problème par le bon bout, en se focalisant beaucoup trop sur l'aval et non sur l'amont. Maintenant, vous avez le courage de le prendre par le bon bout : ne demandez pas tout au citoyen, et sollicitez peut-être davantage ceux qui profitent de la situation...
En effet, il faut commencer par les gros flux de déchets organiques - les cantines et restaurations publiques. Ensuite on en viendra au porte à porte qui suppose une bonne information des citoyens, et qui ne dispensera pas d'une intervention manuelle ultérieure. Un jour peut-être, la qualité du tri amont la rendra inutile. La campagne sur les ampoules ou le papier, par exemple, n'a pas encore donné les résultats souhaités...
En amont toujours, nous avons fait un travail sur la filière Responsabilité élargie des producteurs (REP). Nous réfléchissons aussi à des dispositifs de bonus-malus mais à ce sujet, il n'y a pas consensus : les produits sources de déchets importants sont souvent les moins chers et il ne faudrait pas que ces dispositifs se retournent contre les plus défavorisés et deviennent un mécanisme « anti-pauvres ».
Sur l'éco-conception, les professionnels sont en progrès mais nous ne disposons pas encore de normes ou de règles qui déterminent vraiment qu'un produit est « éco-conçu ».
Les professionnels ne font pas toujours beaucoup d'efforts...
J'en viens à nos questions sur l'incinération. C'est maintenant une technique maîtrisée qui ne pose plus de problèmes pour la santé humaine. C'est pourquoi nous regrettons que le gouvernement ait cédé aux lobbies des associations et que, dans ses choix, il ait si peu tenu compte des avis des scientifiques. Le Comité de suivi du Grenelle, par exemple, ne comprend pas de scientifiques ! En revanche les associations écologistes sont dans tous les comités de suivi. La Suède, où les gens sont sensibles à l'environnement, a basé toute sa politique de croissance verte sur l'incinération. Bien entendu, il s'agit de placer les installations au bon endroit - en milieu urbain comme on le fait en Autriche ou à Monaco - sans écouter les conseils d'associations fantaisistes.
Quelle est donc la position du gouvernement sur l'incinération ? Sur son intérêt économique et énergétique ? Quels signaux entend-il donner pour favoriser le renouvellement du parc d'incinérateurs, notamment dans le Sud de la France ? L'incinération n'est-elle pas un moyen d'atteindre nos objectifs en matière de chaleur renouvelable et l'Ademe ne devrait-elle pas aider les collectivités à mettre en place des réseaux de chaleur ?
En France, on est persuadé que, dès lors qu'un produit est naturel, il est bon et sans danger. L'arsenic dans le sol, par exemple, serait bon parce que naturel ... Envisage-t-on pour les chaudières à bois des normes au moins aussi sévères que pour les incinérateurs, qui sont beaucoup moins toxiques ?
Le problème n'est pas d'améliorer les incinérateurs existants ; il est vrai que nous sommes confrontés à de vives oppositions dès qu'il s'agit de créer de nouveaux incinérateurs ou de nouvelles décharges.
Je ne suis pas d'accord. Avant le Grenelle, nous étions dans une impasse, confrontés à une telle multiplication des recours que les préfets ne signaient plus aucune autorisation de peur d'être désavoués. Le Grenelle a donc fixé un principe simple : on accepte tout incinérateur dès lors qu'il traite 60% du tonnage d'un territoire et c'est ainsi que celui de Flamoval a été autorisé - non sans difficultés... Sans ce principe, nous n'aurions jamais pu le faire accepter. Ces oppositions sont d'ailleurs de toutes les couleurs politiques.
La priorité est donc la diminution du volume des déchets. Puis viennent la valorisation et le recyclage et, enfin, l'incinération.
Nous avons confié à l'Institut National de l'environnement industriel et des risques une étude scientifique qui permettra d'optimiser la surveillance de la directive Déchets, laquelle conçoit l'incinération comme productrice d'énergie en même temps qu'éliminatrice de déchets.
Nous avons plus d'incinérateurs que nos voisins mais ils sont plus petits : le problème est donc de définir une taille adéquate pour le territoire dont ils doivent traiter 60% des déchets.
