Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 11 décembre 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission a procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

a tout d'abord évoqué la visite en France du colonel Kadhafi, en rappelant que la Libye était aujourd'hui un Etat en cours de réintégration au sein de la communauté internationale. Elle a d'ailleurs été désignée à l'unanimité par son groupe géographique pour devenir membre du Conseil de sécurité des Nations unies, dont elle exercera la présidence au mois de janvier 2008. En 2003, le renoncement de la Libye au terrorisme et à son programme nucléaire militaire a été largement salué. Depuis lors, un très grand nombre de pays ont repris les contacts avec les dirigeants libyens, la visite du président Chirac à Tripoli en 2004 en étant un exemple parmi d'autres. Lors du Conseil affaires générales et relations extérieures du 10 décembre, l'Union européenne s'est félicitée des perspectives de conclusion d'un accord-cadre dans lequel elle voit un tournant de ses relations avec la Libye. Il faut rappeler qu'avant d'arriver à Paris, le colonel Kadhafi s'était rendu au Portugal et qu'il poursuivra sa visite en Europe par un séjour en Espagne.

a estimé que la France avait d'autant moins de raisons de se refuser à recevoir le Chef d'Etat libyen qu'elle a précisément témoigné de son engagement fort en matière de défense des Droits de l'homme, en oeuvrant de manière décisive à la libération des infirmières bulgares. Cette libération constituait d'ailleurs une condition indispensable à l'intensification des relations bilatérales.

a ajouté qu'il était pour autant légitime d'exprimer les réticences que peut inspirer le régime libyen du point de vue des Droits de l'homme. Il a indiqué qu'à titre personnel, il avait douloureusement ressenti la disparition en Libye de l'imam libanais Moussa Sadr, fondateur du mouvement chiite des déshérités. Il a souligné que les autorités françaises, à l'occasion de cette visite, marqueraient très clairement leurs préoccupations en matière de respect des Droits de l'homme, comme elles l'avaient fait, lors des récentes visites du Président de la République et lors de ses propres visites en Chine et en Russie. Il a estimé que dans une économie mondialisée, la France ne pouvait se permettre d'exclure toute relation avec certains partenaires importants, mais qu'elle ne devait pas pour autant renoncer à affirmer ses valeurs. Il a d'ailleurs précisé qu'il comptait renforcer le rôle des ambassades comme « maisons des Droits de l'homme », relais de la politique française de défense et de promotion des Droits de l'homme.

a ensuite abordé la question du Kosovo, en indiquant que le Conseil affaires générales du 10 décembre avait pris acte de l'impossibilité de trouver une solution acceptée par la Serbie et les représentants du Kosovo, en dépit du délai supplémentaire laissé à la négociation à l'initiative de la France. Les Européens s'accordent à considérer que l'indépendance du Kosovo est inéluctable, même si certains d'entre eux ont indiqué que pour des raisons nationales, ils ne pourront pas reconnaître une déclaration unilatérale d'indépendance. Il importe donc de maintenir une unité d'expression de l'Union européenne respectant la diversité des positions des Etats-membres, puisque certains reconnaîtront l'indépendance du Kosovo et d'autres pas. En tout état de cause, il est très souhaitable qu'aucune décision n'intervienne avant les élections présidentielles prévues en Serbie fin janvier et début février, sauf si celles-ci devaient être reportées.

Le ministre des Affaires étrangères et européennes a souligné que le maintien d'une présence internationale au Kosovo posait un double problème de légalité et de responsabilité. Si l'on devrait, sur le plan juridique, continuer à s'appuyer sur la résolution 1244, il est important que la responsabilité des Européens, pour une question qui relève de l'Europe au premier chef, soit clairement établie. Il est fondamental qu'un accord puisse intervenir au Conseil européen du 14 décembre sur l'envoi d'une mission de police et de justice européenne qui prendrait le relais de la mission des Nations unies instaurée en 1999. Le débat prévu le 19 décembre au Conseil de sécurité sous présidence italienne sera vraisemblablement difficile. En tout état de cause, il faut être en mesure de faire face à tout incident ou toute provocation, afin d'éviter des affrontements ou un exode des populations serbes du Kosovo. Parallèlement, il est nécessaire que l'Union européenne marque clairement sa volonté de considérer la Serbie comme un candidat à l'adhésion.

