La commission a procédé à l'examen du rapport et du texte proposé par la commission sur la proposition de loi n° 228 rectifié (2008-2009) relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers.
a, tout d'abord, donné la parole à M. Christian Cambon, auteur de la proposition de loi.
a indiqué que celle-ci tend à mettre en oeuvre le droit à l'eau et ainsi, permettre l'accès à l'eau potable des personnes démunies.
Soulignant que les élus constatent depuis plusieurs années que l'eau est devenue chère pour nombre de concitoyens, il a précisé que ce poste de dépenses représente en moyenne entre 300 et 500 euros par an et par famille. Or, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) recommandent que la facture d'eau ne représente pas plus de 3 % du budget. S'appuyant sur son expérience de vice-président d'un syndicat de gestion de l'eau, il a indiqué avoir proposé un dispositif rendant opérationnel l'article 1er de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA). Concrètement, le dispositif s'inscrit dans une démarche « curative » en autorisant les services d'eau à abonder un fonds finançant la distribution d'aides au paiement des factures d'eau des familles les plus démunies. Ce dispositif reste une simple faculté afin que les collectivités concernées s'adaptent aux situations locales au moyen de conventions.
a tout d'abord indiqué que la proposition de loi examinée, déposée le 18 février 2009, comporte un article unique permettant aux « communes de mener la politique sociale de leur choix dans le domaine de l'eau » en les autorisant à financer un fonds de solidarité pour l'eau géré par les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale afin de prendre en charge tout ou partie des factures d'eau et d'assainissement des personnes en difficulté.
Ensuite, il a rappelé que l'article 1er de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) consacre un « droit d'accès à l'eau potable pour chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiquement acceptables par tous ». Or, force est de constater que l'eau devient chère pour un grand nombre de concitoyens.
Les ménages consacrent davantage de leurs revenus à l'eau, son prix ayant augmenté, notamment en raison des normes environnementales, nationales et européennes de plus en plus exigeantes en matière de qualité. Dès lors, les conditions d'accès à l'eau ne sont pas « économiquement acceptables » pour une minorité d'usagers, notamment lorsque ceux-ci doivent dépenser plus de 3 % de leurs revenus pour ce poste, limite recommandée par l'OCDE et le PNUD.
a néanmoins tenu à relativiser ces données puisque :
- l'eau n'est pas un des premiers postes de dépenses des ménages, la facture d'eau ne représentant en moyenne que 0,8 % de leur budget, même si cette affirmation doit tenir compte du fait que, selon les ménages, la fraction de revenus consacrée aux dépenses d'eau varie considérablement ;
- la question des impayés d'eau représente un poids financier relativement faible, soit moins de 0,7 % au 31 décembre 2006 ;
- l'eau fournie aux ménages présente un prix au mètre cube raisonnable, d'environ 3 euros en moyenne et avec un taux de croissance majoritairement expliqué par l'inflation et le renforcement des normes environnementales ;
- le service public de l'eau est parmi ceux qui donnent le plus de satisfaction aux consommateurs, notamment en matière de qualité, les taux de réclamation enregistrés étant inférieurs à 1 %.
Un large consensus politique existe sur la nécessité d'aider les personnes les plus démunies à s'approvisionner en eau. En effet, le constat est largement partagé selon lequel les dispositifs d'aide actuellement mis en oeuvre au niveau local trouvent des limites et nécessitent d'être perfectionnés.
Aujourd'hui, l'aide aux foyers les plus modestes en matière de solidarité dans le domaine de l'eau repose sur un dispositif « curatif » qui permet de faciliter l'aide au paiement des factures des personnes en situation d'impayés, en application de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et de la famille et la proposition de loi examinée relève de ce dispositif.
à ce sujet, a fait remarquer qu'une autre proposition de loi, fondée sur les travaux de l'Observatoire des usagers de l'assainissement d'Île-de-France (l'Obusass), et déposée par Mme Evelyne Didier, les élus communistes, républicains, citoyens et les sénateurs du parti de gauche, se propose d'établir un dispositif « préventif » facilitant l'accès des plus démunis au service public de l'eau par le versement d'une allocation aux personnes dont les charges d'eau représentent plus de 3 % de leur revenu. Plusieurs amendements déposés par Mme Evelyne Didier tendent à introduire ce dispositif dans la proposition de loi examinée par la commission.