S'agissant des chaudières à bois, il faut distinguer entre bois brûlé et bois utilisé comme biomasse. Ce sont les chaudières anciennes, extrêmement polluantes, qui font problème. Nous envisageons un crédit d'impôt incitant à les renouveler plus rapidement et, à cet effet, nous allons sortir un plan Particules. Quant aux nouvelles chaudières, leur taux d'émission est faible.
L'important c'est d'incinérer le moins possible de déchets et, donc, d'agir en aval. A cet égard le verre est idéal parce qu'on peut le recycler indéfiniment. C'est sur le recyclage indéfini des tissus, des cartons et même des plastiques qu'on doit travailler.
Quand le Grenelle 2 passera-t-il en commission mixte paritaire ? Y a-t-il un recours de l'Assemblée nationale auprès du Conseil constitutionnel ?
Quelle est votre position sur les plans départementaux qui prônent uniquement la méthanisation, avec un pourcentage important de déchets résiduels à mettre à l'enfouissement ? C'est le cas dans le département de l'Oise où, malgré l'avis négatif du préfet et du commissaire enquêteur, le président du conseil général veut passer en force, remettant en cause le projet d'incinérateur présenté par un syndicat que je préside.
En matière de TGAP, y aura-t-il une différence entre les déchets à incinérer et ceux à livrer à l'enfouissement technique ? Le président du conseil général refuse l'incinération au motif que la méthanisation serait plus économique.
On ne parle pas des produits résultant de l'incinération comme les mâchefers. La réglementation européenne se durcit. Pourrait-on avoir des précisions ?
Comment expliquer que seule l'incinération bénéficie du soutien d'Eco-emballages et soit exonérée de TGAP ? Serait-ce le seul procédé vertueux sur notre territoire ?
Sur le verre : la directive-cadre et notre plan d'action privilégient bien cette priorité du recyclage. Je vous rappelle la hiérarchie des modes de traitement : prévention, recyclage, valorisation, incinération et stockage. Nous nous y tenons. La filière REP incite aussi à l'éco-conception.
La CMP du Grenelle 2 devrait se tenir les 15 et 16 juin, pour un passage en séance publique les 28 et 29.
A ma connaissance, le plan départemental de l'Oise n'est pas encore approuvé. Dès lors que le Grenelle 2 sera voté, les plans devront prendre en compte les projets en cours, y compris les incinérateurs.
Sur les mâchefers issus de l'incinération, un groupe de travail est à l'oeuvre dont l'objectif est de modifier la circulaire de 1985.
Monsieur Pastor, sur la TGAP, nous n'avons exonéré que les bioréacteurs.
Sur la TGAP appliquée à l'incinération, nous avons une modulation très large qui va de 2,6 à 14 % et nous resterons sur la ligne que nous avons fixée.
Les bioréacteurs n'existent pas ! Ce n'est pas parce que les parlementaires votent une loi que les choses se mettent à exister. Je reçois des courriers inadmissibles de la part de partenaires de l'Ademe. Pourquoi donc seule l'incinération est-elle exonérée de TGAP ? Il faudrait remettre à plat l'ensemble du dispositif. Pourquoi n'encourager qu'une seule technique ?
Tous les modes de traitement sont exonérés sauf les refus de la méthanisation mis en stockage, cela afin d'encourager le recyclage, la valorisation et la prévention.
Sur la TGAP, nous n'en sommes qu'au début. Il faut se mettre d'accord sur les techniques vertueuses à exonérer de TGAP, sur les techniques à condamner et auxquelles on applique une forte TGAP et sur celles qui, à un niveau intermédiaire, sont à taxer plus ou moins.
C'est le travail que nous avons engagé.
Il faut veiller à ce que, lorsqu'on vote une loi, on ne vienne pas par derrière saboter le travail.
Sur les normes, je dois rappeler que les élus investissent des centaines de millions pour des décennies. Il est inadmissible de venir leur dire, trois ans après, que les données ont changé. C'est de l'irresponsabilité politique ! Il faut des règles du jeu, même si elles sont drastiques.
Madame Didier, il faut en effet porter attention à la phase d'amont et notre mission souhaite que ce travail de tri et d'éco-conception soit le préalable à tout traitement.
J'en viens à nos questions sur la méthanisation.
Quels enseignements tirez-vous de l'expérience de l'usine Amétyst de Montpellier ? Existe-t-il des unités de méthanisation qui produisent plus d'énergie qu'elles n'en consomment ? A ma connaissance, le rapport serait plutôt de 80 % consommés par l'installation elle-même pour 20 % exportés...