a ensuite évoqué le nouvel ajournement de l'élection présidentielle au Liban. Il a donné des précisions sur les difficultés liées à la nécessité de réformer la Constitution pour permettre la candidature d'un haut fonctionnaire, l'opposition liant son appui à un accord politique plus global, à l'heure actuelle jugé inacceptable pour la majorité. Il a estimé que dans un contexte de fortes pressions extérieures, ces objections pouvaient apparaître comme un nouveau prétexte pour ne pas trouver d'issue à la crise politique. Il a cependant souligné que le départ du président Lahoud, l'absence de nouveau Président de la République, n'avait donné lieu à aucun trouble. Il a également jugé positif qu'un consensus ait été établi sur un candidat à la fonction présidentielle, en la personne du général Michel Sleimane. Enfin, il a indiqué qu'il serait difficile de progresser vers un règlement de la crise sans dialoguer avec la Syrie et l'Iran.

Le ministre des Affaires étrangères a ensuite salué les résultats de la conférence d'Annapolis, dans laquelle il a vu un succès notable insuffisamment reconnu. Il s'est notamment félicité de la perspective ouverte pour la conclusion, avant la fin de l'année 2008, d'un accord menant à la création d'un Etat palestinien. Il a souligné l'importance de la conférence des donateurs, qui se déroulera à Paris le 17 décembre, en indiquant qu'une attention particulière serait portée au contrôle, à la transparence et au suivi des projets, afin de s'assurer que les fonds leur seront directement affectés. Il a reconnu que l'Union européenne, comme d'ailleurs les autres parties au Quartette, ne figurait pas, aux côté des Etats-Unis comme garant du suivi du processus engagé à Annapolis, même si elle était représentée à la conférence par Javier Solana, Benita Ferrero-Waldner et Tony Blair. Il a néanmoins indiqué que le succès de la conférence et la dynamique engagée n'étaient pas une garantie d'aboutissement. Les réunions de Paris, puis celle vraisemblablement tenue à Moscou en 2008 devraient structurer et poursuivre le processus.

Evoquant le Darfour, M. Bernard Kouchner a fait part des obstacles entravant le déploiement des troupes de la MINUAD au Darfour, si bien qu'il ne sera pas effectif avant janvier, comme prévu dans la résolution 1769. Il a également précisé que le démarrage de l'opération européenne au Tchad, qui vise à apporter assistance aux personnes déplacées et à empêcher les incursions des milices dans les camps de réfugiés, butait sur un besoin de 14 hélicoptères actuellement non satisfait. Il a vivement regretté ces difficultés, alors que les problèmes de sécurité et la situation humanitaire continuaient à se dégrader en l'absence d'intervention internationale, en particulier au Tchad où 400.000 personnes déplacées sont concernées, selon l'organisation non gouvernementale OXFAM.

Enfin, il a indiqué que le sommet Union européenne-Afrique de Lisbonne avait permis de nouer des contacts utiles avec plusieurs dirigeants africains, dans le prolongement de la « diplomatie de la réconciliation » que la France entend promouvoir. Il a notamment cité le cas de la Côte d'Ivoire et du Rwanda. Il a également estimé que l'Europe devait prendre acte du rôle croissant joué par la Chine en Afrique et chercher à mener avec celle-ci des actions en commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

A l'issue de l'exposé du ministre, M. Jean François-Poncet, président, a estimé que la visite du Colonel Kadhafi en France, tout comme la diplomatie de réconciliation mise en oeuvre en direction de la Côte d'Ivoire et du Rwanda, s'inscrivaient dans la continuité de la politique étrangère française. Il a regretté, en revanche, les divisions de l'Union européenne sur l'avenir du Kosovo, d'autant qu'elles s'ajoutent à la quasi absence de l'Union dans la tentative de règlement du problème israélo-palestinien entreprise sous l'égide américaine à Annapolis. Il a, enfin, souligné la nécessité de réintégrer le Hamas dans le processus de paix, d'autant que son influence progresse en Cisjordanie.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a évoqué le récent sommet Union européenne-Afrique, qui vient de se tenir à Lisbonne dans le cadre de la présidence portugaise de l'Union européenne, et a relevé le refus général des pays africains de conclure les accords de libre-échange, proposés par l'Union européenne en conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces accords, dont la date d'entrée en vigueur était prévue pour le 1er janvier 2008, auront pour effet, s'ils ne sont pas renégociés, de pénaliser fortement les activités vivrières et artisanales des pays africains, et de les priver des droits de douane qui constituent souvent leurs seules ressources fiscales.