Dans les secteurs de l'électricité, du gaz ou du téléphone, coexistent aujourd'hui des aides « préventives », permettant l'accès au service à un prix abordable pour les personnes à faibles revenus et des aides « curatives », permettant la prise en charge des impayés et le maintien de l'accès au service pour les personnes en grandes difficultés financières.
Toutefois, on peut souligner qu'un travail associant le Comité national de l'eau et le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer est actuellement en cours sur cette question, et il convient d'attendre les résultats de cette concertation avant d'engager toute modification législative.
L'examen du cadre juridique actuel fait également ressortir que les sommes allouées au volet « Eau » des Fonds de solidarité logement (FSL) ne permettent pas de répondre aux objectifs définis pour aider les personnes qui connaissent des difficultés financières.
Ainsi en est-il d'abord des publics visés puisque le volet « eau » du FSL ne participe pas au paiement des factures d'eau pour les personnes en immeubles collectifs d'habitation, au motif qu'elles ne reçoivent pas de facture de la part d'un distributeur d'eau, car elles ne sont pas personnellement abonnées.
C'est pourquoi il sera proposé de compléter le texte en permettant aux services d'eau d'appuyer l'action du FSL en définissant par convention un mode de calcul de la contribution aux charges d'eau dans les immeubles collectifs d'habitation.
Plus largement, et sans exclure l'intervention des échelons communal et intercommunal, le mécanisme proposé ne doit pas remettre en cause le dispositif existant qui relève de la pleine et entière responsabilité du département.
Ainsi, l'objectif de la présente proposition de loi est de sécuriser juridiquement l'attribution par les services d'eau et d'assainissement de subventions par l'intermédiaire des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale.
Mais ce dispositif, tel qu'il est envisagé, ne pourra pas être mis en place partout. En effet, si le mécanisme fonctionne bien en Île-de-France, ce n'est pas le cas pour les petites communes qui ne disposent pas de CCAS et ne sont pas équipées de services adaptés pour gérer ce dispositif. De surcroît, le niveau communal n'est alors pas le plus pertinent puisqu'il ne permet pas d'opérer une péréquation suffisante.
Ensuite, le taux de 1 % des recettes provenant du service de l'eau et de l'assainissement proposé pour encadrer le volume des subventions autorisé apparaît élevé par rapport aux abandons de créance pour les seuls abonnés directs en situation d'impayés que l'on peut estimer entre 0,1 et 0,2 % des recettes, le taux de 1 % correspondant en fait à l'ensemble des abandons de créance. Un plafond de 0,5 % est donc plus pertinent et lève toute ambiguïté sur le domaine couvert, une telle diminution étant d'autant plus fondée, que le dispositif « préventif » d'aide au paiement des factures devrait, s'il est mis en oeuvre, réduire le nombre de personnes en situation d'impayés.
Plus généralement, on peut craindre que le dispositif, tel qu'il est envisagé dans la proposition de loi, aboutisse à créer un nouveau circuit de financement, allant du service d'eau au CCAS, sans relation avec le dispositif du FSL, alors même que l'aide aux personnes en situation d'impayés relève des attributions de ce dernier.
Il apparaît au contraire nécessaire de mettre en place :
- des dispositifs lisibles s'appuyant sur les structures existantes afin de maîtriser les coûts de gestion en privilégiant la logique du « guichet unique » pour les plus démunis qui ne peuvent plus payer leurs factures d'eau ;
- une solidarité entre les communes qui ne sont pas toutes dans les mêmes situations en termes de pauvreté, une péréquation à l'échelle du département étant alors plus pertinente.
a ensuite expliqué que l'application du dispositif aux régies dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière ainsi qu'aux délégataires doit être prévue, alors que la présente proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, laisse subsister un vide juridique.
Les opérateurs, sur une base volontaire, pourront participer au financement des aides, ce qui devrait alléger les coûts de gestion, en supprimant les frais liés aux procédures d'abandon de créance, tant pour les délégataires que pour les régies.
La proposition de loi entend ensuite « replacer le maire au coeur du dispositif d'aide », et cette reconnaissance est indispensable compte tenu de la connaissance par ce dernier du terrain et des familles démunies.