Il faut aussi prévoir de grandes décharges car il sort plus de camions qu'il n'y en entre ...
La méthanisation, seule, est-elle économiquement pertinente ? Les Allemands et la plupart de nos voisins estiment que tout ce qui en résulte doit être considéré comme des déchets.
Le premier défaut de l'usine de Montpellier réside dans les économies qu'on a voulu faire au départ en ne choisissant pas les meilleures technologies, si bien qu'on a dû, pour corriger les dysfonctionnements, faire à nouveau de très lourds investissements. Autre défaut de cette usine : le bac de réception de déchets verts situé en pleine ville et qui n'est pas couvert ! A l'origine, l'installation n'était pas en pleine ville, mais l'endroit s'est par la suite urbanisé. Théoriquement, la méthanisation pourrait produire plus d'énergie qu'elle n'en consomme. En réalité, il n'y a pas d'exemple qu'il en soit ainsi, il y a toujours ensuite incinération ou stockage.
Quelle est la validité de la méthanisation ? C'est une question à laquelle on ne peut répondre dans l'absolu. Si l'on a à traiter un volume suffisant de déchets organiques, ceux de la restauration collective ou des cantines, par exemple, ce procédé peut être intéressant à intégrer dans un dispositif global.
Lorsque l'on est responsable d'une unité usant d'une technique qui ne fonctionne pas, il est préférable de le reconnaître, surtout quand on est un élu ...
Il est des cas où la technique fonctionne bien, à Lille par exemple, où elle est adaptée au territoire, à la qualité des déchets traités.
Nous avons constaté que la méthanisation fonctionne bien quand elle se combine à des solutions complémentaires, notamment l'incinération, comme c'est le cas en Suède. Car la méthanisation n'est faite que pour traiter les déchets fermentescibles.
Dans les éco-quartiers en Suède, une collecte sélective en porte à porte a été mise en place, mais on se rend compte qu'en pratique, elle ne fonctionne pas.
Nous avons demandé au responsable combien de personnes étaient concernées par ce type de collecte ; il nous a répondu que tous ceux qui le voulaient pouvaient s'inscrire en mairie, mais il a bien fallu qu'il nous avoue qu'il était seul à l'avoir fait...
Quid de la méthanisation agricole dont parle la loi de modernisation agricole ? En examinant de près un projet, j'ai constaté qu'elle soulevait bien des problèmes : les matières des exploitations agricoles sont énergétiquement pauvres ; il faut y ajouter des triglycérides. La technique est-elle économiquement viable, et à quelles conditions ? Les investissements sont très lourds : les agriculteurs ne peuvent y faire face seuls.
La méthode permet aussi de tirer parti des déchets d'abattoir, des boues, mais nous traitons ici de la question des déchets ménagers.
La méthanisation des ordures ménagères résiduelles n'est pas satisfaisante. Or, réduire la TGAP sur les centres qui en sont équipés, c'est bien favoriser cette démarche. Est-il pertinent de soutenir ainsi des solutions qui ne sont pas totalement efficientes ?
Quelles instructions donneriez-vous au préfet dans le cas où un plan départemental arrêté par le conseil général exclurait les projets multifilières associant méthanisation, incinération et collecte sélective en amont ?
Quel est votre point de vue, madame la ministre, sur la collecte sélective des biodéchets ? Elle peut avoir du bon pour améliorer la technique de la méthanisation, dont il faut juger par une approche sur l'ensemble de la collecte.
La méthanisation fonctionne bien sur des déchets homogènes, en quantité suffisante. Le retour sur investissement est alors très rapide : sept à dix ans. L'intérêt de la méthanisation des ordures ménagères, monsieur Dubois, dépend du flux de déchets, de la taille du territoire, et de la complémentarité avec les autres méthodes de traitement. J'ai cité l'exemple réussi de Lille, où la méthanisation s'inscrit dans un continuum. Il n'y a pas de réponse toute faite.
Sur le problème de plan départemental que vous soulevez, monsieur Vasselle, le préfet aura instruction, dès lors que la loi sera définitivement adoptée, de ne pas approuver un plan qui contreviendrait à ses objectifs.
Mais si un tel plan venait à être adopté avant que la loi ne soit votée ?
Je ne crois pas que ce sera le cas.