Puis, elle a mis en garde le ministre contre une appréciation trop positive du processus de négociation, récemment lancé à Annapolis, estimant notamment qu'il n'existe plus de base géographique disponible pour créer un Etat palestinien viable. Outre la captation de l'eau potable par les colonies israéliennes, la répartition de ces colonies s'oppose à la constitution d'un ensemble géographique cohérent permettant à la population palestinienne de constituer un Etat. Elle a déploré que la partie israélienne ne manifeste aucun réel désir de paix, comme l'illustre la récente autorisation, par le Gouvernement d'Ehud Olmert, de la construction de 300 nouveaux logements israéliens à Jérusalem-Est. Elle a souligné que la progression de l'influence du Hamas en Cisjordanie découlait de l'absence d'un réel soutien apporté, par les puissances occidentales, au Président Abbas lors de son élection à la tête de l'Autorité palestinienne, il y a deux ans, et a conclu que l'ensemble de ces éléments ne pouvait conduire qu'à un constat d'absence totale de perspectives positives. Ce pessimisme est encore renforcé par le rôle joué par les Etats-Unis, qui ne se conduisent pas comme « un honnête courtier », mais soutiennent systématiquement le Gouvernement israélien, qui s'est méthodiquement employé à détruire toutes les infrastructures financées, dans les territoires palestiniens, par l'Union européenne. Elle en a donc conclu que les financements européens conduisaient, en réalité, à faciliter l'occupation israélienne dans les territoires palestiniens. Dès lors, elle s'est interrogée sur la légitimité de la conférence de Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Bergé-Lavigne

a évoqué la présence de dirigeants français de grands groupes industriels dans la délégation qui a accompagné le Président Nicolas Sarkozy lors de sa récente visite en Chine. Elle a souligné qu'à cette occasion, la société Airbus avait pu conclure d'importants contrats, et s'est interrogée sur leurs retombées positives pour les salariés français de cette entreprise. Ceux-ci sont, en effet, inquiets de l'annonce faite par le dirigeant d'Airbus, M. Louis Gallois, du projet de délocaliser hors de la zone euro de nombreuses activités, ce qui conduirait à la suppression d'environ 10 000 emplois.

En réponse, le ministre a apporté les éléments suivants :

- on peut regretter la diversité d'attitudes manifestée par l'Union européenne sur l'avenir du Kosovo, mais certains Etats membres redoutent que la perspective d'indépendance de ce territoire n'aient des conséquences négatives sur leur propre intégrité nationale : c'est par exemple le cas de Chypre et de l'Espagne. Il faut cependant rappeler que la priorité réside dans un règlement pacifique du problème du Kosovo, tout en préservant l'unité européenne dans le respect de la diversité des Etats qui la composent ;

- l'affirmation selon laquelle le Hamas étend son emprise en Cisjordanie n'est pas avérée : la récente libération de Naplouse par les forces de l'Autorité palestinienne en témoigne ;

- le Premier ministre Ehud Olmert, comme le Président Mahmoud Abbas, sont arrivés à la conférence d'Annapolis dans une position de relative faiblesse politique et leur engagement commun à négocier les a mutuellement renforcés ;

- le pessimisme trop souvent exprimé, notamment en France, sur les possibilités d'évolution positive de la conférence d'Annapolis est contredit par les Palestiniens eux-mêmes, qui s'y sont résolument engagés. La conférence des donateurs, qui va se réunir prochainement à Paris, permettra l'implication de tous les Etats intéressés à un retour de la stabilité régionale et suscitera en outre une pression internationale positive sur les deux partenaires ; les Européens et la diplomatie française, comme les palestiniens eux-mêmes, veulent aboutir à la création d'un Etat. Il serait paradoxal de ne pas mettre pleinement à profit l'occasion qui se présente aujourd'hui, même si les tentatives précédentes ont échoué ;

- l'Union européenne est associée aux discussions d'Annapolis, mais ce sont les Etats-Unis, puissance invitante, qui rendront publiques les avancées éventuelles ;