C'est pourquoi, il sera proposé que le gestionnaire du FSL sollicite l'avis du maire avant de procéder à l'attribution des aides et l'informe de toute demande reçue, le maire pouvant toujours saisir le gestionnaire du fonds pour l'instruction d'une demande d'aide spécifique. Cet avis devra être rendu dans le délai d'un mois, afin d'éviter tout retard dans la procédure d'attribution.
En définitive, le rapporteur a souligné que le dispositif qu'il propose d'adopter constitue un compromis qui préserve les compétences actuelles des différents niveaux de collectivités, tout en assurant un rôle accru au maire dans l'attribution des aides, toujours dans l'intérêt des concitoyens les plus démunis.
a confirmé que la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du droit à l'eau, déposée par le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, s'appuyait effectivement sur les travaux de l'Obusass, qui n'a pas ménagé ses efforts pour alerter les groupes politiques sur la nécessité de créer un dispositif préventif en matière d'accès à l'eau pour les plus défavorisés. La démarche « curative » objet de la proposition de loi examinée aujourd'hui est tout à fait louable mais le principe du droit à l'eau ne s'y trouve pas consacré. En outre, le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche n'a aucune garantie sur les suites qui seront données à sa proposition de loi par le Gouvernement.
a rappelé que le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche dispose d'un droit de tirage en matière d'inscription de textes législatifs à l'ordre du jour et a invité ses collègues à user de cette possibilité lors de la conférence des Présidents.
a fait observer que le Gouvernement s'est montré particulièrement sensible à la question de l'instauration d'un dispositif « préventif ».
a souligné que la proposition de loi incluant les modifications proposées par le rapporteur allait dans le bon sens compte tenu du nombre inacceptable de personnes qui n'accèdent pas à l'eau aujourd'hui. Il a toutefois estimé que cette proposition est de portée limitée puisqu'elle s'appuie sur le volontariat des services d'eau et que, sur le terrain, les communes qui ont déjà la faculté de participer au FSL, ne le font pas systématiquement.
a expliqué qu'en raison de la grande complexité des systèmes de gestion d'eau au niveau local -plus de 20 000 services d'eau actuellement recensés en France-, il convient de procéder de façon pragmatique, particulièrement pour les petites communes, en prévoyant dans un premier temps un dispositif volontaire.
a reconnu que le texte proposé constitue un progrès mais qu'il manque de volontarisme eu égard à l'augmentation considérable des créances impayées en matière d'eau, à laquelle les collectivités doivent faire face. Il convient effectivement d'inscrire le dispositif proposé dans le cadre des FSL, que les distributeurs d'eau ne peuvent pas abonder à l'heure actuelle pour le volet « Eau ». Toutefois, il faut établir un diagnostic précis sur le fonctionnement de ces fonds afin de renforcer leur efficacité, notamment du point de vue de leur répartition territoriale. La majeure partie de l'action sociale dans le domaine de l'eau en faveur des plus démunis ne repose pas sur les FSL mais sur les procédures d'abandon de créance des collectivités et il est donc indispensable de contraindre les distributeurs à participer financièrement à ces fonds. La proposition de loi ne fait pas référence à la tarification sociale progressive, possibilité certes ouverte pour les collectivités, mais pratiquée de façon inégale. En définitive, les administrés sont confrontés à la hausse des tarifs de l'eau par les distributeurs et le véritable problème réside dans la précarité de ménages de plus en plus nombreux qui ne peuvent plus faire face à l'augmentation des charges générales de leur logement.
a concédé que cette proposition de loi était certes un premier pas, mais que cette avancée mérite d'être saluée. Il a précisé que 80 % des départements disposent d'un FSL, ceux-ci fonctionnant relativement bien. S'agissant de la tarification progressive du prix de l'eau, il a rappelé que les modulations à visée sociale sont d'ores et déjà prévues par l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales introduit par la LEMA.
a fait valoir que cette proposition de loi constitue une avancée notable en matière de solidarité et que le Sénat s'honorerait, toutes tendances politiques confondues, en soutenant ce texte à visée sociale. Cette proposition aura l'avantage de sécuriser les élus locaux qui pourront agir à travers les services d'eau pour contribuer aux FSL. Le dispositif prévoit une convention entre les services d'eau et le FSL pour régler les modalités d'attribution des aides. Si, au départ, il avait souhaité que le dispositif soit géré par les centres communaux d'action sociale, il a finalement accepté d'inscrire le mécanisme d'aide dans le cadre existant au niveau départemental, avec l'assurance que le maire reste au coeur du dispositif. Ce dernier doit rester volontaire, afin de s'adapter aux situations locales et de créer un effet d'entraînement auprès des collectivités.