Oui, monsieur Muller, il faut, je l'ai dit et je le répète, considérer les choses selon une approche globale.
L'exemple de Lille nous a séduits. Le centre n'est alimenté que par des biodéchets, collectés principalement auprès des gros producteurs. Un essai de collecte de quartier est conduit, mais qui se heurte à toutes sortes de difficultés, à commencer par un problème de taille.
Et il y a une concurrence sauvage avec la Belgique sur la matière fermentescible : les Belges vendent leur électricité plus cher.
Je propose que nous passions à la question du stockage. Certains pays européens ont proscrit l'enfouissement, sauf pour les déchets ultimes. Estimez-vous qu'il faille faire de même en France pour les ordures ménagères résiduelles ? Pensez-vous que ce puisse être pertinent sur certains territoires ? Si l'État veut diminuer le tonnage, il peut le faire rapidement : il lui suffit de donner instruction aux préfets de réduire le tonnage à l'entrée dans les centres. Mais il faudra trouver d'autres solutions pour les déchets qui ne seront plus traités.
Sur la question du bioréacteur, on constate que le gouvernement a tout fait pour donner satisfaction à M. Pastor. Reste que l'on aura beau réduire la TGAP en tenant compte du captage du biogaz, si l'étanchéité n'est pas assurée, rien n'y fera, et en tout état de cause, l'année de la construction de l'alvéole, le gaz s'échappera... On ne peut donc donner satisfaction à M. Pastor, sauf à ouvrir, sur la question des décharges, une boîte de Pandore. Je puis vous dire qu'ayant moi-même une décharge sur ma commune, j'ai suivi la question de près, et je pense n'être pas le seul...
Le gouvernement a privilégié, avec la modulation de la TGAP, la voie de l'incitation fiscale. D'autres pays ont choisi d'interdire, non pas le stockage, mais l'enfouissement de certains déchets valorisables, comme le carton. L'interdiction sélective sur certains types de déchets constitue de fait une piste à explorer.
Tous les territoires ne sont pas égaux en matière de stockage. Si la méthanisation peut être une solution pour les centres urbains denses, comment éviter l'enfouissement dans les zones faiblement peuplées, sauf à promener les déchets par la route... ? Retenir d'autres solutions suppose de pouvoir investir sur une longue période : surtaxer l'enfouissement de certains déchets serait pénaliser les collectivités rurales. Vous ne trouverez, au reste, personne pour militer en faveur des décharges, mais il faudra bien en ouvrir, ne serait-ce, d'ailleurs, que pour la méthanisation... Il ne serait pas juste qu'existent des incitations via la TGAP pour des solutions qui fonctionnent mal, tandis que l'on pénaliserait dans le même temps le stockage. Dans mon département, s'il y a un centre de stockage, c'est parce qu'il n'y a pas d'incinérateur. Et je ne suis pas seul dans mon cas.
Nous avons tout à l'heure mis en garde, madame la ministre, contre les modes : la méthanisation n'en est-elle pas une ? Si les élus s'en sont saisis, n'est-ce pas parce que les autres méthodes ne bénéficient pas de mesures incitatives ?
On ne peut pas se contenter de se réfugier derrière le constat de la diversité des territoires. On peut distinguer, globalement, le milieu urbain dense, le périurbain et le rural. N'existe-t-il pas, dans 90 % des cas, des techniques adéquates convenant à chacun de ces trois cas ? Ne poussons pas les élus à se singulariser par le choix d'un mode de traitement inédit, ils n'y ont que trop tendance. En ces temps où l'argent public se fait rare, une aide à la décision ne serait pas malvenue, pour les aider à choisir le meilleur traitement, au meilleur coût.
Nous parlons, s'agissant des déchets, d'une compétence, transférée en 2004 par la loi relative aux libertés et responsabilités locales, et qui concerne 15 000 à 20 000 collectivités ou établissements. Autant il nous est possible de définir de grandes orientations, et de produire une fiche technique sur les différentes méthodes, autant ni l'État, ni l'Ademe n'ont les moyens de conseiller plus de 15 000 structures différentes.
La gestion des déchets ménagers est certes du ressort des collectivités, mais les décideurs n'ont pas toujours les compétences qui leur permettraient de faire le bon choix. Vous disposez d'un bras armé : la subvention. Aider une technique, c'est la labelliser. C'est bien pourquoi vous avez choisi de ne pas aider le tri mécano-biologique.