- les réactions face à l'annonce d'une possible délocalisation d'EADS en zone dollar ont été entendues ;

 - le Président Nicolas Sarkozy a mis à profit sa récente visite en Chine pour rappeler à Pékin la nécessité d'ajuster le niveau du yuan, manifestement sous-évalué. Les grands contrats conclus à cette occasion sont autant d'armes contre les délocalisations, et la vente d'avions par Airbus se traduira par des créations d'emplois en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

s'est interrogé sur les conditions de préparation et le contenu d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité sur le nucléaire iranien.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

a souhaité revenir sur la visite du colonel Kadhafi à Paris. S'il a considéré que la normalisation des relations avec la Libye était normale, il s'est interrogé sur le contenu de la démarche, notamment en ce qui concerne le respect des Droits de l'homme. Il a demandé des éclaircissements sur les conditions de la libération des infirmières bulgares, les contrats d'armements à l'étude, et la position de la Libye à l'égard de l'opération au Darfour. En particulier quelle est la stratégie militaire de ce pays et comment celle-ci est-elle prise en compte dans la négociation des contrats d'armement ? Il s'est également enquis des résultats du récent sommet de Lisbonne réunissant Union européenne-Afrique.

Il a regretté la manière dont l'Union européenne a négocié les accords de partenariat économique, devant se substituer au régime commercial préférentiel accordé par l'Union européenne aux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Ces accords ont été vivement dénoncés par plusieurs dirigeants africains, dont le Président sénégalais Abdoulaye Wade. La rencontre entre le Président de la République française et le Président ivoirien Laurent Gbagbo, va, en revanche, dans le bon sens. Il a rappelé que l'image de la France, en particulier en Afrique, pouvait être ternie par certaines prises de position comme celles résultant du discours de Dakar.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

a souhaité savoir si la France pourrait alléger son dispositif militaire au Liban et en Côte d'Ivoire, pour pouvoir se redéployer au Tchad et au Centre Afrique.

Tout en se félicitant des importants contrats conclus à l'occasion de la visite du Colonel Kadhafi, il a souligné l'importance de promouvoir l'accès des PME aux marchés étrangers.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

En réponse, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a apporté les précisions suivantes :

- sur l'Iran, le récent rapport des services de renseignement américains portant sur le programme nucléaire iranien a conforté la volonté française de poursuivre un dialogue exigeant avec ce pays ;

- à l'initiative de la France, et en concertation avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et en particulier avec l'Allemagne, le Conseil de sécurité des Nations unies pourrait adopter, d'ici à la fin de l'année, une résolution qui réaffirmerait nos positions sur la suspension des activités liées à l'enrichissement de l'uranium, et qui serait accompagnée d'un renforcement des sanctions économiques ;

- la France a découragé tout nouvel investissement de Total en Iran, et s'est ainsi montrée exemplaire ; d'autres pays se montrent plus réticents du fait de leurs intérêts économiques dans la région ;

- la rencontre entre le Président François Mitterrand et le Colonel Kadhafi, en 1984, avait déjà été consacrée au Tchad. La Libye n'est plus, aujourd'hui, un obstacle à l'opération au Darfour;

- chaque contrat d'armement conclu avec la Libye a fait l'objet de la stricte procédure d'autorisation requise par la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG), qui vérifie notamment que ces matériels ne puissent être utilisés contre nos propres troupes ou à un usage interne de répression ;

- au regard de la presse étrangère, l'image de la France s'est renforcée ces derniers mois, y compris vis-à-vis du rapprochement, sans alignement, avec les Etats-Unis. La France a obtenu de ses partenaires un délai supplémentaire de 4 mois pour aboutir à un accord sur le Kosovo, en dépit de la réticence initiale des Etats-Unis ;

- le rapprochement entre la France et la Côte d'ivoire, marqué par la récente visite du ministre français de la défense, et par la rencontre, à Lisbonne, du Président de la République avec le Président ivoirien, et le rapprochement avec le Rwanda, où des erreurs politiques ont été commises par le passé, s'inscrivent dans une diplomatie de la réconciliation voulue par le Président de la République ;

- une suppression du dispositif militaire français en Côte d'Ivoire n'est pas envisageable à court terme, du fait du souhait exprimé par les autorités ivoiriennes de voir ce dispositif maintenu ; une normalisation des relations entre les deux pays pourrait avoir lieu après des élections transparentes en Côte d'Ivoire.