La commission a ensuite examiné, en discussion commune, l'ensemble des amendements déposés sur ce texte.
Elle a d'abord procédé à l'examen de l'amendement de M. Michel Houel, rapporteur, présenté au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et tendant à la réécriture du dispositif proposé afin qu'il s'insère dans le cadre juridique existant, notamment au niveau départemental. Cet amendement donne tout d'abord la possibilité aux services d'eau, qu'ils soient confiés ou non à un opérateur externe, public ou privé, d'attribuer une subvention au FSL pour contribuer au paiement des charges d'eau des personnes en difficultés financières ayant des factures d'eau impayées. Il prévoit ensuite que le dispositif d'aide aux impayés de facture d'eau et au paiement des charges d'eau soit opérationnel tant pour les personnes résidant en immeuble individuel que pour les personnes résidant en immeubles collectifs d'habitation. Il oblige, enfin, le gestionnaire des aides à informer le maire et à solliciter son avis avant de procéder à l'attribution des aides, le maire pouvant toujours saisir le gestionnaire du fonds pour instruction d'une demande spécifique. L'avis du maire doit être rendu dans le délai d'un mois afin d'éviter tout retard dans la procédure d'attribution.
Puis la commission a examiné successivement :
un amendement de Mme Evelyne Didier et les membres du groupe CRC-SPG visant à instaurer une allocation de solidarité pour l'accès à l'eau financée prioritairement par les entreprises délégataires du service public de l'eau ;
un amendement de MM. Michel Doublet et Daniel Laurent tendant à préciser que le dispositif nouvellement créé ne remet pas en causes les autres aides légales actuellement en vigueur dans le domaine de l'eau ;
un amendement de MM. Michel Doublet et Daniel Laurent visant à permettre aux collectivités qui le souhaitent d'organiser une solidarité élargie entre des services d'eau appartenant à des communes en bonne santé économique et des services d'eau desservant des communes moins favorisées ;
un amendement de MM. Michel Doublet et Daniel Laurent tendant à élargir l'application du dispositif de contribution aux cas où le service de distribution d'eau potable et d'assainissement est confié à un opérateur externe par rapport à la collectivité, que cet opérateur soit public ou privé ;
un amendement de MM. Michel Doublet et Daniel Laurent proposant de confier aux élus locaux le soin de fixer les modalités d'attribution et de répartition des aides en matière d'eau selon les différents canaux existants ;
un amendement de Mme Evelyne Didier et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, proposant que l'allocation de solidarité pour l'accès à l'eau soit versée directement par les caisses d'allocations familiales ;
un amendement de Mme Evelyne Didier et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche prévoyant que le Comité national de l'eau remet chaque année au Parlement un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre du droit à l'eau.
s'est interrogé sur les effets pervers du dispositif proposé qui inciterait les ménages dont les ressources sont suffisantes pour s'acquitter de leurs factures d'eau à recourir à la solidarité.
a fait valoir que sa proposition de loi encourage une plus grande responsabilisation des acteurs dans la gestion des aides puisque le maire, dont la connaissance des situations exactes des familles est fine, pourra émettre un avis sur leur attribution.
a fait observer qu'aujourd'hui, paradoxalement, on constate plus de situations d'impayés dans le mode de gestion en régie que dans le cadre des délégations de service public. Le délégataire peut intervenir directement auprès de l'abonné alors que les régies doivent passer par le percepteur qui ne dispose pas toujours des moyens humains et techniques suffisants pour faire preuve de réactivité.
a indiqué que, dans son département, les dossiers de factures impayées sont examinés d'abord au niveau des syndicats locaux puis du syndicat départemental qui tranche, les maires pouvant donc être facilement informés des dossiers de créances impayées.
a fait observer que, dans certaines situations, l'instauration de pénalités pour fermeture et réouverture de compteurs d'eau incitait fortement les usagers à s'acquitter de leurs factures impayées.
A l'issue de ces débats, la commission a adopté l'amendement du rapporteur et après avoir rejeté l'ensemble des autres amendements, elle a adopté, à l'unanimité, la proposition de loi ainsi modifiée.