Sans doute, mais il reste que nous ne sommes pas en mesure de dispenser des conseils individualisés. Dans chaque région, l'Ademe ne compte pas plus de quinze personnes, mobilisées sur tous les sujets : énergie, déchets, qualité de l'air...
Peut-être, mais une collectivité ou un syndicat qui se lance dans une vraie réflexion mérite d'être accompagné.
Puisque vous évoquez les compétences de l'Ademe, je puis vous dire que son directeur régional, en Picardie, soutient désormais le projet du président du conseil général alors que ce dernier se prononce contre la technique de l'incinération... Les parlementaires que nous sommes n'ont peut-être pas eu raison de confier aux conseils généraux la compétence de la planification, alors que ce ne sont pas eux qui gèrent la collecte et le traitement. Peut-être faudra-t-il profiter de la loi sur les compétences des collectivités pour remettre les choses à plat...
Il est vrai que cela pose problème. Il serait intéressant de savoir si ce type de difficulté se rencontre dans d'autres départements que l'Oise, où le président du conseil général outrepasse, de toute évidence, ses prérogatives. Le plan départemental doit être en cohérence avec les initiatives des communes, qui engagent de très lourds investissements. Nous comptons sur vous, madame la ministre.
La facturation incitative, madame la ministre, est bien difficile à mettre en place en zone rurale, je puis vous le dire d'expérience, comme président du syndicat du Pays de Gourdon.
Et c'est encore plus difficile en milieu urbain. Il y a là un vrai problème. La part variable ne peut en aucun cas dépasser 30 % : cela vaut-il la peine de créer une usine à gaz qui, en dernière instance, revient très cher à l'usager ?
Tarification, facturation, redevance : que recouvrent ces termes ? J'aimerais savoir comment le gouvernement évalue ces dispositifs.
La redevance incitative, expérimentée de préférence dans les communes rurales, consiste à moduler la redevance en fonction du service rendu. Le principe de la tarification consiste, quant à lui, à introduire une part variable dont nous n'avons pas fixé le montant : elle ne doit cependant pas être trop importante, faute de quoi on ne pourrait pas gérer le système. Nous avons prévu cinq ans pour mettre en place le dispositif, qui requiert un travail conjoint avec le ministère des Finances et le ministère de l'Intérieur, dans la mesure où se posent les questions de l'équilibre des budgets annexes et du recouvrement.
Quel est le sens d'une tarification incitative dès lors qu'une part importante du coût est financée par le budget général ? Là est le problème.
La difficulté vient plutôt des règles comptables et fiscales. Se posent la question des budgets annexes, qui doivent obligatoirement être en équilibre, et celle du recouvrement par les services fiscaux : il faut que les collectivités aient l'assurance d'encaisser un produit.
Les services fiscaux nous facturent 8 %, pour le recouvrement, c'est énorme. Nous pourrions le faire nous-mêmes à moindre coût. Et comment inciter quand une bonne partie du financement est assuré par le budget général ?
La part variable restera toujours minoritaire.
Il peut arriver que le citoyen ne paye que 40 % du service. Que reste-t-il à l'incitation ?
En milieu rural, la variation de la TGAP est fonction des méthodes de traitement et de stockage. Cela est bien plus efficace que l'incitation par la tarification, qui est une véritable usine à gaz. Je suis président d'un syndicat qui compte un centre d'enfouissement technique, géré par une société privée. Nous avons tout intérêt à ce que de moins en moins de déchets y soient acheminés. L'incitation par la TGAP est efficace pour tuer les circuits non vertueux.
Nous pourrions aller plus loin dans la modulation, pour la rendre plus équitable : ce n'est pas parce que l'on a une grande maison que l'on produit plus d'ordures, pour peu que l'on y vive seul.
Les plus fervents partisans de la tarification incitative sont les opérateurs. Les grands groupes ont bien compris la manne que pouvait représenter le système.
Je remercie Mme la ministre d'avoir répondu à l'invitation de notre mission commune d'information et j'espère qu'elle ne m'en voudra pas de la véhémence de son président. Qu'elle ne voie là que souci de l'intérêt général : je regrette que les gouvernements successifs n'aient pas fait en temps utile ce qu'ils auraient dû faire. Nous avons une ministre efficace : accompagnons-la !