De plus, le ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- la FINUL renforcée compte 13 500 hommes basés au Sud-Liban, dont un contingent italien de 2 500 soldats et un contingent français de 1 600 soldats. Le maintien de cette force est indispensable à la stabilité de la zone et il semble prématuré d'entreprendre son retrait, même s'il faut souligner que l'armée libanaise a considérablement renforcé ses capacités opérationnelles, comme l'a montré l'opération victorieuse qu'elle a menée, cet été, dans le camp de réfugiés palestiniens de Nar el Bared ;

- il est indéniable que les PME spécialisées dans l'exportation se situent sur des marchés de « niches », et n'ont pas la taille critique nécessaire. C'est pourquoi le président Sarkozy envisage l'élaboration d'un « Small business act » pour les soutenir ;

- lors du Sommet de Lisbonne, les réactions des chefs d'Etat africains aux accords de partenariat économique proposés par l'Union européenne ont effectivement été négatives. Il convient, dans l'immédiat, comme l'a proposé la Commission européenne, d'élaborer des accords intérimaires. Le contenu de futurs accords de partenariat à la fois respectueux des prescriptions de l'OMC et recueillant l'accord des pays africains, car contribuant vraiment à leur développement, sera délicat à établir.

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Maen Erekat, Directeur général de l'Unité de soutien aux négociations de l'Organisation pour la libération de la Palestine (OLP).

Debut de section - Permalien
Maen Erekat, Directeur général de l'Unité de soutien aux négociations de l'Organisation pour la libération de la Palestine (OLP)

a tout d'abord remercié la France pour sa longue tradition de soutien à la cause palestinienne, tant au sein de la population que des gouvernements successifs. Il a formé le voeu d'efforts accrus pour encourager les parties dans leur mission difficile pour conclure un accord de paix et clore un processus engagé de longue date.

Il a estimé que la réunion d'Annapolis ne marquait pas le terme, mais bien le début d'un processus. Pour la première fois depuis sept ans, cinquante pays ont manifesté leur soutien à la reprise des négociations pour définir le statut permanent des territoires palestiniens.

Il a considéré que trois éléments importants conditionnaient l'aboutissement du processus. Il convient en premier lieu d'aborder très rapidement les questions de fond : Jérusalem, la sécurité, l'eau, les réfugiés, les colonies et les frontières, sans éviter aucun de ces sujets. L'amélioration immédiate de la situation de terrain est indispensable, par la mise en oeuvre de la première phase de la feuille de route, qui prévoit notamment le gel de la colonisation. Il convient enfin de disposer d'un calendrier clair, qui offre un cadre temporel aux négociations. Le consensus d'Annapolis a fixé à la fin de l'année 2008 le terme des négociations. Un mécanisme de surveillance de la mise en oeuvre des engagements des parties, placé sous la responsabilité du Quartette ou d'un autre tiers est également indispensable.

A la suite de cette intervention liminaire, Mme Mouzna Shibahi, conseiller en communication de l'Unité de soutien aux négociations, a souligné l'importance de réaliser des progrès politiques, même si l'on ne doit pas négliger l'aide économique. Elle a rappelé que, depuis la réunion d'Annapolis, 31 Palestiniens avaient été tués, 74 blessés et 168 arrêtés. Elle a affirmé la nécessité de définir un calendrier pour les négociations et d'établir un mécanisme de suivi.

Elle a rappelé qu'aux termes du compromis accepté en 1988 par l'OLP, l'Etat d'Israël avait été reconnu comme établi sur un territoire représentant 78 % de la Palestine historique et que la revendication des Palestiniens portait, dès lors, sur un Etat représentant 22 % de ce territoire, de façon contiguë, y compris la bande de Gaza, bénéficiant d'un accès à l'extérieur et d'un contrôle total, tant terrestre qu'aérien, des Palestiniens sur ce territoire. Elle a souligné l'attachement des Palestiniens à l'établissement de Jérusalem-Est comme capitale pour des raisons liées au droit international, mais aussi à des questions religieuses, culturelles, politiques et sociales.

Pour ce qui concerne les réfugiés, au nombre de 6 millions, il faudra trouver un accord juste avec Israël sur la base de la résolution 194 des Nations unies.

Elle a ensuite indiqué que deux leçons principales avaient été tirées des sept années de négociation. Les propositions israéliennes, lors des négociations de Camp David en 2000, n'ont jamais été formulées par écrit, mais, en les transposant sur une carte, il apparaît que l'Etat palestinien, divisé en trois cantons, sans contrôle sur Jérusalem-Est et amputé du territoire de la colonie d'Ariel au nord, n'était pas viable. La vallée du Jourdain aurait en outre été placée sous contrôle israélien et aucune solution n'était apportée à la question des réfugiés. Le deuxième épisode riche d'enseignement est le désengagement unilatéral de Gaza. Alors que les 7.500 colons de Gaza ne représentaient que 2 % du total des colons, 15.000 colons supplémentaires se sont installés en Cisjordanie en 2005, pour l'essentiel autour de Jérusalem, et Gaza peut être comparée à une grande prison où sévit une grave crise humanitaire. Le taux de pauvreté y est passé de 23 % en 2005 à 79 % aujourd'hui.

Debut de section - Permalien
Hala Rashed, conseillère juridique de l'Unité de soutien aux négociations

a ensuite évoqué la situation de terrain, en soulignant la nécessité d'améliorations concrètes et rapides.

S'appuyant sur un diaporama, elle a successivement évoqué les colonies, le mur, les routes de contournement et les restrictions de mouvement affectant les territoires palestiniens.

Pour ce qui concerne les colonies, elles sont actuellement au nombre de 167 et regroupent 460.000 personnes. Il convient d'y ajouter une centaine de « postes avancés » qui se distinguent des colonies par l'absence de soutien du gouvernement israélien, du moins officiellement. Elle a précisé que les Palestiniens n'avaient pas le droit d'accéder aux territoires des colonies et que les populations étaient, par conséquent, soumises à des règles différentes : la loi militaire pour les Palestiniens et le droit interne israélien pour les colons.

Evoquant ensuite le mur, elle a indiqué qu'il n'incluait pas seulement 80 % des colonies déjà construites, mais également des terrains nécessaires à leur expansion, semblant préfigurer ainsi la frontière à venir. Elle a rappelé que la Cour internationale de justice avait qualifié le mur d'illégal, lors d'une décision rendue en 2004, 80 % de cet ouvrage étant construit en territoire palestinien.

Les routes de contournement désignent le réseau très efficace construit par Israël pour faciliter la circulation entre ses colonies, mais elles ont pour effet d'entraver celle des Palestiniens qui n'ont pas le droit de les utiliser.

Les restrictions de mouvement sont engendrées par quelque 561 points de contrôle et par le régime des fermetures internes. Elles canalisent les mouvements des Palestiniens en les éloignant des colonies et des territoires considérés comme stratégiques. Trois régimes différents de permis et d'autorisation administrative, qui supposent d'adresser des demandes à l'armée israélienne pour se déplacer, s'appliquent de part et d'autre du mur, pour l'accès à Jérusalem des non-résidents et pour l'accès à la vallée du Jourdain, à l'est de la Cisjordanie.

Commentant une carte incluant ces différents éléments, elle a indiqué que 12 % de la population de la Cisjordanie étaient annexés, de fait, par le mur, que 8 % étaient concernés par la colonisation et que 26 % correspondaient à la vallée du Jourdain, ce qui limite à 54 % de la Cisjordanie les zones, séparées les unes des autres, théoriquement disponibles pour un Etat palestinien.

Jérusalem et ses environs forment une zone de concentration urbaine qui représente 35 % de l'économie palestinienne. Or le développement urbain de Jérusalem-Est est entravé par celui des colonies qui, ajoutées au mur et aux routes de contournement, coupent de fait la Cisjordanie en deux.

Il existe douze voies d'accès à Jérusalem, mais les Palestiniens ne peuvent en emprunter que quatre.

Avec le projet E1, Israël a prévu de construire 3.500 appartements et des équipements collectifs sur les dernières parcelles de terre vacantes autour de Jérusalem. Bien que l'administration américaine ait obtenu l'engagement d'Israël de suspendre ce projet, deux postes de police et une route à quatre voies ont été construits et la viabilisation des terrains est le prélude à la mise en place d'une zone résidentielle.

Mme Rashed a ajouté que 200.000 Palestiniens, non-citoyens israliens, résidaient actuellement à Jérusalem. 222 ont vu leur droit de résidence révoqué en 2005 et 1.363 en 2006. Quant aux démolitions de maisons, elles s'élevaient à 131 sur la période 1999-2002 et ont été portées à 412 entre 2003 et 2006.

Elle a estimé, en conclusion, que les améliorations concrètes de la situation sur le terrain devraient se manifester par le gel des colonies, la réouverture des institutions palestiniennes à Jérusalem et la suppression des entraves à la liberté de mouvement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

Après l'avoir remercié pour son exposé, M. Jean François-Poncet, président, a souhaité connaître le sentiment de M. Maen Erekat sur la volonté du gouvernement israélien à s'engager véritablement dans un processus de négociations et sur l'intention de l'OLP d'associer ou non le Hamas à ces négociations.

Debut de section - Permalien
Maen Erekat, Directeur général de l'Unité de soutien aux négociations de l'Organisation pour la libération de la Palestine (OLP)

En réponse, M. Maen Erekat a estimé que la communauté internationale avait une responsabilité particulière et qu'elle devra exercer une pression sur les deux parties pour que celles-ci s'engagent réellement dans un processus de paix. A cet égard, les décisions récentes prises pour la construction de nouvelles unités de logement dans la colonie de Har Homa sont une violation manifeste de la déclaration d'Annapolis.

Considérant que la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas, en juin dernier, était assimilable à un véritable coup d'Etat à l'encontre de l'autorité palestinienne, seule autorité légitime, il a estimé qu'un dialogue avec ce mouvement ne serait possible qu'à la condition que celui-ci revienne sur ses positions.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Bergé-Lavigne

s'est interrogée sur la portée de la réunion d'Annapolis, ainsi que sur l'efficacité des pressions exercées par la communauté internationale sur Israël, si elles ne s'accompagnent pas de sanctions réelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a fait part de son pessimisme au sujet de la situation des Palestiniens, qui se dégrade de jour en jour, et sur le processus de négociations, en évoquant les récents tirs de roquettes sur Israël à partir de la bande de Gaza et la riposte israélienne à ces tirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

a souhaité savoir si les évolutions démographiques pouvaient avoir un effet sur le processus de paix.

En réponse à ces interrogations, M. Maen Erekat a apporté les précisions suivantes :

- la situation des Palestiniens s'est effectivement détériorée ces dernières années, notamment en raison de l'indifférence de la communauté internationale. C'est la raison pour laquelle son implication, et en particulier celle de l'Union européenne, est importante ;

- même si l'on ne peut véritablement parler de « sanctions », mais plutôt de « bons offices », il est nécessaire d'exercer une pression sur les deux parties afin qu'elles remplissent leurs obligations. Il a à cet égard regretté que les Etats-Unis, pourtant à l'origine de la proposition, aient renoncé à présenter une résolution au Conseil de sécurité qui aurait eu pour objet de conforter, dans le cadre de l'ONU, le processus avalisé à Annapolis ;

- depuis la réunion d'Annapolis, il y a deux semaines, 31 Palestiniens ont été tués par les forces de sécurité israélienne dont 28 à Gaza et 3 en Cisjordanie, dont un policier palestinien. L'OLP n'approuve pas les tirs de roquettes lancés à partir de Gaza sur Israël, car cela participe à l'escalade de la violence. Il n'en demeure pas moins qu'Israël devrait faire preuve de retenue dans sa riposte, tant à Gaza qu'en Cisjordanie. Les niveaux de violence entre les deux parties ne sont pas comparables.

- enfin, la population des territoires palestiniens est de l'ordre de 3,3 millions de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Par ailleurs, sur une population totale de 7 millions d'habitants, Israël compte 1,2 million de citoyens arabes. Selon certaines projections, à l'horizon 2015-2020, il devrait y avoir une égalité entre Juifs et Arabes sur l'ensemble du territoire de la Palestine mandataire. Compte tenu de la portée de ce changement, le gouvernement israélien serait avisé de saisir l'occasion de conclure un accord historique qui constitue la seule garantie d'une paix et d'une sécurité durables pour les générations futures.

La commission a désigné M. Robert del Picchia rapporteur sur le projet de loi n° 115 (2007-2008) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière.